Approche agronomique

Site scientifique à but non lucratif créé par Riad BALAGHI et Mohammed JLIBENE

Introduction

L’approche agronomique consiste à utiliser des techniques agronomiques pour maximiser la production d’une culture dans des conditions de sécheresse. Elle consiste à collecter le plus d’eau au niveau de la parcelle, à la conserver le plus longtemps possible au niveau du sol et à la faire profiter exclusivement à la plante cultivée.

Les eaux de pluie ou d’irrigation sont reçues à la surface du sol, s’infiltrent à une vitesse plus ou moins rapide selon la nature du sol, se conservent pour une période mais retournent en partie ou en totalité à l’atmosphère par évapotranspiration.

Les cultures puisent leurs besoins en eau des réserves stockées au niveau des horizons du sol qui peuvent atteindre jusqu’à 200 mm, selon la profondeur et la texture. Au fur et à mesure de l’épuisement de l’eau dans les horizons superficiels, la plante émet des racines (organe d’absorption de l’eau) pour puiser de l’eau de plus en plus loin en profondeur. Les racines sont de plusieurs types selon l’espèce, pouvant exploiter différents horizons du sol, superficiels, intermédiaires, ou profonds.

La collecte de l’eau peut être réalisée au niveau de l’exploitation en confectionnant des réservoirs dans des sites où l’eau de pluie durant la saison pluvieuse est stockée, pour une utilisation ultérieure quand la pluie n’est pas suffisante. Cette technique est appelée ‘Récolte d’eau ou Water Harvest’. Au niveau de la parcelle, il s’agit de réduire le ruissellement en forçant l’eau de pluie à rester sur la parcelle plus longtemps en faveur de l’infiltration.

L’infiltration peut être améliorée par la création de barrières au ruissellement comme des cuvettes, des fentes, ou des couverts végétaux. L’amélioration de la matière organique du sol améliore aussi l’infiltration.

La conservation de l’eau au niveau du sol est réalisée par une réduction de l’évaporation et une amélioration de la capacité de rétention du sol. La première peut être réalisée en couvrant le sol soit par un couvert végétal ou tout simplement par une couche fine du sol, et la deuxième par l’augmentation de la matière organique du sol en particulier.

Pour faire profiter l’eau conservée au niveau du sol à la plante, il y a lieu de se débarrasser de tous les concurrents vis-à-vis de l’eau, comme les plantes adventices, et les parasites vivant directement de la plante.

Il y a aussi lieu de bien choisir les associations de cultures, de bien placer le cycle de la plante en relation avec le cycle de la pluviométrie, d’optimiser la fertilisation en relation avec les disponibilités en eau.

Une bonne gestion de l’eau en agriculture pluviale, revient à améliorer le stock d’eau dans le sol (par collecte et infiltration), à favoriser la transpiration par la culture au dépend de l’évaporation, et améliorer les conditions de croissance et de développement de la plante cultivée.

Système de production

Les systèmes de production dans l’agriculture marocaine renferment plus d’une activité. Un chef d’exploitation peut exercer plusieurs activités : location de son terrain à un tiers ou pour lui, exercer un travail hors exploitation, cultiver des plantes, élever des animaux, prêter service aux tiers. Il est rare de trouver des systèmes spécialisés. Optimiser un système de production en relation avec l’environnement, l’état d’avancement de la technologie, les capacités d’investissement, est en mesure de réduire la consommation en eau, ou produire plus pour la même quantité d’eau utilisée.

Système de culture

Parmi les systèmes de culture dominants, on distingue des systèmes à base de céréales, ou à base de plantes maraîchères, ou à base d’arbres fruitiers. A l’intérieur de chaque système, il y a une marge importante d’économie de l’eau, et d’utilisation plus efficiente.

Les cultures en étage sont souvent pratiquées dans les oasis où l’eau est appréciée à sa juste valeur. L’eau est apportée par irrigation puisqu’on ne peut pas compter sur la pluie dans un climat désertique. On trouve souvent trois étages de culture, les palmiers, les arbustes fruitières, et les plantes annuelles (blé ou luzerne). A l’intérieur du pays, des cultures annuelles sont pratiquées entre les arbres, appelées cultures intercalaires. Dans cette association, les horizons profonds du sol sont exploités par l’arbre et les horizons superficiels par ces cultures annuelles.

Récolte de l’eau

Il est rare de trouver au Maroc des étangs artificiels dans une exploitation agricole, même dans les endroits où le relief permet de telles installations. L’eau est récoltée durant les mois pluvieux et conservée dans ces étangs pour être utilisées durant les périodes de sécheresse. Ils peuvent aussi servir comme abreuvoir pour les animaux.

Au niveau de la parcelle, il y a possibilité de confectionner des barrières au ruissellement, et forcer l’eau à s’infiltrer dans le sol. Cette opération est très utile en conditions de rareté de pluie, comme c’est le cas de la majorité des terres marocaines. Les pluies qui sont sous forme d’orages n’ont pas le temps de s’infiltrer et ruissellent emportant la couche fine du sol avec elles.

Techniques culturales

Semis précoce pour les cultures annuelles

L’intérêt du semis précoce en cultures pluviales est de bénéficier de plus de pluies. Cependant, il y a une limite à l’avancement de la date de semis, imposée par la température. Un semis trop précoce, risque de coïncider avec des températures élevées qui vont forcer la plante à précipiter sa maturité, la privant d’autres pluies prochaines. Les dates de semis pour les céréales ne doivent pas être plus précoces que novembre. En octobre ou en septembre les températures sont encore élevées. En novembre, la plante pourra germer, entre en vie ralentie en décembre et janvier à cause des faibles températures, mais continue à développer les racines et les tiges. Dès février, les températures augmentent, accélérant la croissance et l’achèvement des organes de reproduction. A cette période, la plante a déjà produit les racines et les tiges pour soutenir sa croissance.

La date de semis des cultures de printemps comme le pois chiche ou le tournesol qui se situe en mars peut être avancée de trois à quatre mois. Le semis d’automne du pois chiche a permis de doubler et même tripler le rendement obtenu en culture de printemps.

Plantations des arbres fruitiers

Le volume d’eau reçu annuellement par une surface plantée en arbres fruitiers peut être utilisé efficacement en jouant sur la densité des arbres. Il y a une densité optimale selon l’arbre, le climat, ou la conduite.

Semences et plants

La semence et le plant certifiés garantissent l’authenticité génétique de la variété et donc tout le progrès scientifique qu’elle renferme, comme ils sont garants du bon état sanitaire du matériel végétal et de la pureté variétale. Ils sont produits selon une technologie avancée, mais il y a plusieurs qualités, et plus la qualité est supérieure, plus l’eau est mieux utilisée. Les impuretés et les parasites qui consomment de l’eau, sont maîtrisés au niveau de la semence et du plant certifié.

En arboriculture, il faut trois à cinq ans avant que l’agriculteur se rende compte s’il a bien planté la variété qu’il a commandée. Ce serait dans ce cas trois à cinq ans de temps et d’eau perdus en plus de l’investissement et peut être les frais d’arrachage. Pour les plantes annuelles, en achetant de la semence non certifiée, l’agriculteur risque de ne pas avoir la variété désirée, de contaminer son champ par les mauvaises herbes et par les maladies, d’avoir des impuretés, et d’introduire dans sa parcelle de nouveaux adventices et parasites.

Alimentation équilibrée en éléments minéraux

Les éléments essentiels incluent l’azote, le phosphore, le potassium, le soufre et le calcium. L’azote est le plus important puisqu’il est utilisé dans la croissance. Mais mal raisonné, il pourrait causer un effet contraire, puisqu’il est toxique à des doses élevées. Il y a lieu de le raisonner en fonction des disponibilités hydriques. Tous les autres éléments devront être apportés en équilibre avec l’azote. D’autres minéraux dits mineurs comme le cuivre, le fer, le manganèse, ou le magnésium, sont souvent disponibles dans le sol, mais en cas de carence, il est conseillé de les apporter en pulvérisation sur le feuillage. Récemment, des produits métabolites biologiques peuvent être apportés, améliorant l’activité biologique de la plante. Il parait que ces métabolites sont utiles en conditions de sécheresse.

La fertilisation minérale ou métabolique ne peut donc être raisonnée en absence de l’eau. L’eau détermine l’azote, qui détermine le phosphore et le potassium ainsi que les autres éléments. Ceci est valable pour toutes les cultures. Ce qui diffère entre les espèces c’est cet équilibre entre élément, puisque certaines espèces accumulent un élément plus que d’autre. Les plantes à tubercule par exemple accumulent plus de potasse que celles destinées à produire du grain. Il est donc conseillé de bien se renseigner sur cet équilibre.

Les éléments peuvent être apportés dans le sol, dans l’eau d’irrigation ou sur le feuillage. Bien entendu, les apports foliaires sont plus efficaces mais moins pratiques. Apportés dans l’eau ou dans le sol, les éléments ne sont pas utilisés en totalité, mais à un taux variable selon le produit brut, la nature du sol, entre autres.

Irrigation d’appoint

Sous des conditions sévères de sécheresse au début de la campagne, la culture risque de périr, et de ne pas pouvoir bénéficier des pluies survenant après sa mort. Ce qui constituerait une perte d’eau pour la plante. Dans ce cas, un apport artificiel limité d’eau par irrigation ou arrosage permettrait à la plante de survivre et profiter des chutes ultérieures de pluie. Des expériences sur les céréales en aridoculture ont montré qu’un apport extérieur d’eau en période de sécheresse d’une soixantaine de mm au moment du tallage, permettrait de doubler et même tripler les rendements en grain.

Maîtrise des plantes adventices

Les plantes adventices sont natives de la région et donc très compétitives par rapport à la plante cultivée qui est souvent introduite et qui nécessite une protection. Vue leur vigueur, elles consomment beaucoup d’eau et peuvent faire chuter la production de la culture de moitié et même plus. En les empêchant de pousser dans la culture, on aura plus de la moitié d’eau disponible pour la plante cultivée.

Plusieurs méthodes de contrôle sont disponibles, génétique (variété compétitive), mécanique (arrachage manuelle), culturale (sarclage, binage), et chimique. Cette dernière est la plus répandue en raison de son efficacité.

Semis direct

Le semis direct désigne une technique de semis des espèces annuelles sur les parcelles non retournées. Cette technique exige de laisser les chaumes sur le terrain après la récolte . Le fait de ne pas retourner le sol et de laisser les chaumes sur place, améliore le stock d’eau du sol et limite l’évaporation, et améliore le taux de matière organique à long terme. Cette technique a été adaptée à plusieurs espèces annuelles (céréalières, légumineuses, fourragères) qui représentent près des trois quarts de la superficie agricole du pays.

Si cette technique est généralisée à l’ensemble des superficies de ces cultures, c’est un gain de plus de 2 milliards de mètres cubes d’eau évaporée qui peut être convertie en eau transpirée par les cultures. Si elle est utilisée sur une longue période, l’infiltration sera améliorée par la présence des chaumes augmentant le stock d’eau.

Un agriculteur inspectant son champ de blé planté sans retournement du sol, à l’aide du semoir ‘no-till’ de l’INRA, Meknès 2006.

Santé de la plante

Les parasites sont de plusieurs types : plantes, insectes, nématodes, champignons, bactéries, ou virus, causant tous des maladies à la plante cultivée. L’orobanche, la cuscute, sont des exemples de plantes parasites. Pour chaque culture, il y a plusieurs insectes parasites, plusieurs champignons et virus. Ils sont souvent facilement reconnus par les symptômes manifestés par la plante.

D’autres maladies sont d’ordre physiologique, causées par des excès ou des carences en éléments minéraux, reconnus d’après les symptômes.

Les parasites dépendent de la plante pour leur nourriture, une partie de l’eau absorbée par la plante est déviée pour les besoins de ces parasites. De plus, une plante malade transpire plus que normalement.

Il n’y a que l’élite des producteurs qui tentent de protéger leurs cultures contre ces parasites. La grande majorité des parcelles soufrent des attaques de parasites. Leur protection permettrait d’économiser de l’eau pour plus de production.