Urbanisme et voies antiques à Vienne en Narbonnaise, conférence de Franck Dory du 20 octobre 2016
Date de publication : 3 mars 2017 08:34:54
Urbanisme et voies antiques à Vienne en Narbonnaise
Compte-rendu de la conférence de Franck Dory du 20 octobre 2016
donnée à Saint-Genis des Fontaines Pyrénées-Orientales
Vienne, à 30 km au sud de Lyon, est avant tout un site prédestiné. La rencontre d'un fleuve -le Rhône-, d'un hémicycle de collines
taillées dans les roches cristallines du Massif Central et de terrasses fluviales soustraites aux crues constituait un lieu idéal d'implantation
humaine dès le Néolithique.
Vienne est aussi une croisée de routes gauloises évitant le site de Lyon alors impraticable. Provenant du Nord-Ouest de l'Europe à destination des
Alpes et du Bassin méditerranéen, la Route de l'Etain a elle-même précédé les voies romaines aménagées aux abords de notre ère
depuis Lugdunum, capitale des Gaules, sans toutefois remettre en cause l'intérêt du carrefour viennois.
Ces voies vers l'Océan, les Préalpes et le sud de la Narbonnaise nous sont connues par les itinéraires routiers antiques, les bornes milliaires,
la toponymie, les anciens documents cadastraux et d'archives voire l'évidence archéologique.
La voie Vienne-Aoste-Milan conserve encore dans la toponymie locale son jalonnement milliaire antique à travers le nom des villages de Septème
(7 ème mille), Oytier (8 ème mille) et Diémoz (12 ème mille) ce qui est remarquable. Au nord de Vienne, les travaux de Gabriel Chapotat ont révélé
jusqu'à Lyon le tracé du compendium (raccourci) de Claude en évitant les zones humides de l'actuelle RN7 entre ces deux villes.
Quant à mes propres recherches universitaires, elles ont précisé le tracé de la via Agrippa au sud de Vienne, route rectiligne, à l'écart des grands
domaines ruraux (villae de Licinius à Clonas et de Repentinus à Reventin) et jalonnée de milliaires dont celui du Pont de Bancel au 23 ème mille qui
incite, en revanche, à assimiler le tracé de cette voie d'Empire à celui de la RN7.
Vienne est surtout une colonie romaine de première importance, chef-lieu des Allobroges alliés à César, dotée d'une parure monumentale à
l'image de Rome. On y trouve d'ailleurs un Forum aménagé autour du temple d'Auguste et Livie, pseudopériptère, antérieur à la Maison Carrée de
Nîmes du même style. Puis des monuments de spectacles : le théâtre, plus grand de Gaule après celui d'Autun, aux gradins desservis par deux galeries
souterraines ajourées de vomitoires. L' Odéon, mal conservé, réservé aux conférences et concerts, unique en Gaule avec ceux de Lyon et Valence.
Le stade, récemment repéré, abritant des jeux grecs interdits par Trajan est unique en Gaule. Par ailleurs, rive droite du Rhône, une esplanade
monumentale devait servir aux entraînements représentés sur la mosaïque viennoise des « Athlètes vainqueurs ».
Vienne abritait aussi un cirque, seul exemple avec Arles, orné d'une « pyramide » surmontant le mur longitudinal séparant la piste.
Outre un sanctuaire monumental à Pipet (dédié à la triade capitoline?) et des remparts longs de 6,2 km, on peut envisager l'existence d'un
amphithéâtre non encore retrouvé.
Vienne c'est également un ensemble résidentiel de 30 000 habitants incluant 11 aqueducs déversant 100 000 m3 d'eau par jour ;
250 mosaïques répertoriées, d'immenses maisons (domus) allant jusqu'à 3000 m2 fouillées notamment sur la rive droite à Saint-Romain-en-Gal
agrémentées de thermes et de péristyles ouvrant sur des jardins ornés de bassins en « U ». (site archéologique de 3ha découvert en 1967 et
musée construit en 1996)
Vienne c'est enfin un complexe artisanal et commercial majeur dans le monde romain occidental avec d'immenses entrepôts destinés à l'annone
(ravitaillement de Rome), des ateliers de foulons et de tissage, de plomberie et de tabletterie, de céramiques et de mosaïstes répartis sur les deux rives
du Rhône (Vienne en rive gauche, Saint-Romain-en-Gal et Sainte-Colombe en rive droite)
Si la mosaïque du calendrier rustique de Saint-Romain-en-Gal (visible au MAN de Saint-Germain en Laye) évoque les activités agricoles de ces contrées,
on sait que les vins de Vienne étaient fort prisés des meilleures tables de Rome d'après le poète Martial.
Certes l'apogée de Vienne se situe aux trois premiers siècles de notre ère, avant le déclin inéluctable des invasions « barbares »,
l'enceinte est réduite à 1,9 km, mais son rayonnement perdurera néanmoins au Moyen-Age à travers ses nombreux monastères
(voir le cloître de Saint-André-le-Bas) et d'autres églises dont celles de Saint-Ferréol et de Saint-Pierre -musée lapidaire-) mais surtout à travers la
Primatie des Gaules (cathédrale Saint-Maurice) témoignant des premières implantations, en ces lieux, du christianisme occidental.
FRANCK DORY
ASVAC / AAPO