Yassine Yakouti : Quand les nouvelles technologies défient le droit pénal

La vie privée est un droit fondamental reconnu par la Convention européenne des droits de l'homme et le Code civil français. Pourtant, ce droit est de plus en plus menacé par les avancées des nouvelles technologies, qui permettent de collecter, de traiter et de diffuser des données personnelles à grande échelle. Comment le droit pénal français peut-il protéger la vie privée face à ces nouveaux défis ? C'est la question à laquelle répond Yassine Yakouti, avocat pénaliste.


L'atteinte à la vie privée est un délit prévu par l'article 226-1 du Code pénal, qui sanctionne le fait de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui par un moyen quelconque. Ce délit est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Il peut être commis par des particuliers, mais aussi par des professionnels ou des organismes publics ou privés qui utilisent les nouvelles technologies pour collecter ou diffuser des informations relatives à la vie privée d'une personne sans son consentement. Yassine Yakouti nous explique les enjeux et les limites du droit pénal français face à ces pratiques.

Les nouvelles technologies comme outils d'atteinte à la vie privée

Les nouvelles technologies offrent de nombreuses possibilités pour porter atteinte à la vie privée d'autrui. Parmi ces technologies, on peut citer :


-       L'intelligence artificielle (IA), qui peut être utilisée pour analyser et profiler des données personnelles, notamment biométriques, sans respecter les principes de transparence, de finalité et de proportionnalité. L'IA peut aussi avoir des effets négatifs sur les droits humains, comme la discrimination ou la manipulation. C'est pourquoi l'ONU a appelé à un moratoire sur certains systèmes d'IA, comme la reconnaissance faciale, qui présentent un risque grave d'atteinte à la vie privée.

-       Les réseaux sociaux, qui permettent de partager des informations personnelles avec un large public, mais aussi de les divulguer sans le consentement ou la connaissance des personnes concernées. Les réseaux sociaux peuvent aussi être utilisés pour harceler, diffamer ou injurier des personnes en portant atteinte à leur honneur ou à leur considération.

-       Les caméras de surveillance, qui peuvent capter et enregistrer des images ou des sons relatifs à la vie privée d'une personne dans un lieu public ou privé. Ces caméras peuvent être installées par des particuliers, des professionnels ou des autorités publiques, mais doivent respecter certaines conditions légales, comme l'information préalable des personnes filmées ou l'autorisation préfectorale.

Yassine Yakouti : Les moyens de protection de la vie privée en droit pénal français

 

Face à ces atteintes potentielles à la vie privée, le droit pénal français dispose de plusieurs moyens de protection. Selon Yassine Yakouti, ces moyens sont :


-       La loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels, qui a renforcé les obligations des responsables de traitement et les droits des personnes concernées par les données personnelles. Cette loi a aussi augmenté les sanctions pénales en cas de violation des règles relatives à la protection des données.

-       Le droit à l'oubli numérique, qui permet à une personne de demander l'effacement ou le déréférencement de données personnelles la concernant sur Internet lorsque ces données sont inexactes, périmées ou portent atteinte à sa dignité ou à sa vie privée. Ce droit est reconnu par le Code civil et par le Règlement général sur la protection des données (RGPD).

-       Le droit à l'image, qui permet à une personne de s'opposer à la diffusion de son image sans son consentement, sauf si cette diffusion est justifiée par un intérêt légitime, comme l'information du public ou la liberté d'expression. Ce droit est reconnu par le Code civil et par la jurisprudence.

-       Le droit de réponse, qui permet à une personne de demander la rectification ou la suppression d'une information portant atteinte à sa vie privée publiée dans un média. Ce droit est reconnu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les limites du droit pénal français face aux nouvelles technologies : les explications de Yassine Yakouti

Si le droit pénal français offre des garanties pour la protection de la vie privée, il présente aussi des limites face aux nouvelles technologies. Yassine Yakouti souligne notamment :


-       La difficulté de caractériser le délit d'atteinte à la vie privée, qui suppose de démontrer l'existence d'un élément matériel (le moyen utilisé pour porter atteinte à l'intimité de la vie privée), d'un élément moral (l'intention de nuire ou la violation d'une obligation légale) et d'un élément légal (l'absence de consentement ou de justification de l'auteur de l'atteinte).

-       La difficulté de prouver le délit d'atteinte à la vie privée, qui nécessite de recueillir des éléments de preuve souvent dissimulés ou effacés par les auteurs de l'atteinte. Il faut aussi faire face à la complexité technique des nouvelles technologies, qui requiert l'intervention d'experts ou de services spécialisés.

-   La difficulté de poursuivre le délit d'atteinte à la vie privée, qui implique de respecter les règles de compétence territoriale et internationale. En effet, les auteurs de l'atteinte peuvent se trouver dans un autre pays que celui où se situe la victime ou le lieu de l'infraction. Il faut alors recourir à la coopération judiciaire internationale, qui peut être longue et incertaine.