La légitime défense dans le droit pénal français : Entre protection et limites, selon Yassine Yakouti

Vous êtes victime ou auteur d'une agression ? Vous vous demandez si vous pouvez invoquer la légitime défense pour vous protéger ou vous disculper ? Quelles sont les conditions et les conséquences de la légitime défense en droit pénal français ? Dans cet article, Yassine Yakouti, avocat pénaliste, vous explique les principes et les nuances de cette notion juridique complexe et controversée.

Qu'est-ce que la légitime défense ?

La légitime défense est un acte normalement interdit par la loi commis pour faire cesser un délit ou un crime contre une personne ou un bien. Elle est prévue par l'article 122-5 du Code pénal français. La légitime défense permet d'éviter la condamnation pour la riposte normalement punie par la loi. Elle est une exception juridique qui interrompt l'action au pénal contre un prévenu qui aura fait cesser une agression contre lui-même ou autrui par des moyens en d'autres cas interdits.


Selon Yassine Yakouti, la légitime défense repose sur le principe de nécessité : il s'agit de se défendre face à une situation de danger réel et imminent qui ne laisse pas d'autre choix que de recourir à la violence. La légitime défense n'est pas une vengeance, ni un règlement de compte, ni une provocation. Elle doit être proportionnée à l'agression subie et ne pas entraîner des conséquences disproportionnées.

Les conditions de la légitime défense, d’après Yassine Yakouti

Pour que la légitime défense soit reconnue, il faut que cinq conditions soient réunies :


-       L'attaque doit être injustifiée, c'est-à-dire sans motif valable. Par exemple, on ne peut pas invoquer la légitime défense si on a provoqué l'agresseur ou si on a commis une infraction préalable.

-       La défense doit se faire pour soi ou pour une autre personne. On peut donc protéger sa propre vie, son intégrité physique ou morale, mais aussi celle d'un tiers qui est menacé ou agressé.

-       La défense doit être immédiate. Il faut que la riposte intervienne au moment de l'agression, sans délai ni interruption. On ne peut pas agir par anticipation ou par représailles après que l'agression a cessé.

-       La défense doit être nécessaire à sa protection, c'est-à-dire que la seule solution est la riposte. Il faut qu'il n'y ait pas d'autre moyen de se soustraire au danger, comme fuir, appeler à l'aide ou se réfugier dans un lieu sûr.

-       La défense doit être proportionnée à l'agression, c'est-à-dire égale à la gravité de l'atteinte. Il ne faut pas utiliser des moyens excessifs ou disproportionnés par rapport à la menace. Par exemple, on ne peut pas tirer sur quelqu'un qui nous insulte ou nous bouscule.


Yassine Yakouti précise que ces conditions sont cumulatives et appréciées souverainement par les juges du fond, c'est-à-dire les tribunaux correctionnels ou les cours d'assises. Il appartient à celui qui invoque la légitime défense d'en rapporter la preuve, sauf dans certains cas où elle est présumée.

Yassine Yakouti liste les cas de présomption de légitime défense ?

Le Code pénal prévoit deux cas dans lesquels la légitime défense est présumée, c'est-à-dire qu'elle n'a pas besoin d'être prouvée :


-       Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité. Il s'agit de protéger son domicile ou celui d'autrui contre une intrusion illégale et dangereuse. La nuit s'entend du coucher au lever du soleil.

-       Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Il s'agit de protéger ses biens ou ceux d'autrui contre une spoliation violente. La violence peut être physique ou morale, comme la menace ou l'intimidation.


Dans ces cas, Yassine Yakouti explique que la légitime défense est admise d'office, sauf si la partie adverse apporte la preuve contraire. Il s'agit d'une présomption simple et non irréfragable, c'est-à-dire qu'elle peut être renversée par des éléments de fait ou de droit.

Yassine Yakouti présente les conséquences de la légitime défense

Lorsque la légitime défense est retenue, elle entraîne l'irresponsabilité pénale de l'auteur de la riposte. Cela signifie qu'il n'est pas coupable de l'infraction qu'il a commise pour se défendre et qu'il ne peut pas être condamné à une peine. Il bénéficie d'un acquittement ou d'un non-lieu.


En revanche, Yassine Yakouti souligne que la légitime défense n'exclut pas la responsabilité civile de l'auteur de la riposte. Cela signifie qu'il peut être tenu de réparer le dommage causé à l'agresseur ou à ses ayants droit. Il peut être condamné à verser des dommages-intérêts au titre du préjudice moral ou matériel subi par la victime.

Les limites de la légitime défense, selon Yassine Yakouti

La légitime défense est une notion juridique qui soulève de nombreuses difficultés et controverses. Elle pose des questions éthiques, morales et sociales sur le droit de se faire justice soi-même, sur les limites de la violence légitime et sur les risques d'abus ou d'excès.


Yassine Yakouti rappelle que la légitime défense n'est pas un droit absolu ni un permis de tuer. Elle doit être appréciée au cas par cas, en tenant compte des circonstances et des éléments de preuve. Elle doit respecter les principes du procès équitable et des droits de la défense.


La légitime défense ne doit pas être confondue avec d'autres notions proches, mais distinctes, comme :


-       L'état de nécessité : il s'agit d'un acte commis pour sauvegarder un intérêt supérieur, menacé par un danger actuel ou imminent, sans intention de nuire à autrui. Par exemple, voler du pain pour ne pas mourir de faim.

-       La contrainte : il s'agit d'un acte commis sous l'emprise d'une force irrésistible qui annihile le libre arbitre. Par exemple, obéir à un ordre illégal sous la menace d'une arme.

-       L'erreur sur le droit : il s'agit d'un acte commis en croyant à tort qu'il est autorisé par la loi. Par exemple, se tromper sur les conditions de la légitime défense.

-       L'erreur sur les faits : il s'agit d'un acte commis en croyant à tort qu'il existe une situation justifiant son intervention. Par exemple, se tromper sur l'identité ou les intentions de l'agresseur.


Ces notions peuvent également entraîner l'irresponsabilité pénale, mais elles sont soumises à des conditions et des conséquences différentes.