Vagues idées
Loi de Brandolini
Cette loi, selon laquelle « la quantité d'énergie nécessaire pour réfuter des sottises est très supérieure à celle nécessaire pour les produire », repose sur un a-priori selon lequel il serait nécessaire de contrer tous les éléments d'un exposé.
Une variante consiste à laisser entendre qu'un texte formant contre-argument doit être aussi étoffé (long texte) que son objet, ou que tout contre-argument doit être nouveau (jamais publié auparavant).
Tout cela est irrecevable car, pour contrer un argument, invalider de façon étayée l'un des éléments (constat, calcul, raisonnement...) sur lequel il repose suffit.
Une thèse peu solide présente toujours, pour qui connaît le sujet, un pan facile à invalider, ou à tout le moins à ébranler, en exhibant une erreur de calcul ou de raisonnement, en référençant un document existant formulant un autre constat pertinent (donc un mensonge par omission), en rappelant la nécessité de fournir la source d'un constat ou la faiblesse d'une source proposée...
Pour démolir un argument faible il n'y a rien à découvrir et (au pis) peu à rédiger, dans quasiment tous les cas fournir un lien vers un document existant suffit.
Cette invalidation d'un élément clé ébranle le reste.
Certains, faute de pouvoir le faire, invoquent cette pseudo-loi, faisant alors d'elle un piteux alibi employé afin de voiler leur incapacité à contre-argumenter.
Répondre «je n'ai pas le temps de trouver un argument solide» est acceptable mais tout débatteur sait qu'il lui sera rétorqué qu'il n'y a pas d'urgence (contre-argumenter plus tard est acceptable), ce qui révélera à terme qu'il a tort ou, au mieux, connaît mal le sujet.
Répondre «je pressens que vous avez tort mais ne dispose pas des compétences grâce auxquelles on peut exhiber une faille dans votre exposé» serait souvent objectif, mais l'amour-propre du gros des débatteurs l'interdit, et c'est peu utile.
De plus la probabilité d'intervention opportune d'un autre participant disposant du temps ou des compétences nécessaires à une contre-argumentation est d'autant plus élevée que l'audience du débat augmente: tôt ou tard un lecteur en sera compétent et capable de contre-argumenter.
Illustration: les exemples cités dans l'article Wikipedia relèvent d'un manque de rigueur voire d'honnêteté dans le cas des journalistes ne contrant pas des propos de S. Berlusconi alors que des contre-arguments existaient. Dans le cas du vaccin donné pour déclenchant des fausses couches la compétence insuffisante des auteurs de la critique (ce qui se conçoit bien s’énonce clairement) devrait leur interdire de critiquer péremptoirement.
Une interprétation de cette «loi» porte sur le déséquilibre des moyens par lequel une thèse est largement diffusée (cas-type: par des media de masse) sans ses critiques sensées, et que diffuser ces dernières en atteignant la même audience est impossible. C'est malheureusement solide mais ce ne correspond pas au sens de la loi telle qu'énoncée, et concerne moins les forums (ou équivalents) en ligne (hors censure).
En résumé la loi de Brandolini fournit quasiment toujours le moyen d'une peu honorable «retraite stratégique».
Elle est la quintessence des condamnations non étayées donc abusives formulées afin de tenter de s'affranchir de contre-argumenter, telles que «troll», «demi-habile»...
Une approche similaire consistant à qualifier un exposé de «mille-feuille argumentatif» est tout aussi fragile. Elle repose plus directement sur l'adage «l'excès en tout nuit», à entendre ici «accumuler les arguments tend à augmenter le nombre d'arguments faibles. Si l'un des arguments majeurs est bien contré c'est au mieux inutile et au pis laisse supposer qu'aucun autre argument fort n'existe ». L'exemple proposé dans l'article Wikipedia en illustre la faiblesse car le Web regorge de document publiés par des sources solides montrant l'inanité de la thèse prêtant aux extra-terrestres crop circles, statues d’astronefs précolombiennes et perfection des pyramides.
Ces «lois» forment en réalité moyen de tenter de tromper façon «face (tu n'as pas d'argument) donc j'ai raison, pile (tu as trop d'arguments) donc tu as tort».