De 1518 à 1540

La porte sud de la crypte de Saint-Sernin

C'est le décor de la porte sud de la crypte qui signe l'arrivée dans l'architecture toulousaine de l'art de la Renaissance (sculpteur Jean Dubois, 1518) :

L'hôtel du Vieux-Raisin (1ère campagne)

36 rue du Languedoc.

C'est ensuite à l'hôtel du Vieux-Raisin (dit aussi de Béringuier-Maynier, 1515-1527) que l'on retrouve ce nouveau style, sur des structures encore gothiques. L'hôtel ayant fait l'objet d'une deuxième campagne à la fin du XVIème siècle (sur laquelle nous reviendrons), c'est sur les deux tours d'escalier et la première travée à gauche que se concentre ce décor.

Au-dessus de la porte de la tour se lit la devise : VIVITUR INGENIO CETERA MORTIS ERUNT, « On vit par l'esprit, tout le reste appartient à la mort ».

Fenêtres caractéristiques de la Première Renaissance :

Le décor se distingue par sa précision et sa qualité. Personnages sortant de cornes d'abondance, grotesques, rinceaux délicats, bestiaire fantastique sont autant d'ornements distinctifs de la première Renaissance.

L'hôtel d'Ulmo

15 rue Ninau.

Construit entre 1526 et 1536 pour Jean d'Ulmo, président à mortier au Parlement, cet hôtel fut le premier à Toulouse à adopter un escalier droit et non plus à vis. Son beau baldaquin de marbre est plus tardif (début XVIIème siècle sans doute).

La devise de Jean d'Ulmo gravée dans la pierre : DURUM PACIENTIA FRANGO, "Ma patience triomphe de tout". Ironique quand on pense qu'il s'avéra être un corrompu notoire qui finit pendu.

L'hôtel de Bernuy (cour Renaissance et portail)

1 rue Gambetta.

La cour Renaissance en pierre a été construite de 1530 à 1536 pour le grand marchand de pastel Jean de Bernuy, son architecte fut Louis Privat. Ce dernier était ouvert aux influences espagnoles plateresques et réussit - selon les mots de l'historien Paul Mesplé - à faire vivre l'Espagne, l'Italie et la Loire sous le ciel de Toulouse. En effet l'influence du val de Loire se remarque particulièrement dans les chapiteaux composites, alors que les colonnes-candélabres par exemple sont inspirées des Medidas del romano, traité espagnol de Diego de Sagredo dont on relève également l'influence dans d'autres hôtels particuliers toulousains.

Cette voûte surbaissée était une prouesse architecturale pour l'époque :

En médaillon dans la cour, le portrait de Jean de Bernuy et de son épouse :

Les fameuses colonnes-candélabres de l'hôtel de Bernuy sont inspirées des Medidas del romano, traité espagnol de Diego de Sagredo (1526). Elles ne sont pas les seuls éléments de l'hôtel dans ce cas :

Gravure tirée du traité Medidas del romano

Le portail sur rue date de la première campagne de construction gothique (1503-1504, putti, devise), mais a été complété lors de la deuxième campagne (médaillons) :

Les médaillons du portail :

La devise des Bernuy est gravée en latin : SI DEUS PRO NOBIS, début d'une phrase de la Bible signifiant "Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ?"

Pour preuve de son importance, la cour de l'hôtel de Bernuy a été moulée pour la cité de l'architecture au Palais de Chaillot pour illustrer la première Renaissance en France :

Le portique de Saint-Sernin

Dans les années 1530 une enceinte fut construite autour de Saint-Sernin, il en reste ce portique au décor Renaissance (qui aurait été retouché au XIXème siècle).

L'hôtel Dahus-Tournoer

9 rue Ozenne.

Une partie de cet hôtel date du XVème siècle et de sa construction par le capitoul Pierre Dahus. La tour fut érigée en 1532 par le président au Parlement Paul Tournoer et cache paraît-il le plus bel escalier Renaissance à vis de la ville.

La présence de (faux) créneaux et mâchicoulis ne répond à aucune nécessité défensive, il s'agit d'une marque de seigneurie utilisée comme un symbole. A cette époque, et c'était aussi le cas à l'hôtel de Bernuy initialement, l'architecte devait composer à la fois avec les codes de la Renaissance et avec une quête d'honorabilité qui imposait certaines traditions.

Une devise en latin est inscrite sur la tour : ESTO MIHI DOMINE TURRIS FORTITUDINIS A FACIE INIMICI, « Sois pour moi, Seigneur, une tour de courage face à l'ennemi »

L'hôtel de Pins

46 rue du Languedoc.

L'hôtel fut bâti dans les années 1530 pour Jean de Pins, conseiller au Parlement de Toulouse, évêque de Pamiers puis de Rieux. Ce prélat humaniste fameux avait effectué plusieurs ambassades en Italie pour François Ier, il entretint notamment des correspondances avec Erasme et Etienne Dolet pourtant mal vus par l'Eglise. En 1542, l'hôtel fut acquis par Jean de Nolet qui fit travailler Nicolas Bachelier à son agrandissement. Puis l'hôtel fut pratiquement démoli lors du percement de la rue du Languedoc à la fin du XIXème siècle, mais ses belles galeries à arcades ont été remontées en fond de cour.

Les portraits en médaillon sont une évocation des médailles et monnaies antiques que collectionnaient les humanistes toulousains. Ils représentent généralement le propriétaire et sa famille.

Au niveau de la corniche des mufles de lions servent de gargouilles :

Il s'agit d'un des premiers hôtels particuliers de Toulouse à avoir eu des chapiteaux faisant directement référence aux ordres d'architecture, en ce cas l'ordre ionique, tiré de l'édition du traité de Vitruve publiée par Cesariano en 1521. Il est probable que Jean de Pins avait eu connaissance de cette édition alors qu'il était en poste à Milan.

Toutefois réaliser correctement la volute d'un chapiteau ionique nécessitait des connaissances mathématiques qui ne semblent pas avoir été employées ici, il était sans doute encore un peu tôt pour cela au début des années 1530 à Toulouse.

(Illustration tirée de l'exposition "Toulouse Renaissance" - 2018)

L'hôtel de Montval

22 rue Croix-Baragnon.

Cet hôtel n'est pas du XVIème siècle mais du début du XXème. Toutefois ses éléments les plus notables (arcades, médaillons) proviennent de l'hôtel de Pins vu ci-dessus et ont été réemployés ici. Certains médaillons sont l’œuvre de Nicolas Bachelier.

L'hôtel de Boysson-Cheverry

11 rue Malcousinat.

Cet hôtel s'organise autour de deux cours intérieures à ne pas manquer. La tour capitulaire et le bâtiment qu'elle surplombe, de style gothique, sont dus au capitoul Hugues (ou Huc) de Boysson (vers 1468). On doit les autres bâtiments au capitoul de Cheverry, grand négociant du pastel (vers 1535).

La tour d'escalier gothique due à Boysson est ornée d'une belle fenêtre Renaissance ornée de termes

L'hôtel de Bagis

25 rue de la Dalbade.

La façade en fond de cour de ce qui est maintenant appelé l'hôtel de pierre date de 1538.

Elle fut élevée pour le conseiller au parlement Jean de Bagis par l'architecte Nicolas Bachelier. Cette façade qui peut paraître quelconque à l’œil profane au regard des autres éléments maniéristes de l'hôtel, postérieurs de plusieurs décennies, marque pourtant une nouvelle étape dans la Renaissance toulousaine.

L'architecte laisse ici de côté l'accumulation décorative pour se concentrer sur la régularité de la façade et des percements, ainsi que sur la distribution intérieure avec l'escalier monumental établi en œuvre et au centre de la composition.

Ouvrant sur l'escalier, le superbe portail aux atlantes attribué à Nicolas Bachelier par l'historiographie toulousaine fait débat parmi les historiens. Est-il de cette première campagne de construction (1538) ou doit-on plutôt le dater du début du XVIIème siècle et l'attribuer à l'atelier de Pierre Souffron ? Dans le doute, je le montrerai plus en détail dans la partie "hôtel de Clary", un peu plus loin.

Les fenêtres savantes "à l'antique" sont conçues comme autant de petits monuments isolés présentant l'ordre dorique, de plus en plus complet au fil des niveaux.

Président au Parlement, Jean de Bagis était aussi membre du Grand conseil du roi. Il était par conséquent l'un des Toulousains les plus en vue, aussi la manière des fenêtres de son hôtel fut-elle reprise dans d'autres hôtels, reproduisant notamment les quart de colonnes doriques dans l'ébrasement (hôtel de Brucelles, hôtel de Cheverry). Les marchands en pleine ascension sociale et en quête de reconnaissance n'hésitaient ainsi pas à s'approprier le goût des grands parlementaires.

Le portail de l'église de la Dalbade

Le portail Renaissance de la Dalbade fut réalisé par le tailleur de pierre Michel Colin. Dans la partie inférieure (1537-1539) il s'inspire du Val de Loire. Changement de style dans la partie supérieure à partir de 1540, l'ordre d'architecture fait son apparition et les chapiteaux classiques supplantent les chapiteaux composés et à figures qui caractérisaient l'art de la première Renaissance.

Le beau tympan en céramique illustrant le couronnement de la Vierge date du XIXème siècle.

la partie supérieure avec cette fois la superposition des ordres d'architecture (ici chapiteaux ioniques et corinthiens) :

Ce magnifique tympan en céramique, œuvre de Gaston Virebent au XIXème siècle, reproduit le tableau du "Couronnement de la Vierge" de Fra Angelico, peintre célèbre de la Renaissance italienne (XVème siècle). Il trouve donc parfaitement sa place dans le décor Renaissance de ce portail.