Prospection aérothermique
La miniaturisation récente des capteurs infrarouges ou multispectraux désormais disponibles sous forme de petits appareils portables légers permet d'envisager leur emport sur des vecteurs aériens de type micro-drones. On comprend aisément que ce couplage permet de pallier les limites de la télédétection multispectrale traditionnellement réalisée à partir d'images satellites ou de survols par avion ou hélicoptère pour ce qui concerne la seule prospection thermique aéroportée. La capacité de vol à basse altitude permet d'associer une fine résolution spatiale à une fine résolution spectrale.
Dans le cadre du programme Archéodrones développé au sein de l'UMR 5608 TRACES (CNRS – Université Toulouse 2 – Jean-Jaurès), nous testons le couplage d'un microdrone octorotor de type Mikrokopter Okto XL avec une caméra thermique de type FLIR T620 pour la télédétection de vestiges archéologiques. Cette caméra permet des prises de clichés thermiques situés dans la gamme de l'infrarouge thermique (7.5 à 14 µm), avec une sensibilité de 0.04 °C. La résolution d'image est relativement faible (480 x 640 pixels), mais peut toutefois être compensée par l'abaissement des altitudes de vol. Elle pèse 1.3 kg, ce qui permet de l'embarquer dans la nacelle du microdrone MK Okto XL.
L'objectif est d'identifier des anomalies de rayonnement infrarouge thermique mesuré à la surface du sol pouvant être interprétées comme révélatrices de la présence de vestiges enfouis. Le repérage de ces anomalies répond à des logiques différentes selon que le terrain survolé est nu ou porte des cultures.
Sur sol nu, on cherche à mesurer des anomalies lisibles à la surface du sol et produites par l'inertie thermique des vestiges enfouis. Le principe est que ces vestiges réagissent aux changements de température du sol à une vitesse différente du sédiment encaissant. Dans le cas de structures maçonnées, l'inertie thermique sera plus grande que le sédiment meuble entourant les vestiges, et inversement dans le cas de structures fossoyées. Cette différence d'inertie thermique provoque une anomalie de température en sous-sol transmise par rémanence jusqu'à la surface où elle peut être repérée par la caméra infrarouge.
Sur un terrain portant des cultures, les anomalies recherchées sont liées à la vigueur du développement des plantes, conditionnée par leur niveau de stress hydrique. En effet, si le développement racinaire d'une plante cultivée est entravé par la présence de maçonneries enfouies, la plante est privée d'une partie des apports en eau et en nutriments qui lui sont nécessaires, relativement aux autres plantes voisines qui ne se développent pas dans le même contexte. A l'inverse, le développement racinaire peut être favorisé si la plante pousse au-dessus d'anciennes structures en creux dont le comblement, différent par sa structure du substrat environnant, favorisera la rétention de l'humidité et donc un mûrissement ralenti. Alors que ces indices étaient identifiables auparavant uniquement dans le domaine visible, par photographie classique, essentiellement pendant un laps de temps réduit de la saison culturale correspondant à l'épiaison et au début de mûrissement, les différences de stress hydrique des plantes cultivées sont lisibles bien plus tôt dans la saison alors même que rien n'apparaît en photographie classique. La délimitation des anomalies est de plus généralement affinée par imagerie infrarouge en comparaison du domaine visible.
La validation de la méthode a été réalisée sur un corpus de bâtiments mentionnés sur le cadastre napoléonien, repérés au sol sous forme de concentration de mobilier par prospection pédestre, puis survolés avec la caméra thermique.
Des survols répétés en variant les conditions météorologiques et de couverture du sol permettent petit à petit de produire un référentiel des conditions favorables à la révélations d'anomalies de température de surface du sol liées à la présence de vestiges enfouis.