C’est en 1625 que viennent s’installer sur le site actuel de Port-Royal de Paris les religieuses de l’abbaye cistercienne de Port-Royal des champs, en vallée de Chevreuse, dont l’origine remonte au début du XIII° siècle.
Née en 1591, fille d’Antoine Arnauld, avocat au barreau de Paris, la future mère Angélique est placée à l’âge de 7 ans à Port-Royal des champs par son père qui avait acquis pour elle, selon l’usage de la commende, la charge d’abbesse (à vie). Ayant accédé prématurément à cette charge à la mort de la précédente abbesse, la jeune religieuse entreprend, à partir de 1608 de réformer son abbaye en rétablissant la forme de vie plus authentiquement religieuse, selon les dispositions du Concile de Trente. L’histoire a retenu la ‘journée du guichet’ du 25 septembre 1609 où, la clôture ayant été rétablie, la jeune abbesse refusa à ses parents l’entrée à l’intérieur de l’abbaye. Sa renommée se forge alors dans les milieux ecclésiastiques ; l’abbé général de Cîteaux lui confie en 1618 le soin de réformer l’abbaye de Maubuisson, près de Pontoise. À cette époque, elle correspond avec S. François de Sales, fondateur en 1610 à Annecy de l’Ordre de la Visitation.
L’abbaye de Port-Royal des Champs devenant trop petite, le transfert de la communauté aux portes de Paris s’opère suite à l’achat de l’hôtel de Clagny (1625) qui sera progressivement aménagé avec l’édification du cloître et de la chapelle, grâce au soutien de la famille Arnauld, et de bienfaitrices issues des milieux de la noblesse comme la marquise d’Aumont, Mme de Guéméné, Mme de Sablé, et d’autres. Port-Royal des Champs n’est pas pour autant abandonné, et de 1646 à 1665, la communauté se répartit sur les deux domaines de Paris et des Champs tout en étant gouvernée par la même abbesse. Elle atteindra environ 120 religieuses à Paris, et une cinquantaine aux champs.
Le transfert à Paris s’accompagne d’un changement majeur : quittant la juridiction de Cîteaux, la communauté passe sous l’autorité de l’archevêque de Paris, qui autorisera peu après l’adoption d’un régime d’élection triennale de l’abbesse. S’étant donc démise de sa charge d’abbesse à vie, la mère Angélique est sollicitée en 1633 pour la fondation d’une nouvelle communauté religieuse selon la règle de saint Augustin, et vouée au culte du Saint-Sacrement. Des luttes d’influences ont raison de cette initiative qui tourne court trois ans plus tard. La mère Angélique réintègre alors Port-Royal, y entraînant quelques autres religieuses. A partir de ce moment, la spiritualité eucharistique se développe à Port-Royal, comme en témoigne l’adoption du scapulaire blanc (couleur de l’hostie) à croix rouge (évoquant le Précieux-Sang) que l’on retrouve dans les œuvres port-royalistes du peintre Philippe de Champaigne.
Dans ces mêmes années, se tissent les liens de Port-Royal avec une personnalité ecclésiastique influente, proche de Robert Arnauld d’Andilly, frère aîné de la mère Angélique : Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran. Autour de lui et sous sa direction spirituelle s’est constitué un groupe informel d’hommes laïques ou clercs pour vivre en retrait du monde, s’adonner à la prière, à l’étude des sciences sacrées. Partageant une même affinité spirituelle, ceux qu’on appelle les ‘Solitaires’ ou ‘messieurs de Port-Royal’ s’établissent à proximité du monastère de Paris et sur l’ancien domaine de Port-Royal des champs. Ils contribuent par leurs travaux, et leur action dans l’éducation - avec la fondation des ‘petites écoles’ - à faire de Port-Royal le flambeau spirituel et intellectuel du ‘Grand Siècle’ français.
Perçue comme un lieu de contrepouvoir, et soupçonnée d’avoir été favorable au mouvement de la Fronde, l’abbaye va susciter la méfiance du pouvoir royal. Dès le milieu du XVIème siècle s’engage en Sorbonne une controverse autour les écrits de Jansénius, théologien ami de l’abbé de Saint Cyran, visant à discréditer le courant intellectuel et spirituel lié à l’abbaye. Blaise Pascal, dont la sœur est moniale à Port-Royal de Paris, prend leur défense en publiant les ‘Provinciales’, lettres pamphlétaires relatant les controverses autour de Port-Royal.
Mais la persécution va surtout s’intensifier à l’avènement du règne de Louis XIV, qui en 1664 fait expulser à Port-Royal des Champs les religieuses refusant de signer le formulaire condamnant les thèses de Jansénius. La querelle janséniste fournit ainsi un prétexte pour affaiblir la communauté en la scindant en deux, et en interdisant l’accueil de postulantes et de novices. L’agonie de Port-Royal est consommée en 1710 lorsque Louis XIV disperse les dernières religieuses de Port Royal des Champs et fait détruire le monastère. Seul subsistera Port Royal de Paris qui déclinera peu à peu, jusqu’à l’expulsion des dernières religieuses à la Révolution.
Les bâtiments de Port Royal de Paris seront par la suite brièvement utilisés comme prison - sous le nom de Port-Libre, ou prison de la Bourbe - avant de devenir maison d’accouchement au début du XIX° siècle.