Chapiteau des Atlantes
Saint-Pierre de Mozac était l'une des plus importantes abbayes bénédictines d'Auvergne. Détruite en grande partie par des tremblements de terre, il ne reste que la partie occidentale de l'église romane. Les sculptures de Mozac sont des plus remarquables de l'art roman, les chercheurs pensent que l'abbaye était la principale école des sculpteurs romans en Basse-Auvergne.
L'abbaye aurait été fondée par Calmin et Namadie à l'époque mérovingienne (VIe-Ve s.) sur un site antique. Elle prend de l'importance dès le IXe s. bénéficiant de soutiens royaux de Pépin le Bref (751-768) jusqu'à saint Louis (1269). Elle est contrôlée par Cluny au XIe s. , lors de la réforme grégorienne et Mozac accroît encore importance. Toute la seconde moitié du XVe s. est marquée par de violents séismes (de magnitude VIII-IX) qui endommagent considérablement l'abbatiale, en particulier toute la partie est (chevet et transept), les côtés sud et ouest ainsi que les tours et le clocher. Le reste de l'abbaye est aussi touché, notamment le cloitre et la salle capitulaire. L'abbé Raymond de Marcenat (1459-1475) effectue d'importants travaux de restauration de l'abbatiale en introduisant le style gothique.
En 1516, Mozac passe sous le contrôle de la royauté sous le régime de commende, mais, par la suite, l'abbaye adopte le parti des ligueurs. Reprise par les Mauristes en 1644, le monastère périclite progressivement. À la Révolution, une partie des terres et des bâtiments sont vendus. L'église classée en 1840 et commence à être restaurée en 1849. Des chapiteaux provenant du chœur roman ont été découverts lors de fouilles en 1849, 1914 et 1983.
Les principales campagnes de construction visible dans l'église sont :
La tour porche occidentale est en partie carolingienne.
L'église abbatiale est reconstruite au XIe s ou XIIe s.. Elle présente un plan type à chevet à chapelles rayonnantes, seuls subsistent la nef centrale et les bas côtés.
L'abbaye et l'église sont fortifiées probablement au XVe s, elles figurent ainsi sur l'armorial de Revel en 1450.
Les tremblements de terre de 1452 à 1490 détruisent une grande partie de l'abbatiale : les murs nord et sud, les chapelles des bas-côtés ainsi que le transept et le chevet sont reconstruits en plusieurs campagnes de 1460 jusqu'à 1524. La crypte est comblée.
En 1595, les fortifications de l'abbaye sont démantelées.
En 1741, la nef qui était couverte de bois est voutée en pierre.
À partir de 1849, l'architecte Aymon Mallay effectue de nombreux travaux de restauration et dégage les vestiges du chevet roman.
Actuellement, l'église abbatiale est dans un mauvais état et nécessite d'impérieuses restaurations. Elle fait l'objet d'études de la part du club historique mozacois.
Chapiteau des Atlantes végétaux ou des fleuves du Paradis
Les chapiteaux de Mozac sont exceptionnels, tout en sachant qu’il manque plus de la moitié (le transept et tout le chevet ayant été détruits). La personnalité artistique qui domine est le sculpteur des atlantes : il réalise les deux grands chapiteaux du rond-point, les Saintes Femmes au tombeau et les Atlantes végétaux, ainsi que les chapiteaux représentant des victoires, des griffons, des centaures et des singes tenus en laisse. Préférant les thèmes antiques que chrétiens, cet artiste transcende la pierre calcaire en une voluptueuse et charnelle apogée organique. Le plaisir des formes, des courbes et des corps atteint un tel point que l’on peut se poser la question de la place de ces sculptures et leurs significations dans une abbatiale clunisienne ! Mais l’amour du divin passe au Moyen Âge par de telles extases mystiques que nous sommes bien en mal de les comprendre. Les personnages traités de façon monumentale occupent les angles des chapiteaux, le relief est tel qu’ils donnent par certains endroits l’impression de s’en détacher. Mais les compositions sont solides et symétriques, animées par de grandes ondulations qui lient végétaux et protagonistes en un tout organique. Les Saintes Femmes au tombeau traduisent la dualité du sculpteur : les visages des Femmes et de l’Ange de la Résurrection sont à l'opposé de leurs corps annihilés par de lourds drapés, dont les plis assurent le mouvement. Le tombeau du Christ et les soldats sont particulièrement standardisés, comme si cette partie du chapiteau est inachevée ou témoigne d’un certain désintérêt de la part du sculpteur.
Le chapiteau des Atlantes présente quatre éphèbes unis par des végétaux qui lient leurs mains et leurs pieds, passent entre leurs cuisses et leurs coudes. L’un d’entre eux désigne du doigt le ciel, les autres saisissent des pommes de pin (symbole d’immortalité) ou des lianes. Ils pourraient personnifier les quatre fleuves et les quatre arbres du Paradis. Le traitement plastique de leurs corps et la sensualité qui s’en dégage sont tels, que les caresses des visiteurs ont poli la pierre sur leurs corps, alors que ceux des Saintes Femmes restent plus rêches. Les yeux évidés devaient contenir des pierres ou des verreries (comme sur les chapiteaux de Conques).
Les Saintes Femmes
La châsse de saint Calmin et de sainte Namadie
C'est la plus grande chasse romane conservée. Elle est réalisée à Limoge, des plaques de cuivre portent des décors en émail et des petites sculptures moulées qui sont appliquées. Elle mesure 80/81 de long, 24 cm de large et fait 45 cm de haut. La face principale présente la Crucifixion et le Jugement dernier entourés des apôtres pour groupe de trois. L'autre face est illustrée par la vie de saint Calmin et de sainte Namadie. Calmin est, selon son hagiographie (vie de saint), qualifie de duc d'Aquitaine et d'Auvergne. Avec son épouse, ils auraient fondé de nombreuses abbayes.
Hommes dans des végétaux (2)
La délivrance de saint Pierre (24).
Les Actes des Apôtres (12-6 à 12-12) racontent qu'un ange libère Pierre emprisonné par Hérode. Pierre dort entre deux soldats, il est réveillé par l'Ange. Cette scène renvoie au chapiteau des saintes Femmes au tombeau du Christ. Le sculpteur de ce chapiteau a œuvré à Saint-Nectaire (le chapiteau de la vie de saint Nectaire) et à Notre-Dame du Port de Clermont-Ferrand, il pourrait s'agir de Bernard.
Les quatre vents
Ce chapiteau découvert en 1983 se situait dans le chœur (détruit) de l’abbatiale de l’abbaye Mozac. Il représente les quatre vents décrits dans l’Apocalypse selon saint Jean : « Après cela, j’ai vu quatre anges debout aux quatre coins de la terre, maîtrisant les quatre vents de la terre, pour empêcher le vent de souffler sur la terre, sur la mer et sur tous les arbres » (la Bible, Apocalypse 7, 1).
Il est l'œuvre du sculpteur Robertus, ayant œuvré à Notre-Dame du Port de Clermont-Ferrand et à Saint-Nectaire. L'artistique maitrise les volumes tels les personnages d'angles, mais éprouve plus de difficultés pour représenter les personnages de face.
Chapiteaux végétaux (2, 3 et 4 ), le troisième (4) présente un homme habillé un genou à terre.
Chapiteau végétal (6), visages dans des végétaux (7) et trois visages d'âges d'homme à des âges différents (8). Sur ce dernier chapiteau, le personnage central est traité avec une rare puissance que l'on trouve chez Michel Ange trois siècles plus tard.
Chapiteau représentant des oiseaux à queues végétales encadrant une tête de renard (22) et un chapiteau végétal (23).
Chapiteaux représentant un singe et un homme (14), des végétaux (15) et des vendanges (16).
Chapiteau représentant l'histoire de Jonas (20). (La Bible, AT, Jonas).
Les marins effrayés dans la tempête jettent Jonas dans la mer qui est avalé par un monstre marin. Au bout de trois jours, il est recraché et se repose sous un ricin devant la ville de Ninive. Les deux autres chapiteaux représentent des végétaux (18 et 19).
Chapiteaux inspirés du corinthien : à gauche dans le chœur (24), à droite dans le bas-côté (46). La qualité de la composition et du traitement du végétal renvoie aux modèles antiques auxquels les artistes se confrontent.
Hommes nus dans des lianes. Ils tiennent des pommes de pin, leurs corps sont traités comme des éphèbes antiques. Les références érotiques sont évidentes dans cette œuvre en sensualité et rondeur. Chapiteau 30.
Griffons et végétaux. Les griffons tiennent le calice avec leurs pattes. Ils sont des références à la vie éternelle. Les oiseaux dont les corps se terminent en végétaux peuvent aussi renvoyer à cette notion de merveilleux et de paradisiaque. Les chapiteaux portent des peintures romanes.
Chapiteaux 31, 32 et 33.
Griffons face à face tenant un calice (47) , hommes sur boucs (48) et chapiteau végéta dérivé du corinthien (49).
Deux hommes luttant contre des animaux. L'un lutte contre un poisson, il pourrait s'agir de Samson luttant contre le dieu poisson Dagon (Bible Ancien Testament, Juges, 16) et un lion, l'homme aux longs cheveux porte une cape, Chapiteau 38.
Chapiteau représentant des victoires antiques qui tiennent des boucliers (27).
Chapiteau représentant des hommes chevauchant des boucs et deux chapiteaux végétaux inspirés du corinthien antique. Les hommes sur des chèvres sont représentés aussi à Saint-Nectaire. Ils peuvent représenter de faux prophètes parodiant l'entrée du Christ à Jéricho ou à Jérusalem sur un mulet.
Visages dans des végétaux dérivés du corinthien. Ce chapiteau est probablement fait par Bernard, les visages et les végétaux sont caractéristiques de sa production
Chapiteaux représentant un homme tenant un singe en laisse, des griffons et des victoires antiques (39-40 et 41).
Chapiteau végétal avec des motifs d'entrelacs. La sculpture est plus lourde que les chapiteaux de la nef. Numéro 51, il est peut-être du XVe s. (voir plus bas).
Chapiteaux représentant des griffons aux têtes opposées (44) et des végétaux de type corinthiens (43 et 45).
Chapiteau végétal, n° 12.
Le linteau de la Vierge
La Vierge en majesté porte sur ses genoux Jésus enfant. Ils sont encadrés sur le côté gauche par saint Pierre, identifiable avec ses clefs, un évêque (l'évangélisateur de l'Auvergne Austremoine ?), un homme tenant une pomme de pin (symbole d'éternité) et prosterné au pieds de la Vierge un moine, probablement l'abbé de Mozac. Sur la droite, se tient saint Jean, puis deux évêques qui portent les crosses épiscopales et un troisième homme qui porte une croix.
Le linteau porte des restes de peintures, on distingue au-dessus la tête d'un ange.
On peut faire de nombreux rapprochements avec le tympan de Conques, dans la position des personnages et leurs traitements. Cette sculpture est différente des chapiteaux de l'abbatiale, elle est peut-être plus tardive : la vierge porte l'enfant sur ses genoux et le touche, sont signes de l'humanisation des personnages.
Les sculptures du XVe s.
Les sculptures ont été posées lors des travaux de restauration de l'Abbaye par Raymond de Marcenat entre 1459 et 1475, lors de son abbatiat. Ces chapiteaux portent ses armoiries et renvoient aux sculptures romanes en représentant des petits hommes et des singes et quelques motifs végétaux. Toute la partie orientale de l'église a été refaite, chevet puis transept ainsi que les murs gouttereaux sud, là où se situent ces chapiteaux.
Mozac, chapiteau montrant un singe en laisse et les armoiries de Marcenat, numéro 13.
Chapiteau du XVe s. Homme et fleur de lys. Numéro 17.
Chapiteau du XVe s. représentant des végétaux et les armoiries de l'abbé de Marcenat. Numéro 52.
Bibliographie et webographie
Association club historique mozacois : https://www.clubhistorique.fr/
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PHALIP Bruno, Des terres médiévales en friche. Pour une étude des techniques de construction et des productions artistiques montagnardes. L’exemple de l’ancien diocèse de Clermont, Face aux élites, une approche des “simples” et de leurs œuvres. Thèse d’habilitation à diriger les recherches, Université de Clermont 2, 2001.
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Remerciement : commune de Mozac, club historique mozacois, Nathalie Monio et Mathieu Pérona.