Intervention de Christian Topalov - PSSP

Synthèse rédigée par Anne Monier, docteure en sciences sociales, chaire philanthropie de l'ESSEC, ex-co-directrice de PSSP.


Présenter le livre de Christian Topalov (Philanthropes en 1900. Londres, New York, Paris, Genève), a fait émerger chez moi un sentiment de douce nostalgie, nostalgie d’un temps révolu que je n’ai pas connu, tant ce livre est un vrai bijou de recherche, de la recherche comme nous n’avons malheureusement plus l’opportunité de faire, mais comme nous rêverions de la faire.

Le livre est d’abord d’une esthétique assez exceptionnelle, dans sa reliure, la qualité du papier ou les illustrations (dont la couverture est un magnifique exemple). Il est aussi le fruit d’un projet ambitieux, qui a réuni des chercheurs de différents pays pendant plus de 10 ans, travail de longue haleine et d’une grande rigueur, avec une forme d’administration de la preuve qui, comme le rappelait Nicolas Duvoux, relève du magistral.

Christian Topalov, directeur d’étude à l’EHESS et directeur de recherche émérite au CNRS, est sociologue et historien, spécialiste de sociologie urbaine et des champs réformateurs. Son nouvel ouvrage s’inscrit dans la lignée de son livre Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France (1880–1914), en s’intéressant à la philanthropie réformatrice.

L’ouvrage décrit un « monde », au sens beckerien du terme, celui de la philanthropie réformatrice au tournant du XXe siècle (autour de 1900) dans quatre grandes villes (Londres, Paris, Genève, New York), en se fondant sur une source unique, les répertoires des œuvres charitables. Outre sa méthode, il est d’une grande originalité par les thématiques qu’il aborde, peu développées dans la recherche sur la philanthropie, telles que la spatialisation de la philanthropie, la place des femmes ou le rôle politique des philanthropes.

La présentation passionnée et passionnante de Christian Topalov nous fait réfléchir au rôle de la philanthropie dans nos sociétés, hier comme aujourd’hui. Si, comme le rappelle Nicolas Duvoux, on peut émettre l’hypothèse que la philanthropie a peut-être contribué, au tournant du siècle, à pacifier les violences internes à la société française et à faciliter la transition, peut-être a-t-elle encore aujourd’hui un rôle d’intermédiation.

La rencontre se conclue sur ces questionnements qui font tant écho à notre situation actuelle, sur l’importance de la perspective historique pour comprendre le monde d’aujourd’hui, mais aussi sur le danger que représente, pour le développement de toute pensée critique - nécessaire à notre démocratie -, l’état de déréliction de la recherche française.