Echanges avec Cindy Daguenet, commissaire, dans le cadre de l'exposition "Viens avec Moi", qui s'est tenue au Musée d'Arts et d'Histoire du Carroi à Chinon en 2020.


C.D. : Pendant des siècles, les travaux d'aiguilles, de broderie, de dentelles et de plumes, étaient considérés comme des loisirs et des ouvrages domestiques qui permettaient d'occuper les femmes. Pourtant tous ces ouvrages ont permis de vêtir, de réparer, d'embellir, d'orner, de décorer. Tous ces savoirs faire féminins se caractérisaient par de la précision, de la patience, mais aussi par de l'inventivité et de la créativité. De nombreuses femmes artistes se sont donc emparé du textile et de ses techniques au tournant du milieu de 20ème s., souvent d’ailleurs pour dénoncer la place faite aux femmes dans notre société.

Soixante ans plus tard, penses-tu que les techniques que tu utilises sont encore en marge ou réduites à un genre par notre milieu artistique ?

J.M. : Les techniques dont tu parles, associées à des savoir-faire féminins, m’ont été transmises, comme à beaucoup d’autres petites filles, dans l’enfance par les femmes de ma famille. C’est comme un vocabulaire pratique qu’il m’arrive d’utiliser, si le matériau que j’ai choisi au départ s’y prête. Mais finalement quand on regarde mon travail artistique il y a beaucoup d’autres gestes et d’objets que l’on n’associerait pas spontanément au travail d’une artiste féminine. J’expérimente dans ma pratique artistique des gestes sur des matériaux, hérités de l’artisanat, du quotidien, d’une pratique traditionnelle des beaux-arts… Mes "tissages" sont des entrelacements de matériaux du quotidien et d'attributs naturels humains et animaux (les robes sculptures en plumes de paon, le travail "Mue" dans l'exposition, la série "Panser d'hiver" avec des fourrures de récupération), mes objets en pennes de paon ressemblent à des ouvrages de vannerie, alors que la technique est différente et m'est propre, j’utilise une pointe chaude pour graver, fondre, fusionner toutes sortes de surfaces, rehausser comme une dorure mes aquarelles… J'essaie de faire résonner une base fabriquée par l'humain, artificielle, et une matière naturelle en les unissant par un geste symbolique, qui n’est pas forcément lié à l’univers de la femme.

C.D. : Tes œuvres présentées au musée sont toutes composées d'éléments naturels, plumes, poils, et utilisent pour la plupart les techniques textiles… Peux-tu nous parler de ce choix lié au vivant dans ta pratique et quelles sont les contraintes du vivant par rapport aux techniques que tu utilises ?

J.M. : J'aime beaucoup utiliser dans mon travail des éléments naturels comme ceux provenant des animaux parce que ce sont des matériaux liés à des épisodes de ma vie : retrouver des fourrures des lapins élevés dans des clapiers d'une ancienne maison de famille par des aïeux, contempler les paons des voisins qui avaient l'habitude de se promener dans notre jardin en laissant au passage leurs plumes. Le plumage, la fourrure, ont un contact doux qui me touche et me plaît en tant que sculptrice. C'est pour cela par exemple que je m'étais intéressée aux animaux naturalisés dans l'art contemporain pour mon mémoire d'étude, et que j'avais effectué mes stages en Muséums d'Histoire Naturelle. Les animaux sont porteurs de symboles, nos relations avec eux sont complexes, entre attachement, respect et instrumentalisation, et j'essaie de construire mes objets en y pensant. Pour les pièces présentes au musée, seule la pièce « Mue » est tissée, les boucliers découlent de la création d’autres pièces et d’expérimentations sur des plumes, où je souhaitais monter des formes uniquement avec leur rachis et leurs barbules. Ces matériaux, qui possèdent une richesse visuelle (couleur, finesse, irisation, brillance... ) sont l’occasion d’imaginer quelque chose, de détourner des techniques classiques, ils présentent un défi.



Article "Chinon : à l'Ehpad, on crée des bijoux et du lien social" du 07/10/2022 par Alexandre Salle, dans la Nouvelle République

Les yeux sont rivés sur les lamelles de cuir qu’il faut assembler, les unes après les autres. Mises bout à bout, elles donnent bijoux, nœuds papillon, cravates, accessoires pour baskets, etc.
L’œuvre de résidents de l’Ehpad des Groussins de Chinon, conseillés par Adrien Piard et Julie Mansillon. Les deux artistes chinonais sont intervenus dans la structure en septembre dans le cadre de l’opération « Été culturel » portée par la Drac (Direction régionale des affaires culturelles),
« qui permet à des artistes d’intervenir auprès d’un public éloigné de la culture », précise Julie Mansillon. Une première du genre aux Groussins.
À partir de chutes produites par les entreprises Arche à Chateau-Renault et Podaction à Loches, les résidents ont confectionné des bijoux. Inspirés par Fourrure d’écailles de Julie Mansillon, lauréate l’an dernier du concours Mon beau déchet lors de la France Design Week de Tours. « On s’est adapté aux capacités de chacun, on a trouvé un système de découpe plus facile, plus simple », explique la créatrice.
Il y a eu une vingtaine de séances. Pour Sophie Gabout, animatrice à l’Ehpad, cet atelier permet de travailler la motricité, «
d’être ensemble, de partager, de créer du lien entre résidents, avec les équipes et les familles qui voient les productions. Ici, on ne parle plus de vieillesse. Une résidente qui habituellement ne participe à aucune animation est venue à chaque fois. »
« J’ai eu le déclic avec cette activité
, confirme Françoise. Ma main droite ne marche plus aussi bien qu’auparavant, elle a du mal, mais ça la fait travailler. » Autour de la table, les seniors créent des bijoux uniques, mais surtout on échange, on plaisante. « Ça occupe les après-midi, mieux vaut cela que rester dans sa chambre à regarder la télévision, raconte Jacqueline. Puis ici, il y a de bonnes rigolades. »
« Êre en contact avec un autre public que celui qui passe en boutique, de sortir de mon atelier, ça me fait du bien,
note Julie Mansillon. Pour tout le monde, il s’agit de rencontres intéressantes. »Après une première exposition au sein de l’Ehpad, les œuvres d’art et les portraits de résidents avec leur production sont à retrouver dans l’atelier chinonais de Julie Mansillon et Adrien Piard.


Article " Chinon : les artisans d'art insufflent un élan collectif pour sortir de la pénombre" du 17/10/2021 par Malo Richard, dans la Nouvelle République

C’était en février 2020. Face à la montée en puissance du Covid, l’exposition « Microcosmes » - censée réunir 25 artistes et artisans d’art et se tenir entre les rues Rabelais et de la Lamproie, à Chinon - est annulée. Celle-ci a finalement lieu plus d’un an et demi après.

Samedi 16 octobre au matin, près d’une trentaine de personnes étaient amoncelées devant l’atelier Mimosa de Julie Mansillon, rue Rabelais. La jeune artiste plasticienne et bijoutière est à l’origine de l’élan collectif qui a permis à l’Automne des métiers d’art de voir le jour. « Après le premier confinement, on s’est tous retrouvés enfermés dans nos propres microcosmes, c’est assez ironique », sourit celle qui est basée rue Rabelais depuis trois ans. [...]



Article "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme", par Antoine Lavoisier, dans le numéro de novembre/décembre 2021 du Monde des Artisans

78 créateurs ont participé au concours "Mon Beau Déchet" organisée en partenariat avec la CCI Touraine et la chambre de métiers et de l'artisanat 37.

Il étaient invités à concevoir un objet design de manière innovante, durable et permettant l'utilisation recyclée de chutes industrielles de cuir dans une des trois catégories : objet "signature" du territoire (goodies de valorisation du territoire), art de vivre (life style) ainsi que mode et accessoires. Parmi les 49 objets proposés, les 18 créations lauréates furent exposés à la deuxième édition de la France Design Week Loire Valley du 2 au 28 septembre à l'Hôtel consulaire de Tours. La pièce "Fourrure d'écailles", de Julie Mansillon, Atelier Mimosa, art et apparat, créatrice de bijoux-plasticienne, a obtenu 2 prix : le premier prix dans la catégorie mode et accessoires, et le prix du public [...]Au-delà de la reconnaissance c'est surtout une étude de faisabilité qui s'ouvre pour la suite ! Les objets produits issus des déchets auront pour but d'aider à la réinsertion professionnelle et à la création d'emplois sur le territoire pour une potentielle production industrielle, en petite ou moyenne série.