La supraconductivité, phénomène découvert il y a cent ans, est une manifestation surprenante de la physique quantique. Ce phénomène se caractérise par l'absence de résistance électrique et l'expulsion du champ magnétique à l'intérieur de certains matériaux dits supraconducteurs.
A des températures proches du zéro absolu, les propriétés électriques et magnétiques de ces-dits matériaux tels que le plomb, le mercure ou certains oxydes changent radicalement. Ils entrent dans un état supraconducteur : ces derniers adoptent alors une résistance nulle et réagissent fortement avec les champs magnétiques. On pourrait par exemple envoyer du courant dans une bobine de plomb dans un état supraconducteur et, si la bobine est conservée à très basse température (en dessous de 7.2 K pour le plomb soit -266.15 °C), conserver le passage du courant à l’infini : c’est un mouvement perpétuel. En plus de ne pas opposer de résistance électrique, ce genre d’installation ne se dégrade pas car la bobine ne fond pas sous la chaleur, elle est en effet constamment en contact avec de l'hélium liquide (température de liquéfaction de 4.13 K soit -269,1 °C). C’est comme cela que fonctionne l’IRM
La supraconductivité s’explique par l’apparition d'un condensât. Celui-ci est formé par un très grand nombre d’électrons qui s'unissent et qui forment une onde quantique collective (les électrons doivent être, ici, considérés comme des ondes). Cependant, selon les règles de la physique classique un tel condensât ne peut se former à cause du principe d’exclusion de Pauli. En effet ce dernier n’autorise l’existence d’un tel condensât que si les ondes qui le composent sont portées par des particules appelées bosons, or, les électrons sont des fermions.
C’est cette incompatibilité qui a freiné les physiciens pendant plus de 40 ans.
En 1957 apparaît la théorie BCS proposée par John Bardeen, Leon Neil Cooper, et John Robert Schrieffer. Cette dernière admet que dans un solide supraconducteur les atomes se lient entre eux pour former des paires de Cooper. Cette liaison pourtant contradictoire due à la répulsion existante entre 2 électrons, est en réalité causée par la liberté de mouvement des électrons dans un matériau supraconducteur.
Ce schéma représente le lien qui existe entre 2 électrons au sein d'un supraconducteur. A très basse température, la matière présente une structure régulière et les noyaux sont organisés. Cependant, lors du passage d'un électron (chargé négativement), entre deux rangées de noyau (chargées positivement), ce dernier va attirer les noyaux ce qui va créer une zone plus chargée que les autres. Un deuxième électron est par la suite attiré et s'engouffre entre ces deux mêmes rangées. Ainsi, une paire de Cooper est la conséquence directe d'une perturbation de la structure cristalline du matériau supraconducteur. On appelle cette perturbation un phonon : un quantum d'énergie de vibration dans un solide de structure cristalline. En résumé, dans une paire de Cooper, les électrons sont liés par un phonon et les forces exercées par les phonons surmontent la répulsion normale des électrons. Il ne faut pas oublier qu'avec ce mécanisme les paires se brisent et se reforment constamment.
Une paire de Cooper est composée de 2 électrons de polarité opposée et donc de spins opposés. Alors une paire de deux électrons est un boson : spin 1/2 et spin -1/2 ou spin 1/2 et spin 1/2.
Ainsi, à très basse température, les paires de Cooper forment un condensât. Cela veut dire que les paires adoptent le même déplacement et forment une onde unique qui se déplace librement dans le matériau sans jamais être freinée par les noyaux. Ainsi, aucun électron se heurte aux noyaux : il n'y a plus de résistance.
Une manifestation plutôt impressionnante de la supraconductivité est la lévitation. Cela est dû à deux effets distincts : l’effet Meissner et le piégeage des vortex. L'effet Meissner est responsable de la répulsion entre un aimant et un supraconducteur, il crée un champ magnétique opposé à celui de l'aimant, tandis que le piégeage des vortex est lui à l'origine du maintien de l'aimant. Plus simplement, le piégeage des vortex "piège" l'aimant alors que l'effet Meissner le repousse.
Lorsqu'un matériau devient supraconducteur et qu'il est placé dans un champ magnétique, des boucles de courant apparaissent à sa surface. À l'image de ce qu'il se passe dans un électroaimant, un champ magnétique se crée alors. Ce dernier a tendance à « tordre » cette onde, et à créer un déphasage qui est défavorable à l’état supraconducteur. Mais cette onde supraconductrice est rigide, et ne peut pas être tordue, au risque de se briser, l'énergie minimale qu’il faut fournir au supraconducteur pour casser l’une de ses paires de Cooper et donc, l'onde supraconductrice est appelée "gap". Lorsque le gap est atteint, c'est à dire quand le champ magnétique devient trop élevé, le matériau perd sa capacité supraconductrice. Le supraconducteur veut donc se protéger du champ magnétique en l’expulsant de son sein. C’est exactement ce qui se passe lors de l’effet Meissner, voir l'expérience que nous avons réalisée ci-contre.
Nous venons de décrire des supraconducteurs qui repoussent tout champ magnétique, cas où ils perdent leur capacité supraconductrice. Ces derniers sont appelés supraconducteurs de type I ; c’est le cas du plomb ou du mercure par exemple.
Mais d’autres supraconducteurs établissent un compromis plus subtil : ce sont les supraconducteurs de type II, comme par exemple certains alliages ou encore les cuprates. Quand ils sont placés au voisinage d'un faible champ magnétique, ils se comportent comme des supracontucteurs de type I et l'expulsent complètement. Mais lorsqu'ils sont exposés à un champ plus élevé, ils adoptent une situation de compromis en laissant pénétrer en partie le champ magnétique par ce qu'on appelle des « vortex ».
Ces vortex peuvent êtres assimilés à des colonnes ou des tubes qui traversent le supraconducteur de part en part. Le matériau n'est pas supraconducteur au niveau des vortex puisque ces derniers laissent passer les champs magnétiques. Alors le supraconducteur devient une véritable passoire. Le phénomène s'explique par l'apparition de courants supraconducteurs quand le champ magnétique devient intense. Ces derniers circulent en tournant autour des colonnes décrivant une sorte de tourbillon ce qui justifie le nom « vortex ».
Le Maglev est un train à sustentation magnétique originaire du Japon se basant sur le principe de la supraconductivité. Il ne touche, en effet, pas les rails : ces derniers sont réalisés avec des bobines supraconductrices et le wagon est fait d'aimants passifs. Cela permet alors une usure de la voirie et du train quasiment inexistante. La propulsion du train est dû à l’enchaînement alternatif d'aimants de polarités différentes (ici rouges et bleues) sur les rails et sur le mobile (les rails sont constitués d'électroaimants) ; les électroaimants sont alors successivement activés, au fur et à mesure que le train avance, pour des raisons évidentes d'écologie et d'économie. Ainsi, le train est constamment repoussé et attiré en même temps. Ici, les électroaimants ont pour seul rôle de faire avancer le train et ne sont responsables en rien de sa lévitation. Evidemment cela ne fonctionne pas si le "timing" n'est pas parfait et la précision de la disposition des aimants doit être irréprochable.
Ce système lui permet d'atteindre des vitesses phénoménales, puisqu'il n'y a plus de frottements avec les rails ; il détient même le record du monde du train le plus rapide avec une pointe à 604 km/h!
Dernier point positif, et pas des moindres, du Maglev, c'est sa sécurité. En effet, grâce au piégeage des vortex le train ne peut pas dérailler.
Le Maglev est si rapide, et ce, sans consommer plus d'énergie que les Shinkansen ou que les autres trains à grande vitesse, que ce dernier est plus respectueux de l'environnement (voir graphique).
Graphique représentant la consommation énergétique en fonction du moyen de transport. La consommation est exprimée en Wh par passager et par Km.
*La valeur de cette consommation pour la voiture est une moyenne des données relevées.
Cependant, bien que cette avancée technologique représente un gain de temps important sur les trajets effectués en train, elle représente un coût très conséquent. En effet pour le Maglev, le chiffre annoncé est de 70 milliards, pour une infrastructure sur 400 km (entre Tokyo et Osaka). En comparaison, la LGV française, sur 500 km, revient à 25 milliards d’euros. C'est à cause de ce dernier point que le Maglev est aujourd'hui toujours une ligne expérimentale au Japon.
Alors, bien que la supraconductivité soit un phénomène partiellement compris et maîtrisé, il nous reste des progrès à faire pour en permettre une utilisation quotidienne. C'est un domaine dans lequel la recherche est très active ; l'homme ne cesse de découvrir de nouveaux supraconducteurs en espérant, un jour peut être, en trouver qui soient à température ambiante.
Ainsi l'avenir de la supraconductivité est prometteur ; les ingénieurs pensent déjà à la combiner avec d'autres technologies telles que l'Hyperloop d'Elon Musk ou encore la propulsion ionique pour s'affranchir, alors, de nouvelles contraintes.