atelier de septembre 2023

Il fait encore très chaud à la rentrée 2023. Mais une petite dizaine de personnes bravent la chaleur et la torpeur dans une ambiance elle aussi très chaleureuse. Pendant 4 jours, nous faisons groupe et les textes récoltés témoignent de la belle confiance qui règne au sein de la petite communauté. Curieusement, parler de mort nous fait sentir plus vivants. Et, comme dirait Thierry : quoi de plus beau que de mourir de son vivant...

Pourquoi les gens meurent-ils ?

Pour faire de la place

Parce qu'ils en ont marre

Pour aller au Paradis

Pour enfin remplir le caveau familial

Pour rejoindre un conjoint

Pour se reposer, enfin

Pour contrarier les gens

Pour retrouver des amis perdus de vue

Pour enfin entendre un bel alleluia

Jeannine

Il mange trop de tomate, l’acidité des tomates ça tue.

Il parait qu’il y a une personne qui aurait bouffé une pomme avec une autre personne et que ça aurait foutu le bordel.

Ils ne chantent plus assez sous la douche.

Leur peau est devenue perméable depuis l’invention du sucre impalpable.

C’est une histoire d’amour pour les chatons. Une vieille tension entre qui aime les chats et qui aime les chiens. Ça permet de clore le débat…ou pas.

C’était nécessaire pour qu’on puisse améliorer les maisons. A un moment, les gens ne s’occupaient plus de leurs maisons, alors on a dit qu’ils allaient mourir.

Ils sont juste biesse.

On ne peut pas leur faire confiance.

Parce qu’on a décidé que le dimanche c’était la fin de la semaine mais que d’autres on dit que c’était le début. Alors, il fallait un début et une fin

SAm

Pour se libérer de leur souvenir

Pour reprendre tout à zéro

Pour arrêter de porter leur passé

Pour laisser les autres vivre en paix

Par choix

Par courtoisie

Pour ne pas polluer d’avantage cette planète

Pour permettre aux autres de faire l’expérience d’un deuil

Parce qu’ils ont voulu frauder le fisc

Parce qu’ils se sont pris pour un super héros en sautant d’un avion sans parachute

Pour devenir de la pâtée pour chat

Pour retourner en conscience dans une source de paix et de béatitude éternelle. Amen.

Par obligation

Par déception

De chagrin

Par manque de temps

Pour ne pas voir qu’ils… ne pas voir quoi… ? C’était quoi la question ?

Pour être libre de leur désir infini

Pour…. Et stop !

 Thierry

La mort c’est l’inconnue ultime. J’ai malheureusement pas de don de voyance, j’entends pas de voix, je ne vois pas les auras, ni les âmes. Je ne sais pas ce qu’il y a après la mort. Peut-être que… peut-être que… j’en sais rien. C’est l’inconnue. L’inconnue ultime.

 

Bon là je parle de la mort de mon corps, de ce corps, de celui de mes proches, du fait que le vivant meurt. Mais en ce moment, des tas de cellule meurent à l’intérieur de mon corps. Elles aussi peut-être se demandent ce qu’il y a après leur devenir de cellules. J’en sais rien.

 

La mort s’est annoncée. C’est pas une surprise en soit. C’est la fin obligée de tout ce qui est né. Fin des corps, fin de fleurs, fin des cellules, fin des pensées - tiens c’est vrai une pensée c’est aussi une fleur - fin des relations… fin des relations ? J’en sais rien non plus.

 

Parfois j’ai peur de perdre, un proche, un enfant… de devoir survivre à sa mort. Je ne sais pas ce que ça fait de devoir faire le deuil d’un de ses enfants, de son amoureux, de son amoureuse… je sais pas comment je serai ? Comment je le vivrai… c’est un imaginaire. Par contre ma sensation tactile face à ce « je sais pas » n’est pas imaginaire. Je peux goûter mon appréhension, ma peur. Mon face à face avec ma vulnérabilité. Ma finitude. Les frissons, les picotements.

 

En même temps, l’existence de la mort, dans le cycle du vivant, naissance-mort, donne une saveur à ma façon de vivre… derrière l’appréhension de tout quitter, ce corps, mes amours, la maison, le compte en banque, les amants, tout… derrière il y a un putain de bouleversement de sentir la vie passer, de la goûter… et une vague de gratitude. J’le sens comme ça.

 

En fait la mort je ne sais pas du tout ce que c’est.

Je sais qu’elle est, qu’elle sera.

 

La mort pour moi, c’est une question. Une énigme.

Une énigme évidente, presque contrainte.

Une obligation de faire face à cette énigme.

 

J’ai pas de don de voyance, j’entends pas de voix.

Pour moi la mort c’est… un grand silence après ces 3 mots.

Trois petits points

De suspension…

Thierry

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

La mort, c’est une certitude.

Tout au long du voyage de la vie, j’ai navigué entre deux rivages. Y croire, être certaine de l’amour de ma mère, quand j’étais enfant. Grandir, c’est s’opposer, douter, espérer, se désespérer dans l’incertitude.

Entre ces deux rives, je navigue avec confiance, bonheur, heurts, doutes, échecs, joie, sérénité.

A l’arrivée, elle se tient là, immuable, implacable, libératrice ?  La mort adviendra, c’est une certitude.

Anne V

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Chez moi la mort se vit en discrétion. En pudeur. On meurt en silence. En catimini.

 

Un voisin allongé sur une table dans le salon. Découverte de son corps, exposé, déposé l’espace d’une journée. Première rencontre enfant avec un cadavre.

 

Le corps était autre, figé, je pouvais y voir l’absence de vie. Presque la sentir. Sentir l’absence.

 

Mon arrière-grand-mère allongée dans le salon de la maison, apparemment le bébé que j’étais lui aurait fait un bisous sur les pieds. J’en ai aucun souvenir.

 

Un oncle éloigné, ancien mafieux, enterré à Nice. Il y avait des truands et des flics à l’enterrement. C’était cocasse. J’ai beaucoup pleuré pendant la cérémonie. J’adorais son épouse. Ma tante, Annette. J’étais triste pour elle. Triste pour moi aussi, bercé de compassion.

 

Une voisine, incinérée, une cérémonie de cendre. Discrète, devant 4 personnes. Un jour de grand soleil.

 

L’enterrement du père de la mère de mon fils aîné. De mon ex-beau-père. Sa fille, mon ex-compagne a dansé autour du cercueil dans l’église. C’était bouleversant.

 

Le corps d’un ami, de 40 ans, dans une boîte, avec sa photo sur le cercueil. Première fois que je vois le visage d’un proche, d’une personne de mon âge sur un cercueil. Entendre le témoignage des potes, de son épouse, des ses enfants. Bouleversant.

 

Chez moi la mort c’est des pleurs, des chants dans une église, du recueillement, du silence.

 

Et souvent, c’est intensément vivant. Autour des églises, entre les personnes présentes.

 

Le meilleur ami de mon père, encore une église. Encore des témoignages. Encore du recueillement.

 

La mort, chez moi, c’est le moment d’un au revoir, d’un adieu.

C’est un espace pour laisser vivre sa tristesse, son désarroi, son deuil.

Et c’est beau de dire au-revoir.

 

Bien sûr les stars, les cérémonies nationales, Johnny, la reine d’Angleterre…

Mais la plupart du temps, chez moi, on meurt en silence.

Thierry

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Non, je ne vous salue pas. 

Je vous connais, oui, mais vous vous êtes manifestée si souvent dans ma vie... je refuse de vous parler. 

Sournoise, vous vous infiltrez sans prévenir. Votre hypocrisie n'a pas de borne. L'injustice est votre devise. Vous ne tenez compte ni de l'âge, ni de la personne. Vous frappez sans prévenir. 

Par contre, vous prenez parfois du plaisir à vous décider. Vous menacez, vous laissez espérer. Le temps s'étire dans la douleur. Vous y prenez du plaisir. 

Non, je ne vous parlerai pas. 

Mais je sais que vous pouvez percevoir mes pensées profondes. Vous savez certainement que je souhaite terminer ma vie sans souffrances. Mais la trahison que vous affectionnez aura toujours la priorité. Que vous soyez vêtue de noir ou de blanc, votre habit sera toujours de larmes. 

Jeannine

20 minutes d'écriture

(Expression de désarroi) Arf je m’en remettrai

Je m’en remettrai hein

J’’men remettrai…

Mais pour l’instant

ffffffffffoooouu (bruit du vent)

je… ffffffffffoooouu (bruit du vent)

Un souffle

Un sifflement léger et sourd dans ma tête

Hiiiiiiii

Aïgue

Pas douloureux. Mais continue

À l’arrière, entre les deux oreilles

Un acouphène

Je suis sonné

Je vois le corps au sol et je suis sonné

tout ce sang ! Haaaaaan (inspiration longue)

Je suis au troisième étage mais je l’entends glisser s’épandre couler sur les pavés

Ça coule dans ma tête aussi

Mon regard se floute

Est-ce bien son corps ?

Oui putain c’est son corps

Oh putain c’est son corps

Elle est tombée

J‘m’en r’mettrai jamais

Thierry

10 minutes d'écriture - thème imposé - obligation d'insérer des onomatopées

Apparition, voilà un bien grand mot ! Ce n’est pas une forme qui tout à coup se plante devant moi me faisant mourir de frousse ! Ainsi que je le craignais enfant et que je priais la Vierge Marie, à l’époque j’étais croyante, de ne surtout pas me faire ce coup-là ! Mais pour ce qui est de mes morts, il me suffit d’y penser. Ce sont des situations précises qui tout à coup me font penser à une personne décédée en particulier.

Comme, par exemple, ma grand-mère paternelle, très austère, qui nous vouvoyait, même nous qui étions enfants. Toujours habillée de sombre, chignon gris, elle me disait en le faisant : Nadia pensez toujours à vous redresser ! Je la vois encore. D’un autre côté, je n’ai jamais réussi à refaire une de ses soupes tellement savoureuses… !

Parfois dans un rêve, je vis quelque chose avec l’un ou l’autre. Et donc en réalité mes morts m’apparaissent au travers de mes souvenirs. Souvenirs parfois fixés par des photos mais pas toujours.

Ces « apparitions » ne m’attristent pas, elles font partie de ma vie.

Nadia

20 minutes d'écriture - thème imposé

J’ai fait connaissance avec la mort j’crois bien. Attends je te dis ça j’ai pas rencontré la mort avec sa faux, j’ai pas rencontré un cadavre, j’ai pas traversé la vie pour aller dans le monde des morts… rien de tout ça. Concrètement, on était en voiture, et j’avais un bidon d’essence dans les mains. J’étais gamin. Moi l’odeur de l’essence, je trouve ça insupportable. Ça me donne les nausées. Bon les petits chevaux, le manège, me donnent des nausées. L’essence c’est fois dix. Et je tiens ce bidon d’essence à l’arrière de la voiture et je sens que je pars, que je suis pas bien. Attends, j’étais à concrètement ! Donc, concrètement, dans les faits, je suis sorti de la voiture et je suis tombé sur un muret de jardin, pas violemment, enfin j’en ai pas de souvenir, je me suis juste réveillé allongé sur sur muret confortable. Réveillé par les claques que me donnait mon père pour me réveiller. En dedans j’étais bien. En paix. D’une paix infinie. Calme, blanche, étendue. En dedans y avait plus de « moi », ça respirait, c’était vivant vibrant. Et quand j’ai senti qu’on me réveillait, qu’on voulait me sortir de là, que je revenais dans mon corps… je me disais mais pourquoi ! Je suis si bien là où je suis. Dans ce calme, cette étendue, cette paix. Depuis je n’ai plus peur de mourir, d’aller vers la mort, de retourner vers cet océan paisible, ces vagues de… mais y a pas de mot, y a plus de mot, j’sais pas comment le dire autrement… la joie de n’être rien ! Et le rien est plein. Vibrant. Attends ! Concrètement j’ai plus peur de mourir moi. Mais quitter les vivants et les vivantes, toutes ces beautés qui nous entourent ici. Rooo ça oui. Parfois, de ça j’ai peur, de dire au revoir, de dire adieu, de laisser partir, un souffle, un moment, une relation… de laisser partir ça… ça j’suis pas encore prêt… et je sais pas pourquoi purée ! Pourquoi je voudrais garder dans ma main ce que j’ai tant aimé. C’est quand même fou que prendre en main, comprendre, prendre préhension, appréhender signifie aussi envisager avec crainte. Faut une putain de foi pour garder la main ouverte. Et main déjà, la sentir être impulsive à se fermer. Bah moi ma main, elle se referme encore pas mal.

 Thierry

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

La mort c’est un mot, quatre lettres, chacune ayant sa propre forme, qui évoque mille sensations à décrire.

La mort c’est un peu comme la fin d’une journée d’ivresse. La fin est inéluctable, prolonger ce moment devient pathologique. La journée peut passer comme un claquement de doigt où se dérouler dans le désarroi de la douleur ou des angoisses. On ne se souvient pas de tout, tout gardant en mémoire trop de détails.

Penser à la mort nous amène inévitablement à penser à la vie. À la vie qui a précédé la mort et à la vie qui s'adaptera après elle. C’est un changement dans l’espace et dans l’histoire, à accueillir, à cueillir.

La mort est inévitable, celui ou celle qui ne meurt pas serait divin·e et ce qui est divin est changeant.

SAm

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Si après ma mort je devenais un fantôme fantasme fantomas

Si après ma mort je devenais un ange angelo angelin

Ou si après ma mort je devenais rien nada tralala

J’en sais rien

J’en sais rien

Je n’en sais rien

C’est un imaginaire

Je serai un fantôme qui rêve de devenir humain

Je serai un fantôme qui demande de l’aide à des médiums pour devenir ange

J’en sais rien

Et elle est pas bizarre cette phrase ? Si après ma mort, je

Attends ! Si moi est mort qui est Je ?

Bah j’en sais rien non plus

Je sais pas qui je suis

C’est pas beau ça

Je ne sais pas du tout mais du tout qui je suis

C’est pas une figure de style

 

Mon cœur bat je dis pas je bas

Mon corps je dis mon corps mais mon corps de maintenant n’est plus celui d’il y a 10 ans

Où est le je ? Dans le cerveau

Ce fantôme là, qui sera ce je après la mort de moi ma mort à moi après ma mort

Ça sera qui de moi maintenant ?

Les pensées ? Le corps qui bat ? Le cerveau ?

Et il aura quoi ce fantôme là de reste de mon je d’aujourd’hui ?

Des souvenirs ? Un karma ? Des frustrations non résolues ?

Mais de quoi je parle ! J’en sais rien.

Je ne sais pas qui je suis et je ne sais pas de quoi je parle

Mais apparemment

Ça m’empêche pas de parler

En tout cas des mots sont prononcés

Des phrases sont dites

Des phrases creuses

Fantomatiques

Elles se promènent comme ça

Au milieu des humains, un mot par ci un mot par là

Coucou ! Oh une phrase qui passe.

Hein ? Comment ?

Oui je reprends mes cachets docteur.

Vous avez de l’eau ?

 Thierry

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Lady Di : je suis toute cassée !

Une amie de Lady Di : Oh dear... quelle histoire affreuse ! Avant de mourir, j'ai pensé que j'allais te rejoindre et j'ai payé une somme folle pour reposer à côté de toi. 

Simone Veil : Allons Mesdames, ravie de faire votre connaissance. Comment ça se passe ici ? Peut-on débattre ? Puisque nous avons l'éternité devant nous... 

Di : Je n'ai pas l'habitude de parler aux personnes qui ne m'ont pas été présentées ! 

Amie : Oh Diana, please ! Oublions le protocole entre nous qui sommes amies de coeur, nous n'avons jamais fait attention à l'étiquette. 

Simone : Je comprends, vous êtes Lady Di et vous, son amie d'enfance. Je viens d'arriver après une chute fatale, en quittant le perchoir du Parlement. Je me nomme Simone Veil. 

Amie : Ouf ti ! Je suis bien entourée. Vous m'impressionnez. 

Lady Di : moi, je suis très préoccupée... J'aimerais des nouvelles de mon amant. Qu'est-il devenu ? 

Veil : Mais Diana, il est mort en même temps que toi ! 

Amie : J'aurais dû te le dire mais j'avais peur de te faire de la peine.... 

Veil : maintenant, nous sommes trois pour nous soutenir. Et nous savons qu'il y a une vie après la mort. 

Anne V - Jeannine - Nadia

Tôt le matin, au lever du soleil.

 

Une grande salle, lumineuse, avec un sol frais, des tapis de sol, zafu, un truc confortable pour s’assoir en silence. Sans chaussure. Un grand silence partagé. Vibrant. Les retardataires entrent sans bruit, juste un petit signe de tête à celles et ceux de la famille dont ils ou elles croisent le regard.

 

Un silence partagé.

 

Puis un chant, doux, collectif, polyphonique. Simple. Un chœur qui chante.

 

C’est fou cette proximité entre le cœur boum boum et la musique.

La racine cor a donner être d’accord d’un même cœur et un accord c’est en musique

Une pulsation c’est en musique ou c’est le cœur

La chamade, c’est une musique, de tambours quand la ville se rend puis c’est un battement de cœur

Le nom d’instrument de musique, l’accordéon, c’est encore la racine cor cordis

 

Bref, on chante, ensemble, en chœur

 

Puis on sort, on se dit bonjour, on s’embrasse, on se donne des nouvelles… on prend un petit déjeuner léger. Les enfants courent, jouent.

 

Dans des petites salles, plusieurs, des personnes viennent parler des morts qu’ils ou elles ont connus, c’est le moment des contes, des souvenirs, des récits… partager leur savoir, leur quête, leur rapport au monde, ce qui était important pour elles, ce qu’elles aimaient.

 

Et après ce moment de récits en petit comité, on se re rassemble dans la grande salle pour salir les morts. Mais non c’est pas salir pour salir. C’est juste que les personnes qui les ont bien connues, les proches leurs plus proches, viennent partager leur tare, leur zin, leur p’tit côté chiant, leur limite, leur excès, les réactions de leur corps, leur façon de transpirer, de faire des prouts dans telle tonalité, à telle fréquence, de raconter le timbre spécial de leur rire, leur façon de souffler la nuit…

 

Juste pour démythifier, déconstruire le mythe de l’être humain parfait et irréprochable…

 

Le repas / goûter oui parce que souvent ce temps des contes s’étale dans le temps… se fait en présence de leur photo, d’un mur de photos, en vrac, en patchwork, de tous ces prédécesseurs et prédécesseuses, de ces ancêtres…

 

On mange, on leur dit merci, on passe devant ce mur là, rempli de photo, on lève nos verres ou nos fourchettes à leur santé…

 

Puis c’est la marche, la montage, le sommet sans photo, sans image, où l’on fête non plus les gens, mais les anciens, les aïeux, les racines, la continuité, le passage, le lien avec le vivant, le flux, où on fête plus grand que soi… et tout ce qui nous relie à plus grand que soi… là maintenant…

 

Sans visage, là encore pour démythifier. Il ne s’agit plus d’une image d’une telle ou d’un tel à démythifier… mais de démythifier la dynastie, le Nous, la famille… le nous et les autres beurk beurk beurk… oui il y a nous, oui il y a famille… et il y a le lien, la continuité, le flux, le plus grand que soi…

 

Après c’est le moment que je préfère, c’est la fête des corps, des danses, des espaces où on danse et où on invite les âmes des anciens et anciennes à danser avec nous en nous à travers nous…

 

Elle avait la santé mamie !

 

Nos corps deviennent des portes, des temples et espaces de rencontres et d’échanges entre les vivants et les morts. pas pour transcender. Pas pour donner des messages. Pour l’amour de la fête. Et inversement.

 

Pour célébrer ce flux, ce lien, ce passage sans visage, d’un visage à un autre, d’un cœur à l’autre, dans une musique continue. Qui pulse sans début ni fin. Qui pulse sans raison ni but. Dans un espace sans pourquoi.

 

Vous aviez déjà remarqué qu’une question un point d’interrogation qui se regarde dans un miroir ça fait un cœur ?

 

Bah voilà c’est ça cette fête : des gens, des points d’interrogations, qui se regardent et dansent ensemble, dans un même cœur.

 

Pour aller nulle part. Pour la joie de dire merci. Juste pour celles et ceux qui nous ont précédés. C’est déjà gai de leur dire « merci ».

Thierry

20 minutes d'écriture - thème imposé

Chez moi, la mort se vit en famille. Ou se suivait, le monde change et la famille aussi.

C’est quoi la famille, chez moi ? Au passé, au présent, au futur ? Et quand je dis la famille, je parle de la famille telle que je la vois. Je ne parle pas au nom de ma famille.

J’ai donc, moi, un regard singulier sur la mort et la famille. Qu’est-ce que cela signifie ?

Cela renvoie à ma perception de la mort, de la façon dont je m’y prépare, oh ! je ne parle pas ici de « ma » mort (ça, ce sera une autre histoire). Non, celle qui se prépare pour l’un ou l’autre de mes proches. Être là , encourager, tenter de comprendre, aussi d’exprimer que je comprends (alors que j’essaie juste de comprendre), tout cela m’est familier.

C’est le cas de le dire : familier.

Et puis, quand elle survient, cette mort, le travail du deuil commence dans ma famille et en moi. Ce sont mille choses à faire, organiser, inviter.

La cérémonie se fait attente, introspection, écoute, réconfort. Les agapes qui suivent se font fête. On se retrouve tous autour de celui ou celle qu’on a perdu.

Anne V

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Un petit panneau en bois, à peine lisible, en délabrement.

Qui a dû être replanté plusieurs fois.

Sans photo.

Au pied d’un arbre, un des grands arbres du cimetière.

« Ci-gît monsieur untel, conservateur du cimetière. »

Untel Tartanpion Bidultruc. Je sais plus pis on s’en moque.

Ses os sont là sous terre, quelque part dans les racines de cet arbre.

En train de germer, de fleurir, de nourrir une sève, d’alimenter un humus.

De jouer son rôle de conservateur de cimetière.

D’accueillir et de transformer les corps des morts en jeunes pousses.

Quelle folie de vouloir être conservé. De vouloir même conserver quelque chose.

Faut avoir été conservateur de cimetière, pour se rendre compte que rien du tout ne se conserve.

Notre refuge, il est dans ce changement continu, ce cycle continu, cette éternelle nouveauté.

Unicité, singularité, originalité.

Ça meurt, ça vit, ça pousse. Continuellement et sans arrêt.

Sur les tombes. Sous les tombes.

Dans les corps. Dans les têtes.

Quoi de plus beau que de mourir de son vivant.

Participer au vivant depuis sa mort.

Apparemment ça conserve.

Quoi ?

Rien.

Passer devant cette pierre tombale.

Ce caillou.

Un caillou parmi d’autres, au pied de ce panneau de bois.

Aide à mourir en soi. À laisser mourir.

Ses prétentions à être.

Se prétendre être quelqu’un demande tant d’énergie.

Et si je me laissais moi aussi, là maintenant, devenir ce rien, dans ce cycle.

Oh non ! J’vais encore me conserver un peu.

Et mettre encore de l’énergie à penser qui je suis.

À mémoriser qui je suis.

À raconter qui je suis.

Alors… Moi, je…

Thierry

10 minutes d'écriture - thème imposé

Elle tient une jolie boutique en face du cimetière. Elle vend des fleurs. En couronne, en gerbe, en pot.
Elle accueille le client avec son beau sourire, plein de gentillesse et de douceur. Elle sait faire preuve d’empathie face au chagrin des gens en deuil.
Elle conseille, propose, suggère, elle écoute aussi. Pas seulement lors des enterrements, mais aussi à la Toussaint. Les gens reviennent la voir…
Elle travaille dur, se lève très tôt pour aller au marché aux fleurs, nettoyer son magasin, agencer les bouquets.
Ce métier si « poétique » est davantage social, tourné vers les autres qu’on ne pourrait l’imaginer.
Elle n’est pas seule, elle a un apprenti. Quel bonheur, la relève est assurée.
En face de chez elle, le cimetière, très calme et où elle observe les tombes fleuries pour détecter celles qui tiennent plus longtemps et les autres. Elle adapte ses ventes en fonction. Elle a à cœur de se tenir à jour. Car dans ce domaine aussi la mode joue un rôle. Il y a des tendances, comme en tout.
Une seule chose ne trouve pas crédit à ses yeux : les fausses fleurs. Elle n’en vend donc pas. Elle n’aime que les fleurs naturelles. Elle essaye tant que faire se peut d’acheter local et en trouve de plus en plus facilement. C’est dans l’air du temps, et vise à la protection de l’environnement. Mais il faudra encore du temps avant de trouver une culture de roses rouges en Europe…
Elle rêve du jour où elle aurait un petit terrain en bordure du cimetière dans lequel elle cultiverait des fleurs à couper. Les gens pourraient s’y servir et déposeraient l’argent dans une boîte selon le tarif présenté. Elle aimerait ainsi jouer la confiance tout en posant sa petite pierre dans l’amélioration de la protection de l’environnement.
Elle aime son métier et n’en changerait pour rien au monde.

Nadia

30 minutes d'écriture - thème imposé

Quelle emmerdeuse, j’suis sûr…

Son coeur goûte le vinaigre.

…On la finira demain…

Thierry - Philippe - Anne V

4 mots à la fois

Moi c’est Dahlia, je suis la 15e génération d’une famille recomposée de fossoyeurs et fossoyeuses. Aujourd’hui, lorsque je parle de mon travail, je préfère me présenter comme une conservateurice multi-potentielle woke.

Les cimetières, j’y suis et j’y vis depuis toujours. D’ailleurs, je suis né·e au cimetière de Molenbeek, un jeudi après-midi très ensoleillé. Mon père était calé avec une gastroentérite terrible à la maison, les deux employées étaient en burn-out après la pandémie, ils venaient d’enterrer le 3e après 33 ans de service et il faisait trop chaud que pour reporter les rebouchages de la journée. Il y a des obligations au niveau de l’hygiène et de la santé sur lesquelles on ne peut pas se louper. Ma mère, elle aime bien être dans les règles sur ce coup, elle dit que c’est le gage de qualité de notre cimetière et une marque de respect envers les nouveaux résident·es. Elle déteste entendre des gens dire du mal de notre cimetière et de notre travail. Elle me répète toujours « ils comprendront quand ils seront morts ».

Le dimanche, elle va nettoyer et planter des fleurs sur les tombes des gens qu’on ne visite plus, elle leur parle, juste pour que les gens voient qu’ici on s’occupe bien de nos mort·es et qu’il y a des codes couleurs. Ma mère adore notre charte graphique. Elle continue encore à venir le dimanche, alors qu’elle est retraitée depuis 15 ans.

Le jour de ma naissance, ma mère était à son 8e mois de grossesse et elle a été reboucher les 4 trous du matin avec la Kubota B1-181. Il y en avait 2 nouveaux résident·es à la parcelle 20 – Ernest DUBOIS et Dominique DUFOUR, une à la 35, Jeannette LEDUC et une à la 25, Bintou DIALLO. Maman dit que c’est important de se souvenir de leurs noms, de parler de ces moments parce que c’est aussi leur histoire. Iels me protègent. Au 3e rebouchage, elle sentait qu’elle perdait les eaux. Puis au 4e rebouchage pour Mme DIALLO elle serrait les jambes pour que je ne sorte pas. Elle ne voulait pas qu’on rate le rebouchage de Mme DIALLO, c’est important. Quand elle a eu fini, avec la Kubota, elle aurait remonté toute la 5e avenue, fait un signe au Christ. Elle raconte même parfois qu’une bougie se serait allumée quand elle est passée. Là, je pense qu’elle fabule. Ensuite, elle aurait repris un morceau de la 7e avenue et avec la petite Kubota elle serait allée se mettre au pied de l’arbre pleureur. Elle s’y est adossé pour les dernières poussées.

D’ailleurs, c’est là qu’on a enterré mon placenta et c’est là que je veux faire enterrer : A la verticale, dans un linceul, avec mes asticots booster et des bombes à fleurs. Je veux des crocus. Du coup, quand je suis sortie et que le placenta est sorti. Elle a coupé le cordon ombilical avec le tranchant de la petite pelle qu’elle a toujours à la ceinture. Et là, elle a eu un fou-rire. Elle a vu la statue de la « dame chut ! ». Maintenant c’était scellé que c’était un secret de cimetière. Maman lui fait chaque année une petite salutation pour la remercier le jour de mon anniversaire. Elle dit souvent qu’elle n’était pas seule ce jour-là. D’ailleurs, Mme DIALLO, on l’a surnommé « marraine ».

L’arbre pleureur, c’est devenu un lieu où dès que les beaux jours viennent, on va s’y poser. Depuis quelques années, avec la zone de fauchage tardif c’est vraiment très agréable comme lieu de pique-nique et de ressourcement. Les branches de l’arbre pleureur qui dansent avec le vent, j’adore. Je conseille à tous les potentiel·les nouvelleaux résident·es de se faire enterrer là. Parfois, les gens parfois trouvent que c’est trop loin de l’entrée. Comme elle dit ma mère « ils comprendront quand ils seront mort·es ».

C’est ma mère qui m’a appris le métier. Mon père, il faisait bien les choses mais il était plus brut, tu voyais qu’il était fils de charpentier naval et que sa mère avait été désosseuse. Ma mère, sa mère était fossoyeuse, mais se revendiquait avant tout taxidermiste historienne. C’était une femme de caractère, très méticuleuse et qui a eu beaucoup d’amant.es dans le secteur. De ce qu’on sait. Du coup, ma mère c’était la petite chouchoute du secteur, « La fille de ». On lui a montré toutes les ficelles du secteur.

Mon meilleur souvenir avec ma mère, c’est quand j’avais 22 ans et qu’elle était devenue conseillère politique sur la gestion des funérailles et des sépultures. Elle est allée avec ce sujet jusqu’au niveau européen. J’ai adoré ce moment parce qu’elle a œuvré à changer le narratif autour des cimetières et de la mort. Elle m’a fait comprendre à quel point notre métier n’était pas anodin, pouvait apporter du changement et que je devais être fier·e.

Avant, quand j’étais à l’école, les gens ils avaient une tendance à me railler, à faire des blagues sur ma famille. En secondaire, je ne parlais plus du métier de ma famille. J’ai toujours su qu’on était essentiel mais mal compris, ça me faisait quand même mal. Je préférai me taire. Comme elle dit ma mère « ils comprendront quand ils seront mort.es ».

A cette période où m’a maman s’est engagée en politique, je faisais des études en administration publique avec une spécialisation en aménagement urbain, suivi d’une spécialisation en étude de genre. On a vécu les 10 années les plus extraordinaires de mon existence. J’ai eu un tel plaisir d’intégrer les réflexions qu’on avait à la maison dans mes études et de progressivement voir le changement dans le regard de mes collègues de cours et mes professeur.es. Avec maman on a réellement fait de notre cimetière, un laboratoire de changement. Pour moi, on a contribué à rendre plus attractif notre métier et le cimetière. On a déconstruit des idées reçues.

Cinq jours après la fin du mandat communal de ma mère, mon père est décédé. Là, elle m’a demandé de venir et de reprendre les activités du cimetière. J’ai mis mes conditions. Je voulais plus qu’on accueille des gens qu’on aime et qu’on soit à notre échelle. Finis l’accueil des biberonnés m’as-tu-vu, je voulais qu’on écrive les histoires de nos mort·es, qu’on fasse quelque chose de tous ces récits qui sommeille. Et puis, j’avais envie que certaines règles d’égalité que mon père avait contournées, soient respectées. Pour de vrai. Et enfin, cherry-on-the top, je voulais qu’on devienne un cimetière Durable.

Ça a été compliqué les premières années puis progressivement avec l’aide des focus group qu’on a mis en place, des ateliers de récit de vie qu’on a animé dans le quartier. On a commencé à avoir du monde pour venir faire rayonner les choses. Les choses ont progressivement changé. On a même réussi à écrire quelques pages sur la majorité des résident·es d’avant ma période d’arrivée. Enfant moi ça me rendait triste que des gens qu’on avait côtoyés et qui avaient rendu notre vie meilleure, plus personne ne les connaisse. Alors moi j’ai écrit. J’ai écrit sur Annie.

SAm

60 minutes d'écriture - thème imposé

Le dernier mort que j'ai vu...

C’était une chatte. Gigi. Elle est morte dans mes bras.

On rentrait de balade. Une amie est arrivée en avance à la maison. Ses filles sont ressorties.

« Y a un problème ! »

J’accours. La chatte est allongée dans le jardin. Inerte. Tu sens l’énergie de la mort.

Ou l’absence d’énergie de vie. Elle est pas en train de dormir.

Je dis son nom dans un cri. Pas strident. Mais qui sort du bide.

Elle ouvre les yeux. Me regarde. Intensément. Puis son visage se crispe. Elle s’éteint.

Je pleure. On pleure. Nous pleurons.

On s’explique les uns les autres ce qu’il vient de se passer.

Parce que tout le monde n’arrive pas en même temps de la balade.

Laura l’a tenue dans les bras longtemps.

Son corps s’est tout ramolli, puis a commencé à se raidir.

Les enfants ont pu le voir, la voir, lui dire au revoir.

On a fait un trou au fond du jardin, mis des branches de lilas fleuris.

Pour faire un petit lit. Un p’tit nid.

Puis on l’y a déposée.

Et on a rebouché.

Les enfants. les nôtres et les filles de nos amies. De 2 ans, 3 ans, 4 ans… jusqu’à 11 ans.

C’était une classe verte.

Des questions de partout.

Des répétitions, beaucoup.

Elle est morte.

Elle ne reviendra plus.

Elle est morte.

De quoi ? Pourquoi ?

On n’a jamais su. C’était pas du poison. Elle aurait eu de la bave.

On a adoré cette chatte. Hyper câline.

La nuit elle dormait sur nous. Dans le creux de nos aisselles.

On a mis 2 ans avant d’accueillir un autre animal de compagnie.

Une autre petite chatte.

J’ai pas vu de mort depuis 2 ans.

Purée.

Et avant Gigi, c’était aussi un chat. Celui de ma sœur. Mort aussi devant mes yeux.

En fait je vois pas beaucoup d’êtres humains morts ou en train de mourir ailleurs qu’à la TV.

Parce qu’à la TV on dirait que les êtres humains passent leur temps à se tuer et à mourir.

Mais dans mon environnement petit bourgeois.

J’vois que des chats.

Ah si ! Sur le bord de la route aussi :

Des chiens.

Thierry

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Le cimetière, c'est le lieu où les vivants se retrouvent en pensées avec leurs défunts. Mais le cimetière est fait finalement pour les vivants. Les arbres, les fleurs, les bancs, les allées, tout invite à la promenade, à la détente. La paix du cimetière offre aux vivants un réconfort et une assurance sur l'avenir. Visiter un cimetière équivaut à visiter un musée : on y apprend à vivre. 

Jeannine

Début du texte imposé - 10 minutes d'écriture

Cyril est cybercleaner pour e-life. Son métier est de nettoyer le web des traces numériques laissées au cours de sa vie, par une personne qui vient de décéder.

 

E-life est la société numérique de référence post-mortem. Elle se propose de récupérer l’ensemble des données numériques possédées par diverses sociétés existantes qui auraient gardé une trace de la personne décédée : réseaux sociaux, moteurs de recherche, sites de commandes en ligne, cookies, historique de navigation, historique de géolocalisation, archive de correspondance électronique, mails, fichiers laissés en ligne sur des serveurs, des drives, abonnements en cours auprès de plateformes, références bancaires enregistrées, reconnaissance faciale sur des photos postées en lignes par des proches ou des entreprises, etc.

 

Le travail est colossal.

 

Bien souvent, les familles en deuil, débordées par la gestion de l’enterrement, puis de la succession, n’ont pas de temps à consacrer à cette question-là. Et d’une manière générale, les gens n’ont pas conscience des milliards de données que chaque être humain a laissées comme traces numériques au cours de son existence.

 

Ni les compétences ou les outils nécessaires pour réaliser ce travail.

 

E-life propose un catalogue d’intervention allant de la simple récolte de ces données à l’effacement total de toutes informations numériques concernant le ou la défunte, en passant par l’analyse et la synthèse de toutes ces data via les algorithmes à la pointe de l’Intelligence Artificielle.

 

Seule une IA puissance est capable de traiter aujourd’hui cette masse d’informations complexes et hétérogènes.

 

E-life permet à la famille et aux héritiers de choisir le degré d’intervention à chaque étape du processus. Tout laisser en ligne ainsi ? Rassembler ces informations ? Choisir le niveau de traitement ? Nettoyer ou pas ces données personnelles. Tout supprimer ? Laisser des posts pour une durée déterminer, etc. Permettre à des proches de continuer de commenter ? Partager des photos où le ou la défunte est identifiée, taguée ?

 

En tant que cybercleaner, Cyril s’assure que tout ce qui concerne la vie du défunt n’existe plus sur la toile, accessible aux grands publics ni dans le dark web ou dans les serveurs privés des grandes multinationales. Ce qui n’est pas une mince affaire, en matière de droit international pour pouvoir vérifier auprès d’entreprises mastodontes aussi opaques que puissantes, que ces données ont bien été effacées.

 

L’enjeu est de taille, faire que les données laissées par la personne décédée ne puissent pas servir de matière première à toutes sortes d’expériences algorithmiques : base de données pour la création de futures intelligences artificielles, re-création d’un double numérique du défunt - capable de parler ou d’écrire comme lui - analyse de sa personnalité psychique, avec étude de ses habitudes de consommation à des fins de manipulation des futurs consommateurices, etc.

 

Cybercleaner est un travail engagé. Presque militant. Il demande souvent de ne pas compter ses heures. Même si de nombreux logiciels travaillent pour Cyril, et envoient de façon automatisée les demandes de récoltes de data, d’analyses ou d’effacement des données auprès des grandes entreprises, Cyril doit, comme en bourse, suivre l’évolution de plusieurs dossiers, en même temps, tout en leur redonnant un visage humain. Sa mission de nettoyage ne se termine pas au nettoyage en lui-même, il doit permettre à la famille d’être en mesure de comprendre le type d’informations récoltées.

 

Être en capacité de faire preuve de pédagogie est une qualité essentielle pour devenir cybercleaner.

 

La question éthique de transmettre toutes les informations à la famille, y compris les zones d’ombres du défunt est encore en débat au parlement européen. Est-ce que les héritiers peuvent découvrir les historiques de connexions sécurisées de la personne défunte ? Connaître ses fantasmes ? Ses orientations sexuelles ? Ses durées de connexions ? Le parlement est en train de délibérer sur le droit à l’oubli et le droit au secret, dans une époque où la transparence demeure toute puissante, avec une tendance à l’EXtime.

 

L’extime est une pratique qui consiste à mettre en ligne son intimité, à l’extérieur.

 

Le travail de Cyril lui demande de la délicatesse, de la discrétion. C’est la seule personne de son entreprise a avoir accès aux données des personnes défuntes. Il est tenu au secret professionnel et il est garant du respect de la vie privée telle qu’elle est encore définie par les textes de lois. Tant du côté des héritiers, que du côté des multinationales.

 

Un métier d’avenir, tant le volume des données numériques laissées au cours d’une vie ne cesse d’augmenter.

Thierry

40 minutes d'écriture - thème imposé

Cendrillon et l’aïeule sont enterrées côte à côte.

 

Vous aviez du monde hier à votre cérémonie. C’était beau.
Ça vous a plu ?

 

GM   Doit y avoir une erreur. Il y a du avoir 2 cérémonies en même temps. 

     Ces personnes n’étaient pas là pour moi.

 

Parce que vous n’êtes pas morte ? Euh… si je vous comprends bien.

 

GM   Si si je confirme.

 

Qu’est-ce qui vous fais dire que ce n’était pas pour vous ?

 

GM   Déjà je ne connaissais pas les personnes présentes.

     Vous êtes là depuis longtemps vous ?

 

Franchement troooooop longtemps. 

     C’est un peu fatiguant. 

     J’espère que vous serez de bonne compagnie.

     (…)

     Vous savez parfois je faisais le ménage avec de animaux et parfois ça me manque. Vous aimiez bien faire le ménage ? 

 

GM   Rah ! Vous me fatiguez déjà.

     Pourquoi ça fait trop longtemps ?

     Y a pas d’animation ? Y a pas d’activité ici ?

     On va pas rester comme ça tout le temps quand même ?

 

Normalement si ma vie s’était bien déroulée. Je n’aurais pas dû être là.

 

GM   Oh putain. (Dit-elle en levant les yeux au ciel.)

     On est coincé.

     (…)

     À quel moment ça a merdé pour vous ?

     Qu’est-ce qui a fait que ça s’est pas bien déroulé ?

 

J’étais marié. C’était le conte de fée.

     Il m’a trompé. Je me suis camé. Il m’a quitté.

     Il a eu la garde des enfants.

     Parce qu’à ce moment là, on ne tergiversait pas avec la garde des enfants.

     C’était le père qui avait les enfants, un point c’est tout.

     De toute manière, comme j’étais camé, c’était mal barré.

     J’étais sensé être dans le caveau familial avec toute la royauté.

     La tuile.

 

GM   J’suis désolé pour vous.

     Moi aussi j’ai adoré me défoncer.

     J’adorais ça.

     Moi c’était l’alcool.

 

Oh … Dite moi que vous en avez pris un peu avec. (Avec un ton enthousiaste et intéressé.)

 

GM   Malheureusement non…

     C’est quoi cette histoire de caveau familial ?

Si j’avais eu les moyens je crois que je me serai camé aussi.

Bref cette histoire de roi / reine, c’est quoi alors ?

 

Attendez ! vous êtes pauvre ?

     Ne pensez pas que j’ai pris des trucs avec…

J’suis au même niveau que vous

Je ne suis plus rien et je n’ai rien.

Sur l’histoire du caveau… Y a un type, il est venu avec une chaussure. 

Elle m’allait, il m’a épousé.

C’était un prince je savais pas…

(…)

Il m’a parlait de citrouille pendant des années. Chtarbé..

 

GM   De citrouille ? Quel ringard.

J’ai grandi dans les colonies françaises à l’étranger

Mes maris étaient dans l’armée

Des gradés

Morts pour la France

Je touchais leur pension

C’était confortable

Je supportais pas que mes enfants soient touchés par des noirs

 

En même temps je peux vous comprendre

     Y’a rien de mieux qu’un petit touché de lapin

 

GM   Je supportais la chaleur

     Et j’ai vécu toute ma vie dans des pays chauds

 

Vous n’avez pas du beaucoup bouger

 

GM   Indochine

     Tunisie

 

Vous avez eu la malaria ?

 

GM   Sud la France

Et j’supporte pas le soleil

Au moins ici…

 

Ah ça c’est clair

     Ici on est à l’ombre !

 

(Rires communs)

 

Ce n’était pas vos enfants à la cérémonie ?

 

GM   Si, y avait mes deux filles. Pas mon fils. Il sait pas encore que je suis morte. J’ai demandé à ce qu’on lui dise pas.

 

Pourquoi ?

 

GM   J’l’aime pas. J’ai revendu la maison et j’ai mis une grosse partie du pognon sur des sociétés au nom des maris de mes filles. 

     Comme ça mon fils va toucher moins.

     J’suis pas mécontent de ce coup là.

 

Vous êtes une canaille, vous. Je vous aime déjà.

 

GM   Qu’est-ce qui m’a fait chier.

     Il parlait pas de citrouille mais il était chiant aussi.

 

Ooooh… Dites moi en plus ? (d’un ton enthousiaste)

 

GM   J’crois que j’aime bien faire chier.

     J’adore me plaindre. 

     Ça va me manquer

 

Ah non continuons s’il vous plaît.

 

GM   Me le demandez pas, ça va me gâcher le plaisir. 

 

Dites moi au moins que mon fils est laid. 

 

GM   Il est quelconque c’est pire.

     J’ai détesté les hommes toutes ma vie

     À raison

     Mon père m’a empêché de me marier avec l’homme que j’aimais. J’ai dû épousé un militaire. Et je me suis fait chier toute ma vie.

 

C    Ces mecs franchement ils nous gâchent nos potentiels.

 

GM   Ils nous pompe le sang

J’pensais qu’en tant que Prince ça serait mieux

À vous entendre j’suis déçu

 

Franchement, je pense que c’est les pires. Ils sont biberonnés dès l’enfance.

     Ils ne savent rien faire tout seul. Ils pensent que parce qu’ils ont fait de grandes écoles et qu’ils alignent des grands mots à la suite, ils ont tout compris. Ils sont pénibles.

 

GM   Aï Aï Aï

 

Ils sont pénibles

     Le type il était quand même fétichiste des pieds, on en parle ?

     Il y a quand même beaucoup de choses qui se cachent dans ces familles.

 

GM   J’ai envie de boire un coup !

 

Écoutez, je vous montre les réserves du presbytère.

 

GM   Aaaaaaahhhh (soulagement)

SAm et Thierry

30 minutes d'écriture - personnages tirés au sort

Une ville moyenne, en communauté urbaine de Lille.

 

Le cimetière c’est le lieu où je passais avec mon fils aîné quand il était bébé pour aller de l’arrêt de tram à la maison. Il courait et jouait au milieu des tombes. C’était paisible.

 

Un village isolé dans les montages, en Corse.

 

Le cimetière c’est le lieu un peu éloigné du hameau, où on n’osait pas aller le soir quand il commençait à faire tout noir. Avec les autres enfants, on se racontait des histoires de fantômes, de revenants. Il n’y avait pas d’éclairage public. De la pleine lune à la nouvelle lune, l’éclairage des nuits dégagées était radicalement différent. On n’en menait pas large.

 

Un village en bord de mer, en Bretagne.

 

Le cimetière c’est le lieu où après un tournage éprouvant, le soir de la dernière, on s’est retrouvé à deux, loin des brouhaha de la fête, à marcher dans les allées paisibles, accompagnés par les chants de reproduction des grenouilles. Elles font un vacarme de dingue. L’ambiance, l’énergie, entre nous, était paisible. On s’est serré dans les bras. Juste ça. Puis allongés sur une tombe. En regardant les étoiles. Juste ça.

 

Une grande ville européenne. Bruxelles.

 

Le cimetière c’est le lieu où j’ai été invité à regarder les arbres, les pelleteuses, les photos des enfants morts trop tôt, les caveaux en ruine, écouter des conservatrices joyeusement déjantées.

 

Et il faut terminer.

La visite. Il faut la terminer.

Thierry

10 minutes d'écriture - thème imposé

Le cimetière c’est le lieu où j’allais enfant avec les parents, parfois d’autres membres de la famille, sur la tombe du grand-père, de la grand-mère, avec des chrysanthèmes à la Toussaint. C’était avant.

Aujourd’hui le cimetière est un endroit tranquille, hors du temps et de la vie trépidante que nous menons.

La nature y est omniprésente, et de plus en plus. Le lieu entre parenthèses permet le recueillement ou plutôt une forme de méditation, de réflexion en pleine conscience. Pas forcément en rapport avec les morts de l’endroit. C’est aussi un lieu d’histoires, en lisant les tombes et imaginant les vies ici enfouies, parfois depuis si longtemps. Réflexions sur la vie, la mort, c’est le lieu idéal pour y penser.

Nadia

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Aujourd'hui, Maman est morte. On le savait, elle nous l'avait assez seriné. Enfin nous sommes débarrassés de son interminable attente. On fait quoi maintenant ? Enfin, nous allons pouvoir découper le corps comme nous en rêvions tant. Je veux sa tête. La scie, où est-elle ? Quand même, nous devons la cuire avant. Tu crois ? Au four ? Ou bien au moulin ? Plutôt à la broche. On coupe avant ou... ? Je n'en ai aucune idée. Prends son couteau électrique, celui du dimanche midi. Il ne fonctionne plus ! Elle l'a pourtant utilisé dimanche ! Quelle emmerdeuse, j'suis sûr... Dites, moi je commence... Non, c'est moi l'aîné ! Elle l'a pété, putain ! Heu... j'ai des scrupules... la tronçonneuse de papa... Dégagez ! J'ai un marteau ! Maman ! C'est pas moi ! 

Son sang est délicieux, son cœur goûte le vinaigre. Mais quand même...

On la finira demain. 

Anne, Philippe et Thierry

Le cimetière, c’est le lieu où je ne vais pas sans but.

SAm

10 minutes (maximum) d'écriture - début du texte (enfin, de la phrase) imposé

Mourir… la belle affaire ! Quand on est mort, ce n’est plus notre affaire…Mais au moins savoir quand ça me tombera dessus m’aiderait à vivre il me semble. Je pourrais m’organiser, prévoir le coup. Mais là, pas possible car pour l’instant je vis et ne peux le faire dans une maison vidée de son contenu…

Pourquoi certaines morts sont-elles si cruelles ? douloureuses pour le mourant ? Mais peut-être n’as-tu pas le choix, tu ne connais que l’heure à laquelle du dois faucher telle ou telle personne et tu coupes le fil. Ce qui s’ensuit n’est pas de ta responsabilité ?

Quand nos atomes décident de se lâcher la main que ce soit au volant, sur une falaise, au fond de l’eau ou dans son lit, le résultat est plus ou moins pénible selon les situations. Tu ne fais que ton travail, tu fauches l’herbe sous mes pieds et tout part en déliquescence. Fin de l’histoire.

Nadia

20 minutes d'écriture - thème imposé

Elle était couturière, à l'époque où les dames se faisaient faire les vêtements dont elles rêvaient. Son atelier regorgeait d'accessoires variés, de tissus, de garnitures, de colifichets. Lors d'un mariage, les différentes invitées se référaient à son talent. Elle élaborait des drapés, des godets, des tailleurs inspirés par les brochures de mode de l'époque. Et pourtant, elle se chargeait aussi des vêtements de deuil. Période où les dames portaient des vêtements noirs pendant un temps déterminé. Il fallait assurer rapidement un travail de deuil. La laine, la soie, le crêpe n'avaient pas de secret pour elle. Le teinturier était son allié. Teindre en noir une robe, une blouse, devenait obligatoire. Il n'était pas rare pour la couturière de travailler à des heures tardives afin d'honorer la tenue pour l'enterrement. Transformer un chapeau, y ajouter un voile de crêpe, supprimer les garnitures colorées, ne rien négliger. Sa renommée en dépendait. 

Pendant la guerre, il n'était pas rare de lui demander de retourner le tissu d'un pantalon trop lustré, usé mais encore utilisable à l'envers. 

Le deuil lui donnait beaucoup de travail et lui assurait la clientèle fidèle de ces dames. Après six mois, les vêtements autorisés devenaient gris. La garde-robe acceptait alors un peu de fantaisie, agrémentée par des colifichet blancs sortis de la création de la couturière. Un métier qui apportait aux clientes en deuil un léger sentiment de bien-être. 

Jeannine

Thème imposé - 60 minutes d'écriture

C’est fini. Le couvercle est rabattu. Le bruit obscène retentit. Bam ! C’est fini. Ils vissent les boulons, calent des cabochons pour faire joli.

Plus jamais la voir, la voir dans son sommeil éternel ne sera plus possible. Vrouf ! Le cercueil s’enfonce dans la terre ameublie par les ouvriers.

C’est fini. Ne plus jamais voir ton cercueil. Ultime image à effacer de ma mémoire.

Ils disent : Taratata, il faut faire ton deuil. Tic Tac, Tic Tac, seul le temps apaisera ton chagrin.

Tic Tac, Tic Tac. Le temps passe. Le chagrin perdure.

Anne V

10 minutes d'écriture - insertion obligatoire d'onomatopées et thème imposé

Chez moi la mort se vit dans l’inscription du vivant dans les instants présents, ceux avant la mort et ceux après la mort. C’est important de poser des mots, de laisser vivre des émotions.

Chez moi, la mort se vit après l’exécution des traditions mortuaires. Je déteste les funérariums. Le lieu, l’odeur, cette tradition de gens qui passent. J’y ris nerveusement et je suis incapable d’avoir des mots justes, de porter mon attention sur les êtres qui y passent. Je déteste toutes ces histoires que les gens racontent dans ces lieux. Je ne nous y reconnais pas.

Pour moi le vrai moment où la mort se vit, c’est lors de la séance de cinéma avec les proches le soir. Je la vis la mort, quand je ressens l’absence de l’autre. Il y a un siège vide, une respiration, des sons, des habitudes qui s’en vont. On bricole quand l’autre est parti·e. C’est là que je la ressens la mort, où je dis aurevoir à ces moments d’avant.

Oui, moi, je vais au cinéma pour célébrer mes mort.es.

La mort, c’est un peu comme la démence. Cela a ce je ne sais quoi d’incompréhensible, de déroutant et soudainement, vous pouvez vous surprendre à chanter de tête une vieille chanson avec elle.

SAm

temps indéterminé (retravaillé hors atelier) - début du texte imposé

Aujourd',hui, maman est morte. Enfin elle est partie ! A l'aube, apaisée, sereine. Je n'étais pas là. Je la pleure déjà. 

Pas tant que ça mais orpheline, je suis. Plus personne devant moi. Que vais-je hériter.... Oh que des broutilles ! Espérons un beau magot... imposé par le fisc. Pauvre maman, si épargnante. Pensons à ses funérailles, n'accumulons pas les frais. Ni fleurs ni couronne ? Une rose quand même. Rouge ou blanche ? Blanche comme sa vie. Une page toute blanche mais sombre pour toujours sera mon humeur quotidienne. 

Jeannine et Nadia 

Avant de commencer à vous parler de moi je voulais vous prévenir qu’aujourd’hui est un jour où je me sens mal, mal d’être moi, mal de porter mes actions. Le tremblement de terre qui a eu lieu au Maroc hier m’a bouleversé·e. Cette surcharge de travail était difficile à gérer et bien que l’impartialité fasse partie de mon ADN, je n’aime pas le caractère irraisonnable que cela m’oblige à adopter. Puis ce travail effectué dans la précipitation, je n’aime pas ça. J’ai l’impression de ne pas correctement assurer l’accompagnement.

Là, aux vues du volume, les négociations avec la vie ont été assez rude. Moi, j’aime bien quand les gens vivent. On suit une sorte de trame, un protocole qui repose sur un calcul divin qui mêle l’aléatoire et la destinée.

Là, on était fortement mis sous pression par le contexte, les enjeux géopolitiques, religieux. Puis là, on est à court de miracles avec ce monde. Avec vie, nous n’avions plus eu de discussion aussi brutale depuis un bail. Je n’avais pas envie de prendre tous ces dossiers. Prendre des familles entières, les anéantir, briser des maisons pour qu’on ne puisse plus les reconstruire. Je le sens, le sais que je n’améliore pas toujours les situations. Il y a toujours un renouveau par la suite, mais moi j’ai souvent peur de ce que ces foutus humains vont faire germer quand on les atteint comme ça. Je ne suis pas toujours fière de ma mission et des changements que j’opère. J’aimerai appuyer sur pause, car cette colère, cette tristesse et cette peur qui traversent le monde lors de ce type d’événement me questionne sur le sens de mes actions. J’essaie d’être impartiale, je ne choisis ni ne préfère personne mais j’aimerai avoir plus d’autonomie dans certains processus de décision. Puis mon label d’impartialité, elle a bon dos. Moi, je peux te dire que dans mon calcul il y a des caractéristiques sur lesquelles on se base qui sont ancrée dans des inégalités.

On dit souvent que je suis là pour mettre fin à la souffrance, mais dans ce type de situation je pense que j’en génère plus que je n’y mets fin.

Je suis la grande énigme que chaque être humain doit un jour résoudre.

Moi-même je cherche encore à me résoudre.

SAm

Texte retravaillé hors atelier - la Mort parle

Un inconnu. Une image en télévision. Un drame de plus. 

Un homme au sol, sanguinolent. Il n'est pas seul. D'autres cadavres autour de lui. Les images atroces d'un massacre. Un de plus. 

Je détourne les yeux mais je l'ai vu, j'ai senti la douleur, l'impuissance du moment. 

Je décide de ne plus regarder les infos télévisées. Trop de malheur. Je suis déterminée. Ce sera le dernier mort que les reportages macabres et sans scrupules me proposeront. Les journalistes... 

Jeannine

Thème imposé - 10 minutes d'écriture 

J’ai fait la connaissance de la mort. Ça s’est passé un jour lumineux, un peu par hasard, ou alors par inadvertance, je n’avais aucune intention de parler à qui que ce soit. Je me sentais bien, seule avec moi-même !

Hélas, quelqu’un s’approche. Par réflexe, je dis gentiment bonjour. Elle, ou il, me répond d’une voix à la fois grave et métallique.

Je blêmis. En un instant, je suis morte.

Anne V

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Vous avoir entendu.e.s parler de cimetière et de mort pendant deux weekends d’affilée m’a ébranlée et beaucoup intéressée. Je voulais réfléchir sur et autour de la mort, j’ai été servie.

J’ai découvert le cimetière de Molenbeek et entendu une multitude d’approches différentes et pourtant similaires sur les thèmes donnés.

Ces quatre jours m’ont fait du bien, m’ont confrontée à ma réflexion. J’ai eu l’impression d’avancer… sans pour autant apporter des réponses à toutes mes questions, évidemment.

Après le premier weekend, il m’a fallu deux jours au moins pour reprendre pied. A la veille de ce second weekend, je n’étais pas enthousiaste à l’idée d’y replonger, mais finalement ça en aura valu la peine. En continuant à travailler le sujet, ça m’a apporté de nouveaux éclairages, des idées, à regarder par l’autre bout de la lorgnette ce que je n’aurais pas pensé faire sans tous ces échanges. Pour tout ça, merci !

Nadia

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

TaTacTaBoum, c’est le bruit qu’il y avait quand ma mère m’a annoncé le décès d’Annie. Je n’étais pas certaine que le bruit du train n’avait pas déformé le message. Je lui ai demandé poliment plusieurs fois de répéter l’information. TaTacTaBoum, elle l’a répété, encore et encore, mais rien n’avait changé dans l’ordre des mots d’une fois à l’autre. TaTacTaBoum TaTacTaBoum.

Je suis descendue du train, c’est le même trajet que tous les jeudi. J’avais toujours le TaTacTaBoum, TaTacTaBoum, TaTacTaBoum dans la tête. Je me suis avancée vers chez le marchand de légume. Là, au milieu des laitues et des tomates molles. Boum Splash. Je suis tombée. Inconsciente. Je ne savais pas pourquoi j’étais là. Ma mère est arrivée, en courant. On entendait le bruit de ses sandales, flip flop flip flop. Elle m’a regardé et m’a réannoncé encore la nouvelle. TaTacTaBoum, TaTacTaBoum, TaTacTaBoum. Annie est morte. TaTacTaBoum, TaTacTaBoum, TaTacTaBoum.

Aaaaaaaaarh J’ai attrapé une laitue, et puis une autre, et encore une autre. Je les ai envoiées dans la gueule de ma mère. Boum Paf Boum. Des envolées de salades, Pim pouf paf. J’ai cru que je ne m’arrêterai jamais. Une fois que j’avais dissémé les laitues, je suis passée aux tomates. Splash Splash partout sur elle. Elle m’a attrapé en me serrant très fort dans ses bras.

Là j’ai pleuré. Bouhouh ouh ouh Bouhouh ouh ouh sans cesse. J’étais là dans ce jus de tomate et ces feuilles de laitue, ma mère qui me serre. On a fini par se lever. J’ai replacé l’étale du marchand de légume, lui ai présenté mes excuses. Avec maman, j’ai emballé tous les légumes que j’avais abîmé et je les ai payé. Le gars, il était fâché, mais tu voyais qu’il était aussi triste pour moi. Je suis une jeune qu’il aime bien, puis certainement que pour lui aussi Annie ce n’était pas n’importe qui. Il m’a fait payer pour mon action, mais je pense que cela n’équivalait pas la perte qu’il dû faire. Il voulait que je prenne conscience des conséquences de ma colère.

On est rentrée en silence avec ma mère. La tomate avait séché sur mes jambes. J’ai pris les escaliers avec mes salades plutôt que l’ascenseur. J’ai gravi les 11 étages jusqu’à chez nous. La porte était entre ouverte. Ma mère m’a envoyé prendre une douche et a commencé à cuisiner le repas. TaTacTaBoum TaTacTaBoum. J’ai mangé. TaTacTaBoum TaTacTaBoum. Maman a lancé le journal par automatisme, j’ai sorti mes devoirs. Maman est venu et m’a invité à ranger mes devoirs. Elle a pris mon journal de classe et a écrit un mot pour les professeurs. Elle a lancé le Magicien d’Oz sur la télévision et m’a serré contre-elle. Quand c’était fini, j’ai eu envie comme à mon habitude du jeudi soir d’aller indiquer à Annie que c’était l’heure de l’histoire. Je lui fais un petit coup de laser sur son mur en passant entre les deux rideaux. Alors, elle vient me faire un pouce en l’air en me souriant entre ses rideaux et il y a son petit chien, Gaspard un vieux carlin noir, qui vient s’agiter sur l’appui de fenêtre et je vais vers ma chambre avec le téléphone.

Mais cette fois Gaspard, il est à côté de moi avec son petit ronron rrrr rrrr. Je pense qu’il pleure chien. Il sait qu’Annie elle est partie. Je me souviens de ces petits yeux globuleux. Je l’ai serré très fort puis il est venu avec moi jusque dans ma chambre. Sur mon lit, je trouve le lecteur cassettes fisher price et son petit microphone en plastique. Cette fois, il y a un post-it avec une carte à mon nom. C’est l’écriture d’Annie. Sur le post-it, il est marqué « quand je ne pourrai réellement plus honorer notre rendez-vous ». Dans la carte, elle m’explique que je suis la petite enfant qu’elle aurait aimé avoir, que notre rendez-vous du mardi devoir et du jeudi soir histoire ont été ses dernières années ses rendez-vous préféré. Des immanquables. Elle me dit qu’elle sait que son absence sera d’abord pesante. Il faudra dans un premier temps ranger dans l’armoire mon talkie-walkie et puis que certainement, les premières fois où je le reverrai, j’aurai un nœud dans la gorge. Elle écrit « ça c’est la nostalgie triste, tu me demandais justement ce que cela faisait la nostalgie. Et je t’expliquais à quel point c’est quelque chose qui évolue dans le temps et avec les humeurs. ». Je continue sa lettre et je pleure hiiii hiiii hiiii encore. Mais là, je la sens dans ce moment et même si je suis triste, je sens que j’accepte qu’elle soit partie. Enfin, plutôt qu’elle est morte.

Ça faisait quelques mois qu’elle avait été hospitalisée plusieurs fois. On avait fait notre session histoire papote par téléphone et la semaine passée j’étais passée après l’école. Elle était amaigrie, avait dormi la majorité du temps. Je lui avais lu un chapitre du livre obligatoire pour l’école. On était arrivée à la page 12.

Pendant les vacances, on avait trouvé ce système du lecteur de cassette. Elle m’enregistrait des histoires à l’avance et j’emmenais les bandes avec moi. Au fil des années, on avait beaucoup de cassettes. J’écoutais ses histoires quasi tous les jours. La voix et les histoires d’Annie, ça m’apaisait. En fait sa voix m’apaise toujours, mais aujourd’hui c’est un peu différent.

J’ai appuyé sur le bouton play du lecteur clic. On l’entend chipoter avec des papiers et ensuite elle commence. « Mon petit chat, suite à tes apports lors de la dernière lecture d’histoire voici une version revue de l’histoire de la pince à eau. » Je rigole tout le long de l’écoute de cette version revisitée. Puis elle clôture la cassette, en disant. « Mon petit chat, je pense que cette fois c’est la dernière fois. ». Puis on entend sa sonnette et on l’entend dire « Oh mon petit chat, tu es en avance…» et moi qui lui répond en commençant à lui raconter ma journée d’école et le petit clic de fin d’enregistrement sur lequel elle appuie.

Cette nuit-là, je sais que je m’endors triste mais en même temps, je me sens bien. La tristesse qui fait mal dans les os, est partie. Gaspard m’a fait ses traditionnelles deux léchouilles d’avant dodo et ensuite aller se mettre au pied de mon lit.

Quand on a été invité à trier son appartement quelques semaines après son décès et la fête que le quartier à organiser pour ses funérailles, on a retrouvé un dossier à nom dans lequel elle avait entreposé la majorité de mes œuvres et mes balbutiements en écriture de récit.

Elle accrochait toujours d’abord mes œuvres sur la porte de son frigo. Dans le dossier, sur certains dessins, elle avait accroché des post-it, ou griffonné sur le verso des pistes d’évolution d’histoire. Je me souviens de plusieurs fois avoir notifié ces post-it quand je venais chez elle le mardi mais j’étais encore trop jeune, on n’en parlait pas. Elle avait aussi ses petites manies que je lui laisse vivre sans questionner. Sur ces post-it, elle se mettait des points d’attentions. On pouvait voir sa phase lectures afroféministes. Parfois on retrouvait aussi ses listes de courses : café, pain, confiture de myrtilles, des suggus pour petit chat… 

Je n’’ai compris que plus tard, le travail énorme autour de la construction des personnages des histoires qu’elle me racontait. Elles œuvraient pour que les personnages m’encouragent à être critique et réfléchir par moi-même, et qu’il ne me génère pas de complexe.

Les jours, puis les mois, puis les années sont passées. J’ai distancié les écoutes et j’ai observé la nostalgie que j’avais de nos moments avec Annie évoluer. Quand Gaspard est mort, un jeudi soir c’était quelque chose. Très peu de temps après, j’ai eu la joie de me rendre compte que mes pieds ont atteint la taille de ceux d’Annie. J’ai commencé à porter ses bottes bleu électrique. J’adorai entendre le cliquetis des talons d’Annie. Aujourd’hui, je les aime toujours autant mais autrement ces bottes. Et c’est devenu mon cliquetis. J’ai encore souvent une attention pour Annie. Je me dis que ces bottes elles ont des histoires avec nous deux.

Aujourd’hui, j’ai transféré toutes les histoires d’Annie en format mp4, j’ai retravaillé la qualité du son. J’en ai fait une chaine sur Spotify. J’ai continué et j’ai refait certaines histoires, pour intégrer des post-it qu’elle n’avait pas encore eu le temps d’intégrer et puis des nouveaux que j’ai écrit. J’ai aussi sorti plusieurs de ses histoires que j’ai illustrées. Il y a certains dessins qui partent de dessin que je lui avais donné.

SAm

temps indéterminé (retravaillé hors atelier) - onomatopées obligatoires

Maintenant que je suis parti, laissez-moi tranquille ! Il me restait encore des choses à vivre, la vie ne s'arrête pas ici. 

Ne vous attachez pas à moi à travers les souvenirs parfois heureux de toutes les années passées ensemble. 

Je vous ai donné mon amour, mon argent et ma santé. Vous pouvez deviner combien de bonheur j'ai dû, ce faisant, laisser derrière moi. Je vous remercie pour l'amour que vous m'avez parfois donné, même s'il fut rare, mais il est temps maintenant que j'aille voir ailleurs su des gens plus sympas m'y attendent. 

Pleurez-moi quelques temps mais ne soyez pas trop hypocrite. Ensuite laissez votre peine s'effacer et revenez à des sentiments plus honnêtes. C'est pour un moment seulement que vous serez sincère. Maintenant, nous nous séparons. 

Bénissez donc le souvenir de toutes nos disputes car je ne serai pas très loin, car la franchise me va mieux que le mensonge. Si vous avez besoin de moi, appelez-moi sur mon portable, je l'ai pris avec moi. Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, vous pouvez me parler. Et si vous écoutez avec le volume à fond, vous sentirez mon amour autour de vous, vous évitant soigneusement. 

Et puis, quand vous viendrez voir ma tombe, je vous accueillerai avec le sourire à l'idée que vous repartiez bientôt. Rentrez donc chez nous. 

Anne B 

Vous avoir entendu parler de cimetière et de mort m’a donné envie de vivre. D’aimer encore plus la vie, ma vie et les vies qui composent ma vie. Ça m’a donné envie de rire, de fumer des clopes, de continuer à me réjouir avec d’autres vies. De sentir, de ressentir, de chanter, d’aimer, de baiser, de danser. De quitter, d’arriver, de revenir, d’oser sans doser.

Vous avoir entendu parler de cimetière et de mort m’a donné envie d’organiser des fêtes des mort.es, d’y mettre un sens, de les honorer.

Vous avoir entendu parler de cimetière et de mort·es m’a donné envie de redompter mon reflet. D’assumer mes traits, mes ici et mes maintenant. De dessiner des contours mouvant d’une existence vivante. J’ai eu envie de me retrouver ou peut-être même de me rencontrer dans ces nouveaux instants.

Vous avoir entendu parler de cimetière et de mort m’a donné envie de partir à la mer en pleine semaine après le boulot, parce qu’au fond à la fin il n’y aura que ces moments-là qui comptent.

Vous avoir entendu parler de cimetière et de mort m’a fait prendre conscience à quel point la mort est politique et communautaire. Elle s’inscrit dans des conceptions influencées par des perspectives philosophique et culturelles, particulièrement des traditions familiales qu’on nous a inculquées et celles qu’on développe. On bricole. Ici encore, on bricole autour de la mort en faisant comme si on savait, mais on ne sait pas grand-chose. On répète, mais quand elle vient, on est au rendez-vous. On vient comme on est.

Vous avoir entendu parler de cimetière et de mort m’a donné envie d’écrire de façon déraisonnable, de lire, d’avoir des correspondances, de m’engager, de passer des mots aux actions. De continuer à en avoir RAF des gens qui te plombent.

Vous avoir entendu parler de cimetière et de mort m’a donné envie de planifier, de définir comment j’aimerai les gens s’occuperaient de mon corps et ce que je voulais laisser.

Vous avoir entendu parler de cimetière et de mort m’a donné envie de vous revoir dans 6 mois pour écrire encore de ce que cela vous a fait de parler de cimetière, de mort et de nous. 

Vous avoir entendu parler de cimetière et de mort m’a fait comprendre à quel point il est nécessaire d’en parler plus, d’oser poser des mots et de réinvestir ces secteurs.

 SAm

20 minutes d'écriture - début du texte imposé

Le dernier mort que j'ai vu. C’était quelqu’un qui n’était pas sociable, il vivait seul dans une maison trop grande pour lui. Il n’y invitait jamais personne, ne disait pas bonjour à ses voisins, n’appelait pas ses enfants pour avoir des nouvelles. Il n’aidait jamais personne en quoi que ce soit.

Un jour, je l’ai vu mort au bord du chemin. Crise cardiaque ou sale caractère ? La cause de la mort n’est pas précisée.

Anne V

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Eh bien ! 

Cela fait soixante-cinq ans que je repose ici, dans le caveau familial. J'y suis arrivé le premier. C'est donc moi qui ai eu le privilège de connaître la magnificence de la pierre tombale, choisie par mes proches. De la pierre bleue, des colonnes, un bac à fleurs. J'étais assez fier du résultat. 

Petit à petit, le temps a passé, j'ai été rejoint par trois autres frères et neveux. 

Donc, l'entretien de ce caveau fut trop rapidement négligé. Qui va s'en charger ? 

La pierre grise devient verte, le socle commence à s'enfoncer. J'ai honte. Là-dessous, je me morfonds. Honte à ceux qui ont oublié d'honorer notre sépulture. 

J'ai honte de ressembler à une ruine, moi qui ai vécu pour l'architecture et l'équilibre du patrimoine. 

Jeannine

La pierre tombale du mort qui a honte - 10 minutes d'écriture

Octave a été enterré en 1988 dans le caveau familial. C’est le premier parmi les trois mort.es qui pourront séjourner dans le caveau. De son vécu, c’était un homme droit et juste, qui voulait à sa façon contribuer à un État social de droit. Il croyait et œuvrait dans le renforcement de compétences des individus comme une solution viable et essentielle pour assurer la participation sociale des individus et in fine réduire les inégalités. Il avait travaillé durant la 2nde guerre mondiale dans les mines de charbon dans le Hainaut et ensuite, avait une fait carrière dans les mines de diamants.

Octave il attendait sa femme parce que le type, il avait été habitué à ce qu’elle soit au petit soin et qu’elle le soutienne dans tous ses projets. Puis soyons clair, sa libido avait vécu sa meilleure vie durant leur mariage. Alors avant de mourir, il avait forcé l’achat d’un caveau familial pour être certain qu’elle revienne à lui.

Leur histoire d’amour avait pris du temps à s’établir alors un soir, dans des discussions d’oreiller, il lui avait dit que bien que la 3e place soit normalement pour leur fils en situation de handicap. Si jamais, elle se trouvait un autre amour quand il mourrait. Elle pouvait l’inviter à se joindre au caveau et que leur fils se débrouillerait. C’était sa manière d’être fidèle.

Il avait décidé de déjà faire graver le nom de sa femme dans le marbre et avait précommandé les lettres et de les confier à sa femme. Petit cadeau de fidélité morbide.

Bien qu’il se disait que son stratagème était extra, Octave s’était déjà bien rongé les os en l’attendant. Quand elle est arrivée en 2017. Seule. C’était la fête au cimetière.

SAm

La pierre tombale du mort qui attend quelqu'un - 10 minutes d'écriture

J'ai fait la connaissance de la mort, et elle n'est pas aussi redoutable que les récits l'avaient laissé entendre. J'avais souvent vu sa représentation sous des formes humaines ou animales, mais ce n'est qu'après sa visite que j'ai réalisé qu'elle était passée et m’avait épargnée. Elle m'avait laissé un soupçon d'espoir au fond du cœur. On m'avait parlé d'une rivalité entre la mort et la vie, mais au fond, elles sont complices. La mort est douce. C'est la crainte de son arrivée qui est effrayante, ainsi que le deuil pour les vivant.es qui est douloureux. On s’agrippe à une vie corporelle, on ressent la colère de quitter cette vie. On a l'envie de tirer davantage profit de cette vie. La mort apporte une sérénité, un arrêt de toute chose matérielle, sans place pour les regrets. Il ne reste que la vie. La mort, c'est le fardeau que portent les vivant·e·s mais c’est une vie.

SAm 

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

Lorsque je suis morte, je suis allée droit au ciel. En effet, j'ai été parfaite toute ma vie durant. Petite fille modèle, je me comportais aussi bien à l'école qu'à la maison. Ado réfléchie, j'ai su très vite ce que je voulais faire de ma vie et j'ai réussi brillamment mes études. 

Tadadam alors maintenant camembert ! 

Parce que hein, qui c'est qu'a le stylo ! 

C'est moi qu'a le stylo ! Hehehe, et ça ! Nom de nom, c'est grâce à mes études... brillantes mais d'un brillant extrême... éblouissantes ! 

Si quelqu'un comprenait à l'instant les émotions et le duel dans lequel je me trouve face à cette éblouissance... Iel me notifierait auprès des autorités et il en serait fini de moi. Je ne peux pas ressentir ce que je ressens. C'est un délit. Je sens toutefois que j'ai envie d'y succomber et que le plaisir du crime m'emplit, me transporte.

Car "le bonheur est dans le crime". Oui, il y a quelque chose, une émotion subtile et rare que je n'ai rencontrée nulle part ailleurs qu'au moment où je pose ce geste ultime : je prends le couteau et je l'enfonce lentement dans le centre du cœur de ma victime.  

Anne B, Philippe, SAm et Thierry

Cadavre exquis

Un réveil soudain. 

J'ai rêvé. 

J'étais avec ma mère. Le visage un peu flou mais la silhouette bien précise. La voix surtout. Des mots dont j'ai oublié le sens. Mais une sensation de partage, de réalité, de connivence. A l'aise, elle me donnait un avis. Un court instant de présence qui au réveil me trouble, me rassure, me pose question. Pourquoi cette nuit-là ? Pourquoi si rarement ? Elle se manifeste pour me laisser un message ? 

D'autres rêves parfois me ramènent à des situations inattendues. Des proches mais aussi des connaissances, des amis, des êtres oubliés surgissent dans des rêves qui s'estompent rapidement. Les voix résonnent mais les silhouettes sont imprécises. "Ils veulent te parler" disait ma grand-mère. 

Ces nuits-là sont peuplées de souvenirs éphémères mais puissants. 

Jeannine

Thème imposé - 20 minutes d'écriture 

Chers humains,

Je dis intentionnellement « chers » humains, car littéralement vous commencez à me coûter un pont.

En effet, votre comportement globalement en tant qu’humanité (comme ce mot vous sied mal !), votre comportement, disais-je, provoque inlassablement la mort prématurée d’un nombre irraisonnable de personnes par jour.

Les statistiques explosent.

Que ce soient vos guerres, vos assassinats politiques, idéologiques ou crapuleux, votre manière de vous nourrir en dépit du bon sens, de produire des armes pour gagner des sous, ou encore votre négligence coupable envers ma sœur jumelle, Dame Nature, négligence qui provoque inondations, incendies de forêts, hausse du niveau des océans, fonte des glaciers … et j’en passe, oui ! vous les humains, vous me forcez à travailler jour et nuit, chaque mois, chaque année, bref en flux tendu tout le temps.

J’ai dû me résoudre à engager des sous-traitants pour pouvoir donner la mort, apaiser les souffrances atroces que votre mode de vie a causé et cause encore.

J’ai bien essayé d’engager des bénévoles, mais souvent le travail est trop technique pour eux. J’ai engagé des salariés, à la suite de quoi, au lieu de participer à l’Œuvre mondiale de la Mort, je restais dans mon bureau au 159, avenue du Cimetière de Bruxelles, pour faire toute la paperasse nécessaire et tenir à jour le registre des morts.

Je devais aussi prévoir des uniformes qui fassent un minimum d’effet sur ceux qui n’ont pas peur de la mort ou encore mieux, pour faire peur à ceux qui tuent leurs semblables pour un oui, pour un non.

Bref, on meurt trop nombreux sur cette planète, sachons raison garder.

Merci de respecter mon travail.

Cordialement,

La Mort en Chef

Anne V

20 minutes d'écriture - thème imposé

Si après ma mort, je devenais un fantôme, ça me ferait tellement ch***. Je n'aime pas l'administratif, tu peux être certain·e que ça serait pour un brol du style qu'on ne m'enverrait pas de l'autre côté. Et puis, c'est certain, tu ne vas pas recevoir une notification qui te mentionne le document que tu n'as pas remis, le moment où tu aurais merdé dans ton existence, les personnes qu’il va falloir protéger et l'action réparatrice à faire. Il faudra encore se débrouiller par soi-même pour arriver à ‘fitter’ dans le processus. Pfff… non. Give me a break.

Quand tu meurs, je suis certain·e, il n'y a pas un accompagnement personnalisé pour les deux-trois ploucs qui deviennent des fantômes comme moi. En plus, tu t’imagines, il faut cohabiter avec des gros lourds de temps passé …pff… La lourdeur. Juste à l'imaginer, je suis déjà saoulé·e.

Si je dois commencer à comprendre un système de procédures de cet entre-deux, je me ferai rapidement une raison de rester calé·e là dans ce rôle ad vitam aeternam. A ce moment-là, je me l'approprie, je me le fais mien.

Je m’autorise enfin à devenir Anarchiste et envoyer les règles à la poubelle.

Non. J'ai mieux encore. Du coup, moi si après ma mort je devenais un fantôme, je serai un fantôme SAmarchiste, comme ça dès qu'il y en a un·e qui veut me faire chier avec le fait que je ne corresponds pas tout à fait avec la définition de l'anarchisme, je te l'envoie boulé·e.

Donc, si je suis un·e fantôme et que je ne comprends pas rapidement comment passer à l'étape suivante. Je reste.

Fu** l'administration de l'entre-deux.

Fu** les trouffions qui voudront me mansplainer la manière de vivre en tant que fantôme.

Je me fais des vacances en permanence. Pour le coup, j'irai nager avec les requins. Je les sauverais même des filets fantômes.

Du coup, entre les vacances, le cleaning de la mer, je m'amuserai à soutenir le développement personnel de certain·es individu·es sélectionné·es sur le volet.

Oh et puis, cerise sur le gâteau, j’épanouis le petit volet psychopathe refoulé durant mon vivant et je te tue rapidos expresso certaines enflures. Dans certain cas, je pourrai aussi ramener sur le bon chemin certain·e·s qui ont un peu de jugeote et en faire des figures de proue du changement vers plus de dignité humaine. Par contre, celleux qui font de la merde, qui n'ont aucunement intention de changer. Boum je te les mets dans le fossé ou accidentellement tombé sur le porte couteaux. Bardaf. On n'en parle plus.

SAm

temps indéterminé (retravaillé hors atelier) - début du texte imposé

Ce cadavre est exquis mais néanmoins peu agréable du point de vue de l'odeur. Pour y remédier, nous avons vidé sur ce corps malodorant une bouteille de parfum. Bien nous en a pris car des voitures volaient de tous côtés. 

Le verglas était terrible. 

Une vraie patinoire. 

Ce fut un immense carambolage. 

Beaucoup de morts furent à déplorer. 

Mais pourquoi tant de haine ? Le ciel est bleu, la joie peut éclater. Les hommes s'entraider. La mort est trop lourde à porter ensemble, mais parfois c'est mieux parce que le corps non-vivant est trop lourd aussi pour une ou deux personnes. Je préfère donc porter ensemble. J'imagine que la personne dans le cercueil se sent bien légère. 

Anne V - Jeannine - Nadia - Nour

Cadavre exquis

Une fois par an, nous fêtons nos morts : l'oncle Henri, la tante Marguerite qui nous offraient de si beaux cadeaux. Nos deux grands-mères qui nous racontaient de belles histoires du passé. Ce cousin Jules que je n'ai pas connu mais qui avait la réputation de bon vivant. 

Une fois par an, nous exposons leurs photos. Nous rappelons les blagues salaces de l'oncle Henri. Nous nous souvenons de la nullité de la tante Marguerite quand elle jouait aux cartes : "Il ne me reste qu'un joker" disait-elle toute contente. La fortune sourit aux innocents. Les photos des grands-mères habillées de robes de bal, posant fièrement devant un photographe attentif. Des photos en noir et blanc qui nous laissent imaginer la teinte des tissus, la texture du vêtement de fête. 

Nous célébrons nos morts par une fête joyeuse et bien arrosée autour d'une table garnie de grands plats de tête de veau qui rappellent à chacun les années passées. 

D'autres morts sont survenues au fil des années. Mais la fête que nous célébrons reste traditionnelle et incontournable. 

Henri, Marguerite, Jules et les deux grands-mères jouissent d'une faveur toute particulière. 

Jeannine

Thème imposé - 20 minutes d'écriture

Chez nous, on se réunit toujours à une date autour du 1er novembre. C’était longtemps plus facile de sélectionner le 1er novembre parce qu’on avait un congé. Le petit froid, les journées courtes de cette période de l'année ça invitent à plus de proximité, d'intimité. Puis, la nuit ça facilite la célébration et ça participe à l'immensité de ce moment.

A cette célébration, on y retrouve les habitué·e·s qui reviennent quasi chaque année, et puis il y a toujours de nouvelles personnes, de nouveaux ménages, de nouvelles familles qui nous rejoignent.

Chacun·e amène une représentation de ses mort·e·s, une petite photo ou un dessin ainsi qu’un petit objet, et chacun·e communique une sélection de chansons qu'on intègre dans une playlist de fond.

L'espace est aménagé pour que chacun·e puisse honorer ses mort·e·s, que chaque mort·e puisse avoir un endroit qui lui est dédié. C'est partout dans la maison et dans le jardin.

Dans la pièce principale, il y a des arbres généalogiques qui sont placé·e·s sur les murs. Ces arbres qui se sont progressivement transformés en des arbres de liens. La notion de famille s’élargit. Chacun·e vient y mettre ses personnes - vivantes ou mortes, et placer les liens avec les autres. La couleur des cordons entre les personnes indique l'origine des liens et leurs évolutions. Certaines familles ont, par exemple, d'abord connu un autre ménage, et progressivement elles se sont liées avec des personnes avec lesquelles elles ont décidé de faire famille. La vie et ses liens ont bougé. C'est un moment particulier dans cette soirée que de venir marquer les liens.

Il y a une lumière chaude qui inonde la pièce. Des guirlandes lumineuses, des bougies, des plantes, des fleurs – séchées, en plastique, naturelles. Moi, je glisse toujours quelques bougies à la framboise et à la vanille, je ne sais pas pourquoi c'est l'odeur que je mets à ce moment. Je l’y place. Quand on arrive, à l’entrée, on retrouve des boîtes pleines de petites décorations pour que chacun·e puisse installer le petit espace particulier en l'honneur de chacun·e de ses mort·e·s. Au fur et à mesure les autres participant.es peuvent venir ajouter des intentions dans les espaces pour chaque mort.e. Un objet, une note.

La maison et le jardin se retrouvent inondé·e·s de nos mort·e·s. Les bougies chauffent l'espace. Il y a des assises confortables un peu partout, des plaids et des coussins sont disséminé·e·s dans l'espace. On retrouve aussi des pcs portables et des tablettes ici et là avec des post-it qui décrivent certains moments spécifiques et quel.les participant.es se joindra par ce canal. Progressivement, cet événement a pris de l’ampleur. On a aussi des événements qui se déroulent en parallèle un peu partout dans le monde. Parce que les gens bougent et emportent avec eux cette tradition, puis iels la font évoluer. Iels nous partagent leurs plannings, certaines évolutions, et les choses changent de ce côté-ci aussi pour qu'on se sente plus proche même des personnes qui sont loin. On se connecte tou.tes vers 00h00 Greenwich, pour se saluer, puis d'autres se connectent à d'autres moments pour prendre part à certaines contributions. Dans les coins, on retrouve des matelas prêts pour quand la nuit s'installera et qu'on commencera à s'endormir au milieu de toutes nos mort·e·s et des bruits des vivant·e·s.

Lorsque chacun·e a déposé ses mort·e·s et décoré l'espace, la nuit est déjà bien entamée. On se retrouve tou·te·s ensemble pour boire une soupe au potiron au piment que la famille Giurrez prépare depuis des générations. Là, c'est Dahlia, la cadette de la famille de nos vieilles voisines, qui, après le décès de sa grand-mère, mène le moment suivant. Elle nous accompagne afin de déterminer les intentions que nous comptons porter ensemble durant la célébration de nos mort·e·s. On passe d'abord par un moment guidé de reconnexion avec nos mort·e·s et de reconnexion avec nos besoins de vivant·e·s. Julia, dans cette partie, accompagne avec son tambourin, et Radim chante. C'est une communion collective. Pour clore ce moment, nous identifions ensemble et récitons quelques phrases – des phrases, des mantras, des psaumes, des sourates - qui sont associé·e·s aux intentions et aux besoins que nous avons décidé de cultiver pour la soirée. Ici, toutes les religions se mêlent. On vibre de chanter ensemble, de façon répétée pendant près d'une heure. C’est prenant.

Ensuite, l'organisation de la nuit est assez complexe à cadenasser dans des mots, en raison de la fluidité et de la liberté que chacun·e a. On se conte nos mort·e·s à différent endroit. Il y a une personne est à chaque fois en charge d'écrire ce qui est partagé afin de pouvoir compléter les récits qui ont déjà été recueilli·e·s précédemment. On trouve aussi des gens qui chantent, d'autres qui jouent, d’autres qui dansent à l’extérieur. Rapidement, on retrouve certain·e·s qui dorment bercé·e·s par ces bruits de vie. On rit, on pleure, on vit.

Il y a des plats à profusion dans la cuisine. Chacun·e amène quelque chose. J'adore les chingara de Sumaya, j'en ai toujours un ou deux dans les poches. Je suis incapable de reproduire sa recette, mais ce sont mes chingaras préférés. On retrouve aussi d'énormes thermos d'eau chaude pour le thé, il y a du café, du chaï, du rhum arrangé, des limonades faites par Odile. Tout est fait pour que chacun·e trouve son compte et puisse déambuler dans l'espace. Le lave-vaisselle tourne en permanence. Il y a des rôles en rotation.

Mon moment préféré, c’est quand je m'endors au milieu de ces gens, de ces mort·e·s, de ces odeurs, de ces histoires. Je me sens en sécurité et privilégié·e.

Le matin, nous rangeons et brunchons tou·te·s ensemble avec les restes de la veille. On est rempli·e·s d'une énergie particulière que nous fournit ce moment. C’est dense cette connexion avec le monde et nos histoires. Certain·e·s partent se promener, d'autres dorment encore un peu ou continuent à danser, jouer. La fête se finit doucement. Puis progressivement chacun·e repart. Déjà nostalgiques de cette tradition qui nous encourage à nous souvenir, à nous connecter aux autres et à célébrer la vie à travers le souvenir des mort·e·s.

Texte écrit en première écriture, en écoutant « Gold Rush » Stella Explorer.

SAm

30 minutes d'écriture - thème imposé

Si après ma mort, je devenais fantôme, je me débarrasserais de ce linceul blanc dont la légende affuble mes sosies. Je me contenterais de faire bouger les meubles, faire résonner des échos, faire vaciller les lampes. J'adore la pénombre, le mystère, les surprises. Et faire frémir les belles jeunes filles est mon plus grand bonheur. Mais les voir sourire est un fantasme auquel je rêve, qui reste inaccessible. Hélas ! 

Jeannine

Début du texte imposé - 10 minutes d'écriture

Le dernier mort que j’ai vu, c’est mon nez qui m’a conduit jusqu’à lui. Les odeurs de morts c’est à la fois très spécifique et difficile à décrire. Là, entre l’odeur des feuilles d’automne et ce petit vent qui pique, j’ai senti la mort. J’ai d’abord regardé mes pieds. Quand tu coupes dans les bois parfois, tu marches dans des trucs dégueu. J’ai imaginé voir des viscères sur les semelles de mes bottines. Rien, une semelle impeccable. J’ai hésité à suivre l’odeur de la mort. Tu sais il y a ce truc où tu te dis que la mort, c’est quand même quelque chose de particulier. Puis mon cerveau à commencer à s’accélérer et j’ai envisagé toutes les démarches administratives si je trouvais dans cet instant un mort ou une morte derrière un tronc. Les flics qui te demandent pourquoi tu as décidé de ne pas respecter le sentier. Te traite d’irresponsable parce qu’on est si proche de la période de chasse, s’insurgent parce que j’aurai pu me faire tuer. C’est peut-être une personne qui s’est fait tuer pendant la chasse et que les chasseurs ont juste abandonné. Après moi si j’étais un chasseur et que j’avais tué quelqu’un·e, je m’assure d’au moins enlever ma balle ou de maquiller la mort pour qu’on ait l’impression que c’est autre chose. Merde, je vais peut-être tomber sur une scène maquillée. Est-ce que les gens pour maquiller une scène de mort, ils vont privilégier de découper la personne ? simuler une agression par un loup ? L’autre jour, j’ai entendu à la radio que la présidente de la commission Européenne voulait qu’on revoie le statut de protection des loups en Europe, parce qu’ils sont de dangereux prédateurs. Tout ça parce qu’un loup a attaqué un de ses vieux poneys. Du coup, de l’argent publique sera dégagé pour régler cette problématique qui n’en n’est pas réellement. C’est incroyable comme dès que quelque chose touche une personne qui a du pouvoir on peut dégager des fonds.

SAm

10 minutes d'écriture - début du texte imposé

La mort, c'est inéluctable. Dès la naissance, nous sommes programmés pour mourir. La mort nous emporte et sépare les personnes qui nous sont proches. La mort fait peur mais certains y voient l'espérance d'une autre vie, un au-delà. La mort peut s'accepter comme une délivrance. La mort peu paraître injuste. Elle survient toujours trop tôt. 

Jeannine

Début du texte imposé - 10 minutes d'écriture

Vous avoir entendu·e·s parler de cimetière et de mort a été…

Un cadeau ! Ça c’est sûr.

Précieux en tout cas.

Oui un cadeau.

D’abord parce qu’il y a le mot « entendu » dans cette phrase.

Une écoute.

Un cercle d’écoute.

Bienveillant.

Sans commentaire.

Sans jugement.

Et dans ce cercle, en pratiquant l’écoute de vos textes,

En participant activement à ce cercle, 

Dans la qualité d'écoute insufflée par Anne

j’ai laissé mes textes être écoutés à leur tour

Et ça c’est précieux

C’est comme si à travers vous, avec vous, grâce à vous, à Anne

J’avais pu écouter ce que j’avais à dire, ce qui cherche à se dire

Et même comment ça peut se dire ou pas, jouer ou pas,

En un mot apprendre à écouter

Encore et toujours

Et puis y a « cimetière » et « mort » dans cette phrase

Et là j’suis passé par toutes les émotions en vous écoutant.

J’ai senti 1001 saveurs me traverser.

la peur.

Le sujet est lourd. Je le vivais de façon lourde. Avec appréhension.

L’ennui.

Et la surprise qui te saisit au détour de l’ennui.

Pile quand tu t’y attends pas.

La douceur.

La tendresse.

La chaleur.

Qu’est-ce qu’il fait chaud dans cette salle !

Mais ça va ! Je souffre moins de la chaleur.

Les racines méridionales doivent jouer.

En fait le sujet n’est pas lourd. Ni lourd, ni même léger.

Il est chargé de tout ce que je n’ai pas encore dit sur ce sujet.

De tout ce qu’on m’a dit à ce sujet.

De tout ce que je me suis dit sans jamais oser le dire.

Il est chargé de ça.

Il est lourd de l’absence de mots.

Et s’allège en écoutant ce que chacun en dit.

Parce qu’il y a surtout « vous » dans cette phrase.

Vous.

Les inconnu·e·s d’hier. Intimes d’aujourd’hui. Sans promesse de demain.

Vous.

Les auteurs autrices en pudeur, qui se disent…

Non je ne continuerais pas cette phrase

Votre façon de vous dire, je l’ai trouvée belle, teintée d’une grande pudeur

Et une infinie sincérité.

Y compris dans les « je vais passer »

Y a surtout « vous » dans cette phrase.

Et puis, en dehors des textes, c’est tout le partage des expériences,

Vous entendre parler des âmes , de vos rêves

Deuil d’un père, décès d’une maman, douleur de la perte d’un fils, d’un amour

Des chats, des souvenirs de famille mineur, de la confidence des styles, des pleurs retenus,

Des éclats de rire, vos façons d’esquisser un sourire quand Anne vous dit merci…

Des textes à faire lire par d’autres, des anecdotes encore

 

Tout ceci résonne énormément

Et me fait sentir là, maintenant.

Tellement vivant.

 

Thierry

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