100% sur le bulletin, vraiment ?
Ce qui se cache derrière le fameux 100%
100% sur le bulletin, vraiment ?
Ce qui se cache derrière le fameux 100%
En juin dernier, est paru un article dans le journal Le Soleil sur un enseignant en éducation physique qui avait donné 100% à chacun de ses élèves. Comme plusieurs enseignants en EPS, cet article m’a beaucoup interpellée. Par contre, ce qui m’a le plus fait réagir, ce sont tous les commentaires et articles qui ont suivi, la plupart ne mettant l’accent que sur la fameuse note de 100% et non pas sur tout ce que cela impliquait. Étant donné que les vacances débutaient à peine et que j'étais toujours en arrêt de travail suite au décès de mon conjoint en janvier dernier, j’ai décidé d’attendre la rentrée en septembre et mon retour au travail avant de travailler sur ce texte.
Mon but ici n'est pas de donner mon opinion, mais plutôt d'essayer d'éclaircir la situation. L’enseignant en question, Guy-Olivier Dionne, est un de mes collègues au CSS de la Capitale. En collaboration avec d'autres collègues, il a monté un dossier afin d'évaluer autrement et je trouvais important de mettre en lumière ce projet.
Guy-Olivier Dionne
Enseignant en EPS - École de l'Odysée
Je lui ai donc demandé sa permission afin de vous expliquer son processus réflexif, ce qui vous aidera à comprendre ce qui se cache réellement derrière ce fameux 100%. Il est facile de juger quand on ne fait que lire un article, sans connaître ce qui se passe sur le terrain. En lisant les nombreux commentaires sur différentes publications des réseaux sociaux on constate que malheureusement, le message qui a été retenu par une majorité est simplement le fait qu’il a donné la note parfaite à tous et non l'objectif premier qu’il y a derrière son projet. De plus, une telle interprétation ne fait que perpétuer la mentalité de plusieurs personnes qui croient que les profs d’éduc sont là uniquement pour faire bouger les élèves et que la note n’est pas importante vu que c’est juste de l’éduc!. (Voir mon article sur le sujet). Plusieurs ont même cru qu’il n’avait même pas fait d’évaluation. Ces derniers n’avaient probablement pas lu l'article et ont simplement réagi au titre accrocheur du journaliste. Plusieurs personnalités publiques ont aussi réagi à son article. Pierre Lavoie a mentionné que c'était complètement génial, alors que le ministre Roberge a jugé que ce n'était pas acceptable de donner 100% à tous. Mais dans ces deux articles, personne n'a parlé des enjeux sous-jacents. Seul le 100% sur le bulletin prenait toute la place! En lisant bien l'article initial, on comprend que le 100 % était la seule option administrative possible qui ne touchait pas à la moyenne des élèves. Guy-Olivier ne pouvait pas inscrire les autres options offertes dans le Portail. Ces dernières sont NE (non-évalué), EX (exemption du cours) ou même donner la note de zéro. Vous verrez plus loin un exemple de son bulletin afin de constater que l'élève a bien été évalué et noté et qu'il n'a pas eu 100% !
Évaluer pour que ça compte vraiment !
Ses réflexions débutent par la lecture attentive du rapport intitulé « Évaluer pour que ça compte vraiment »,. Ce dernier a été commandé par le Ministère de l’éducation et rédigé par le Conseil supérieur de l’éducation. Dans ce rapport, plusieurs problématiques vécues sur le terrain et de nombreuses incohérences y sont soulevées. Entre autres, celle de la fameuse moyenne. Toutefois, malgré que le rapport ait été déposé en 2018, Guy-Olivier constate que très peu de personnes du milieu scolaire en ont pris connaissance. Après avoir tenté sans succès de connaître l’avis du MEQ sur les conclusions du rapport, il en a déduit que ce dernier est tout simplement tabletté. C’est là que lui est venu l’idée de faire autrement, pour que son évaluation soit davantage au service de l’apprentissage et qu’un portrait plus juste de ses élèves se retrouve dans le bulletin et ainsi, informe réellement les parents sur les forces et défis de leur enfant. Mais surtout, son objectif ultime était de mettre de l’avant les conclusions du rapport et de faire en sorte qu’une réflexion s’entame dans le milieu scolaire. Selon lui, l’évaluation se doit d’être au service de l’apprentissage. Présentement, il constate que trop souvent, c’est l’inverse qui est vécu. La majorité des enseignants bâtissent leur cours en fonction de l'évaluation. Ce qui engendre des situations où les enseignants n'osent pas faire des projets spéciaux, car ils ne peuvent pas l'évaluer selon les attentes du programmes.
Prenez le temps de regarder la vidéo. Elle est de courte durée et révèle très bien les enjeux que parle Guy-Olivier.
Des exemples concrets
Afin de bien faire comprendre l'idée de Guy-Olivier, je trouvais important de donner des exemples concrets de ses bulletins. J’espère, que ceux-ci vous permettront de mieux apprécier sa démarche et son objectif de vouloir faire évoluer la façon d’évaluer et de transmettre les résultats aux parents. Vous pourrez comparer avec des exemples de bulletin "normaux" que les élèves reçoivent, soit seulement leur note accompagnée de la moyenne du groupe. Cliquez ici afin d'accéder à deux exemples que les parents ont pu lire dans "Mozaïk Parent".
Afin de démontrer que toutes les matières seraient gagnantes à avoir un bulletin plus élaboré comme celui de Guy-Olivier, j'ai demandé à quelques collègues du secondaire, qui évaluent déjà en faisant un bilan des d'apprentissages à leurs élèves, de me fournir quelques documents. Vous pourrez constater leur magnifique travail et leurs idées novatrices. Un tel bilan permet par la suite de regarder l'ensemble de leurs traces au fil des évaluations et de porter un jugement global par compétence. Malheureusement, faute du système, ils sont contraints de mettre une note en pourcentage sur le bulletin standard, qui ne dit pas grand chose aux parents, au lieu de pouvoir transmettre ce même bilan avec une échelle d'appréciation des compétences. Je vous invite fortement à cliquez sur ce lien afin de vous inspirer de leur façon de faire.
Le fait de travailler sur ce texte et de voir le travail de ces enseignants dévoués, m'a inspiré à élaborer mon propre bulletin de rêve ! Vous trouverez mon essai ici en lien avec la 3e étape de mon secondaire 4.
Pour terminer, je tiens à préciser que Guy-Olivier n’a pas la prétention d’avoir trouvé LA meilleure méthode d’évaluation. Il croit plutôt avoir trouvé une meilleure méthode que celle utilisée actuellement et il souhaite surtout que tous les différents acteurs se mobilisent pour réfléchir sur la question. Brièvement, ce qu'il reproche le plus le plus à notre manière d'évaluer sont les moyennes de groupes, qu'il aimerait voir disparaître, et aussi enlever les notes en pourcentage, car elle ne disent rien sur les forces et faiblesses de l'élève. Ce problème n'est pas juste pour l’éducation physique. Toutes les matières auraient avantage à évaluer autrement. Cessons de toujours comparer nos jeunes entre eux avec les moyennes de groupe et évaluons-les selon leurs propres progressions !
Merci à Guy-Olivier Dionne, Mélanie Boucher et Annik Gilbert pour leur précieuse collaboration.