Keynotes

Les JPS2023 sont structurées autour de sept interventions magistrales (keynotes) qui permettront de réaliser un panorama de thèmes d'actualité en sciences de l'audition. Elles seront également l’occasion de réaliser un court hommage à trois chercheurs partant à la retraite, Paul Avan, Alain de Cheveigné et Laurent Demany, en revenant sur les travaux majeurs en audition qu'ils ont menés pendant leur carrière scientifique. 

Vous trouverez ci-dessous la liste complète des invités, avec pour chacun un résumé de son intervention ainsi qu'une courte biographie.

Paul Avan (Professeur des universités praticien hospitalier, Institut de l'Audition, CERIAH (Audiologie Humaine), et IHU re-connect)

Titre : La psychoacoustique en clinique, quels prérequis pour que ce ne soit plus un parent pauvre ?

Résumé : Alors que la découverte la plus marquante en audiologie clinique depuis 30 ans est le spectre des neuropathies auditives, dont l'identité résulte des caractéristiques psychoacoustiques avec impact sur le traitement temporel (le beau papier de Starr et coll. en 1996), le bilan psychophysique d'un sujet malentendant se limite souvent à une vocale dans le bruit expéditive. Si on ne peut plus soumettre un patient aux 24576 essais que Gustav Fechner avait effectués sur lui-même pour mesurer une jnd, la communauté audiologique devrait réfléchir à un bilan raisonnablement complet qui permette de quantifier les aspects perceptifs principaux (incluant les acouphènes et les distorsions de sonie) en situation clinique chez un patient atteint de surdité neurosensorielle, sans risquer de verser dans l'invocation parfois hâtive mais toujours embarrassante d'une "surdité cachée". Diverses situations seront examinées dans cette présentation.

Biographie : Physicien et médecin, Paul Avan s'intéresse au système auditif depuis 45 ans. Ses explorations aussi bien chez des modèles murins génétiques que chez des patients unissent deux domaines naguère disjoints, l'audiologie et la physiologie moléculaire. Ancien responsable d'équipe INSERM et PUPH au CHU de Clermont-Ferrand jusqu'à son éméritat en 2021, actuel directeur du CERIAH (Centre d'Audiologie Humaine) à l'Institut de l'Audition, Institut Pasteur à Paris, Paul Avan vise à construire une audiologie de précision. Il a développé des équipements électrophysiologiques innovants grâce à la spin-off Echodia née dans son laboratoire à Clermont, détectant des paramètres ayant trait à l'amplificateur cochléaire, à l'homéostasie des liquides labyrinthiques et aux différents sous-groupes de neurones cochléaires. Ses fonctions cliniques de PUPH sont allées de l'exploration fonctionnelle au réglage d'implants cochléaires chez les sourds profonds, sources d'inspiration dans ses actuelles fonctions.

Sophie Bouton (Chargée de recherche CNRS, Institut de l'Audition)

Titre : Oscillations neuronales et leurs implications pour la neuroréhabilitation de la parole

Résumé : Les oscillations neuronales sont des activités rythmiques ou répétitives des cellules nerveuses qui se produisent à différents niveaux du système nerveux central. Ces oscillations, mesurées par électrophysiologie, sont utilisées depuis longtemps dans les soins cliniques et peuvent être potentiellement bénéfiques pour la neuroréhabilitation des personnes atteintes de divers troubles neurologiques, notamment les troubles du langage. En modulant ces modèles oscillatoires, nous espérons développer des approches thérapeutiques novatrices pour un éventail de conditions neurologiques, telles que la dyslexie, l'aphasie ou l'autisme. Comprendre la relation complexe entre les oscillations neuronales et le développement des interfaces cerveau-ordinateur (BCI) offre des perspectives intéressantes pour l'avancement de la neuroréhabilitation et l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de troubles du système de la parole et du langage.

Biographie : Sophie Bouton est docteure en psychologie cognitive, titulaire d'un doctorat obtenu en 2010, et d’une HDR de l’École Normale Supérieure obtenue en 2022. Ses intérêts de recherche se concentrent sur la plasticité du code neural des fonctions de la parole, qu’elle étudie à la fois du point de vue développemental et acquis. Actuellement, elle travaille à l'Institut de l'Audition (Institut Pasteur) où elle co-dirige l'équipe NeuroSpeech. Son objectif est de comprendre les mécanismes qui sous-tendent la perception et la production de la parole dans le cerveau humain. Elle travaille aussi à appliquer ses résultats fondamentaux pour développer des thérapies ciblées pour les troubles de la parole neurodéveloppementaux et acquis. Les travaux de Sophie Bouton ont été récompensés, en 2020, par le prix A3-CNRS du rayonnement scientifique.

Alain de Cheveigné (Directeur de recherche CNRS, Ecole Normale Supérieure)

Titre : Modèles de traitement spectro-temporel dans le domaine neuronal

Résumé : La vision classique du traitement de l'information auditive postule une analyse spectrale dans la cochlée, suivie d'un traitement de patterns temporels (structure fine) dans le domaine neuronal. L'importance respective de ces étapes est chaudement débattue. Je défendrai un point de vue différent, selon lequel la transduction cochléaire est la "dernière étape linéaire" d'une chaîne de traitement du signal largement située dans le tronc cérébral. Je présenterai plusieurs modèles récents qui s'appuient sur une symbiose entre filtrage cochléaire et traitement neuronal.

Biographie : Alain de Cheveigné est Directeur de Recherche CNRS, maintenant émérite. Après une formation scientifique (Maths, Physique) il s'est intéressé au traitement de la parole puis à la perception auditive, plus particulièrement la hauteur tonale et l'organisation perceptive de scènes sonores complexes. Plus récemment il s'est consacré au développement de méthodes d'analyse de données physiologiques (EEG, MEG, etc.). Son projet le plus récent concerne la mémoire sensorielle à court, moyen, et long terme.

Laurent Demany (Directeur de recherche CNRS / Université de Bordeaux) 

Titre : Nature contre culture dans la perception des mélodies

Résumé : La hauteur tonale est généralement définie comme un continuum sensoriel unidimensionnel. A l'encontre de ce point de vue, je présenterai plusieurs arguments expérimentaux en faveur de l'idée que les intervalles mélodiques correspondant à des rapports de fréquence simples - notamment 2:1, l'octave, et 3:2, la quinte - sont des singularités perceptives pour des raisons tenant au fonctionnement du système auditif de tout être humain.

Biographie : Laurent Demany est Directeur de Recherche CNRS, maintenant émérite. Il étudie la psychologie à l'Université Paris V, et réalise son doctorat de 3ème cycle au Laboratoire de Psychologie Expérimentale et Comparée de cette université, sous la direction d'Eliane Vurpillot (1978). Il devient attaché de recherche au CNRS en 1979. Il passe un Doctorat d'Etat en 1987 sur la perception de la hauteur tonale. Puis il crée avec Catherine Semal à l'Université Bordeaux II, le Laboratoire de Psychoacoustique, jeune équipe de la DRED (1988-1991). L'équipe s'incorpore ensuite dans ce qui deviendra l'Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d'Aquitaine (UMR CNRS 5287). Il est Directeur de Recherche émérite depuis 2018. Fellow de l'Acoustical Society of America, il a étéassociate editor de JASA et membre du board of trustees de l'International Foundation for Music Research. Il a reçu la médaille française de la SFA en 2009. 

Sahar Moghimi (Chaire de professeur junior, Université de Picardie)

Titre : Codage neuronal du rythme auditif au cours du troisième trimestre de la gestation

Résumé : Le cerveau connaît un développement structurel et fonctionnel rapide au cours du troisième trimestre de gestation. Dès la 25e semaine de gestation, les composants structurels du système auditif permettent au fœtus de percevoir les rythmes omniprésents des battements de cœur et de la respiration de la mère, ainsi que les rythmes des pas, des paroles et des chansons de l'environnement. La perception du rythme et la synchronisation à la périodicité sont essentielles pour le développement du langage, des comportements musicaux, de l'attachement à la mère et des interactions sociales au début du développement. Dans une série d'études utilisant l'électroencéphalographie haute résolution, nous avons étudié la réponse neuronale des nouveau-nés prématurés à des séquences rythmiques auditives. Nous avons montré que le cerveau des prématurés répond à la hiérarchie des structures rythmiques. Nous avons également montré l'évolution de cette réponse au cours du troisième trimestre de gestation, les oscillations neuronales lentes s'alignant davantage sur les stimuli rythmiques en fonction de l'âge gestationnel jusqu’à la naissance. Enfin, nous avons démontré l'existence d'un traitement prédictif précoce du rythme très tôt au cours du troisième trimestre de gestation. En résumé, je discute des capacités initiales du cerveau en développement dans son habilité à coder le rythme auditif et de l'importance d'une attention particulière à l'environnement auditif de cette population vulnérable au cours d'une période précoce, hautement dynamique du développement neuronal.

Biographie : Sahar Moghimi (PhD, HDR) est professeure (chaire de professeur junior) au GRAMFC (INSERM U1105) en neurosciences. Sa spécialité est le traitement du signal numérique et la modélisation de séries temporelles avec un accent sur les signaux neuronaux. De 2015 à 2020, elle a été directrice du Laboratoire de traitement des signaux cérébraux et professeure associée à l'Université Ferdowsi, en Iran. Depuis 2020, elle a rejoint l'Inserm (U1105). Avec son équipe, elle étudie le développement neurologique très précoce en utilisant différentes techniques, dont l'EEG et la fNIRS. Son intérêt particulier et son projet de recherche actuel sont liés à la mise en place précoce du traitement du rythme auditif avant l'âge de terme.

Séverine Samson (Professeure des universités, Université de Lille)

Titre : La musique au service de la santé

Résumé : La musique - une expérience sociale et multimodale – active un vaste réseau cérébral dont les particularités commencent à être dévoilées par les travaux en neurosciences cognitives et affectives. De tels résultats ouvrent la voie à tout un champ de recherche visant à comprendre les bénéfices thérapeutiques de la musique pour la rééducation des troubles cognitifs et affectifs provoqués par une lésion cérébrale. Dans cette présentation, je discuterai de la synchronisation à la musique et de la coordination interpersonnelle qu’elle suscite à partir d’une série d’études menées chez des patients présentant une maladie neurodégénérative afin d’apporter un éclairage nouveau sur les bienfaits de la musique dans ce contexte clinique.

Biographie : Séverine Samson, Professeure de Neuropsychologie à l’Université de Lille et membre honoraire de l’Institut Universitaire de France, a débuté sa carrière au Canada (Université McGill et Institut Neurologique de Montréal). Elle dirige une équipe de recherche en neuropsychologie à Lille (Laboratoire PSITEC) spécialisée dans l’étude des fondements neurobiologiques de la cognition et des émotions auditives et notamment musicales au travers l’analyse des différentes pathologies cérébrales. A Lille, elle a mis en place la filière neuropsychologie (Master spécialisé en réhabilitation cognitive) tout en développant de nombreux partenariats scientifiques en France et à l’étranger. Une partie importante de ses recherches concerne le développement des thérapies non médicamenteuses pour la prise en charge des maladies neurodégénératives, travaux menés en collaboration avec l’hôpital gériatrique Les Bateliers (CHRU Lille). Elle poursuit également des recherches depuis de nombreuses années sur les bases cérébrales des émotions musicales en lien avec la mémoire à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et en collaboration avec l’Institut du Cerveau (ICM) et maintenant avec l’Institut de l’Audition (IdA) dans une perspective pluridisciplinaire qui associe la neuropsychologie aux méthodes d’imagerie cérébrale. L'approche retenue combine ainsi les recherches fondamentales aux réalités cliniques, et se situe au croisement des arts, des sciences et de la cognition. Séverine Samson a publié de plus de 150 articles scientifiques et chapitres d’ouvrage et participé à de nombreux projets de recherche nationaux et internationaux.

Laurent Simon (Ingénieur recherche, SONOVA)

Titre : Où est Charlie ? Mieux comprendre le monde à travers la perception spatiale des sons, et conséquences de pertes auditives sur cette représentation du monde

Résumé : La perception spatiale des sons nous permet de nous orienter, d’identifier de potentielles sources de dangers, de séparer les sources sonores concurrentes, ainsi que de nous ancrer dans l’espace dans lequel nous nous trouvons. Chez les malentendants, cette perception est affectée : difficultés à localiser les sons dans le plan sagittal, perception de la distance compressée, … Comprendre ce qui cause ces différences est nécessaire afin d’améliorer la perception spatiale chez les malentendants. Cette présentation introduira les principaux attributs de la perception spatiale et les indices strictement sonores aussi bien que multimodaux qui les influencent, chez les malentendants et normo-entendants. L’effet des hearables et appareils auditifs sur cette perception sera également discuté.

Biographie : Laurent Simon a obtenu un doctorat de psychoacoustique en 2011 à l’université de Surrey. Sa recherche porte sur la perception spatiale des sons ainsi que sur les systèmes de reproduction de sons spatialisés. Tout d’abord centrées sur l’audio grand public (méthodes d’enregistrements destinées à la production de contenus pour la radio / télévision / cinéma, optimisation de reproduction binaurale), ses études se sont tournées vers la perception sonore spatiale chez les malentendants depuis 2017. Il est ingénieur recherche chez Sonova depuis 2021, où il poursuit ses travaux sur la reproduction de sons spatialisés pour le développement et l’évaluation d’aides auditives.