Français- Introduction

Proche de chez moi se trouve un monument dédié au sous-lieutenant Robert E. Jenkins, pilote américain tombé au combat le 15 juillet 1944 lorsque son P47 Thunderbolt est tombé dans la forêt domaniale de Blois près de Molineuf, dans le Loir et Cher. J'ai emmené ma mère voir la stèle. Elle a déclaré: "Il devait être quelqu'un de très important pour avoir une stèle rien que pour lui". Intrigué, j'ai décidé d'enquêter.

Son histoire est remarquable, mon enquête n'est pas la première et différentes versions de ce qui s'est passé au cours de sa dernière heure existent. Je présenterai en détail du point de vue d'un ingénieur, les témoignages disponibles sans oublier que c'est avant tout l'histoire d'un jeune homme ayant une famille et qui a perdu la vie lors de la libération de la France.

Mise en Perspective

L'invasion alliée de la France a commencé le 6 juin 1944 en Normandie, 39 jours avant le crash. Les forces terrestres étaient toujours en Normandie, les Américains livraient « la bataille des haies » près de Saint Lô, les Britanniques et les Canadiens livraient « la bataille de Caen ». Ils n'avaient pas encore conquis de port maritime et s’appuyaient sur le port temporaire d'Arromanches-les-Bains qu'ils avaient amené avec eux. Il fallait absolument que les Allemands ne puissent amener des renforts dans la zone, sinon le risque que l’invasion échoue était grand. Les forces aériennes alliées furent chargées d’empêcher cela ; les ponts, les voies ferrées et les aérodromes figuraient parmi leurs cibles. Les bombardements alliés étaient effectués la nuit par la Royal Air Force (armée de l'air Britannique) et le jour par l'USAAF (United States Army Air Force - armée de l'air Américaine). Les bombardiers étaient protégés par des chasseurs. 

Composé de 3 escadrons de 24 Republic P47 Thunderbolt, le 56e groupe de chasse était basé à Boxted, juste au nord de Colchester en Angleterre. Robert Jenkins était pilote dans l’ escadron N° 63.

Le plafond des nuages qui recouvrait l'Europe a maintenu les bombardiers lourds au sol, de sorte que la mission du 15 juillet n'était pas une escorte, mais une attaque au sol contre l'infrastructure ferroviaire de Blois, à 250 km en avant des forces terrestres alliées. Cette petite ville dotée d'un pont routier sur la Loire et d'une voie ferrée reliant Tours à Orléans avait été gravement endommagée par les Allemands en 1940. Les décombres avaient été déblayés mais aucun travail de reconstruction majeur n'avait été entrepris en dehors du pont et de la voie ferrée qui avaient été réparés, Blois était redevenue une cible.

Source de la carte : Google Maps (le point bleu représente l'endroit où habite l'auteur).

La mission

Le raid (numéro 8AF 474) était dirigé par le colonel Hubert ZEMKE. Les 62e et 63e escadrons, voleraient vers le sud depuis Boxted, décollant à 17h27, traversant la Manche, évitant la zone de combat de Normandie et la grande ville de Rouen puis redescendant vers Orléans où ils vireraient à tribord en suivant la Loire vers Blois.

Robert JENKINS, pilotait l'un des quatre avions du <<White Flight>>.  Dans  cette mission, sa deuxième, il remplaçait Donald PETERS sur son appareil immatriculé 42-76578 (UN-O). Car, comme Il avait rejoint le 63e escadron le 26 juin, soit 19 jours plus tôt, Il était toujours considéré comme un stagiaire et ne s'était pas encore vu attribuer son propre P47.

Sur leur trajet ils subirent des tirs antiaériens intenses et précis à l'ouest et au sud de Rouen. En arrivant à 4300m dans la région de Blois à 18h50, il devint évident qu'il y avait trop de nuages pour réussir une attaque. Le colonel ZEMKE prit la décision de répartir les deux escadrons, il dirigerait le 62e escadron pour attaquer la gare de triage ferroviaire de Vendôme et le major GOODFLEISCH prendrait le 63e escadron pour attaquer l'aérodrome du Breuil près de La Chapelle-Vendômoise au nord-ouest de Blois.

L'aérodrome avait été utilisé par les Allemands comme piste auxiliaire mais il fut attaqué par des P51 Mustang le 20 avril. Une semaine plus tard, les Allemands bloquèrent la piste pour empêcher les Alliés de l'utiliser.

Le 63e escadron aurait trouvé un aérodrome vide, en herbe et non utilisable à attaquer. C'est à partir de cet instant que nous trouvons deux versions : les Américains racontent une histoire et les Allemands une autre.