La Faïencerie de Pont-de-l'étoile (13360)

Lors de l'aménagement de la route CD 45, à proximité de Pont-de-l'Etoile et le long de la rive droite de !'Huveaune, il a été nécessaire d'ouvrir des tranchées pour l'évacuation des eaux de surface. Une fosse profonde a été creusée pour mettre en place un bassin de décantation des eaux. Ces excavations ont permis de découvrir de nombreux tessons de faïence. A chaque cuisson des produits céramiques, des pièces présentent des défauts et doivent être mises au rebut. Plusieurs kilos de tessons ont été récoltés.

Souhaitons qu'un jour, une fouille scientifique puisse être réalisée...

En attendant voici un peu de son histoire (travail de Michel CHAILLOU [1928-2006] habitant de pont-de-l'étoile qui s'est passionné pour cette partie de l'histoire du village) et a été reçu à l'académie de Moustiers sur la base de ses travaux en 2004.

Ci-dessous vous trouverez une partie de son travail (qui avait l'objet de conférences et exposition et de petits articles comme celui de 1998 dans le livret de la fête annuelle de l'étoile).

Des annexes sont également proposées:


L'emplacement

Extrait du premier plan cadastral, aux environs de 1820à gauche et extrait geoportail 2020 à droite ...

Les seules parties bâties à cette époque sont l'Auberge de l'Etoile et la Papeterie qui accueillera à partir de 1850, les locaux de la Faïencerie GLIZE et NIEL.

A noter que impasse de la papeterie permet de situer encore aujourd'hui le lieu.


Au dessus du deuxième Barrage déversant, situé en amont, on aperçoit le corps du bâtiment qui abritait la Papeterie et la Faïencerie.•Le niveau de cette retenue d'eau était celui des rejets des moulins.

Au premier plan, à droite du corps de logis de l'Auberge de « La Belle Etoile» se développent les locaux de la papeterie qui abritèrent aussi la Faïencerie de « GLIZE et NIEL», puis de « GLIZE et Cie »


Les bâtiments de la Papeterie, quelques années après la fermeture de la Faïencerie, La fumée qui s'échappe de la cheminée est celle du nouveau séchoir à papier.

Plan des installations

Ce plan permet de situer les principaux locaux de la Faïencerie au rez-de-chaussée.

A- Différents ateliers de fabrication de la faïence fine dont l'atelier des cazettes (les casettes sont des supports et boites en terre réfractaire qui permettent de protéger les pièces non encore cuite ou ayant déjà subi une première cuisson avant cuisson de la décoration éventuelle ou du vernis transparent. A remarquer que les logements d'ouvriers (célibataires ...) sont aménagés dans la zone des ateliers

B- Magasin des produits terminés et logements d'ouvriers (dortoirs?)

C- Magasin de biscuits (pièces tournées, estampées, modelés, coulées, ... après la première cuisson)

D- Logement encadrement du personnel

E- G- H- Lieux de stockage des pièces terminées

F- Four de cuisson et à émail (four circulaire)

sous sol: stockage et murissement des terres

étage : séchage des pièces avant cuisson

Origine et Histoire

Les familles GLIZE de Pont-de-l'Etoile Et NIEL de Varages : la rencontre de deux hommes à forte personnalité.

Le 10 novembre 1788, naissait à Roquevaire Charles GLIZE. Le parrain de Charles est Charles DONDE, Fabricant de papier à l'Etoile.

Par testament en date du 25 frimaire de l'an XII (17 décembre 1803), Charles DONDE transmet son domaine de l'Etoile (les moulins, et paroirs à papier) à Jacques GLIZE, comme usufruitier et à la mort de celui-ci, à ses enfants : cinq garçons et une fille, parmi lesquels Charles son filleul.

Après le décès de son parrain, puis de son père, Charles GLIZE n'eut de cesse de devenir le seul propriétaire de la fabrique. Il achète successivement tous les droits de propriété de ses frères et de sa sœur. A 63 ans, il est le maître unique de la fabrique de l'Etoile. Il peut ainsi continuer de mettre en œuvre toutes ses qualités d'esprit d'entreprise.

En cette période, le 23 avril 1843, sa fille Félicité Marie-Thérèse se marie à Louis Etienne NIEL, fabricant de faïence. Il est l'un des derniers descendants d'une longue lignée de faïenciers de Varages. On y fabrique alors de la faïence stannifère commune blanche de belle qualité. De belles pièces décorées suivant les méthodes anciennes.

Maire de Varages, les affaires de Louis NIEL sont florissantes et il est riche propriétaire foncier. Il sera un bon parti pour Félicité GLIZE.

Grâce aux qualités du même « esprit d'entreprise » qu'ils partagent, le gendre et le beau-père seront vite d'accord; pour mener ensemble des affaires communes.

A la fin du 18ème siècle, en dehors des causes politiques et économiques directes de la Révolution, de nouvelles difficultés touchent les faïenceries de Moustiers et de Varages. (concurrence des produits nouveaux qui viennent des Iles Britanniques et de l'Est de la France... )

Louis NIEL et Charles GLIZE ont compris que pour survivre, il faut s'adapter aux nouvelles façons de faire. Pour monter une manufacture nouvelle, il faut des idées, du savoir faire, de l'argent, des matières premières, des moyens de transports, de la main-d'œuvre et des clients.

Louis NIEL convaincra son beau-père de créer une manufacture de Faïence fine.

L'emplacement de la Fabrique ; de l'Etoile est particulièrement propice et très proche du centre commercial de Marseille. ..

Les activités industrielles et commerciales de leur association vont se développer au cours des années. A leur industrie de céramique, ils ajoutent l'industrie chimique pour la fabrication du minium qui est utilisé pour l'élaboration du vernis transparent de la faïence fine.

Bref une sacrée historie de famille!

Les papiers à en-tête de la correspondance et les marques sur les pièces de faïence permettent de dater les époques de fabrication.

Pour aborder les marques de la Fabrique de Pont-de-l'Etoile, il est nécessaire de commencer par une marque qu'utilisa la Faïencerie de Sarreguemines.

Pour ses pièces courantes (les assiettes) : le blason couronné avec un bandeau à trois oiseaux, une partie des Armes de la Lorraine.
Les faïenceries de Provence s'inspirèrent de ce modèle. Il s'agit de marques utilisées uniquement sur des assiettes blanches ou décorées.
Les oiseaux deviennent des étoiles.

exemple de papier à en tête

Faïencerie de Sarreguemines

Le G N de GLIZE & NIEL et la mention Opaque surfine.

Cette marque a du être utilisée jusqu'en 1868 - 1869

Par la suite, ce fut la marque G C, avec la même représentation, correspondant à GLIZE & Cie, la nouvelle société créée.

Cette marque a été utilisée de 1869 à 1887

Pour les pièce de forme (plats, pots, coupes, ...) dans un cartouche un peu décoré nous retrouvons les lettres N.G pour l'association GLIZE & NIEL puis G.C. pour la société GLIZE et Cie.

Les origines des ouvriers-faïenciers

Les ouvriers-faïenciers ont des origines très diverses. Ils ont vécu dans le hameau de Pont-de-l'Etoile et les principaux épisodes de leur vie sont transcrits dans les actes de l'Etat civil de Roquevaire et dans les registres paroissiaux. Il est donc possible d'y retrouver un grand nombre d'entre eux. Ils se sont mariés, ils ont eu des enfants et certains sont décédés pendant la période où ils travaillaient à la faïencerie de l'Etoile.

Comme témoins de ces actes, ce sont souvent des collègues de travail, faïenciers eux-mêmes qui viennent porter leur signature.

Tous sont fiers de leur métier et ils ne manquent pas de faire connaître leurs qualifications lorsqu'ils signifient leurs identités dans les actes écrits : ouvriers-faïenciers, mouleurs en faïence, peintre en faïence, modeleur en faïence, etc...

Ce sont une centaine de faïenciers qui ont pu être identifiés pendant la durée de vie de la Faïencerie de 1852 à 1887.

La liste des faïenciers répertoriés, on s'en doute est loin d'être exhaustive (lien liste alphabétique) et ci-dessous classification par origine géographique

liste_ouvriers_faienciers.pdf

Les productions

La faïencerie avait été créée pour une fabrication intensive. Il s'y fabriqua annuellement jusqu'à 90.000 pièces de faïence de la vaisselle commune, assiettes, plats, bols, mais aussi des boites à épices, des sucriers, des pots à tabac, des écritoires et des statuettes de saints.

La fabrication de la faïence fine se prête à la production de série. La baisse du prix de revient en est la conséquence. En 1860, cette industrie s'est parfaitement mise en place. Dix machines à broyer la terre argileuse et les tours à former les pièces sont entraînées par deux roues du moulin à eau de la fabrique de l'Etoile. Vingt ouvriers et cinq ouvrières travaillent à l'atelier de fromage et de moulage de la faïencerie, mais au total, c'est une cinquantaine de salariés qui y sont employés. La fabrique de minium et la papeterie emploient aussi une cinquantaine d'ouvriers. L'ensemble des fabriques du grand domaine de l'Etoile emploie une centaine de travailleurs et avec leurs familles, ce sont plus de trois cents personnes qui dépendent de cet ensemble manufacturier qui se voulait industriel.


Cette importante activité explique alors le développement dynamique du hameau de, Pont-de-l'Etoile qui s'est construit et équipé au milieu du 19eme siècle. Toutes les maisons de la Grand'Rue ont été construites à l'époque de la Faïencerie.


Séries d'assiettes à dessert livrées à la douzaine:

Bouquets à 3 ou 4 tiges fleuries

Décors de trois petits bouquets de fleurs

liés par des rubans bleus

Plat à barbe, terre très blanche et beau vernis

Assiette blanche, diamètre 21 cm, légère et de bonne qualité

Bannette décorée de deux jolis boutons de rose très bien peints


Jattes de formes godronnées en faïence fine appartenant à des collections privés ou déposées dans des musées de la région.

Une assiette à dessert, diamètre 20 cm, très fine et légère mais le résultat est peu séduisant.

L'assiette est estampée sur un moule représentant des pieds de fraisier avec leurs racines, leurs feuilles et leurs fleurs en bouton ou épanouies, et les fraises en fruits.

On peut trouver rigoureusement le même modèle du moulage sur une assiette peinte, d'un diamètre de 22 cm de Creil et Montereau

Des assiettes à dessert peintes à la main dans les ateliers de la Faïencerie de Pont-de l'Etoile ont utilisé ce modèle obtenu par estampage.

Chaque bouquet étant réalisé sans modèle, les décors sont légèrement différents par le nombre de branches ou de fleurettes, ce qui leur donne beaucoup de spontanéité et de charme.

Au 19ème siècle: la mode des boites à épices

Une série de boîtes à épices Tous les foyers souhaitaient détenir ce décor utilitaire de la pièce où l'on prépare les repas. Les boites sont décorées en noir, au pochoir, avec cartouche fleuri et inscription réalisée elle aussi au pochoir.

Pour la forme, il semble qu'il y a eu copie d'autres fabricants.
En comparant Pont-de-l'Etoile, Sarreguemines et Varages, on reconnaît au centre le blason de Sarreguemines et à droite celui de Louis NIEL qui mentionne sa médaille d'or (mais marque son origine de Marseille).

Monsieur Paul Bertrand, spécialistes des faïence de Varages, a déjà signalé le fait, .. mais supercherie pour supercherie pourquoi n'aurait-elle pas été fabriquée à Pont-de-l'Etoile qui est plus proche de Marseille...

Statuette de Notre Dame de l'Etoile



En faïence fine d'une belle blancheur, cette statuette très légèrement peinte, visage à peine coloré, couronnée de fleurs et de feuillage, sa robe blanche est recouverte d'un voile décoré minutieusement de petites croix bleues, sur le socle, la mention « Notre Dame de l'Etoile »

Plusieurs exemplaires de cette statuette furent offerts à des donateurs qui contribuèrent au financement de la construction de l'église de Notre Dame de l'Etoile qui fut bénie en 1869 par Mgr PLACE Evêque de Marseille.


Décors de feuilles de vignes

Ce type de décors (feuilles de vigne et raisins moulés sur un fond à quinze quartiers est très inspiré des productions des faïenciers de l'Est de la France. La faïencerie de Pont-de-l'Etoile copie souvent la mode qui inonde déjà le marché.



Plats et coupes avec décors identiques, moulés à quartier. Les faïenciers de Sarreguemines utilisent le même décors peint sur les reliefs