Articles / L'avant port / Magdeleine
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La "Magdeleine" de Sous la Tour
L’histoire nous apprend qu’au V ème siècle, un moine du nom de Brioc, après avoir précédemment visité Tréguier et l’Aber Wrac’h, débarqua à l’embouchure du Gouët en provenance du Pays-de-Galles pour s’installer sur les terres d’un parent. On connait la suite. Plus près de nous, un autre moine, d’origine écossaise cette fois-ci, Peter Anson* (1889-1975), effectua en 1929 un tour de Bretagne de Cancale à St-Nazaire et s’arrêta dans de nombreux ports de la région. Son intention n’était pas de bâtir une nouvelle communauté, ce qui avait été fait par son prédécesseur, mais plutôt de fixer sur son cahier de croquis quelques scènes de la vie maritime de l’époque. Il en sortira un livre « Mariners of Brittany », paru en 1931, accompagné de nombreux commentaires qui nous laissent à penser que Peter Anson, en plus d’être un excellent dessinateur, s’appliqua à donner une réelle dimension ethnographique à son ouvrage. Rencontrer les pêcheurs, discuter avec eux pour mieux appréhender leur métier, livrer quelques données statistiques sur le nombre de bateaux et les quantités de poissons pêchés, tous ces éléments donnent une idée précise sur sa démarche. Pour ce qui concerne Le Légué, il nous décrit le lieu comme « un endroit endormi et abandonné qui a joui d'une prospérité bien plus grande dans le passé où, il y a un demi siècle, vous auriez pu voir toute une flottille de goélettes ainsi que d'autres bateaux à voiles. De nos jours, on a l'impression qu'il n'y a pas beaucoup d'activité. Le Légué est un endroit déprimant. Après le vieux bassin, en direction de la mer, se trouve le nouveau bassin, construit à l'endroit où se trouvait le vieux port d'échouage. À une époque, Le Légué était l'un des ports principaux qui armaient des morutiers pour Terre-Neuve. Il n'est plus fréquenté que par des charbonniers anglais, des cargos apportant du bois d'œuvre des pays scandinaves, de petits cargos qui exportent des légumes et autres produits agricoles en Angleterre. » A l’inverse, il porte un tout autre jugement sur Sous-La-Tour :« les passionnés de bateaux ne devraient pas manquer de se rendre à Sous-la-Tour. Ils y trouveront un grand nombre de vieux gréements, pratiquement disparus, et qui pourrissent sur la grève. Les pêcheurs qui utilisent encore le type de bateaux que j’ai dessiné ci-dessus sont tous des gens charmants et on peut passer de nombreuses heures à discuter avec eux alors qu'ils réparent leurs filets ou travaillent sur leur bateau, sans jamais s'ennuyer. On y trouve des restaurants dans lesquels on peut faire un excellent repas pour une somme modique ; la vue de la baie de baie de Saint-Brieuc est magnifique. Tout compte fait, il y a beaucoup d'endroits pires sur la côte nord de la Bretagne ! ». Qu’on se rassure, on trouve encore à Sous La Tour des gens charmants. Il réalise ici un très beau dessin précis et détaillé de la Magdeleine, SB 461, échouée sur la grève. Il montre quelques hommes s’affairant autour du navire, probablement l’équipage. Côtre gréé d’un tape-cul, il est la propriété à cette époque d’un négociant de Rennes, Francis Conan. Son patron n’est autre que Mathurin Monfort (Voir l'Anita et la goélette Surprise). Construit tout récemment à Carantec (1927), il pratique la pêche au chalut et se met au mouillage pour la pêche au maquereau. On le voit ci-dessous un jour de fête avec une foule impressionnante en route pour une balade en mer, difficile d’imaginer la même scène de nos jours. D’une longueur de 12 m et d’un tirant d’eau de 2 m 30, il est peu apprécié par son patron qui le qualifiera de « bateau avec beaucoup trop d’échouage ». Il finira ses jours sur la grève.
*Pour en savoir plus sur Peter Anson: article du Chasse-Marée n°3 (1982)
Caractéristiques: Longueur: 12 mètres ; Tirant d'eau: 2 mètres 30 ; Tx: 17, 23
Philippe SAUDREAU