Historique

Naissance

En 1875, Jules Paulet a créé les Etablissements PEYRON PAULET, fabrique de boulons, au Chambon-Feugerolles.

Son fils Auguste, ingénieur des Arts et Métiers, crée en 1902 une annexe de forge Etablissements A. PAULET. Il fabrique des pièces pour l'automobile (BERLIET, PEUGEOT...), les chemins de fer, les fusils de chasse...

Jules Paulet était premier adjoint du maire du Chambon, il a développé l'hôpital Claudinon, et une rue du Chambon porte son nom. Il était un bon vivant, faisait régulièrement des "cures" à Vichy avec ses amis, en particulier François Bouché, le père de Marie-Louise, femme d'Auguste. Il est mort à Vichy en 1905, à 55 ans. Par contre, son épouse, Adélaïde (ou Adeline) avait du caractère.

Auguste se heurte avec sa mère, menace de partir, ils ne se parlent pendant un an. Finalement il obtient les pleins pouvoirs de l'entreprise. Il devient un patron.

Croissance

Pendant la Première Guerre Mondiale, il fabrique des obus et des pièces d'armement, gardant un personnel qui lui est entièrement dévoué.

En 1929, il sépare les deux activités, laissant la branche Boulonnerie à son frère cadet, 8 ans d'écart, et développant de nouvelles techniques de forge pour la production en série de pièces en acier de 250 g à 20 kg (voir "techniques").

Les clients sont les chemins de fer, les matériels de construction et travaux publics, les camions, les cycles, les armes de chasse…

Anecdote : en 1988, lors d'un voyage en Egypte, nous regardions la voie ferrée ; un indigène nous vante alors les fabrications locales. Pas de chance ! Les selles (plaques acier entre la traverse et le rail) étaient marquées au sigle des Ets A. Paulet.

Un produit emblématique a été le clou de la ville de Paris, servant à délimiter les passage pour piétons, mis au point par François Forissier, le bras droit du patron.

L'usine de forge, située à Gaffard, quartier du Chambon, occupe 30 000 m² de terrain, et 3 000 m² couverts.

L'atelier de forge comporte 6 pilons à courroie, avec des masses tombantes de 250 kg à 2 tonnes.

L'atelier d'outillage, techniquement très évolué, avec des tours, étaux-limeurs, fraiseuses, fabrique les matrices, masses d'acier spécial avec la forme de la pièce en creux fixées sur les marteaux-pilons.

L'atelier de finition perce les trous et usinent les pièces simples, par exemple les éclisses et les selles de chemin de fer.

L'atelier d'expédition, avec un petit marteau-pilon pneumatique...

Anecdote : Pendant la guerre de 1940, l'usine était réquisitionnée par les Allemands pour fabriquer des ogives d'obus. Les contrôleurs examinaient les pièces dans l'atelier d'expédition, et après leur départ, chaque pièce passait sous le marteau-pilon pour être marquée, et accessoirement ovalisée, la rendant inutilisable. Les carnets noirs que nous avons conservés montrent un très fort taux de réussite !

Auguste est un grand patron, le développement des Ets A. PAULET est exemplaire. C'est un ingénieur, qui met en place de nouvelles techniques, dépose des brevets de fabrications et de produits innovants. C'est un financier, il investit dans toutes les créations d'entreprises, certaines seront très rentables. C'est un redoutable négociateur ; au téléphone, ses correspondants ont peur quand il commence à grommeler !

Maturité

C'est aussi un patron éclairé : il crée avant 1936 une caisse de compensation, qui prend en charge les malades, les accidentés, et les veuves de ses employés. Il s'occupe de chacun de ses salariés.

Anecdotes de la guerre de 1940 :

Au début de la guerre, les ouvriers partent au front, mais l'usine leur envoie des provisions et verse leurs salaires à leurs épouses (lettres de remerciements)

Auguste obtient des Allemands de conserver tout son personnel en compensation de fabriquer des ogives d'obus(!). Un employé se dévouera en partant au STO, Jean-Gabriel Teyssier ; il sera plus tard le directeur administratif de l'entreprise.

Pendant l'occupation, le ravitaillement est difficile. Auguste loue des terrains à Malmont (4km), et chaque semaine, la pelle sur l'épaule, il emmène ses ouvriers en rang par 2 pour cultiver les patates, et nourrir leurs familles et les voisins.

 Auguste est aussi le seul à diriger : à son décès, en 1953, la paie du personnel est enfermée dans le coffre-fort dont il est le seul à connaître la combinaison. Il faut faire venir de la prison de la Talaudière un cambrioleur escorté de deux gendarmes ; il ouvre le coffre en quelques minutes…

Déclin

Jules Paulet, ancien élève de l'Ecole des Arts et Métiers, 46 ans, prend la direction de l'entreprise. Il est secondé par Charles, 35 ans.

Pendant 20 ans, portée par le boom économique, l'entreprise va garder une forte activité, avec plus de 80 salariés, et faire bénéficier la famille Paulet de revenus élevés. En 1960, l'usine acquiert une maison de maître, et fait d'énormes travaux d'aménagement.

Mais aucun investissement productif n'est réalisé, les matériels vieillissent et deviennent obsolètes, le personnel est très compétent et très attaché à l'entreprise, mais il n'a pas été formé pour se reconvertir vers de nouvelles technologies.

Mort

Au départ en retraite de Jules en 1974, Charles prend la direction, assisté par son fils François, Ingénieur de l'Ecole Catholique d'Arts et Métiers de Lyon.    

Le premier investissement concerne la fabrication des matrices, avec l'introduction de machines d'usinage par électro-érosion. Ceci permet d'ouvrir des marchés nouveaux : pièces de remplacement (RVI), délais courts, export (Algérie). Un second investissement est une presse hydraulique moderne. Mais ces investissements ne sont pas importants et insuffisants pour assurer un nouveau développement ou une reconversion.

Une étude réalisée en 1979, avec le Centre des Jeunes Dirigeants (Jeunes Patrons), montre la chute irréversible de la forge par estampage, face aux produits dérivés du pétrole et aux nouvelles technologies.

Ne pas investir était finalement la bonne solution !

En 1981, Charles part en retraite, François dépose le bilan en 1982, en payant toutes les dettes, et en recasant le personnel. Un repreneur, M. Fraissinet, essaie de poursuivre l'activité avec une douzaine de salariés, mais abandonne après un an.

Les terrains et les ateliers ont été repris par la société italienne FORGITAL FMDL, qui fabrique des pièces en acier par laminage circulaire, une technique très éloignée de la forge par estampage.

Les Ets A. Paulet ont été une entreprise industrielle typique du XXème siècle, avec une durée de vie de 80 ans, et une courbe analogue à celle de l'homme.