• Date de soutenance : 25/11/2008

  • Lieu de soutenance : Université d’Orléans

  • Laboratoire de recherche : Laboratoire Orléanais de Gestion (LOG)

  • Titre de la thèse : Quelle gouvernance pour les organisations du tiers secteur ?Le cas des associations loi 1901

  • Mentions : Très Honorable

  • Composition du JURY

                  1. M. François MEYSSONNIER, Professeur, Université de Nantes - Président du jury

                  2. M. Alain BURLAUD, Professeur, C.N.A.M. – Rapporteur

                  3. M. Jean DESMAZES, Professeur, Université de la Rochelle – Rapporteur

                  4. M. Gérard HIRIGOYEN, Professeur, Université Bordeaux IV – Suffragant

                  5. M. Stéphane ONNÉE, Professeur, Université d’Orléans – Suffragant

                  6. Mme Dominique BESSIRE, Professeur, Université d’Orléans - Directeur de thèse

Présentation de la thèse

Avec plus de 1.100.000 organisations opérant dans une multitude de champs (culture, sport, loisir, éducation, sciences, recherche, santé, social…) et un budget global s’élevant à plus de 59 milliards d’euros, les associations sont des acteurs influents du paysage socio-économique français. L’expertise qu’elles développent dans des domaines aussi variés que l’aide à la personne, le handicap, l’environnement, l’insertion professionnelle, le développement économique… en a fait des interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics qui mettent à leur disposition, outre des moyens matériels et humains, plus de 51% de leur budget global.

Vu l’impact de leurs actions sur la collectivité et l’importance des ressources qu’elles brassent, leurs différents partenaires attendent qu’elles mènent dans une grande transparence des actions efficaces et efficientes. Toutefois leurs spécificités (gestion désintéressée, indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics, fonctionnement démocratique…), leur rôle sociétal (création de lien social et substitution aux pouvoirs publics dans certains domaines …), ainsi que leur évolution (professionnalisation accélérée, dépendance en ressources accrue vis-à-vis des pouvoirs publics,…) et les malversations et autres détournements de fonds qu’elles ont connus, soulèvent la question de leur gouvernance.

Longtemps laissée dans l’ombre, cette thématique n’a pas suscité chez les scientifiques un engouement similaire à celui soulevé par la gouvernance des entreprises. Aussi, bien que reconnaissant la prégnance de cette question dans les associations, peu de chercheurs en sciences de gestion s’y sont intéressés. Seuls les praticiens du monde associatif (les bénévoles, les dirigeants, les donateurs, les salariés d’associations, les professionnels comptables, les banquiers, les pouvoirs publics…) se sont véritablement emparés de cette question. Mais la plupart des travaux produits (Institut Français des Administrateurs, Académie des Sciences et Techniques Comptables et Financières, l’UNIOPSS) portent exclusivement sur les grandes associations, qui au demeurant représentent une faible proportion en nombre de ces organisations. De plus, ces travaux prennent la forme de codes et autres guides de bonnes pratiques largement inspirés de ceux produits dans la sphère des grandes entreprises cotées. Ils tendent à appliquer aux associations les réponses et autres propositions inspirées du modèle dominant les travaux sur la gouvernance des entreprises en leur prescrivant des principes de « bonne » gouvernance plutôt que de décrire ou d’expliquer les pratiques de celles-ci, présumant ainsi de l’inefficacité des pratiques actuelles. Les associations se retrouvent ainsi au croisement entre la nécessité pour les acteurs s’intéressant à leur gouvernance (chercheurs et praticiens du monde associatif) de disposer de points d’ancrage pour appréhender cette thématique et la nécessité pour elles, de convaincre de la qualité de leur gouvernance et de le faire savoir.

La présente recherche, qui se propose donc de comprendre et d’analyser la gouvernance des associations, est guidée par les deux questions suivantes :

  • Quels sont les enjeux de gouvernance dans les associations et quelles sont les attentes de leurs principaux partenaires ?

  • Dans quelle mesure les théories de la gouvernance rendent-elles compte de la gouvernance des associations ?

Compte tenu de notre objet de recherche, une analyse en profondeur des pratiques de ces organisations est une nécessité. La recherche accorde une large place à la perception que les différents acteurs impliqués dans la gouvernance des associations donnent à cette réalité. Au regard de ce positionnement, la méthodologie qualitative nous a paru la plus appropriée. Elle permet d’ancrer notre recherche dans la compréhension du fonctionnement concret des associations et d’éviter le « placage » artificiel des théories de la gouvernance à des organisations bien différentes des entreprises « classiques ».

La thèse rassemble et exploite ainsi un matériau provenant de quatre vagues successives d’études de terrain. La première correspond à 16 entretiens semi directifs réalisés auprès de dirigeants de 11 associations. La deuxième, après que le sujet a été resserré, correspond à 30 entretiens de dirigeants de 29 associations opérant dans le secteur médico-social. La troisième, prend la forme d'une observation participante au sein d'une collectivité publique ayant à auditer les associations qu'elle subventionne. Enfin, la quatrième vague de terrain prend la forme de 50 entretiens effectués auprès de financeurs publics d’associations du secteur social et médico-social.

La thèse met ainsi en évidence une dissonance entre la perception des différents acteurs. La perception des dirigeants d’associations s’explique en partie par l’impact de la nouvelle donne régissant leur coopération avec les financeurs publics et caractérisée par :

  • la généralisation des financements par projets et l’institutionnalisation d’une logique de prestation et de mise en concurrence des associations;

  • la modification du mode de management des financeurs publics qui accordent une place importante au contrôle de leurs satellites sous l’influence de la LOLF ou des instances de contrôle de l’Etat pour les services déconcentrés de l’Etat et des chambres régionales des comptes pour les collectivités territoriales ;

  • et une compréhension différente de la notion de projet. En effet, les financeurs publics sont plus attentifs aux résultats immédiats du projet tandis que les dirigeants d’associations, eux, mettent l’accent sur une dimension du projet qui s’inscrit dans un projet de société, avec un horizon temporel plus long, ils souhaitent dans ce cadre s’affranchir des contraintes économiques et des pressions liées aux contrôles.

Toutefois, les acteurs impliqués dans la gouvernance des associations ont, malgré les critiques les uns des autres, une finalité commune. En effet, si les dirigeants d’associations souhaitent assurer la pérennité de leurs associations, les financeurs publics souhaitent, eux, s’assurer un partenaire fiable et performant. Aussi des actions pour réduire les dissonances nées de la différence des perceptions entre ces acteurs, sont progressivement mises en place à travers des comités de pilotage ou des actions de concertées.

D’un point de vue théorique, la thèse montre les limites des cadres théoriques disponibles pour appréhender de manière tout à fait satisfaisante et pour faire progresser la conception d'une gouvernance pleinement adaptée à ces organisations particulières que sont les associations. Elle montre en effet qu’aussi bien la logique disciplinaire que la logique cognitive généralement mobilisées sont insuffisantes pour rendre pleinement compte de gouvernance des associations. Cette thématique ne peut pleinement être appréhendée dans ces organisations qu’au travers d’une approche élargie ou intégrée de la gouvernance. Au regard des spécificités des associations, la thèse met en évidence la possibilité de mobiliser les apports de la théorie de l’intendance pour pallier les limites des théories dominantes. Cette recherche qui permet le croisement des perceptions des « gouvernants » et des « gouvernés » permet ainsi de nous affranchir du discours unique qui tend à dominer les travaux sur la gouvernance.

Au niveau managérial, la recherche permet d’instaurer les bases d’une meilleure compréhension entre les différents acteurs impliqués dans la gouvernance des associations. En effet, elle permet d’alimenter le dialogue entre ceux-ci et permet à chaque acteur de comprendre dans quelle logique de gouvernance se situe l’autre et comprendre ainsi pourquoi il agit de telle ou telle façon.

De façon spécifique, pour les financeurs publics, elle leur permet :

  • de mieux cerner les contraintes des associations, de mieux saisir leurs craintes et leurs attentes ;

  • de s’investir dans un processus d’apprentissage et de conseil ;

  • et d’étendre la mise en place de cadre de travail conjoint à travers des COPIL, des rencontres fréquentes, et ce d’autant plus que ces contrôles sont perçus par les dirigeants d’associations comme des leviers de « bonne gouvernance ».

Pour les associations elle leur permet :

  • de mieux conduire leur projet associatif ;

  • de mieux appréhender les contraintes de leurs financeurs publics afin de pouvoir les gérer et ne plus les subir ;

  • et de sortir de la logique de confrontation qui régit la coopération entre certains dirigeants d’associations et leurs financeurs publics.

La thèse apporte également une lecture gestionnaire du management des associations, organisations jusque là essentiellement étudiées par les économistes et les sociologues.