"Le commentaire doit expliquer quelles stratégies narratives, stylistiques et rhétoriques sont mises en œuvre pour exprimer telle idée : les candidats qui ont du mal à éviter la paraphrase doivent garder en tête que l’exercice du commentaire répond à deux questions qui vont de pair et qui sont « comment ? » et « pourquoi ? »".
"Le commentaire demande une analyse critique du texte et non un simple repérage des procédés rhétoriques mis en œuvre."
Rapport ENS Lyon 2015
"How do you do what you do to me?" (1963 song) est la question à laquelle le commentaire tâche de répondre et dans laquelle 'you' représente le texte et "me" le lecteur.
How do you do = comment le texte procède (style, images, structure...)
what you do to me = ce que le texte provoque chez le lecteur (humour, suspense, plaisir, identification...)
Il faut percevoir les intentions de l'auteur et analyser les moyens mis en oeuvre pour atteindre ce but.
ABORDER LE TEXTE
Lire le texte une seule fois ne suffit pas à percevoir tous les détails du propos. Ce sont trois, quatre voire cinq lectures qu'il faut faire avant de chercher à réfléchir.
Lire plusieurs fois donc, avec plaisir si possible pour goûter l'excellence esthétique, sans prendre de note pour commencer. Pourquoi? Parce que la tentation est trop grande de tourner autour de l'histoire racontée et de se livrer au brouillon à une paraphrase insipide. Prendre son temps pour lire plusieurs fois le texte permet de se l'approprier, d'en connaître le sens et les effets afin de pouvoir ensuite se concentrer sur les enjeux de son écriture.
L'objectif de ces premières lectures est
d'aboutir à une perception fine de l'atmosphère du texte
de pouvoir produire un résumé en une phrase, deux maximum, du texte
de bien saisir le genre auquel appartient le texte
La première chose à écrire au brouillon est un résumé très court du texte. En une phrase ou deux, pas plus, vous devez identifier les personnages, préciser leurs relations, brosser un portrait schématique de l'action ou mentionner explicitement la chose décrite. En résumant efficacement le texte, vous vous affranchissez de la paraphrase une bonne fois pour toutes: l'histoire en elle-même est évoquée d'emblée et sert à initier une analyse qui portera exclusivement sur la manière de dire (d'écrire) cette histoire.
Le résumé sera à placer en début d'introduction et sera le seul moment du commentaire où la paraphrase est autorisée.
La problématique est moins difficile à "trouver" et à formuler que ce que l'on croit. Elle n'est que le formulation explicite d'un questionnement sur la manière dont le texte est écrit et construit. Elle met en évidence l'écart qui existe entre ce qui est raconté et la manière qu'a le récit de le mettre en scène. Il importe de s’interroger sur ce qui fait la spécificité du texte sans chercher à reproduire une problématique « type ».
Chaque idée, chaque phrase du devoir doit être en relation directe avec la problématique.
Plus les textes sont riches, plus les problématiques sont nombreuses: il ne s'agit pas de trouver LA problématique mais d'en construire UNE, valable et pertinente. Il est important de formuler votre problématique avant même de chercher à annoter le sujet ou de construire un plan. Sans cela vous risquez d'aboutir à un catalogue de remarques sans rapport entre elles, de proposer une réflexion décousue et de ne pas savoir quoi chercher dans le texte. Après avoir lu plusieurs fois le texte, il faut donc formuler un questionnement qui interroge le style du texte et son rapport à ce qui est narré.
Une fois le résumé rédigé et la problématique pensée, il faut désormais disséquer le texte, c'est-à-dire repérer, toujours en relation avec votre problématique, les citations les plus pertinentes pour étayer vos arguments, les réseaux de signification, les formules frappantes, etc.
A cette fin il veut mieux se contenter dans un premier temps de souligner le texte au crayon à papier. Noter vos idées sur le brouillon, et non sur le sujet, en utilisant par exemple une feuille par partie et une colonne par idée. Prendre le réflexe de systématiquement reporter les numéros de lignes associés. Utiliser par exemple une couleur différente par sous-partie pour souligner les citations correspondantes dans le texte.
La conclusion doit être rédigée au brouillon immédiatement après l'introduction. En effet, elle est la réponse directe à votre problématique et cela vous fera gagner un temps précieux en fin d'épreuve.
POUR SAVOIR QUELS SONT LES ELEMENTS ESSENTIELS A REPERER DANS UN TEXTE LITTERAIRE VOIR LE LIEN Ce qu'il faut analyser dans un texte littéraire
2. CONSTRUIRE SON DEVOIR
Le plan en trois parties, bien que non obligatoire, est à privilégier (voir plus loin).
L'INTRODUCTION
Elle doit être la plus claire possible.
Elle ne doit pas excéder une page.
Ne commencez jamais en rappelant le paratexte: inutile de repréciser le nom de l'auteur, le titre du roman, la date de publication sans autre forme de procès. C'est lourd, inutile et creux. Si toutefois vous avez des connaissances en matière d'histoire des idées et de la littérature, il n'est pas inutile de rattacher l'auteur à un courant de pensée, si et seulement si cette information apporte plus de pertinence à votre problématique.
ETAPES DE L'INTRODUCTION
Une accroche peut éventuellement capter l’attention du correcteur et personnaliser le propos (attention, pas de généralités ou banalités sur la littérature!)
Proposer un résumé très succinct (une phrase ou deux) de ce qui est raconté dans le texte (utiliser le présent).
En guise de transition, on peut ensuite introduire quelques remarques factuelles sur le style du passage, expliciter l'objectif que semble s'être fixé l'auteur.
Vient ensuite la problématique qui peut être posée sous forme interrogative directe (How does the narration set up an overwhelming sense of fear?) ou interrogative indirecte (I will study the way the narration uses the codes of gothic literature to divert them). La problématique doit être simplement formulée, claire et directe. Elle ne sera pas plus intéressante si elle est se compose d’une dizaine de phrases à rallonge. Il s'agit simplement de montrer le plus évidemment possible le rapport entre le style du texte, son genre, ses stratégies d'écriture et l'histoire qu'il raconte.
Autres exemples de formulation de problématique:
I shall try to show how this incipit refers obliquely to past literary genres and uses these echoes to launch its own imaginary journey.
I will argue that the passage takes on its full significance when read as an allegory of Redemption.
La problématique est suivie de l'annonce du plan qui doit être fluide et précise. Optez pour des phrases simples dans lesquelles vous expliquez dans les grandes lignes ce que démontrent vos parties.
EXEMPLE D'INTRODUCTION
RESUME Chapter X of Laurence Sterne's The Life and Opinions of Tristam Shandy begins with the first person narrator regretting that he has had to interrupt the previous chapter, in which he, his father and his uncle Toby had been conversing as they came down the stairs. He explains why he has begun a fresh chapter, what the subject is to be and what makes his own chapter superior to the long-winded (interminable) writings of classical authors: its liveliness. TRANSITION (remarques sur style et objectif) To parody the form and conventions of books in general and the novel in particular, the narrator pretends to be throwing out (rejeter) narrative and replacing it with theatrical dialogue, as if the creator could converse, face to face, with the reader. PROBLEMATIQUE I will contend (soutenir) that the avowed aim (le but avoué) of this chapter is to breathe life into an object: a book. PLAN This is achieved by turning the chapter of a book into a theatrical performance (partie 1), through the use of fire as a symbol of creativity (partie 2), and finally by including within the chapter obvious metaphors of birth and gestation (partie 3).
LE DEVELOPPEMENT
Les deux ou trois parties qui compose le devoir sont clairement identifiables grâce à 1) une disposition aérée sur la page, et 2) des transitions qui montrent la progression logique de l’argumentation (une transition consiste à brièvement résumer ce qui a été dit et annoncer ce qui suit de manière élégante). Les parties doivent être équilibrées et idéalement de plus en plus longues car le devoir va du simple au complexe. Il ne faut donc pas passer trop de temps sur la première partie au risque de bâcler la dernière qui analyse le texte plus en profondeur, mettant à jour ses aspects les plus implicites.
La première partie rend compte d'une lecture littérale du texte (mais attention, pas de paraphrase!). Il s'agit plutôt d'une réflexion sur la mise en scène du temps et de l'espace, sur la construction des personnages et sur l'écriture des éléments de l'histoire les plus saillants.
La deuxième partie s'attarde sur ce qui relève des qualités structurelles du texte: ses réseaux de signification implicites, sa cohérence interne, sa symbolique.
La troisième et dernière partie sert à explorer les dimensions les plus implicites du texte: l'ironie, la subversion des genres, le mélange des codes, la réflexivité du texte (métatextualité)...
Attention, chaque partie doit parler de TOUT le texte. Il ne faut en aucun cas morceler le sujet (ex: I. de la ligne 1 à 10, II. de la ligne 11 à 35, III. de la ligne 36 à 75).
Veillez à ne pas plaquer sur de nouveaux textes des plans d'autres commentaires vus en cours ou ailleurs: cela ne fonctionne jamais.
Diviser le commentaire en blocs du type "plot", "characters" and "symbols" n'est pas acceptable de même qu'il ne faut jamais dissocier fond et forme car ils sont intrinsèquement liés.
Organisation à l'intérieur des parties:
Introduire la partie et sous-partie (annoncer de quoi il va retourner dans ce qui suit)
Enoncer un argument sous forme fermement affirmative (pas de 'it seems that', 'maybe'...) car il faut être le plus convaincant possible.
Citer pour étayer l'argument (citation à mettre entre guillemets et à faire suivre du numéro de ligne entre parenthèses). Une citation bien choisie vaut mieux que dix lignes manquant de pertinence.
Analyser la citation (raison d'être de la figure de style, écho à un autre passage du texte...)
Expression
Bannir le 'We can say that' et le 'we' ou 'one' de manière générale. Il vaut mieux utiliser des tournures impersonnelles (It is apparent / obvious that) ou passives (On peut remarquer la répétition du nom "souvenir": the noun 'memory' is repeated several times). Il n'y a que dans l'introduction (problématique et annonce du plan) et dans la conclusion ("i would suggest that", "I would contend that") que le pronom 'I' peut être utilisé.
Le plus simple et idiomatique pour traduire 'en effet', c'est d'utiliser les deux points ou le tiret (et non 'indeed').
Emily Bronte was not interested in fame: she never revealed that she was Ellis Bell.
LA CONCLUSION
Elle doit être courte (un tiers, ou la moitié maximum, de l'introduction) et doit se contenter de répondre au questionnement que pose la problématique donnée en introduction. Il ne faut pas répéter, à quelques nuances près, l'introduction mais dire si les défis de l'écriture ont été relevés et reprendre avec précision ce que l'auteur a voulu faire. N'exprimez pas de point de vue personnel, aussi intéressant soit-il.
N'incluez surtout pas dans la conclusion d'idée inédite. La fameuse "ouverture" du sujet n'a pas vraiment sa place dans un commentaire littéraire et il vaut mieux finir sur une note claire et définitive.
EXEMPLE DE CONCLUSION
This chapter attests to the ability of the budding genre, the novel, to absorb and assimilate other genres and modes of discourse, without betraying its own status as fiction. The theatricality and the symbolism of fire serve to breathe life into the inert pages of a book. The reader may delight in the uncanny illusion of presence: his own, as if he could retrace the various stages of creation and publication to be there at the origin of the book, and that of the absent author himself.
POUR EVITER LES ECUEILS LES PLUS FREQUENTS VOIR LE LIEN Commentaire littéraire: ce qu'il ne faut pas faire (exemples concrets)