Comprenne qui voudra

"Chasses aux sorcières" de l'époque contemporaine

Une exposition virtuelle proposée par la classe de 2GT 4 - EMC

Réalisée dans le cadre de la résidence d'artistes de la compagnie Verticale au lycée Marc-Bloch

Khanssa Maëva Maureen Sofia

L'eugénisme en Suède (1935-1976)

L'eugénisme est un mot qui désigne toutes les pratiques - très diverses - qui permettraient d'améliorer l'espèce humaine en procédant à des sélections. Cette idée existe depuis longtemps, mais elle est devenue une sorte de science et une idéologie au XIXe siècle. Le mot a d'ailleurs été inventé en 1883 par le Britannique Francis Galton. Les pratiques eugénistes se sont diffusées en Europe occidentale et en Amérique du Nord pendant une grande partie du XXe siècle.

Image réalisée pour le Second congrès international de l'eugénique à New York en 1921.

La Suède a mené une politique eugéniste de 1935 à 1976, en procédant à des stérilisations. Pays démocratique, les partis politiques représentés au parlement suédois ont voté à l'unanimité, en 1935 et en 1941, des lois qui visaient à améliorer la société. Elles autorisaient les pouvoirs publics à mettre en oeuvre des mesures qu'on considérait comme de "l'hygiène sociale et raciale" et qui devaient préserver "la pureté de la race nordique". C'est ainsi qu'on stérilisa de force 63 000 personnes de 1935 à 1975 : des handicapés, des porteurs de maladies héréditaires, des toxicomanes, des criminels, des marginaux ou plutôt ceux qu'on considérait avoir "un comportement antisocial"... À partir des années 1950, les stérilisations forcées diminuèrent et on passa à une majorité de stérilisations consenties, surtout de femmes. En 1976, une loi rendit obligatoire ce consentement. Le programme se poursuivit jusqu'en 1996.

Photographies extraites d'une exposition réalisée par Anne-Karin Furunes en 2016 (cf. plus bas). Elle a agrandi et retravaillé des photographies prises par l'Institut d'État pour la biologie raciale d'Uppsala (1922-1958), en Suède. Elles devaient servir à classer la population du pays en fonction de critères raciaux et sociaux, pour mieux établir un plan de stérilisations.

D'autres pays ont mis en place des programmes similaires : Indiana, Californie, Connecticut, Suisse, Norvège, Estonie, Allemagne, Finlande... On en comptait trente-trois en 1950. Beaucoup étaient des démocraties, alors que ces pratiques étaient des formes de contrôle sévère des individus, les déterminaient socialement et enfreignaient le droit de disposer librement de son corps. La France n'a jamais mis en place de programme de stérilisations. Comme d'autres, elle a plutôt mené des politiques hygiénistes (lutte contre les maladies, l'alcoolisme...). Mais il y a eu des formes d'expérience eugéniste, comme la cité Ungemach, dans le quartier du Wacken à Strasbourg. Elle avait été créée dans les années 1920 par Léon Ungemach, un patron d'industrie, en partenariat avec le maire de Strasbourg. Les maisons étaient attribuées selon des critères sociaux, moraux et biologiques. Parmi eux, les couples choisis devaient être en bonne santé et accepter de faire au moins trois enfants. Si, après avoir été sélectionné, on ne le faisait pas, on en était exclu.

La cité-jardin Ungemach à Strasbourg, dans le quartier du Wacken, près du Parlement européen. Elle a fonctionné selon un règlement qui comportait 356 articles et avec des contrôles réguliers, appliqués par la municipalité de Strasbourg jusque dans les années 1980. Ce fut un laboratoire eugéniste, mais ici pas question de "pureté raciale" et encore moins de stérilisations.

De 1933 à 1945, l'Allemagne nazie a aussi imposé des stérilisations. Comme pour bien d'autres choses, elle a été une héritière de cette pensée eugéniste, mais qu'elle a mise en application à son paroxysme, pour répondre à son projet biologique et raciste : créer une race allemande purifiée et dominatrice. Cet eugénisme nazi avait conduit dix-huit médecins d'un hôpital pédiatrique de Hambourg à faire mourir cinquante-six enfants, touchés par des maladies héréditaires, en leur injectant un produit mortel. Ils furent jugés en 1949, mais cela abouti à l'abandon des charges contre eux. Ils croyaient à la légalité de leurs actes et le directeur de l'hôpital avait expliqué : "Un tel crime ne peut être commis que contre des hommes, tandis que les êtres vivants que nous devions traiter ne peuvent être qualifiés d'êtres humains". Les juges allemands furent d'accord. Pour ces anciens nazis, tout était déterminé : l'humanité n'avait pas besoin de ces enfants et ils n'allaient pas avoir une belle vie.

Pour un peu approfondir : Un article sur une exposition réalisée en 2016 par Anne-Karin Furunes, artiste norvégienne et professeure d'art (Slate.fr, 2016).