Comprenne qui voudra

"Chasses aux sorcières" de l'époque contemporaine

Une exposition virtuelle proposée par la classe de 2GT 4 - EMC

Réalisée dans le cadre de la résidence d'artistes de la compagnie Verticale au lycée Marc-Bloch

Assia Fabio Océane Sid-Ali

La théorie du Grand remplacement en France depuis 2010

En France, la théorie du Grand remplacement consiste à expliquer qu'une population étrangère, principalement venue d'Afrique subsaharienne et du Maghreb, serait en train de se substituer dans le pays à une population française et d'origine européenne. Ce serait le résultat d'une immigration incontrôlée et d'une natalité plus forte dans ces populations. Elle aurait pour conséquence la disparition de la civilisation européenne et de l'identité française. La théorie du Grand remplacement est à la fois complotiste - cette substitution de population aurait été planifiée -, xénophobe - elle est hostile à ceux qui sont considérés comme des étrangers - et raciste - elle est hostile à des groupes humains définis selon des identités "ethniques". Elle est clairement islamophobe. Cette idée et l'expression de "Grand remplacement" ont été popularisées par Renaud Camus dans un livre publié en 2010. Depuis cette date, elles ont été utilisées par des personnalités politiques de l'extrême-droite et de la droite conservatrice.

De nombreux chercheurs ont montré ce que cette théorie a d'irrationnel, de mensonger et de dangereux (par exemple, l'historien de l'immigration Gérard Noiriel et le démographe Hervé Le Bras). D'abord, elle ne repose que sur des impressions, des approximations, des fausses évidences et des statistiques falsifiées. Ensuite, elle néglige le fait que, depuis l'origine de l'humanité, toutes les populations, à différentes échelles, ont été le résultat de métissages multiples, plus ou moins rapides. Les adeptes de cette théorie voudraient revenir à une situation démographique du passé et à son identité culturelle fantasmée, dont on ne sait pas lesquelles pourraient être les plus idéales, dans la mesure où elles étaient changeantes. Il faudrait alors contraindre toute une population à partir, sans que l'on sache par quels moyens, dans quelles conditions et selon quels critères. Enfin, le risque est grand de déchaîner les violences, comme le montre les attentats contre des mosquées en 2019 à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, qui ont fait 51 morts. Peu avant, le terroriste avait publié un manifeste avec pour titre The Great Replacement.

Renaud Camus lors d'une manifestation contre l'immigration à Montpellier en 2016.

Pourtant cette théorie s'est bien diffusée. Elle a profité des inquiétudes provoquées par un contexte plus incertain, où se mêlent les effets de la mondialisation néolibérale, la crise économique de la fin des années 2000, les crises migratoires dans les années 2010 et le terrorisme djihadiste. Et comme d'autres théories du complot, elle tire parti d'internet, des réseaux sociaux et d'une défiance contre le métier de journaliste et le monde scientifique.

Pour un peu approfondir : Une infographie du magazine L'Obs de 2018, qui s'appuie sur les travaux d'Hervé Le Bras et de Gérard Noiriel, ainsi que des statistiques de l'INED et de l'INSEE.