NOTE D’INTENTION
À l’origine de ce projet de création de spectacle et d’action culturelle, nous voulions raconter une histoire qui se tourne vers la promesse d’un avenir meilleur. Nous voulons nous adresser particulièrement aux adolescents et leurs familles, et écrire une fiction autour de la rencontre entre deux jeunes passionnés de sciences et de technologie dont nous racontons le parcours initiatique. Le Pouvoir des Guêpes est un projet écocitoyen de théâtre, d'écriture et de sensibilisation à la cause écologique. L’histoire de notre pièce est celle d'une lutte pour sauver un moulin à papier, et d'une résistance qui s’organise pour préserver cette zone à défendre. Les thématiques que nous abordons sont la décroissance, la transmission, la force du collectif, la préservation du patrimoine, le recyclage, l'engagement environnemental et solidaire, l'économie circulaire. Les deux protagonistes principaux de la pièce évoluent de plus dans une histoire où la parité est respectée, où garçon et fille sont égaux et partagent des centres d'intérêt communs.
L’HISTOIRE
Oliver, petit chimiste en herbe qui plie des origamis pour conjurer une anxiété maladive face au changement climatique, cherche à confectionner du papier en recyclant des feuilles mortes. Elliott, jeune adolescente hyperactive, se passionne pour les mécanismes de récupération d’énergies, et décrypte des prototypes de jeunes inventeurs en postant des tutoriels sur internet. Ils se rencontrent lors du concours interscolaire Magic Junior destiné aux talents de leur région.
Leur créativité attire l’attention de Madame Odile, la dernière maîtresse papetière d’un moulin ancestral menacé d'être racheté par le géant immobilier NewWorld, qui prévoit de construire un hôtel de luxe sur son terrain. En quête de successeurs capables de préserver son précieux savoir-faire, elle les aborde et fait germer en eux l’idée un peu folle de sauver le moulin Quichotte.
Armés de leurs talents et de leurs rêves, Elliott et Oliver décident de déjouer les plans de NewWorld, et de protéger ce patrimoine en péril. Entre innovations et secrets anciens, les deux amis se lancent dans une lutte acharnée qu’ils n’avaient pas soupçonnée… mais sont-ils prêts à affronter les obstacles qui se dressent contre eux ? Une chose est sûre : à défaut de “se battre contre des moulins” à l’instar de Don Quichotte, leur courage et leur détermination seront mis à rude épreuve dans cette mission qui se transforme en une aventure pleine de rebondissements.
POURQUOI ÉCRIRE UNE TELLE HISTOIRE AUJOURD’HUI ?
L’urgence écologique est là. Le dernier rapport du GIEC sur le climat est sans appel : Si nous ne ralentissons pas les émissions de gaz à effet de serre, la Terre poursuivra de façon exponentielle son réchauffement. Il y a aujourd’hui un paradoxe entre la conscience des besoins à venir et le fait que les lignes bougent trop lentement, que les forces d’initiative pèsent encore trop peu sur les décisions politiques. En témoigne la convention citoyenne sur le climat de 2020, dont seulement dix pourcents des propositions ont été retenues par le gouvernement. Au regard de tant de récits d’actualité accablants, en réinterrogeant la notion de progrès et au fil de nos recherches, nous avons choisi de focaliser notre attention sur les nombreuses initiatives positives. Axées sur la préservation de l’environnement, elles proposent des alternatives au modèle de croissance économique sur lequel sont basées nos sociétés. Cette prise de conscience, déjà martelée depuis quelques temps par Greta Thunberg et avant elle Severn Suzuki au sommet de Rio en 1992, est désormais relayée par des actions contre le réchauffement climatique tel que le mouvement international de jeunesse Fridays for Future, la militante écologiste et lanceuse d’alerte Camille Étienne qui utilise les réseaux sociaux, et tous ces ingénieux adolescents qui réfléchissent techniquement à un avenir meilleur en créant des nouveaux modèles d’entreprenariat. Face à ce bilan, les jeunesgénérations ont éminemment besoin de réinventer le monde dans lequel nous vivons, et regorgent de talents pour s’emparer de ce défi. Les adolescents d’aujourd’hui sont les acteurs de demain, ils devront prendre en charge l’héritage du présent, et les décisions à venir se retrouveront entre leurs mains.
UNE SIMPLE IDÉE PEUT-ELLE ÊTRE LE PRÉSAGE D’UNE GRANDE INVENTION ?
En nous intéressant à eux, nous avons été fascinés par la précocité, et cela depuis toujours, des inventeurs dans le monde. Aujourd’hui de plus en plus, des propositions novatrices se développent pour redessiner nos horizons en fonction des enjeux actuels. Une multitude de concours internationaux mettent en lumière les découvertes de nos jeunes inventeurs contemporains, comme s’ils pouvaient être les miroirs d’un certain espoir, un relai qui ne demande qu’à nous montrer le chemin.
Parmi tant d’autres, deux jeunes ingénieurs nous ont particulièrement inspirés et ont été notre point de départ : l’américaine Maasala Mendu qui a inventé en 2015, à treize ans et pour 5 euros, un appareil pour transformer en électricité l’énergie du vent, du soleil et de la pluie ; et un Ukrainien de dix-huit ans, Valentin Frechka, qui a fabriqué en 2018 du papier à partir de feuilles mortes pour lutter contre la déforestation et la sylviculture intensive.
Le papier végétal nous a ouvert un monde d’explorations. Le secteur de la pâte à papier et de la biomasse, naturellement biodégradable, s’inscrit dans l’avenir de l’énergie renouvelable et du développement durable. Nos recherches nous ont ainsi conduits à la question du recyclage, et du traitement et valorisation des déchets. Enfin, en nous intéressant aux modèles alternatifs de production, nous avons tout naturellement découvert l’existence de quelques moulins à papier, vestiges du XIIè siècle, qui continuent encore aujourd’hui à être des manufactures de papier artisanal et dont certains en Europe sont inscrits au patrimoine de l’Unesco.
Séduits par la symbolique poétique des feuilles et du papier, nous avons déroulé notre histoire dans le désir d’écrire un conte moderne. Les protagonistes sont ainsi inspirés par certains jeunes lauréats récemment primés et médiatisés. Voulant sauver un moulin à papier, ils seront parachutés au cœur d’une lutte qu’ils n’avaient pas soupçonnée. Notre pièce retrace ainsi l’histoire d’une amitié naissante qui trouve son ancrage dans la nécessité de défendre des valeurs aux concepts à priori théoriques, que nous voulons rendre accessibles car leur finalité concrète nous concerne tous. En valorisant leurs idées géniales et en leur donnant ainsi de la visibilité, nous aimerions offrir des clés à tous les adolescents à qui notre projet est destiné, éveiller leurs consciences, et - pourquoi pas - susciter en eux de futures vocations.
Nos feuilles mortes sont un pied de nez au consumérisme, elles se ramassent au sol, offertes par la nature. Pourquoi ces réserves de cellulose ne pourraient elles pas devenir à leur tour le secret insoupçonné d’une nouvelle révolution dans la transition écologique ?
SCÉNOGRAPHIE
Pour créer ce spectacle, nous voulons faire le choix radical d’un dispositif scénique itinérant et mobile. Notre objectif étant d’aller directement à la rencontre de notre public et de ses territoires, nous avons créé une forme légère, et adaptable aux établissements scolaires et périscolaires afin d’être jouée hors les murs.
Pour faire notre décor, nous nous sommes majoritairement fournis dans différentes ressourceries, pour recycler et générer un minimum de déchets. Nous travaillons avec une scénographe spécialisée dans l’écoconstruction et la récupération de matériaux. Ensemble, nous avons réfléchi à un décor fabriqué à partir de tissus, papiers, cartons et bois recyclés.
Au commencement, il y a l’image évocatrice d’un arbre. Ce symbole initial a servi de fondement d’où découlerait tout le reste. Tangible et légendaire, emblème du temps et de la ressource, l’arbre incarne à la fois la menace qui plane sur lui et le pouvoir régénérateur de ses cellules vitales. Sa verticalité, depuis ses racines jusqu’au ciel, transcende les frontières entre le rêve et le réel, l’éther et la terre. Le tronc, les branches et les feuilles de notre arbre sont tissés et brodés à la manière d’un patchwork sur une toile de fond en tissu brut, tendue sur une structure de trois mètres sur trois, et placée au centre du plateau. Ce décor central a aussi une fonction de coulisse, permettant nos entrées et sorties de scène ainsi que la mise et démise de nos accessoires.
Nous avons ensuite incorporé un calendrier éphéméride en tissu à la ramure de l’arbre. Fonctionnant comme un paperboard qui défile page après page, il signifie ainsi le passage des chapitres et des saisons tout en servant d’indicateur de lieu et de temps. Il se manipule depuis le verso de la structure, sur laquelle nous avons installé un système de levier contrôlé par des fils, comme pour une marionnette. Ainsi, ce dispositif offre depuis la salle l’illusion que les pages se tournent de manière autonome. L’imaginaire lié au papier, qui est au cœur de la pièce, se prolonge jusqu’à la représentation matérielle des feuilles mortes, fabriquées à partir de chutes de tissu avec du brou de noix. La poétique du papier imprègne enfin les personnages en prenant la forme de l’origami : Au départ rituel et talisman protecteur, il se transforme ensuite en guêpe, pour devenir un tract, une arme de communication. La maquette d’un moulin à eau, réalisée en bois et tissu, constitue l’autre pièce maîtresse de notre scénographie. Elle s’assemble progressivement, partie par partie, tout au long de la représentation, matérialisant le temps d’apprentissage fictif des protagonistes au moulin et leur rêve d’investir, de transformer et de perfectionner ce lieu en un modèle de vie alternatif. Cette maquette, modulaire, est composée d’un corps de bâtiment auquel se greffe un toit et une roue, d’une grange annexe, d’une toilette sèche ainsi que d’éléments qui viendront la customiser : panneaux solaires, lumières, récupérateur d’eau de pluie, éoliennes, animaux de la ferme, et générateur à pile. Le moulin, disposé sur une table à roulette, se déplace au gré des scènes.
Nous avons imaginé la représentation à la manière d’une série rythmée par le cycle scolaire. La bande musicale du spectacle est composée de différents mouvements des Quatre Saisons de Vivaldi, pour donner une dynamique allegro à notre conte. L’imaginaire collectif qu’inspire cette œuvre rappelle le temps qui passe, et prend en charge les ellipses temporelles lors des transitions. On la retrouve aussi dans les ambiances d’une messagerie d’attente téléphonique et le fond sonore d’un salon de jeunes inventeurs. Enfin, nous avons enregistré plusieurs voix off pour faire exister l’éventail des personnages qui composent le monde adulte de notre pièce : membres du jury, parents, conseillers municipaux, journalistes, etc...