LA FIGURE.(1997)
La figure–traits (figure composée de traits) gèle le fond, elle le transforme en arrière-plan. Dans le même mouvement, elle annule la dimension temporelle.
L’espace plan possède 2 dimensions, 3 si on compte la diagonale.
Espace newtonien et non plus héraclitéen. Le tout coule (la peinture se fait liquide) devient un tout pèse (tout vaut, possède une valeur) ou tout tombe vers le bas.
Cette fatalité recouvre une liberté qui nous est bien connue et que nous éprouvons quotidiennement, car c’est précisément pour cela que tout tient debout.*
Espace de la raison et de la norme, espace terrien. Espace droit. Ce n’est que lorsqu’il se courbe que le trait louche vers la perspective et la profondeur.
Sur fond d’innommable, de pure sensation, pure peinture, la figure s’avance, se cale dans un geste de contrôle et de pacification. Tout danger semble écarté, nous retombons dans le langage, à tel point qu’elle mime l’écriture, à ceci près qu’elle mime aussi le réel.
Figurer, représenter ce que l’on perçoit, pour le percevoir (autrement).
À chaque fois la tentation abstraite est conjurée, à chaque fois je reparcours le chemin initial.
Figurer pour clôturer, clore temporairement, faire un constat. L’état de l’art, comme on dit en sciences humaines.
Un constat ou un aveu ?
* Car derrière l’apparence paradoxale de la formulation, il y aurait une manière de distinguer les êtres des choses : ces dernières tenant de leur propre poids, tandis que les êtres auraient le pouvoir de se dresser par eux-mêmes.
L’acte de peindre s’apparente alors à un sursaut de l’être contre la fonction.