NUMERO 1: FEVRIER 2016.
SOMMAIRE
Editorial: G. Mougin, J. Vion-Dury (p. 5)
Article: Une autre allégorie de la caverne, entre ombres et lumières, M. Bitbol (p. 6-9 ).
Dans ce texte, Michel Bitbol reprend un des argumentaires principaux de son livre "La conscience a-t-elle une origine ?". Il brosse, dans une sorte de fable, un rapide état des lieux des débats autour de la conscience, métaphorisés pour l'occasion en un débat sur les ombres et la lumière au fond d'une caverne dont tout indique qu'elle aurait pu être celle de Platon lui même. Dans un entrelacement subtil des arguments des ombristes et ceux des photologues Michel Bitbol indique sa position personnelle qu'il développe dans son dernier ouvrage: privilégier en tous temps le "recueillement dans les eaux de l'expérience pure".
Article : Le giron de l’écoute. G. Serrano (p. 9-10)
Gemma Serrano, théologienne et philosophe, est l'héritière de la tradition de la phénoménologie chrétienne exemplifiée par E. Stein, M. Henri et J.L. Marion notamment. Elle veut nous dire ici que la musique dilate une des attitudes essentielles de la foi, à savoir l’écoute. L'écoute musicale et sonore ouvre la possibilité d'une reconnaissance d'autrui et d'une identification de soi, et ce à de nombreux titres. Mais c'est entre son et silence que l'oreille de l'homme peut se prêter à l'écoute et à la réponse de l'appel du divin dans un kairos éphémère.
Article : Chercheurs d’être. J. Vion-Dury (p. 11-17)
La phénoménologie est tout autant qu'une méthode philosophique, un geste éthique. Mais une fois les différentes épochès et réductions faites, une fois que l'on arrive en quelque sorte à sentir le Dasein dans une de ses formes manquées ou altérées de la maladie, quand, dans le soin, la proximité de la mort de l'autre met au second plan le dévalement et la publicité, alors ceux qui cherchent le Dasein souffrant - et on pourrait dire que le plus souvent le Dasein humain souffre - se doivent de quitter certaines choses et de choisir l'attitude qui, dans la rencontre thérapeutique, donne la première place à l'enthousiasme et à la joie, au partage du cadeau de la vie, à l'authenticité du Dasein, et comme le dit Binswanger, à l'amour.
Article : Mémoire d’un ancien, combattant la mélancolie , S. Spresser, (p. 18-25 )`
La psychiatrie phénoménologique a emprunté à la phénoménologie le goût des descriptions précises de la Présence manquée des patients dont les processus mentaux sont altérés. Car au rebours de catégorisations rapides qu'imposent à la fois le contexte médical et parfois les nécessités pratiques, le psychiatre phénoménologue prend le temps d'observer, de décrire. En se sens, les cas cliniques de la psychiatrie phénoménologique ressemblent à des descriptions d'entomologistes ou de naturalistes. Loin de constituer une tradition désuète, l'observation minutieuse est le premier moment d'une véritable approche scientifique. Et le temps du récit est le moment littéraire qui insère l'observation clinique dans une tranche de vie incarnée. C'est ce qu'ont voulu proposer S. Spresser et G. Mougin à propos d'un patient présentant un "typus melancholicus" tel que l'a décrit Tellenbach, patient dont la gouaille marseillaise anime les propos. Nous suggérons d'ailleurs au lecteur de lire les verbatim du patient en l'imaginant les proférer avec l'accent de la Canebière, celui de Raimu ou de Fernandel....
Tableau : L’homme sans titre. (p. 26)
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NUMERO 2 : JUIN 2016.
SOMMAIRE
Editorial:
Article: Note sur la conformation phénoménologique du signe. David Piotrowski. (p.5-15).
Dans cet article, David Piotrowski, linguiste et phénoménologue présente l'évolution de la pensée de Husserl en ce qui concerne l'apparition de la signification à partir du son ou de la forme d'un mot. On découvre l'extraordinaire complexité de la problématique de la signification et comment Husserl a progressivement évolué pour en arriver à l'importance de l'attention dans la configuration du signe et donc à la manière dont la conscience se saisit d'un son de mot ou d'un mot écrit porteur d'une signification. C'est ainsi que des strates de la conscience verbale sont décrites, non comme des successions mais dans une perspective holiste qui tranche avec certaines conceptions actuelles de la neurolinguistique. Pour une revue générale sur ce thème, voir également Vion-Dury et al, Intellectica, 2015, 2, 64, pp. 123-157.
Article: Référence à l'artiste pour appréhender les dimensions de l'espace de conscience. Isabelle Le Blanc-Louvry (p. 16-19).
Isabelle Leblanc-Louvry reprend dans ce texte des idées développées dans son excellente thèse de philosophie qui portait sur la conscience. Elle même artiste et médecin de grande culture, elle nous fait partager ce qu'est son expérience du jeu musical et de la peinture. En réalité ce texte est une sorte d'explicitation expérientielle qui se concentre sur le caractère spatialisant et épais (c'est à dire riche de mille choses) de la conscience en chaque instant. Le lecteur trouvera également des références à la poésie et un commentaire très intéressant sur Nietzsche et son rapport en quelque sorte phénoménologique à la maladie comme horizon de vie, ce qu'est l'hypochondrie.
Article: La tentation du naturalisme en phénoménologie : mathématiques et sciences cognitives. Jean-Daniel Thumser (p. 20-26).
Dans cet article, Jean-Daniel Thumser, doctorant en philosophie à l'ENS, analyse la problématique, toujours sous-jacente à la phénoménologie, qui est celle de sa position par rapport aux sciences de la nature. Il s'agit d'une difficile question car on peut toujours soupçonner les sciences de la nature, dans une visée scientiste qui leur est le plus souvent congénitale, de vouloir se débarrasser de la phénoménologie en édulcorant des questions radicales qu'elle pose sur leur origine subjective. On trouvera dans ce texte une remarque judicieuse sur le parti pris bouddhiste de la position de Varela, parti pris qui la fragilise en partie. Enfin se pose toujours la question, pour le neuroscientifique, de la grossièreté et des limites des méthodes d'objectivation en neurosciences. La fascination qu'elles exercent sur le public notamment instruit des philosophes et des artistes questionne celui qui, dans le laboratoire, peine à valider et à croire en ses propres résultats, avant qu'ils ne soient lissés, épurés à des fins de publication. Ceci étant dit, l'article de Jean-Daniel Thumser a le mérite de bien poser les questions du naturalisme en phénoménologie et constitue une contribution de qualité au débat sur ce thème.
Article: Intersubjectivité et rencontre clinique en psychiatrie, une approche phénoménologique de l’expérience des cliniciens. Marie Laure Steffen. (p. 27-35).
Marie-Laure Steffen, docteur en psychiatrie, après avoir présenté quels types d'approches les phénoménologues ont de l'intersubjectivité, a voulu, dans une enquête auprès de psychiatres, étudier quel type d'intersubjectivité était mise en jeu dans cette relation thérapeutique si particulière qu'est la psychothérapie, avec les patients présentant une maladie mentale. Un des intérêts de l'article de Marie-Laure Steffen est méthodologique car elle utilise à la fois le discours explicitant (une variante de l'entretien d'explicitation de Vermersch mise au point à l'APHEX dans le cadre de la clinique) et les méthodologies utilisées dans les études qualitatives: théorisation ancrée dans les données et échantillonnage en variation maximale. Un autre intérêt est la possibilité, par l'explicitation des vécus conscients d'expliciter non plus un moment (comme dans l'entretien d'explicitation classique), mais un style de personne, pensé comme la synthèse ressentie de la coloration thymique et affective de nombreuses expériences.
Poème: Coquillage. Jean François Lopez.. (p. 36).
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NUMÉRO 3-4 : DÉCEMBRE 2016.
SOMMAIRE
Editorial : S’autoriser, résister. Jean Vion-Dury, Gaëlle Mougin (p. 6)
Epochè poétique : Trouée de porcelaine, Steven Spresser (p. 7)
Dans le plus pur style de l’auto-explicitation poétique, Steven Spresser nous fait partager ici une expérience de contemplation incarnée d’une toile de maître, qui, en quelque sorte, nous regarde à sa manière. Lorsqu’un peintre nous rencontre, il laisse en nous une empreinte particulière, façonnée d’ombre et de lumière, d’esquisses en perspective laissant apparaître quelque chose des coulisses constitutives d’un monde…
Article : Jérôme Bosch, expérience de mort imminente et ascension vers l’Empyrée, Claire Maury (p. 8)
Qu’est-ce que vivre une expérience de mort imminente ou de mort approchée ? Claire Maury, dans cet article, revient sur ce type d’expérience si particulière, qui fait couler beaucoup d’encre et à laquelle, en définitive, malgré notre curiosité et nos progrès dans les domaines technique et scientifique, nul ne comprend à peu près rien ! Nul, sauf peut-être ces « expérienceurs » où ces artistes, tels que le peintre Jérôme Bosch, qui nous en livrent des témoignages mystérieux, pour ne pas dire inexplicables. C’est avec recul, humilité bienveillante et profondeur à la fois, que l’auteure met ici en perspective ces différents témoignages en leur donnant la parole sans jamais tomber dans le piège d’une quelconque interprétation dogmatique. Lire ce texte nous ouvre ainsi toujours déjà la voie de la question qui se pose à l’Homme à travers les siècles et quelles que soient les époques, à savoir la question fondamentale d’une existence tournée vers la mort comme ultime possibilité.
Article : Les machines infernales, Gaëlle Mougin (p. 20)
La rencontre du délire de l’autre, et l’effrayante transformation du monde du patient délirant exige une éthique qui ne procède d’aucun protocole, d’aucune tentation simplificatrice, d’aucun faux-fuyant. Tenter de soustraire quelque peu l’âme torturée au tourment du monde intérieur infernal requiert impérativement, d’assumer toute l’angoisse de l’autre qui s’y love et qui forcément résonne au plus profond du thérapeute. L’expérience atmosphérique de l’évaporation de la pensée délirante ou tout au moins son éloignement du centre de l’esprit se fait dans un geste d’amour qui s’assume en tant que tel. C’est ce que nous dit Gaëlle Mougin dans ce texte profondément incarné (article indisponible sur internet)
Article : Phénoménologie de la paranoïa, Temps, Espace, Autre, Ariane Bilheran (p. 26)
La paranoïa a fait peu l’objet d’attention de la part des phénoménologues, en tout cas bien moins que la schizophrénie, la mélancolie ou la manie. La paranoïa n’est pas une pathologie psychiatrique comme les autres. Peut-être nous concerne-telle particulièrement tant ses formes atténuées (les personnalités paranoïaques) sont présentes dans notre quotidien, nous obligent à réagir, abîment les relations de travail ou familiales. Ariane Bilheran, psychologue et philosophe, nous livre une présentation phénoménologique de cette manière d’être-au-monde. Le paranoïaque, profondément mélancolique, possède une temporalité vide et pétrifiée. Pour Ariane Bilheran, la paranoïa est une pathologie du non-espace, du besoin d’extension de l’espace vital. L’autre, vu comme un miroir, comme l’idéal de la fusion relationnelle, devient suspect au moindre signe semblant incohérent. Dans ce texte qui puise ses références à la fois dans la phénoménologie et la psychanalyse l’auteur continue sa quête de compréhension des relations pathologiques, quête qu’elle a initiée avec les nombreux textes qu’elle a écrits sur le harcèlement.
Article : La psychothérapie institutionnelle, une lecture phénoménologique, Flore Levrat (p. 34)
La psychothérapie institutionnelle est une manière de pratiquer la psychiatrie que beaucoup revendiquent dans un contexte socio-économique dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas favorable à cette approche qui intègre profondément le patient dans une communauté dans laquelle les soignants n’ont pas le statut symbolique habituel. Cette position spécifique du soignant, presque idéale, requiert de la part de celui-ci une sorte d’abandon de la puissance, d’un certain pouvoir. C’est cette expérience que Flore Levrat, jeune psychiatre, nous propose de partager, ainsi que ses profondes convictions altruistes qui trouvent dans cette pratique, une belle occasion de leur déploiement.
Article : L'homonculus musical, ou le contenu des vécus préréflexifs dans l'écoute de la musique Jean Vion-Dury (p. 40)
Qu’est-ce que l’écoute musicale ? Quelle est la nature de cette mise en aventure de l’esprit dès lors que des sons organisés, harmonieux ou non, envahissent notre temporalité, notre espace, notre conscience ? C’est ce que se propose de décrire cet article construit à partir d’explicitations de vécus de conscience lors de rencontres de l’APHEX au cours desquelles des écoutes musicales avaient été proposées. Et ce corps vécu dans la musique prend une allure étonnante d’un humain modifié dans ce que l’on appelle pompeusement son « schéma corporel ». Un homoncule se phénoménalise ainsi, au hasard des écoutes, varié, changeant, loufoque, presque grotesque et cependant tellement authentique. Oserions nous affirmer que cette chair (ce corps vécu) apparaît (et pas seulement dans l’écoute musicale) en fait comme une infinité de petits homoncules qui se remplacent les uns les autres dans une sorte de danse existentielle ?
Article : Corpoème, Thierry Giannarelli (p. 52)
L’expérience du Corpoème n’est pas le fruit du hasard…mais presque. Il s’agit en tout cas, d’une expérience originale née dans le champ de la vie, des gestes qui l’habitent et qu’elle anime constamment. Thierry Giannarelli nous montre ici comment, de manière phénoménologique sans le savoir vraiment, « joindre le geste à la parole », pour notre plus grand plaisir.
Dessin Automatique. Chu-Yin Chen (p 55)
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NUMÉRO 5 : MARS 2017.
SOMMAIRE
Editorial. (p.5)
Article: Georges Rodenbach : Bruges la morte ou le possible récit d’une hystérie d’angoisse. Jean- François Riaux. (p.6)
Dans ce texte à propos d’un roman de Georges Rodenbach, Jean François Riaux nous livre une analyse qui se rapproche de la phénoménologie psychiatrique et d’une certaine manière prend une tonalité d’écriture qui rappelle Minkowski, dans les descriptions de ses patients. Quand il parle de ville-état d’âme, l’auteur nous amène dans l’atmosphère qui entoure, comme dans Tellenbach (dans Goût et atmosphère), la pathologie mentale, l’irruption du délire, la décompensation. Car Jean François Riaux insiste sur le caractère atmosphérique de la ville qui s’entrelace avec le deuil délirant de Viane. Les références à Freud et à la conversion en angoisse de la libido un temps refoulée, ce fétichisme dolent, complètent ce tableau qui donne à voir l’âme de Viane à travers la ville flamande.
Article : Au delà du physicalisme : le ressenti de conscience. Jean-Charles Boschi (p.12).
Dans ce long article, Jean-Charles Boschi, médecin, reprend l’argument principal de sa thèse de philosophie : le physicalisme dans sa version éliminativiste et nihiliste, ne peut expliquer la survenue de ressentis de conscience, ni comment de neurones envisagés comme système physico-chimique, peut naître une conscience. Plus encore, il nie la spécificité de l’humain. Dès lors, Jean-Charles Boschi, prend le partie des théories néo-dualistes Dean Zimmerman, David Lewis, Derek Parfit, Richard Swinburne qui pensent un néo-dualisme substantiel, la question restant de comprendre comment expliquer l’interaction des substances. Ce néo-dualisme en arrive à penser qu’on ne peut pas ne pas tenir compte du ressenti de conscience, ce quelque chose de plus qui subsisterait après la mort. Les néo-dualistes postulent l’existence de quelque chose de nouveau qui différentie l’homme des zombies et qui serait l’âme, survivant après la mort corporelle, partie essentielle d’une personne et dont la continuité temporelle est nécessaire à la continuité de la personne. Il reste à décrire comment ces deux substances (ressentis de conscience et cerveau) interagissent : c’est aux dernières découvertes des neurosciences (neurones miroirs, approche holiste) et à une conception quantique du cerveau (dans la ligne d’Eccles) que le néo-dualisme pense les moyens possible de ce commerce entre substances. Bien que ne faisant pas référence explicite à la phénoménologie, ce travail jouxte la pensée phénoménologique en donnant à l’expérience consciente une place toute particulière. Et surtout il ouvre à nouveau le débat sur la neurobiologie de la conscience, qui, en l’état ne dispose de rien d’autre que des corrélations entre des enregistrements neurobiologiques et des vécus conscients. Il montre enfin le désarroi de la communauté philosophique et neuroscientifique, face à ce problème de l‘origine de la conscience.
Poème. Eclabousser la vie. Jean François Lopez. (p 28)
Article : Neurophénoménologie du signe linguistique (1) : Création du stimulus permettant de mettre en évidence les strates de la conscience verbale husserlienne. David Piotrowski, Jean Vion- Dury. (p. 29).
Cet article est le premier de trois articles à paraître dans Chronique et concernant un protocole extrêmement complexe de neurophénoménologie. Le cadre théorique en a été longuement décrit dans un article d’Intellectica (en 2015). Le premier de ces trois volets concerne la mise en place d’un protocole linguistique entièrement nouveau, le second concernera les premiers résultats neurophysiologiques et les troisième les résultats des analyses de vécus de conscience lors de l’écoute de ces protocoles.
Dans ce premier article on verra à quel point la mise en place d’un tel protocole est minutieuse et la relation des différentes étapes, délicate. Cet article illustre plus que d’autres une des vocations de « Chroniques phénoménologiques » comme support à la publication préliminaire de protocoles innovants à très forte complexité, souvent difficiles à publier dans les revues conventionnelles.
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NUMÉRO 6 : JUIN 2017.
SOMMAIRE
Editorial: la Pluri(multi, inter, trans)disciplinarité (p. 5)
Article: De la « feuille de soins » à la trace de la rencontre : une phénoménologie du quotidien de la psychiatrie. Jean Arthur Micoulaud Franchi et Jean Vion-Dury (p. 6 )
Dans cet article, Jean Arthur Micoulaud Franchi relate une pratique que l’on retrouve dans la médecine hospitalière, cette prise de notes allusives qui à la fois permet de se souvenir ce ce qu’il y a à faire, et constitue une esquisse sans cesse renouvelée de ce qui se passe dans un service (en particulier en psychiatrie). Cette esquisse est une trace de ce qui est important pour le patient et son médecin et cette trace dit la rencontre du jeune interne avec ce monde étonnant des corps animés d’une psyché malade et dont on doit prendre soin.
Article : Kart Jaspers (1883-1969) : De la phénoménalité empirique à la phénoménalité existentielle. Jean-François Riaux (p. 11)
Karl Jaspers est un phénoménologue moins lu et cité que Husserl ou Heidegger. Ce médecin psychiatre qui trouvait dans les pathologies mentales les situations limites où la condition humaine se révèle, se consacrera progressivement uniquement à la philosophie. Il développera la notion de phénoménalité existentielle, en lien avec la fidélité à soi. Cet article traite de la notion d’existence chez Jaspers. Pour Jaspers l’existence est l’être-soi dans sa singularité la plus radicale, dévoilée dans les situations limites. La phénoménalité existentielle s’oppose alors à la phénoménalité empirique (l’être du monde). La notion d’éclairement de l’existence en nous-même intervient alors dans cette phénoménalité existentielle. L’existence selon Jaspers n’est pas un état réalisé mais peut ou doit être : je me dois d’être ce que je m’assigne. On acte son existence parce qu’on décide. L’existence est liberté.
Article : La référence à un moment spécifié, condition fondamentale de la psycho-phénoménologie Frédéric Borde (p. 20)
Dans cet article, Fredéric Borde précise le point d’ancrage épistémologique de la psychophénoménologie de P. Vermersch décrivant la méthodologie de l’explicitation comme un système dans lequel « les questions motivent puissamment l’intuition « à condition de se conformer à l’essence du vécu auquel elles se réfèrent ». Ainsi, l’explicitation pensée dans ce cadre se réfère à un vécu-activité spécifié, inscrit dans le passé du sujet. C’est cette position (qui d’une certaine manière récuse à la fois le vécu imaginaire et des vécus plus généraux comme le vécu de son propre regard sur soi même, son style – voir l’article de M.L. Steffen, dans Chroniques phénoménologiques n° 2) qui différencie la psychophénoménologie de ce qui serait une phénoménologie plus fondamentale faisant droit à l’expérience consciente dans son intégralité (incluant la pensée d’un ad-venir) et ne cherchant que de manière marginale à servir une quelconque activité empirique de psychologie. De ce fait, la psychophénoménologie se réfère fortement à l’œuvre husserlienne, mais semble ne pas vouloir prendre des courants de pensée phénoménologiques ultérieurs comme ceux d’Heidegger ou d’Henry. C’est dire à quel point il est désormais nécessaire de savoir si la psychophénoménologie couvre tout le champ possible de l’explicitation (des plis de vécus), ou si seulement elle inscrit uniquement l’explicitation des vécus conscients dans un projet de psychologie scientifique en première personne, laissant à d’autres approches la libre possibilité de déplisser les vécus, par exemple dans un projet principalement philosophique.
Article Voyage pathologique et précipitation : Deux manifestations du corps dans la schizophrénie dans un service d’urgences psychiatriques. Jean-Marc Henry, Camille Faucher (p. 25)
Dans ce texte qui prend prétexte du voyage pathologique et en constitue une typologie, les auteurs proposent une phénoménologie du voyage, dans la manière dont il concerne la subjectivité et le corps de celui qui part ailleurs. C’est ainsi que la subjectivité du voyage s’organise autour de deux pôles : déplacement et décentrement dont l’un peut être absent. Ces deux pôles sont ainsi analysés, le décentrement dans la perspective de l’étrangeté, de l‘inconfort incomplet et de la déréalisation, le déplacement sous celle de l’épochè phénoménologique, de la stance (comment on se tient), de l’évasion, du « je peux ». Le voyage est également analysé du point de vue du monde, de l’espace esthétique, de l’atmosphérique. D’où les vertus thérapeutiques du voyage, en lien la nostrité. Enfin est abordée la notion de précipitation, c’est à dire la défenestration comme saut pour se sauver de la mort, comme voyage ultime.
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NUMÉRO 7-8: DÉCEMBRE 2017.
SOMMAIRE
Editorial: Pluri(multi, inter, trans)disciplinarité... Jean VIon-Dury p 6.
Article: La possibilité d'une gastrophénoménologie : réflexions autour des nouvelles formes de naturalisation. Jean-Daniel Thumser. p. 7.
Dans la suite des travaux menés par N. Depraz sur la cardiophénoménologie, J.-D. Thumser nous propose d’intégrer dans le cadre général d’une phénoménologie naturalisée et, au delà de la neurophénoménologie, une phénoménologie qui prenne en compte le système entérique dans la mesure où celui-ci est au premier plan de l’actualité concernant l’économie de la vie organique et psychique. La cardiophénoménologie tente de trouver une solution à la problématique temporelle de la neurodynamique qui ne correspond pas à celle du vécu conscient. Cette cardiophénoménologie trouve un terrain d’étude privilégié dans celle de la surprise et de la dépression dans le but programmatique de surmonter le problème difficile de la conscience, mieux que la neurophénoménologie qui semble receler de nombreuses apories ou impossibilités. J.-D. Thumser propose dans cette lignée une gastrophénoménologie, non séparée de la neuro ou de la cardiophénoménologie, en soulignant en définitive l’importance de ce que l’on appelle la vie du système nerveux autonome, ses impacts dans notre vie quotidienne et son importance pour une approche nouvelle de la phénoménologie de la chair. Ce faisant, J.-D. Thumser propose une réflexion plus étendue sur la naturalisation de la phénoménologie et les possibilités nouvelles qu’offrent ces approches du cœur et du ventre. Comme il le remarque d’ailleurs, Platon ne se tient pas très loin de cette approche.
Article : Etat de conscience élargie, Synchronicité et Physique quantique. Thi Bich Doan et François Martin . p.18.
Dans cet article, Thi Bich Doan nous livre une réflexion nécessaire sur les synchronies qui ont constitué une partie de sa thèse de philosophie. Afin de renforcer l’argumentation, elle s’est adjoint la collaboration d’un physicien, François Martin, spécialisé dans la mécanique quantique. Car ici, Thi Bich Doan soulève la question considérable des rapports de la conscience et de la mécanique quantique, à propos de ces vécus très étonnants, que tous nous avons un jour expérimentés, à savoir ces coïncidences que l’on ne peut, en toute rigueur pas associer systématiquement au hasard, surtout si ces celles-ci se répètent: les synchronicités. Les auteurs soulignent l’étonnante possibilité heuristique qu’offre la mécanique quantique avec ses concepts notamment de non séparation du sujet et de l’objet (qui nous rappellent la corrélation noético-noématique), de superposition, d’intrication, de non localité, de holisme. Surtout, ils ne cherchent pas à expliquer par un physicalisme mal venu et obligatoirement réducteur les synchronicités, mais, en construisant des parallèles subtils avec ces concepts de la mécanique quantique, ils nous offrent la possibilité de comprendre ce qu’ils appellent des états de conscience élargis. Point de conceptions de type « New Age » qui empèsent et discréditent chaque fois les débats mais une simple mise en regard humble et rigoureuse qui questionne notre actuelle scientificité. Car en fait, il s’avère que c’est notre manière de penser la science, la logique, la causalité qui est mise en cause par l’expérience même. Sans doute, trouvera-t-on toujours quelque rationaliste pour affirmer que ces expériences ne sont pas partagées, et qu’elles ne font pas par conséquence partie de la sphère scientifique objectivante. Mais il nous faut aussi accepter que nos méthodes d’investigation des phénomènes ayant trait à l’expérience consciente dans ses différents aspects (synchronicités, chamanisme, etc.) apparaissent bien insuffisantes voire peut-être même dérisoires. Et si l’on est vraiment un scientifique aussi rigoureux qu’ouvert, l’on ne peut que se poser ces questions : comment penser et comment explorer ces manifestations de la conscience élargie ?
Article : Phénoménologie de l’asomatognosie et de l’aphasie. Foucaud du Boisguehéneuc. p. 37.
Si la psychiatrie phénoménologique a pignon sur rue et a rassemblé des auteurs aussi prestigieux que Minkowski, Binswanger, Boss, Tellenbach et tant d’autres, la phénoménologie appliquée à la neurologie est quasiment inexistante. Sans doute, le remarquable ouvrage de Kurt Goldstein, La structure de l’organisme, dont d’ailleurs Merleau-Ponty s’est inspiré pour écrire La structure du comportement, la tradition neurologique française s’est peu approprié la phénoménologie, peut-être en raison du caractère moins équivoque de sa sémiologie quand on la compare à la sémiologie psychiatrique, et sans doute aussi en raison d’une physiopathologie en apparence plus claire et qui occupe de ce fait le champ gnoséologique. Foucaud du Boisguehéneuc est donc un de ces rares neurologues qui osent aller dans le champ phénoménologique. Nous renvoyons d’ailleurs le lecteur à son savant ouvrage de 2013, Interprétation phénoménologique des troubles neurologiques. C’est pourquoi notre revue « Chroniques Phénoménologiques » est heureuse de publier un diptyque sur la phénoménologie de l’asomatognosie et de l’aphasie. Foucaud du Boisguehéneuc est non seulement un neurologue raffiné, phénoménologue, mais il a en plus un style, qui nous jette droit dans la confusion même du malade, dans l’expérience intime de ce corps lésé. Il faut avoir une remarquable expérience de clinicien, pour oser écrire ainsi ce que vit le malade, son entourage, le médecin. C’est en fait de la neurologie expérientielle que nous propose Foucaud du Boisguehéneuc, une neurologie incroyablement proche du patient, et qui nous dit, qu’ainsi pratiquée, la neurologie phénoménologique est véritablement une éthique.
La science de l’amour (II). Exploration à caractère épistémologique pour l’expression d’une connaissance sensée à propos du désir. Fabrice Métais. p. 44.
Dans cette nouvelle pleine d’humour, Fabrice Métais explore les réponses possibles de quelques phénoménologues face à la problématique de l’amour et du désir du héros de créer une science de l’amour. C’est ainsi que ce héros rencontre Husserl, puis Heidegger et Levinas et à chaque fois il ressort insatisfait de ce que ces grands esprits disent de l’amour. Il en est de même quand il rencontre les féministes américaines (incontournables dans ce domaine délicat). Et tout cela se conclut dans une lettre à la Virginie du héros...
Index des auteurs des numéros 1-8. p. 49.
Index des sujets des numéros 1-8. p. 52.
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NUMÉRO 9: MARS 2018.
NUMÉRO THÉMATIQUE: MUSIQUE ET CHAMANISME
SOMMAIRE
Editorial: Les voyages de l’âme. Jean Vion-Dury. p . 5
Article : Composition musicale et chamanisme. Nicolas Darbon. p. 7
Article : Mon chemin de compositeur, entre tradition occidentale de l’écriture et oralité. Thierry Pécou. p. 16
Article : Du divertissement à l’état modifié de conscience. Une phénoménographie de la danse Eskista d’Éthiopie. Olivier Tourny. p. 19
Article : Les chants sacrés du cheval : Les cérémonies de guérison chantées des Navajos et le cheval; Sylvain Gillier-Imbs. p. 26
Article : L’expérience psychothérapeutique comme expérience consciente : L’hypnose. Gaëlle Mougin, Jean Vion-Dury. p. 32
Article : - Performance audio-tactile. Gaëtan Parseihian , Yasmine Blum. p. 35
Article : « Des hommes et des fleurs», Réappropriation plastique et sonore des pratiques chamaniques du peuple Mentawa. Iris Le Fur. p. 41
Article : La transe dans les musiques actuelles africaines. Le cas de Pépé Oléka. Ezin Pierre Dognon. p. 46
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NUMÉRO 10: JUIN 2018.
SOMMAIRE
Article : La conscience artificielle : une critique pensée et vécue. M. Bitbol. p. 5.
Dans cet article très argumenté Michel Bitbol nous propose une réflexion sur l’impossibilité de la conscience artificielle telle qu’elle est pensée ou envisagée par les tenants de l’Intelligence Artificielle et des sciences cognitives. Son argumentaire se fonde d’une part sur l’escamotage réalisé tant sur le plan du vocabulaire que des concepts par les scientifiques qui s’intéressent au problème, escamotage d’autant plus pervers qu’il conduit à une impasse épistémologique et à une tromperie du grand public et, d’autre part, sur la pensée phénoménologique et en particulier husserlienne de l’intersubjectivité. Un des points importants de ce texte est l’idée que développe M. Bitbol d’un changement radical de mode de pensée, l’arrivée d’un post-naturalisme qui se colore de panpsychisme. Comme l’indique M. Bitbol, « l’ironie historique est frappante : l’ultime produit artéfactuel [la conscience des robots] d’une science construite sous un présupposé naturaliste est en train de rendre le naturalisme caduc. Et ce n’est pas le moindre des mérites de ce texte de grande tenue, que de nous donner quelque espoir d’une re-humanisation, en ces temps où les neurosciences cognitives et l’Intelligence Artificielle participent à la déshumanisation et à la désinsertion de l’humain de son milieu naturel.
Article : Étude phénoménologique de la désorientation spatiale. Foucaud du Boisguéheneuc. p. 16
A nouveau, Foucaud du Boisguéheneuc nous propose un article de phénoménologie neurologique, nous entraînant dans la sémiologie de la désorientation spatiale, par le chemin, désorientant, de l’amnésie. A nouveau nous rentrons dans cette expérience des patients (cette désorientation, le « se perdre sur place ») que nous fait partager ce neurologue attentif qui grâce à quelques verbatim et observations du comportements des patients arrive à faire une phénoménologie de ce qui, dans l’esprit commun revient à dire : « il ne sait plus où il est ». Et l’on voit alors comment la désorientation spatiale a à voir avec la mémoire, c’est-à-dire plutôt sa perte, avec l’amnésie. On voit aussi tout l’intérêt d’une telle approche de la neurologie dont Foucaud du Boisguéheneuc est un des rares promoteurs.
Piste de réflexion : Le portrait expérientiel. Jean Vion-Dury, Gaëlle Mougin. p. 22.
Il existe plusieurs méthodes d’introspection qui peuvent donner accès aux contenus et structures de conscience. Parmi celles-ci, l’entretien d’explicitation, qui requiert un cadre méthodologique précis dont en particulier la notion de moment spécifié, avec un but particulier de recherche finalisée en psychologie de l’action ou du travail. Pour autant, il reste important de pouvoir explorer d’autres voies d’études de l’expérience consciente sur d’autres bases théoriques et avec un autre regard, par exemple strictement phénoménologique, sur ce qu’est cette expérience. L’explicitation du style a été une des approches proposées lors d’une journée d’étude sur l’explicitation qui s’est tenue le 27 janvier 2018 et dont le compte-rendu constituera le n° 11 de « Chroniques Phénoménologiques ». Cette piste de réflexion est une sorte d’introduction à la problématique plus générale d’un autre mode d’explicitation, dans une approche phénoménologique plutôt que psychologique.
Roman : Martine H. ou le rêve de Médard. Natalie Depraz. p. 24.
Notre revue a déjà accueilli des poèmes, des tableaux, mais c’est avec grand plaisir que nous accueillons dans ce numéro un roman de Natalie Depraz profondément inspiré par la phénoménologie, roman que nous allons publier sous la forme d’un feuilleton. Natalie Depraz, que le petit monde de la phénoménologie française et internationale connait bien pour ses études sur Husserl qui font référence, nous propose là une œuvre originale et inattendu, d’une grande profondeur psychologique et qui donne à penser.
Article : Interpréter la vie selon Aristote : De l’hylémorphisme aristotélicien. Jean-François Riaux. p. 33.
L’article de Jean-François Riaux porte sur la notion d’âme et de vie chez Aristote. Le lecteur objectera qu’Aristote a de lointains rapports (au moins) avec la phénoménologie. Sans doute. Sauf que dans cet article il s’agit de la vie de sa définition comme d’un principe anté-prédicatif. A la différence de Platon, dualiste, Aristote souligne que l’âme est quelque chose du corps. Car la question est toujours posée à nouveaux frais depuis de le but de la pensée humaine : qu’est-ce que la vie. Et nous trouverons sur le chemin de ce questionnement Schopenhauer, Bergson, mais également le phénoménologue Michel Henry qui n’est pas évoqué dans l’article mais qui pose dans « Incarnation », notamment cette question sur ce mystère irrésolu.
Vous pouvez charger ce numéro à partir du lien suivant:
https://www.dropbox.com/s/bshfhuwo38jo4k5/CP%20%202018%20n%C2%B010.pdf?dl=0
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