La Garaye, chercheur animé par la charité
La Garaye, chercheur animé par la charité
C’est désormais une tradition : Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes, a célébré une messe pour le monde universitaire le jour de la saint Albert le Grand, le 15 novembre 2024. À cette occasion s’est tenue la troisième rencontre du cercle Agnesi qui avait invité le frère Jean-Marie Gueullette, dominicain, docteur en médecine et en théologie, également diplômé en histoire, mais surtout président de la commission historique de la cause de béatification des « époux charitables », le comte et la comtesse de la Garaye. Mariés en 1701, tous deux mènent grand train au château de la Garaye à Taden près de Dinan. Mais en 1703 la comtesse fait une grave chute de cheval, et alors commence un long processus de conversion qui les conduira dix ans plus tard à transformer leur château en hôpital dédié aux pauvres, hôpital qui comptera jusqu’à cent lits.
Non content de consacrer leur fortune au soulagement des pauvres, ils étudient. Pendant qu’elle se forme à l’ophtalmologie, réalisant plus tard des opérations de la cataracte, il se spécialise en chimie. Amateur éclairé, il se consacre à une branche qu’il nomme chimie hydraulique. Il cherche à extraire les principes actifs des plantes, non par distillation comme on le faisait à l’époque, mais en reproduisant deux effets naturels : celui d’une rivière sur le bois qui flotte à sa surface, puis celui du soleil dans les marais salants. Dans son laboratoire, créé de toute pièce dans son ancien chenil, il invente des machines, les moussoirs de la Garaye, où il fait macérer les plantes toutes en les soumettant à des tourbillons d’eau pure, puis il laisse l’eau s’évaporer au soleil pour recueillir les principes ainsi extraits.
La recherche fondamentale ne l’intéresse pas ; il laisse cela « aux philosophes » ; on dirait aujourd’hui qu’il fait de la recherche appliquée, avec deux objectifs principaux. Le premier est de « préparer des médicaments plus efficaces que ceux qui l’étaient par les procédés ordinaires » ; il cherche ainsi des plantes qui pourraient dissoudre les « pierres dans la vessie » (calculs vésicaux). Le second objectif est de rendre les médicaments moins désagréables. Il réalise ainsi « près de deux cents essais tant sur les plantes que sur les arbrisseaux pour découvrir le végétal qui corrige l’amertume du Quinquina ».
En 1745, à 70 ans, il publiera son unique livre : « Chimie hydraulique, pour extraire les sels essentiels des végétaux, animaux et minéraux, avec l'eau pure ». En 1753, deux ans avant sa mort, il écrira à Macquer, célèbre chimiste qui a passé plusieurs mois à la Garaye à travailler avec lui : « Je souhaite que Dieu répande sa bénédiction sur vous et nos opérations et que vous trouviez quelque chose d'utile pour les pauvres (…) il faut toujours y intéresser les pauvres ; ils ont été l'objet de notre ouvrage. ». Le comte de la Garaye fût donc exemplaire, non seulement en consacrant sa fortune aux pauvres, mais aussi en mettant ses recherches à leur service, sans jamais prétendre à une quelconque gloire intellectuelle. Ses recherches n’en auront pas moins un retentissement international, son livre étant traduit en allemand dès 1749, et encore aujourd’hui réédité (Forgotten books, 2018).