Une page d'histoire d'un village de Franche Comté
Une page d'histoire d'un village de Franche Comté
Il y a 21 000 ans, des îles Britanniques, au nord de l'Allemagne, ce ne sont alors que vastes étendues glacées.
Les glaciers infiniment plus étendus qu'aujourd'hui recouvraient nos actuelles vallées. Les températures étaient inférieures à -10°.
La préhistoire
L'homme de Néanderthal s'était adapté à ces conditions de vie extrême. Rappelons que l'homme était présent sur terre depuis environ 2,7 millions d'années (homo habilis) et 1,8 millions d'années (homo erectus).
Vivant de chasse et s'abritant à l'entrée de grottes, il se réconfortait des froids rigoureux grâce au feu qu'il avait domestiqué.
La reculée offrait des conditions propices aux petits groupes itinérants de chasseurs de rennes magdaléniens qui retrouvaient tous les ans les parcours connus et les grottes refuges.
De récentes études (Ch.Carcaillet) démontrent que des" oasis de biodiversité "pouvaient alors se nicher sur les pentes" les mieux exposées au soleil et, abritées des vents, favoriser ainsi un paysage de toundra: mousses , lichens et arbrisseaux: bouleaux, aulnes, sorbier, noisetiers, saules.
Il y a 20 000 ans les petits groupes de chasseurs cueilleurs avaient l'opportunité d'arpenter la vallée de la Seille, et remonter la vallée en quête de gibier.
Se déplaçant sans cesse, au gré des troupeaux qu'ils chassaient, rennes, chevaux et autres aurochs, qui permettaient leur survie. Tenant compte des saisons, printemps et hiver, au moment où les animaux migraient, ils les attendaient au bord de la Seille aux endroits où ils traversaient, les chassant à l’aide de leurs sagaies.
La grotte du Chaumois Boivin,
plus connue sous le nom de la caborde de l'abbé Dumont, offrait une halte précieuse grâce à sa position dominant la vallée. Spacieuse, elle présente deux niveaux.
Sondée par des archéologues en 1953-54, mais déjà pillée, de rares silex et fragment de sagaies ont été recueillis. La faune découverte comporte le renne, la marmotte et probablement le renard polaire.
La Faille des Exterpois
située à la base des escarpements, elle est haute , étroite et profonde, hélas également bouleversée par les fouilles clandestines. On y a découvert des vestiges du Chalcolithique, du Bronze Moyen, du Bronze Final: un abondant ensemble de céramique: coupes et assiettes à ressauts, bols et tasses à anse, urnes, gobelets, jattes.
Vers -10 000 ans une période de réchauffement climatique entraîna de profondes modifications du paysage, avec l’apparition de forêts.
La sagaie peu propice dans cet environnement fut remplacée par une arme nouvelle: l’arc. Ce dernier permettait aux hommes de chasser l’aurochs, mais aussi des nouveaux venus comme le chevreuil et le sanglier.
Des espèces plus communes sont également découvertes dans la faille de Blois: boeuf, sanglier, blaireau, renard, chat, taupe et divers campagnol.
Sur les périodes suivantes, nous manquons d'artefacts et ne pouvons que nous référer à la suite chronologie de l'évolution humaine.
Maisons du paléolithique sur les rives du lac Chalain.
La variation climatique entraîna la sédentarisation des tribus nomades.
Le néolithique (-6000 -2200) correspond aux premières sociétés paysannes.
Elles favorisèrent l'arrivée de l'agriculture: céréales ( blé, orge) des légumineuses et de l'élevage (moutons, chèvres, bovins).
Dans la reculée, il y a tout lieu de penser que les peuplades nomades s'installèrent en bordure de Seille sur des terres propices aux cultures. L'emplacement du village actuel parait être un site favorable.
La Seille rivière torrentueuse, sujette à des débordements conséquents, a vraisemblablement favorisé un premier habitat lacustre comme sur les rives du lac Chalain.
Les Celtes
Vers -4000 -1000, venant de l'Europe Centrale, sans doute poussé par de mauvaises récoltes, et attiré par la perspective d’une vie meilleure, les tribus Celtes franchirent les Alpes et s'installèrent.
Remarquables bâtisseurs, ils remplacèrent les huttes des premiers occupants par des maisons de torchis au toit de chaume, regroupées dans des ensembles ruraux entourés par un fossé bordé de palissades.
Ils développèrent la technologie du fer.
L' outillage de plus en plus performant amena une amélioration constante du travail de la terre. et a permis de développer les cultures : blés, orges, avoines. Ils pratiquèrent l’élevage des bovidés, des porcs, des chèvres, des moutons, cueillirent et ramassèrent les raisins de lambrusque. Une liane qui se développait dans les arbres et pouvait atteindre les cimes. Des traces ont été répertoriées au pied des falaises.
Un village Celte
L'héritage le plus important laissé par leur culture: le nom donné au village de Blois: Blez.
un nom sans conteste d'origine celtique.
Au 19ème siècle A. ROUSSET historien et auteur du Dictionnaire des communes du Jura, le traduisit par "loup" l'assimilant à de l'ancien breton.
D'autres propositions sont avancées mais non confirmées.
Autre héritage: les fayes , vestige du culte à Bélénus, dieu du Soleil
Célébré par le Celtes lors du solstice d'hiver , soit le 21 ou 22 ou 23 décembre lorsque la nuit la plus longue de l'année s'oppose au jour le plus court.
Sous l'égide des druides, aucun membre de la tribu ne manquaient alors, de participer aux rituelles libations qui célébraient le retour du soleil symbole de vie. Les hommes brandissaient dans les ténèbres leurs bûches gravées, décorées et enflammées .
Une tradition vivace reprise aujourd'hui dans le village.
Fin décembre, les larges arabesques lumineuses des brandons enflammés éclairent l'obscurité qu'elles signent graphiquement.
C'est magique.
Les Celtes habiles forgerons et potiers, (voir les artefacts découverts dans les grottes) étaient au seuil d’une civilisation avancée , estime Susanne Sievers. Le fer remplaça le bronze pour la fabrication d’armes et d’outillage.
C’est alors que leur destinée bascula, car il faut bien sûr tenir compte des évènements qui bouleversèrent le territoire de la Séquanie Gallo-Romaine ( la Franche Comté où se trouve notre village).
Eté -52 une bataille décisive se déroula à Alésia. Vercingétorix, dans une situation désespérée, parvint enfin à souder les groupes Celtes isolés et rivaux en les appelant à l'aide. Il est probable que les hommes du village de Blois aient pris part au combat contre les Romains.
Hélas la guerre des Gaules s’acheva par la défaite des Celtes ce qui ne fut pas sans conséquence pour le village.
Les Romains
La région passa sous la domination romaine.
"Villa Blez" (villae Blez)
C'est ainsi que se nomma le lieu.
Attesté au XIIème siècle par le premier document connu qui cite ce grand domaine foncier de la reculée par
" le diplôme de l'Empereur Frédéric I, dit Barberousse."
L'épopée romaine a donc vu l'émergence d'un modèle de production agricole étendue fondée sur un grand domaine: la villa ( terme romain: "uilla" à l'origine du mot village ).
Le territoire de la reculée et l'emplacement de l'ancien village Celte offraient les critères recherchés par les Romains: une vallée ensoleillée au bas de coteaux bien exposés, des terres propices aux cultures sur les rives de la Seille, à proximité d'une voie romaine qui longeait le castrum de Château-Chalon.
Un territoire propice à l'édification d'un ensemble rural combinant la luxueuse résidence du maître et un centre d'exploitation agricole au coeur d'un vaste domaine foncier structuré pour la rentabilité et l'autosuffisance.
De solides bâtiments en maçonnerie au toit en tuiles remplacèrent les fragiles maisons des Celtes.
Un exemple de Uilla romaine à Loupian
L'économie a dû se recentrer sur les produits du domaine, axés sur la production de céréales et les produits issus de l’élevage avec la présence de la vigne sur ce territoire favorable.
Revers de médaille les domaines étaient généralement attribués, afin d'agrandir les possessions, à l'aristocratie guerrière. De fidéliser cette dernière par la distribution de butins et terres.
Elle avait autorité absolue sur les gens de la "villa", butin de guerre. Les "Vaincus", tels que, Jules César , appelait les Gaulois, étaient asservis.
La période romaine n'a laissée que peu de traces matérielles dans la reculée, quelques monnaies (sesterces) ainsi que des tessons de sigillée retrouvés dans la faille des Exterpois.
Les invasions barbares
Les Romains occupèrent le pays pendant près de cinq siècles. Une période de paix relative où "les campagnes étaient florissantes", densément peuplées et peu couvertes de forêts. De nombreuses exploitations agricoles se sont développées.
Le déclin de l'Empire Romain vers le IVème et Vème siècle laissa la place aux grandes migrations des peuples venant du Nord.
Favorisés par les voies de communications faciles, la masse mouvante des tribus instables prirent pied sur les terres de la Séquanie. Du IIIème au Vème siècles les vagues successives des tribus Alémaniques: Vandales, Burgondes... déferlèrent, pillèrent, saccagèrent la région.
Les nouveaux maîtres des Gaules s'installaient et trouvaient là une source de revenus en nature facile à percevoir. Les "villas" une bonne aubaine. Ils y tenaient leur cour, se livraient aux plaisirs de la chasse, vivaient des produits du sol et changeaient de résidence quand les approvisionnements étaient consommés" .
Quel a été le sort de Villa Blez? Elle a dû s'adapter aux mutations socio-économiques générées par les migrations successives.
Les habitants avaient pris l’habitude de se regrouper dans les habitats perchés et fortifiés tel que l'ancien oppida celtique de Château Chalon.
Les Mérovingiens
Les Francs s'imposèrent au VIème siècle prenant le contrôle de la région en conquérant le royaume des Burgondes (534)
Dans les reculées le déclin du modèle de la Villa avait commencé avant l’arrivée des Francs en raison de l’insécurité et des changements économiques.
Du VIème au VIIIème siècle l’aristocratie Franque dont est issu Clovis le fondateur du royaume (481-751) s'installa.
le baptême de Clovis
Les Francs ne détruisaient généralement pas les villas. La richesse d’une région était un butin bien plus précieux à exploiter qu’à anéantir.
On assista dès lors à une profonde transformation de son usage et de la structure de la villa. La luxueuse maison du maître romain est abandonnée. Les Francs n’avaient pas le même mode de vie ni les mêmes besoins de luxe ostentatoire que l’élite romaine.
Les bâtiments de la ferme furent réutilisés ou transformés en habitations plus modestes souvent en bois et autres matériaux périssables. La civilisation devient plus rurale.
Après la conversion de Clovis le christianisme devient la religion dominante et l’aristocratie commença à fonder des églises sur ses terres .
Une abbatiola s'installa dans ce paysage
La tradition orale et certaines sources anciennes font remonter à la fin du VIIème siècle la fondation d'une abbaye primitive sur une terre non soumise aux droits seigneuriaux. Une petite abbaye dédiée à la vierge Marie qui s'installa sur le promontoire de Château Chalon.
Si la date exacte de sa fondation reste imprécise, sa consécration a lieu en 665, sous l'épiscopat de saint Léger (616-679). Les moniales y observaient la règle de saint Colomban.
l'abbaye de Dames de Château Chalon aura un rôle majeur dans l'histoire de Blois sur Seille ultérieurement.
A titre d'exemple le château de sainte Anne sur son éperon rocheux (Doubs) est à l'image de l'abbaye de Château-Chalon
Un besoin de sécurité
Erigée à l'extrémité d'un éperon rocheux, l'abbaye, de ce point élevé, protégée sur trois faces par des falaises à pic, dominait la reculée de la Seille et la plaine de la Bresse .
Ce spectaculaire éperon délimité par d’imposantes falaises constituaient ses défenses naturelles.
AU MOYEN-AGE
Les invasions se poursuivront sans interruption:
Début du VIIIème siècle, les Sarrasins remontèrent la vallée du Rhône, pillèrent la Bourgogne. Les monastères et les environs ne furent plus que désolation.
Et le chaos régna ...
"Charlemagne surgit dans ce chaos", essayant d'établir une unité administrative, une paix relative de 768-814. En l’an 800, il instaura un ordre nouveau où dignitaires, laïcs et évêques se soumettaient au pouvoir central.
Il instaura, entre autre, la dîme (794), un impôt lié à la terre qui portait sur les récoltes et les troupeaux. A l’origine, toutes les propriétés, qu’elles soient celles des nobles, des ecclésiastiques ou des roturiers, y étaient assujetties. Les monastères, les abbayes, étaient chargés d'en assurer la redistribution aux pauvres. de nourrir quotidiennement, des dizaines et parfois des centaines de miséreux. Un calme relatif dans un monde anarchique.
814 la mort de Charlemagne mis fin à cette parenthèse.
C'est le temps des guerres de successions
et du partage de l'immense Empire de Charlemagne.
C'est à Lothaire II arrière petit fils de Charlemagne que reviendra le royaume de la Lotharingie suite à la division de l'empire. Elle s'étendait de la Frise au plateau de Langres et au Jura.
843- traité de Verdun
partage de l'empire de Charlemagne
855- Lothaire II (835-869) roi de Lotharingie ( en violet) (en rouge Charles le Chauve, en vert Louis le Germanique)
Louis II (rose) Charles de Provence (orange)
869 une donation de Lothaire II à l'archevêque de Besançon Arduic mentionne avec certitude
" l'abbatiola Carnonis-Castrum"
(Château-Chalon)
C'est le premier document mentionnant l'abbaye de Château Chalon.
870 Décès de Lothaire II . Le traité de Meerssen modifia le partage du royaume .
La "Divisio regni" attribua les territoires dont celui incluant
le castellum Carnonis (Château-Chalon)
à Louis le Germanique.
870- A la mort de Lothaire II son royaume sera partagé entre ses deux oncles.traité de Meerssen ( en rouge Charles Le Chauve en vert Louis le Germanique)
Au cours des siècles suivants, sans répit, les invasions reprirent.
Une guerre civile permanente:
Le pays était menacé par les Sarrazins,
IXe siècle, les Vikings multiplièrent raids, pillages et destructions.
Xe siècle, Normands et Hongrois poursuivirent leurs invasions, causèrent la ruine des couvents. Les désordres allaient croissant, l'anarchie était générale.
"Le village de Blois sur Seille fut probablement brûlé par les Normands en 888 ou 889 lorsque ces barbares vinrent piller les abbayes de Baumes les Messieurs et Château Chalon" (Rousset)
A cela vinrent s'ajouter un accaparement de la dîme par les laïcs : nobles et seigneurs, qui s'étaient rapidement affranchis du paiement de celle-ci. Dès le VIIIème siècle, ils s'étaient appropriés ce droit, en même temps qu'ils s'appropriaient les églises et chapelles auxquelles ce droit était dû.
Le moyen âge central du XIème siècle au XIIIème siècle
Le XIème siècle n'était plus qu'un système féodal voisin de la barbarie sur un territoire morcelé en seigneuries. Les biens des monastères devenaient la proie des seigneurs, qui ne reconnaissaient d'autres lois que la force. Ces nouveaux possesseurs des terres dévastées par les guerres, ne rencontrant plus d’attaques étrangères à repousser, se ruaient sur les établissements religieux, les domaines et les villages s'il en restaient.
Villa Blez, comme tant d'autres domaines, mal en point pour se défendre, relever ses ruines, reprendre le cours normal d'un domaine agricole, chancela définitivement.
"Fuyant les ruines et le chaos, les survivants fuirent la reculée et se réfugièrent sur le plateau où le village se reforma au pied de la forteresse bâtie au sommet de la montagne: le Châtelet" (Rousset) sans doute une fortification qui commandait l'accès au passage vers l'abbaye.
Une parcelle porte aujourd'hui encore ce nom.
Il aura fallu trois siècles avant que le calme ne revienne.
Pour Frédéric Ier Barberousse (1122-1190) empereur du Saint Empire Romain Germanique mais aussi comte de Bourgogne par son mariage avec Béatrice de Bourgogne, le pouvoir temporel, le sien, devait primer sur le pouvoir spirituel, celui du pape.
Fort de ses pouvoirs il se montra favorable aux monastères et abbayes. Il leur garantit paix et assistance.
Par un diplôme de 1165
" il prend sous sa protection les possessions de l'abbaye de château-chalon dont tous les biens seront rappelés.
Ce diplôme renferme l'énumération des églises et autres possessions de l'abbaye.
Parmi ceux-ci
"Villa Blez Integra"
( le domaine Blez en totalité)
Peu à peu, les seigneurs rendirent les droits et les biens qu'ils s'étaient appropriés : terres, églises, villages, meix, villas et autres dîmes. Vingt neuf sites revinrent ainsi dans le giron de l'abbaye.
Mais ne nous méprenons pas "Si les rois et les grands donnaient aux églises des villae, parfois par dizaines, c’est que ces domaines n’avaient pas grande valeur : ils étaient nus, à peu près vides." A. Derville
Frédéric Ier restitua également à l'abbaye le droit d'en percevoir les revenus. Et garantit paix et assistance.
Une phase de réorganisation des pouvoirs sembla culminer au XIIe siècle, au profit de l'abbaye de Château-Chalon.
C'est alors que, sans doute rassurée, la population, quitta le plateau où elle s'était réfugiée du IXème au XIIème siècle et redescendit dans la vallée où elle s'employa à relever le village
On note que le village est désormais, défini comme "succursale", une dépendance, de la paroisse de Château-Chalon. Et sa population reconnue comme une "communauté"
« Les archives établissaient les droits spirituels et temporels de l’abbaye sur les habitants de la communauté de Bloye où s’étendait sa seigneurie directe »
Carte de Cassini du 18ème siècle
L'abbesse reconnue comme princesse du Saint Empire romain germanique, exerçait un pouvoir politique en usant de son droit de haute, moyenne et basse justice sur un territoire de quelques milliers d'hectares dont une grande partie était consacrée à la culture de la vigne.
Elle avait le droit de ban, un pouvoir sans limite et s'attribuait ainsi le monopole des installations de la Communauté telles que four, forge, pressoir, moulin à grain, moulin à huile ; il en résultait pour les habitants de la seigneurie, l'obligation d'utiliser ces installations, dites banales, contre redevances. .
Une population soumise à toutes les servitudes exigées par l’abbaye. Paiement de la dîme sur toutes les productions de la terre. Des journées de travail consacrées à la terre seigneuriale, des travaux pour cultiver les biens de l’abbaye : des journées au champ, du charriage de marchandises, empierrer les chemins, curer des fossés, chercher du bois, entretenir les outils…Des corvées deux fois par an, au printemps et en automne.
Sur les terres bien exposées au sol accidenté mais fertile, une main d’oeuvre issue des deux communautés de la reculée , cultivait dès le XIème siècle des vignes. On trouve en 1223 la première mention du cépage du savagnin. Une vigne qui produisait des blancs et des rouges très estimés
« L’ADN d’un pépin de raisin datant du XIIe siècle s’est avéré être parfaitement identique avec l’ADN du savagnin blanc actuel »(INRA) (le traminer) qui donne les fameux vins jaunes et de paille du Jura (Château-Chalon).
Depuis l'an 1000 on assistait à une extension continue de la culture des céréales. Les campagnes se transformaient. L'outillage en fer facilitait les défrichements que les seigneurs et les abbayes favorisaient. Les progrès techniques augmentaient les quantités récoltées.
La forêt restait indispensable. Elle fournissait du bois et des compléments pour l'alimentation des hommes et des animaux d'élevage comme les porcs. Tous ces éléments favorisaient l'amélioration des conditions de vie. Depuis l'an 1000 on assistait à un essor démographique .
La population était en quête de la foi et d'espérance.
Sous l'impulsion de l'abbaye, collectrice de la dîme et en raison de son devoir d'assistance et de protection, une chapelle a pu être érigée au XIIème siècle au sein du village.
"Avant 1200, le village existait, organisé autour d'une chapelle qui fut l'église du lieu et dépendait du monastère" ( Roger Cornut).
Une solide construction en pierres du pays, toit à double pans recouvert de lourdes laves, à l'image des maisons du village. Chapelle à chevet plat où traditionnellement le décor très sobre excluait les figurations.
La chapelle de Blois dépendait de la paroisse de Château Chalon. Nommés par l'abbesse, quatre vicaires les "Quart-Fiefs" furent chargés de la desservir. La présence de quatre religieux officiant à tour de rôle est attestée par le parlement de Dole. Ils se partageaient les fonctions pastorales et les revenus.
Mais le chemin jusqu'à Blois sur Seille est semé d'embûches. Ecoutons les:
"Le village est situé au fond d'un vallon très profond. Château-Chalon est éloigné d'une heure de Blois. Il faut traverser une grande forêt, descendre des chemins très rapides. On ne peut passer sans beaucoup de peine et en hiver à cause du verglas, on ne fait chaque pas qu'en tremblant." R Cornut
Du XIIIème au XVIIème siècle
Depuis le XIIIème siècle le monde changeait. Le village se développait. La population était traversée par des interrogations sur les inégalités sociales et religieuses . L'église (l'abbaye) apparait dominatrice.
Au XVème siècle, une aversion généralisée de la population se développait à l'encontre des religieuses auxquelles étaient reprochées un manque d'exemplarité et un attachement prononcé aux possessions matérielles.
La Franche-Comté était alors répartie en trois bailliages: circonscriptions administratives et judiciaires. Le bailliage d'Aval qui a existé de 1333 à 1789 nous concerne plus précisément.
Les archives « étant amputées de leur partie la plus ancienne, du XIIème s au XVème s. nous nous contenterons d'un rapide aperçu historique.
La tragédie des trois fléaux:
A la fin du Moyen Age, une dépression économique, conséquence des récoltes insuffisantes de blé de 1315-1317, de la guerre de Cent Ans 1337-1453 , et de la Peste noire de 1348-1353, s’abat sur l’Europe entrainant la ruine des campagnes. En quelques années le tiers de la population était décimée entrainant l’abandon des terres.
"Ce fut la peste qui, incontestablement, fit le plus de victimes...La guerre, moins meurtrière, sema en revanche la dévastation, le désordre, l'effroi, aucune région ne fut épargnée. Quant à la famine, déjà responsable de nombreux décès, elle donna lieu aux scènes les plus horribles, aux heures les plus sombres... ce fut la conjonction de ces trois fléaux qui déclencha cette crise formidable, sans précédent dans toute l'histoire de cette province de Franche-Comté. " Louis Gérard
La peste
La population a dû faire face à la plus grande épidémie de peste connue: la Peste Noire (1347-1352). Elle décima en quelques années environ le tiers de la population.
Les épidémies se poursuivront au XVI siècle (1562-69, 1573, 1575-77, 1586-88...) et correspondaient la plupart du temps aux passages des soldats en provenance d'Italie.
Puis au XVIIème siècle par les continuelles allées et venues des troupes impériales et Françaises.. l'épidémie de 1628- 1633 fera peu de victimes. Tandis que la suivante et dernière 1635-1640 sera brutale et meurtrière.
Elle surviendra dans le baillage d'Aval fin 1636. Aucun village n'y échappera.
La famine
Au début du 14e siècle une succession de mauvaises récoltes provoquera une famine (1315-1317) comme on n'en avait pas connu depuis des siècles: la Grande Famine.
Au 15e siècle en décembre 1481 une grande partie du pays subissait une période de froid inhabituel. Une crise climatique appelée le "petit âge glaciaire" responsable d'une maigre récolte qui fut suivie par une importante famine.
1628-1633 et 1635-1640 En empêchant le déroulement normal des moissons, la peste causa la pénurie des denrées, et provoqua à terme, la famine.
Territoire atteint par la peste en gris.
Une succession de guerres et de trêves
1337-1453 La guerre de cent ans succéda à la croissance qui pris fin au début du 14ème siècle après 300 ans de progrès constant. Les mercenaires pillaient et ravageaient le pays. La région ne cessait d'être victime de nombreux troubles, révoltes, combats.
1479-La conquête de la Franche-Comté par Louis XI n'épargna pas la ruine à l'abbaye de Château-Chalon." Elle était si appauvrie à la suite de cette guerre, qu'elle ne put plus entretenir que quelques religieuses." (Elle sera reconstruite à partir de 1508).
1493 La Bourgogne était rattachée au Saint-Empire romain germanique. La Comté bénéficiait alors, pendant près d'un siècle, d'une période de paix et de prospérité propice à un essor économique et culturel inégalé, qualifié d' « âge d'or »
La vigne prospérait et fera la renommée de l'abbaye de Château-Chalon. L’abbesse faisait commerce du vin. Un vin déjà fort réputé et apprécié. Elle développa le rôle économique, culturel et social de l'abbaye.
1550 env. l'abbaye devint un foyer de relations sociales intenses. Les religieuses acceptaient, suprême honneur, de parrainer plus de cinquante fois des enfants de cette communauté " perdue au fond de la vallée de la Seille, qui comptait alors de 80 à 100 mainmortables... ces quelques dizaines de familles étaient cultivateurs et meuniers." Berthet
1560 "La période... était une période d'ascension sociale de la ville de Château-Chalon et de ses hameaux.... Les hameaux de Blois et La Doye doublaient leur population... l'état social général s'en trouva modifié" Berthet.
1595-97 Après cette période de paix de près d'un siècle, "l'évolution sociale de la paroisse de Château-Chalon fut profondément troublée... par l'invasion en Comté des armées d'Henri IV et le sac de Château-Chalon par les troupes Françaises" Berthet
Les villages et les territoires environnants n'échappent pas aux incursions françaises et lorraines.
"L' invasion du Lorrain Tremblecourt au service d'Henri IV, fut bien funeste à l'abbaye. Son passage fut marqué par toutes sortes d'horreurs. Tels furent les excès de cette soldatesque, que son nom seul jetait au loin les plus vives alarmes." Rousset
1599 " les vignes étaient en désert" Berthet
Avec "Cette ruine presque complète... commença la séparation de la noblesse représentée par l'abbaye et la paysannerie pauvre, inculte et soumise, dans les hameaux, à la condition servile...Vers 1620, les religieuses et gens de Blois ne se connaissaient presque plus." Berthet
Les sujets commençaient à contester les droits temporels de l'abbesse. Le XVIème siècle, éveilla dans les esprits un désir d'indépendance qui ébranla l'autorité ecclésiastique.
1611-1621 nouvelle période de paix sous l'archiduc Albert d'Autriche
XVIIème siècle Les guerres de Comté
La guerre de Dix ans 1635-1644
La Guerre de Dix Ans , 1634 à 1644, est l'épisode Franc-Comtois de la Guerre de Trente Ans qui ravaga l'Europe. Elle opposa Louis XIII et les Habsbourg.
C'est un conflit majeur dans l'histoire de la Franche-Comté possession de la couronne d'Espagne. Une série de campagnes militaires et de sièges d'une violence inouïe et d'une particulière cruauté allaient déferler sur la Franche Comté et la ruiner.
Une tragédie pour le bailliage d'Aval (1637-1639)
1637 Les troupes françaises, menées par le duc de Longueville, cantonnées à Lons Le Saulnier, mettront le Revermont en coupe réglée.
" La marche des troupes, leurs rencontres sanglantes, le mouvement continuel des corps français, comtois, allemands, lorrains, couvraient la terre de débris et réduisaient les habitants à l'état le plus pitoyable." Rousset
Longueville s'empara des châteaux de la région: Frontenay, Arlay, Le Pin, Château Chalon... et entrepris de forcer tous les villages du Revermont: l'Etoile, Domblans, Voiteur... Blois sur Seille.
1638. le village de Blois fut assiégé. Les soldats rançonnaient, volaient les récoltes et les bestiaux, pillaient, tuaient, brûlaient, dévastaient tout. La chapelle fut fortement endommagée
"Qu'on ajoute à ces hostilités permanentes, l'effroi inspiré par la peste qui décimait la population et la détresse qui naissait de la famine." Rousset
Comme si cela ne suffisait pas les troupes véhiculaient tout un tas de maladies.
La population, ou ce qu'il en restait, fuira par deux fois de 1638 à 1640, puis de 1642 à 1646 vers le Dauphiné indépendant, la Savoie, la Suisse, l' Italie...
"Les passages répétés des troupes françaises et les pillages incessants causent d'importants dommages à l'abbaye et à son domaine. L' arme favorite est le feu qui détruit les villages traversés. Ce qui échappe au printemps est brûlé en été. Jamais rien n'a été si ruiné, tous les villages sont brûlés, les habitants morts et la campagne tellement déshabitée qu'elle ressemblait plutôt à un désert qu'à un pays qui eut jamais été peuplé." L. Lefebvre.
L'abbaye ruinée, le cloître incendié "les religieuses se dispersèrent" Les vignes porteuses de revenus restaient en friches.
"Les villages du Revermont sont dépeuplés, les moulins détruits, les églises ruinées, la seigneurie entière ressemblait à une vaste solitude." Rousset
1657 " Vingt ans après la guerre, les vignes sont encore en friche". Au retour de la paix " les religieuses échappées à la mort , viendront de nouveau habiter leur cloître incendié. "
Vers 1650 le village se repeupla lentement: anciens habitants et nouveaux arrivants des régions limitrophes y feront souche (certaines familles originelles sont encore représentées aujourd'hui).
Vers 1660, les défrichements recommencèrent. L’abbesse essaya d’exercer à nouveau son droit de percevoir la dîme. Malgré ses efforts, l'abbaye ne se relèvera qu'avec peine.
Le traité de Nimègue 1678
La Guerre de Dix Ans se termina en 1644 par une victoire française.
La fin de la Guerre de Trente Ans marqua l'annexion en 1678 par le traité de Nimègue de la Franche Comté sous le sceptre de Louis XIV.
XVIIIème siècle Une mutation profonde de la société
Paysans riches et nobles ruinés.
L'abbaye
" L'abbaye subissait depuis les guerres de Comté, une crise sans précédent. La première abbesse de Watteville s'efforce de remédier à cette pénurie financière en reconsidérant les dîmes qu'elle perçoit." Berthet
Elle remis le droit de perception de la dîme de la communauté de Blois à l'un de ses deux échevins, Maurice BROCARD (1745-1822) meunier à Blois.
Ce choix n'a rien d’étonnant, plusieurs règlements de l’époque Carolingienne prescrivait que des « hommes de bien » choisis au sein des paroisses ou des Communautés veillaient à la collecte et à la répartition de la dîme.
Une aigreur toujours croissante pris forme sur la perception d’une dîme qui ne servait plus au bien commun, ce qui la rendait insupportable. Les chanoinesses étaient perçues comme des parasites. Un sentiment anticlérical nourri se développa.
La communauté de Blois contesta le montant des dîmes perçues. Des signes annonciateurs du grand bouleversement de 1789.
Au village
La population aspirait à un changement profond et des conditions de vie meilleure.
"Les paysans, les vignerons sont devenus bien plus aisés que les Dames aux titres sonores. Ils le savent, et peut-être méprisent ils ces nobles qui ne peuvent vivre que misérablement."
Les paysans de Blois ou extérieurs au village, étaient en mesure d'acheter des terres appartenant à l'abbaye: achat de deux ouvrées de terre aux Chenevières, quatre ouvrées de vignes à Château-Chalon...
" Il y a 62 contribuables dont 11 ne résidaient pas à Blois. Ils avaient soit acheté des vignes, soit quitté le pays en conservant une vigne" R. Cornut
De 1674 à 1789 la population de Blois augmenta et passa de 150 à 340 personnes.
Les maisons furent reconstruites et les toits couverts de laves calcaire, la pierre du pays.
"Une seule maison porte sur sa cheminée la date de 1622, date antérieure à la conquête" "Celles portant des dates postérieures à 1700 montre que l'on y a incorporé dans leur construction des matériaux de réutilisation." R. Cornut
1670 Une nouvelle chapelle de plus grandes dimensions fut édifiée dans le village à l'emplacement actuel. Elle est constituée d'une unique nef et d'un clocher. Les habitants " étaient autorisés à avoir un cimetière et des fonts baptismaux. Les quart-fiefs étaient chargés de la desserte de cette chapelle." Rousset
Ils étaient rétribués par les habitants du village: pour une messe à dire on paiera sept "gros" (les sept douzième d'une livre) par personne au vénérable prêtre quart-fief. L'église abbatiale de Château Chalon fournit des objets pour le culte.
1740 Le village devenu paroisse ne dépendra plus de celle de Château Chalon.
1757 "L'archevêque cédant aux vives instances de la population, y attacha un vicaire résident" Rousset.
Le premier curé résidant à Blois arriva en octobre 1793 . Un logement lui fut fourni à proximité de l'église.
1789 Les Etats Généraux
24 janvier 1789 Face à la situation catastrophique du pays Louis XVI convoqua les Etats Généraux réunissant les trois Ordres: clergé, noblesse et tiers état.
Le premier registre de la toute nouvelle municipalité en date du 13 février 1790 signé M. Brocard Maire.
16 mars 1789 La Communauté de Blois rédiga "son cahier de doléances que deux émissaires présenteront au parlement de Poligny en vue de participer aux États généraux ". Maurice BROCARD "dernier échevin des abbesses en exercice" ( Wikipédia) sera désigné.
1789 Suite à la Révolution "l’abbaye des chanoinesses fut vendue au titre des biens nationaux. D’abord rachetée en sous-main par l’abbesse, celle-ci se résout à la vendre à plusieurs particuliers ce qui conduira à la destruction de la majeure partie du site en 1805." Baptiste Brasleret
12 février 1790 Blois de Communauté féodale, devenait commune. Les tout nouveaux citoyens élisaient leur premier maire: Maurice BROCARD.
15 juillet 1790 Blois devenait chef lieu d'un territoire qui comprenait sur le Premier Plateau de la reculée deux hameaux: le Chaumois Boivin, le Chaumois Martin et dans la reculée la Grange Parot. (Les premiers acensements de ces hameaux remontent à 1642. Ils dépendaient en toute propriété de l'abbaye.)
1790 " l'abbaye de Château-Chalon fut dissoute et tous les biens des abbesses furent redistribués en 1791 aux toutes nouvelles communes dont les prés et bois communaux . ( Wikpédia)
Du XIXème au XXème siècle
1826 "Il y a 73 familles à Blois cultivant 51 hectares de vignes, 266 de terres cultivables." Cornut
1842 Les citoyens Blésiens érigèrent leur mairie-école. Une maison commune servant de mairie et d'école. Le village se concentra autour " d'une église, d'un cimetière, d'un presbytère très convenable...d'un chalet dans lequel on fabrique... du fromage." Rousset
1853 " Il y a deux moulins dont l'un à quatre tournants ( meule) à blé, avec une scierie, un battoir à chanvre et une huilerie; un autre à trois tournants à blé avec une huilerie, un battoir à chanvre et un martinet." Rousset
On "produit du blé, de l'orge, de l'avoine, du maïs, des légumes secs, des pommes de terre, des fruits et surtout des noix, du vin,...du foin...du chanvre" Rousset
"On élève dans la commune des mulets, des bêtes à cornes, des moutons, des chèvres et quelques cochons. Cinquante ruches d'abeilles." ROUSSET
"Une maison commune servant de mairie, de logement à l'instituteur et de salle d'étude fréquentée en hiver par 35 garçons et 30 filles."
Le village pouvait se suffire à lui même et vivre en autarcie. Les chemins ruraux vers les villages de la plaine du Revermont étaient difficilement praticable et contribuaient à son isolement.
Sa récente autonomie poussait avec curiosité et intérêt, les villageois vers une ouverture de plus en plus importante vers le monde. Une route fut crée, 1893 installation d'un téléphérique à lait, 1895 installation d'un premier réseau d'eau ( fontaine et bornes fontaines.) On s'équipa d'une pompe à incendie...
et l'on surmonta la fontaine, lors de son inauguration, de l'emblématique statue de Jeanne d'Arc oeuvre du sculpteur Roberton.
Le village développa sa ruralité, s'équipa en machine agricole, les kivas ( des faucheuses mécaniques développées dans le Jura) qui font leur apparition à partir de 1930
Bibliographie: le dictionnaire géographique des communes de la Franche Comté A. ROUSSET- Château-Chalon, une abbaye, un village , une famille Roger CORNUT - Réactif social du XVIème siècle à la Révolution Abbé BERTHET- L'abbaye de Château-Chalon du XIème au XVIIIème siècle Baptiste BRASLERET- La Guerre de Dix ans Louis GERARD- WiKIPEDIA