Résumés

Abstracts

résumés des présentations

1. Corpus

ANDRE Virginie - Développer les compétences métalinguistiques des adultes francophones natifs en insécurité langagière avec des corpus outillés d'un concordancier

L'exploitation de corpus oraux pour enseigner et apprendre à interagir fait désormais partie des méthodologies didactiques actuelles qui sont expérimentées par de nombreux enseignants et apprenants de Français Langue Étrangère (André 2018 ; Etienne, Jouin 2019). Les résultats positifs de ces expérimentations ont orienté cette étude qui explore la démarche du data-driven learning (Johns 1991), ou de l'apprentissage sur corpus (Boulton/Tyne 2014), en français langue première. Les adultes francophones natifs qui participent à cette recherche sont intégrés dans des formations de remise à niveau en français. Ils sont tous en situation d'illettrisme à différents degrés ou, autrement dit, en insécurité langagière à l'écrit (Adami/André 2014). Plusieurs études, qui portent notamment sur le fonctionnement cognitif et cognitivo-linguistique des personnes illettrés (Emé et al. 2009), sont unanimes aujourd'hui pour affirmer que les problèmes de maitrise de la langue écrite sont liés à de faibles compétences métalinguistiques. Cette communication propose une présentation et une analyse d'expérimentations suivant la méthodologie de l'apprentissage sur corpus et permettant un travail sur la métalangue, indispensable pour entrer dans l'écrit (Lahire 1993). Je rappellerai tout d'abord le contexte et les méthodologies de l'exploitation des corpus pour enseigner et apprendre une langue étrangère, en insistant particulièrement sur l'utilisation des corpus oraux et multimodaux. Je présenterai ensuite les résultats des expériences menées notamment avec un corpus multimodal dans l'objectif d'améliorer les compétences métalinguistiques d'adultes francophones natifs en insécurité langagière à l'écrit.

Mots-clés : data-driven learning ; apprentissage sur corpus ; compétences métalinguistiques ; illettrisme

BADIN Flora / KRIMOU Fanny / CLOISEAU Gilles / ABOUDA Lotfi / NEMO François - Ravioli : un corpus oral annoté en valeurs injonctives

S'il est connu qu'un énoncé injonctif ne peut être réduit à la structure impérative, il reste à identifier les paramètres linguistiques/prosodiques qui déterminent l'interprétation injonctive d'un énoncé. C'est l'objectif du projet « Ravioli » (Reconnaissance Automatique des Valeurs injonctives à l'Oral, Langue en Interaction), dont l'objectif final est de parvenir à une reconnaissance automatique de l'injonction. La première étape du projet a permis la constitution d'une base de données qui sera prochainement mise à la disposition de la communauté scientifique. Il s'agira ici de présenter ce corpus, et le schéma d'annotation, une fois justifiés les principaux choix techniques.

La base de données est constituée de 7500 énoncés injonctifs, identifiés dans un corpus de 49 heures, présentant des interactions orales authentiques issus de quatre modules du corpus ESLO2 (licences CreativeCommons BY NC SA) : « Ecole », « 24h », « Itinéraires » et « Repas » (http://eslo.huma-num.fr/). Armés d'une définition large de l'injonction qui sera précisée, les annotateurs devaient d'abord repérer les injonctives sans considération des frontières syntaxiques, et en se concentrant sur le seul caractère injonctif ou non de l'énoncé et sur sa qualité sonore (exploitabilité sur le plan prosodique). La deuxième étape a porté sur la résolution des ambiguïtés et la détermination des frontières syntaxiques des injonctives exploitables au niveau sonore. Le corpus résultant a été annoté sur Elan, pour des raisons qui seront précisées. La caractérisation sémantico-pragmatique des injonctives précise plusieurs axes : relation locuteur-allocutaire (lien hiérarchique, degré de familiarité et formalité du contexte), origine de l'action projetée, ses caractéristiques chronologiques ainsi que le bénéfice pour les protagonistes de l'échange. Ce schéma d'annotation sera expliqué.

Bibliographie

Bréüs V. (2002). « Pragmatique et syntaxe de l'injonction : Les échanges oraux réglementaires des militaires français », L'Information Grammaticale, 93, 51-52.

Dominik, A. D. (2001). Les structures des énoncés à force illocutoire impérative en français moderne: un traitement minimaliste, Doctorat (Université de Sherbrooke).

Nguyen Minh, C. (2015). « Les injonctifs averbaux (sans verbe conjugué). D'une approche en langue à une analyse de corpus », Corela, HS-16 | 2015.

Nemo, F. (1992). Contraintes de pertinence et compétence énonciative : l'image du possible dans l'interlocution, Doctorat de l'EHESS.

Roberts, C. (2018). “Speech Acts in Discourse Context”, in D. Forgal & alii. New word on speech acts, OUP.

Searle, J.R. (1990). « A Classification of Illocutionary Acts », Cultural Communication and Intercultural Contact, D. Carbaugh (ed) p. 349-372.

Vanderveken, D. (1988). Les actes de discours, Liège : Mardaga.

Mots-clés : injonctives ; oral ; annotation sémantico ; pragmatique


MOUKRIM Samira - Le français en contact à Orléans : vers une nouvelle dynamique langagière ?

Le français parlé à Orléans a fait l'objet, en 1968, d'une grande enquête initiée par des universitaires anglais à des fins didactiques et linguistiques, ‘L'Enquête sociolinguistique à Orléans' (ESLO). Cette enquête est renouvelée (ESLO2) depuis 2007 par le Laboratoire Ligérien de Linguistique (LLL) avec un double objectif : i) établir une comparaison avec ESLO1 à quarante ans d'intervalle et ii) établir, à partir des enregistrements collectés, une image du français parlé à Orléans qui soit exploitable par la communauté scientifique.

Dès son lancement, ESLO2, a mis en lumière une lacune résultant de son homologie de constitution avec ESLO1 : vu la situation linguistique actuelle de l'agglomération (arrivée de populations migrantes et de leurs langues au cours des trente dernières années), il n'est pas concevable de construire un corpus représentatif du français qui ferait abstraction de la diversité des langues présentes sur Orléans. De ce constat est né le prgramme « Langues en Contact à Orléans » (LCO), conçu comme un module d'ESLO, pour étudier la relation des langues en contact.

La première enquête LCO a été effectuée auprès des interprètes de l'arabe-berbère, serbo-croate, vietnamien, arménien, indien, peul, soso, malinké, etc. dans le but de recueillir un premier échantillon du français en contact à Orléans (FCO). La transcription des enregistrements des interprètes a permis d'identifier un certain nombre de problèmes liés à la spécificité de cette (ces) variété (s) du français en contact à Orléans. Le corpus recueilli donne à voir comment les langues en contact pourraient influencer le français parlé à Orléans et comment ces interactions particulières pourraient contribuer à l'émergence de nouvelles pratiques langagières.

Le français des interprètes porte en lui les traces de l'interpénétration des codes de ses usagers. En situation de contact, il a intégré d'autres règles qui lui sont étrangères. Reste à savoir dans quelle mesure les méthodes et outils d'analyse linguistique se sont développés pour saisir cette intrication de systèmes linguistiques. Dans cette communication, nous allons mettre en évidence un certain nombre de particularités (phoniques, prosodiques, morphosyntaxiques, lexicales, etc.) du français en contact à Orléans ainsi que les problèmes de perception et de transcription rencontrés lors du traitement de ce type de données qu'on pourrait qualifier d'hybride.

Quelques références

Benveniste Claire-Blanche (2003), Approches de la langue parlée en français, Ophrys

Bergounioux G. et al. (1992), « L'Etude socio-linguistique sur Orléans (1966-1991), 25 ans d'histoire d'un corpus», Langue française, 93, p. 74-93.

Bilger Mireille (2008), Données orales, les enjeux de la transcription, Presse Universitaires de Perpignan

Mots-clés : français en contact à Orléans ; transcription ; variation ; dynamique langagière


PRIKHODKINE Alexei / RACINE Isabelle / CÔTÉ Marie-Hélène - Traverser la frontière pour travailler : identifications langagières des frontaliers franco-suisses à Genève

A la fin du 20e siècle, les sciences sociales ont vu l'émergence de la notion de « borderless » ou « monde déterritorialisé », qui accompagnait le discours sur la globalisation et qui envisageait la frontière non plus comme une barrière mais plutôt comme une aire de coopération. Cependant, si, en Europe, on a pu observer des changements résultant, par exemple, en mobilité accrue de capitaux et de main-d'œuvre, les frontières n'ont pas entièrement disparu et continuent d'organiser hiérarchiquement l'espace social (Newman 2006).

La langue participant à cette organisation, la sociolinguistique a également investi ce champ d'études, en investiguant l'expression linguistique des affiliations identitaires des locuteurs dans différentes régions frontalières (Watt & Llamas 2014). Toutefois, outre le fait que ces études ont surtout connu leur essor dans l'espace anglo-saxon, la mobilité des travailleurs dans les grandes métropoles frontalières n'a fait l'objet que de très peu d'attention. Or, la prise en compte de cette mobilité permettrait de mieux comprendre le rôle des ressources langagières dans la négociation des frontières nationales.

Dans cette communication, nous présenterons les premiers résultats d'une étude qui scrute les usages et les représentations des locuteurs frontaliers de la région genevoise, agglomération transfrontalière comptant un million d'habitants. En particulier, seront présentées les données relatives à trois groupes de locuteurs définis en fonction de leur mobilité frontalière : locuteurs suisses résidant et travaillant à Genève ; locuteurs suisses résidant en France et travaillant à Genève ; locuteurs français résidant en France et travaillant à Genève. Le design méthodologique est basé sur le protocole du projet PFC (Durand & al. 2002), augmenté d'un entretien semi-directif spécifiquement conçu pour cette étude. Un tel design permet de mieux approcher les constructions sociales de la frontière, en menant une analyse conjointe d'usages et de discours qui participent à la délimitation territoriale.

Références

Durand Jacques, Laks Bernard & Lyche Chantal (2002). La phonologie du français contemporain: usages, variétés et structure. In C. Pusch & W. Raible (éds), Romanistische Korpuslinguistik- Korpora und gesprochene Sprache/Romance Corpus Linguistics – Corpora and Spoken Language. Tübingen : Gunter Narr Verlag, 93-106.

Newman David (2006). The lines that continue to separate us : borders in our « borderless » world. Progress in Human Geography 30(2), 1-19.

Watt Dominic & Llamas Carmen (ed.) (2014). Language, borders and identity. Edinburgh : Edinburgh University Press.

Mots-clés : frontières nationales ; variation ; langue ; mobilité


LAFDI Ghizlane - Who exactly are these Muslims? A Critical Discourse Analysis of Muslims and Islam in the French Media

The construction of Muslims and Islam in the news media has drawn the attention of a growing number of scholars in the field of sociolinguistics, and more particularly within Critical Discourse Analysis. The rise of populism in Europe poses a significant threat to European Muslims by fuelling anti-Muslim sentiment, and the news media plays a major role in reinforcing and perpetuating a climate of fear, distrust and tensions between different social groups for economic or ideological reasons, or both. The discursive construction and representation of Muslims and Islam in the news media contributes a great deal in ‘shaping broad social definitions’ about this social group and entity (Croteau and Hoynes, 2003: 163). These representations are not generated from a single article in a newspaper or a TV program but through constant 'repetition of images and concepts' (Gerbner et.al., 1986) that instils in the audience's minds the image of the Muslim as the ‘bad’ or ‘deranged guy’ and of Islam as an ‘evil’ and ‘regressive’ religion that menaces Western values and way of life.

The main aim of this research is to investigate the representation of Muslims in the French press. To achieve this, both quantitative and qualitative approaches are adopted to analyse a selection of French newspapers: La Voix du Nord, Le Parisien, Le Monde and Le Figaro. For the first approach, a corpus-based approach is adopted to analyse data quantitatively, because the main purpose of this study is to describe how language is used and to examine linguistic patterns that are used to construct and represent Muslims and Islam in the press. In order to achieve this, different forms of analysis are carried out that mainly focus on: Frequency, concordances and collocation. With regards to the quantitative approach, an eclectic approach is used to carry out text analysis. The word eclectic is used to refer to multiple approaches derived from solid linguistic theories such as systemic functional linguistics. Newspaper articles are analysed by focusing on three levels of text: lexis, grammar, and cohesion. Moreover, intertextuality, modality, metaphor and attribution are also the focus of text analysis.


URSI Biagio / ANDRE Virginie - Corpus, apprentissage et multimodalité. L'utilisation du concordancier de FLEURON par des apprenants de FLE

Dans les dernières années, les corpus jouent un rôle de plus en plus important dans le domaine de l'apprentissage des langues étrangères (Boulton & Tyne 2014). L'exploitation de corpus de langue parlée représente une étape primordiale pour le développement des compétences interactionnelles, qui sont situées et inscrites dans la séquentialité des échanges (Ravazzolo et al. 2015). Dans cette communication, nous nous penchons sur l'exploration de la plateforme FLEURON (https://fleuron.atilf.fr/), qui propose un corpus d'enregistrements audio et vidéo d'interactions naturelles documentant des situations représentatives de la vie d'un étudiant en France. Ces données sont dûment transcrites, sous-titrées, et interrogeables à l'aide d'outils spécifiques. En particulier, notre attention se focalise sur l'exploitation du concordancier multimédia de FLEURON. Cet outil permet de rechercher un mot, visualiser ses occurrences dans leur contexte de production et visionner l'extrait correspondant, aligné au tour de parole dans lequel le mot apparaît. Les utilisateurs peuvent ainsi se familiariser avec les usages du français parlé, en s'inscrivant dans un parcours d'apprentissage et de conscientisation sociolangagière (André & Ciekanski 2018). En classe de FLE à l'université, l'accompagnement des apprenants dans l'exploration de cette plateforme est mené par des enseignants qui présentent l'interface et montrent le fonctionnement des outils. Nous étudions le processus de découverte linguistique qui mène au repérage de récurrences et à la formalisation de règles chez les apprenants. À l'aide du concordancier, ils observent les occurrences de certaines formes en contexte et se penchent sur leurs régularités distributionnelles, selon les principes du data-driven learning (Johns 1991).

Nous proposons une analyse séquentielle et multimodale des interactions (Traverso 2016) entre enseignants et apprenants afin de mettre en évidence le caractère temporel du processus d'apprentissage s'appuyant sur ces ressources numériques.

Bibliographie :

ANDRÉ V. & CIEKANSKI M. (2018). Apprendre à interagir à l'oral à partir d'un concordancier multimodal: effets sur le développement de la conscience langagière et sur l'autonomie de l'apprenant dans le dispositif FLEURON. Echanger Pour Apprendre en Ligne, Grenoble, France, [hal-01996477].

BOULTON A. & TYNE H. (2014). Des documents authentiques aux corpus: démarches pour l'apprentissage des langues. Paris: Didier.

JOHNS, T. (1991). Should you be persuaded: Two samples of data-driven learning materials. English Language Research Journal, 4, p.1-16.

RAVAZZOLO E., TRAVERSO V., JOUIN E. & VIGNER G. (2015). Interactions, dialogues, conversations: l'oral en FLE. Paris: Hachette.

TRAVERSO V. (2016). Décrire le français parlé en interaction. Paris: Ophrys.

Mots-clés : Corpus oraux ; Data ; Driven Learning ; FLE ; Analyse des interactions



2. Didactique

BOUDJIR Ilhem - La norme victime de sa survalorisation

Axe choisi : le discours sur la norme

Admettre la présence de la variation langagière implique inévitablement la reconnaissance d'une norme linguistique. L'enseignement du fle, comme celui des autres langues étrangères, passe en général par un premier geste qui consiste à éliminer de la langue que nous transmettons aux apprenants toute forme de variation. L'enseignement se construit alors à travers la transmission d'une norme. Pour la grande majorité des francophones, la norme du français est celle de la langue écrite. C'est la norme promue de facto dans l'enseignement scolaire, qui joue un rôle fondamental dans la propagation du « bon français »: elle est utilisée dans les manuels scolaires et elle est requise implicitement dans les productions écrites des élèves. Cette norme est ensuite observée partout dans la vie de tous les jours, dans la presse, dans le commerce, dans l'administration, etc.

La norme suscite en effet, de plus en plus de débats en didactique des langues. Elle représente le socle de l'enseignement- apprentissage du fle ; son caractère prescriptif interpelle cependant les sociolinguistes qui prônent la diversité linguistique désignée par la «variation». Il est admis depuis fort longtemps parmi les chercheurs en didactique et les sociolinguistes, qu'il n'existe pas une norme, mais bien des normes, des usages, liés à des situations de discours et déterminés en tant que tel par un ensemble de « règles ». Ainsi, pour (Michel Dabène 1982, 63), toutes les « pratiques langagières » méritent de faire l'objet d'un enseignement- apprentissage, « même si leur grammaticalité est douteuse », dès lors qu' « elles sont attestées et acceptées par la communauté parlante comme étant « du français », quelles que soient, par ailleurs, les marques sociales qui peuvent leur être attribuées ». Pourtant, sur le terrain, force est de constater que c'est la norme prescriptive qui domine. Dans cette perspective, nous interrogeons les conséquences de la survalorisation de la norme scolaire dans l'enseignement - apprentissage du fle, tant au niveau pédagogique qu'au niveau sociolinguistique. Nous supposons à cet effet, qu'une pédagogie impartiale du fait de la langue serait nécessaire afin de concilier les perspectives normatives, descriptives et fonctionnelles pour que le français comme langue étrangère soit enseigné de façon efficace.

Références bibliographiques

- Bertucci, M. M., Corblin, C. (2004). Quel français enseigner à l'école ? Les programmes de français face à la diversité linguistique, L'Harmattan, Paris.

- Bulot, T., Blanchet, P. (2013). Une introduction à la sociolinguistique : Pour l'étude des dynamiques de la langue française dans le monde.Editions des Archives Contemporaines.

- Dabene, M. (1982). Normes d'enseignement, normes d'apprentissage, Le Français dans le monde, nº 169, pp.61-67, Paris : Hachette.

- Gueunier, Nicole, (1978). Les français devant la norme, Champion

- Rey, A. (1972). Usage, jugements et prescriptions linguistiques, Langue française, n°16.

- Siouffi, G., Steuckardt, A. (eds.) (2007), Les linguistes et la norme, Berne, Peter Lang.

Mots-clés : norme ; fle ; variation ; linguistique ; didactique


HAYEZ Cécile / MARAVELAKI Aphrodite - Éléments pour une didactique réaliste du français langue d'apprentissage

En Belgique francophone, la formation des enseignants traverse une phase de profonds remaniements. Au cœur de ceux-ci se trouve la question de la langue d'apprentissage (outil de formation et objet didactique). Aujourd'hui, on sait combien les obstacles liés à une maitirise suffisante de celle-ci rejaillissent sur l'ensemble des parcours de vies socioprofessionnelles. C'est pourquoi, en accord avec une recommandation du groupe disciplinaire « Français » du Pacte d'excellence, nous pensons qu'il est urgent de repenser la formation en français de tous les futurs enseignants du tronc commun. Plusieurs études portent sur l'importance du curriculum dans le supérieur (Diamont, 2011). Ce concept se distingue du programme, qui décrit, souvent de façon linéaire, les intitulés de cours (Asdifle, 2003). Le curriculum est multidimensionnel et interdisciplinaire et privilégie les processus pour arriver aux buts escomptés plutôt qu'une accumulation de cours, de crédits ou d'unités de formation. Dans cette communication, nous proposerons d'analyser la situation actuelle à partir des descriptifs de cours des établissements d'enseignement supérieur impliqués dans la formation des enseignants et de notre expérience comme enseignantes/chercheuses sur le terrain. Nous comparerons ensuite ces contenus avec les exigences qu'impose une société de la littératie (fonctionnelle, scolaire et numérique). Sur base de quoi, nous proposerons des pistes concrètes pour une didactique réaliste du français langue d'apprentissage au-delà du clivage langue maternelle/langue étrangère. En effet, la formation des enseignants en français serait plus efficace si elle était conçue sur un continuum allant de la langue maternelle à la langue étrangère en passant par la langue d'apprentissage, afin d'outiller pleinement le futur enseignant pour affronter une diversité toujours plus importante et déclinée en de nombreux profils (issus de l'immigration ou pas, issus de milieux (dé)favorisés, sous-scolarisés, infrascolarisés, en grand retard scolaire ou « à l'heure »...).

ASDIFLE (2003). Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde. Paris: CLE international.

Diamond, R. M. (2011). Designing and Assessing Courses and Curricula: A Practical Guide. San Francisco: Jossey-Bass.

Maravelaki, A. (2013). Devenir prof de FLE en Belgique francophone : de la construction du curriculum à l'invention d'une nouvelle identité. Dans M. Berré, P. Hadermann et R. Laurent, La formation des enseignants de FLE/S en Belgique : un état des lieux. Le Langage et l'Homme, vol. XXXXVIII, n° 1

Pacte d'excellence (2016). Rapport du groupe de travail disciplinaire « Lecture-Français ».

Mots-clés : curriculum ; français langue maternelle ; français langue étrangère ; français langue d'enseignement


ROYER Sabrina - La construction de la part langagière intériorisée : analyse des interactions dans l'activité d'apprentissage pour la didactique du FOS

La démarche en français sur objectif spécifique (FOS) s'appuie sur une étape importante de l'analyse des documents authentiques pour constituer des programmes de formation sur mesure. Elle prend en compte la langue extériorisée dans les échanges professionnels à savoir par exemple les documents écrits, les protocoles de travail et l'enregistrement de conversations tirées du milieu professionnel (Mangiante, 2018). Néanmoins, les institutions qui encadrent l'insertion des migrants tels que Pôle emploi ou l'OFII placent les migrants dans les formations de métiers en tension (Pôle emploi, 2019) afin de pallier le manque d'employés. Il apparaît que dans ces métiers où la part langagière extériorisée est plus latente, la réflexion pour être en mesure de savoir agir dans une situation imprévue, passe par l'appropriation des consignes de travail orales ou écrites, mais aussi par les échanges avec le formateur professionnel (Le Boterf, 2011).

Nous nous intéresserons aux questions suivantes : de quelle manière les interactions dans l'espace de la formation professionnelle initiale aident-elles à construire les prémisses de cette part de langage intériorisé nécessaire pour aller au-delà du prescrit? Comment mettre en valeur ces ressources non verbales au sein des formations en FOS-FLP?

Tout d'abord, nous présenterons le corpus tiré de situations d'apprentissage du métier d'agent de propreté qui possède une forte part langagière intériorisée, avec plus particulièrement une attention sur la phase de démonstration de l'action par l'enseignant-formateur, considéré comme « modèle d'intelligibilité de la pratique » (Barbier, 2011). De fait, elle fait office de phase de transmission d'un savoir entre un professionnel expérimenté et un novice plus applicatif dans le prolongement de ce qui se passe dans la salle de classe où la phase d'apprentissage est plus axée sur des contenus théoriques. Puis, dans une deuxième partie, nous exposerons une grille d'analyses pour comprendre la manière dont les différentes ressources verbales ou non verbales s'entrecroisent afin de former cette part langagière intériorisée. La dernière partie offre des propositions didactiques pour adapter ces ressources dans les formations FOS à destination du public migrant.

Barbier, J.-M. (2011). Savoirs théoriques et savoirs d'action. Presses Universitaires de France.

Le Boterf, G. (2011). Ingénierie et évaluation des compétences (6e éd.). Eyrolles.

Mangiante, J.-M. (2018). Évolution de la démarche FOS aujourd'hui: Une ingénierie de formation en langue en contextes professionnel et académique. Les cahiers de l'ASDIFLE, 29.

Pôle emploi. (2019). Top 10 en nombre de projets de recrutement non saisonniers en 2019 par Métier. Pôle emploi. https://statistiques.pole-emploi.org/bmo/bmo?graph=1&in=2&le=0&tu=10&pp=2019

Mots-clés : FOS ; part langagière intériorisée


DERROUICH Leila (Université de Namur) et

MARAVELAKI Aphrodit (Haute École de Namur-Liège-Luxembourg [HENALLUX])

Le défi de l’enseignement/apprentissage de la langue française dans un contexte migratoire : le cas des réfugiés/demandeurs d’asile en Wallonie

En Belgique, l'afflux de réfugiés n'est pas nouveau en soi. La Belgique a déjà connu plusieurs vagues mais, en 2015, l'ouverture massive des centres en Wallonie a multiplié les efforts pour répondre aux nombreux besoins en matière d'apprentissage du français par ces réfugiés.

En effet, l'apprentissage de la langue d'accueil constitue l'un des plus grands défis de la migration tout particulièrement l'intégration et le maintien de la cohésion sociale qui ne sont possibles qu'à travers l'accès de ces migrants à la formation comme en atteste l'article 14.2 de la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant (1977).

Ces dernières années, l'enseignement du FLE chez les adultes réfugiés et issus de l'immigration s'est en quelque sorte « professionnalisé » en Belgique francophone. Le parcours d'intégration rendu obligatoire à partir de 2014, avec 120 heures de cours de langue et 20 heures de citoyenneté, qui sont passées par la suite à 400 heures de langue et 60 heures de citoyenneté... a contribué à rendre à ce domaine ses lettres de noblesse et une certaine reconnaissance.

Il s'agit d'un domaine à part entière qui s'inscrit dès lors dans un apprentissage « complexe » et qui fait appel à de nombreux domaines qui interagissent entre eux (aspect linguistique, culturel, didactique multiculturelle, contexte historique...), une véritable mosaïque de savoirs et savoir-faire (Conseil de l'Europe, projet ILMA, 2019).

Dans le cadre de notre projet, nous prenons en considération tout ceci afin de proposer aux apprenants des outils pédagogiques adaptés à leurs besoins, basés essentiellement sur une approche actionnelle, dans laquelle l'apprenant est pensé comme étant « un acteur social » en accord avec le Cadre européen commun de référence (CECRL, 2001). Il s'agit donc d'une adaptation à des contextes dans lesquels il a des tâches à accomplir. Nous proposons donc une entrée discursive/fonctionnelle à la langue ou les leçons se présentent sous forme d'actes de parole à travers lesquels l'apprentissage linguistique découle de l'utilisation des genres discursifs et non l'inverse (Ce type d'enseignement/apprentissage en contexte était déstabilisant aux apprenants au départ, car ils ne connaissaient que les méthodologies traditionnelles (listes de vocabulaires, leçons de grammaire...) dont ils avaient la peine de faire le deuil.

Conseil de l'Europe, Projet ILMA. https://www.coe.int/fr/web/lang-migrants/context-and-objectives-of-the-liam-project

Conseil de l'Europe (2001). Cadre européen commun de référence pour les langues. Paris, Didier/Hatier

Mots-clés : FOU ; contexte migratoire adulte ; approche active ; compétence discursive



3. Plurilinguisme

BENADLA Ilhem - Algériens comme lieu de déploiement des pratiques bi-plurilingues

Au cours des dernières années, le cyberespace est devenu un terrain central d'interaction et de socialisation. Il a donné lieu à de nouveaux questionnements et de nouveaux corpus. Ce terrain de recherche encore fertile surtout en Algérie, et ouvert en permanence, offre une diversité de corpus en sociolinguistique vu la multitude vertigineuse des conversations incessantes et riches de toutes formes.

Le tchat IRC est un espace privilégié des pratiques bi-plurilingues. Dans un cadre ludogénétique (PIEROZAK, 2003), les tchateurs exploitent les ressources de leurs répertoires langagiers (Darija, Arabe Standard, Français, Tamazight, Anglais) pour mener à bien leurs discussions. Outre le caractère plurilingue des messages, les tchateurs développent des solutions créatives ainsi que la darija écrite en graphie latine. Cela donne une idée novatrice de l'usage de la langue et fait émerger un sociolecte spécifique à cette communauté branchée.

En nous basant sur un corpus constitué de conversations publiques extraites du salon de discussion #Algeriens, nous tentons de comprendre comment se fait la gestion du bi-plurilinguisme dans cet espace ? Quels sont les choix opérés par les tchateurs et quelles sont les particularités qui en résultent ?

Mots-clés : tchat IRC ; Cyberespace ; tchateurs algériens ; pratiques bi ; plurilingues


BENBOUZIANE Hafida - L'usage du français dans les parlers des lycéens mostagnémois

Le parler est une forme de la langue utilisée dans un groupe social déterminé comme signe de l'appartenance ou de la volonté d'appartenir à ce groupe social. C'est aussi un lieu de démarcation et d'expression identitaire, car il se caractérise par une forte manipulation lexicale et une importante alternance codique notamment dans un contexte comme la société algérienne qui se distingue par sa richesse linguistique et son plurilinguisme.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons étudié et analysé les parlers des lycéens mostaganémois car ces parlers sont l'expression d'un mouvement générationnel posant la différence par l'affirmation des identités. Nous avons tenté de montrer qu'en plus de la variable diatopique, qui est très pertinente dans le code switching, s'ajoutent d'autres facteurs tout aussi importants, tels que : les représentations linguistiques, l'environnement familial, ainsi que la classe sociale à laquelle appartiennent les locuteurs.

L'approche ethno-sociolinguistique nous a permis d'appréhender les variations que présentent les usages des langues dans les deux contextes distincts qui nous intéressent (urbain et rural), et de tenter de les comprendre afin d'expliquer les comportements langagiers de locuteurs d'une même communauté ; mais évoluant dans des sphères linguistiques différentes.

Les enquêtes menées sur le terrain (l'observation participante et les enquêtes directive et semi-directives) nous ont permis, d'une part de décrire minutieusement ces parlers jeunes et de dégager leurs particularités (le recours à l'alternance codique et aux emprunts), et d'autre part d'analyser les valeurs que ces jeunes locuteurs attribuent aux langues qui les entourent de manière générale, et au français en particulier, grâce à l'analyse des discours épilinguistiques qui demeure une source de données intéressante afin d'accéder directement aux représentations linguistiques de nos enquêtés.

Références bibliographiques

Blanchet Ph., 2000, La linguistique de terrain, méthodes et théorie, une approche ethno sociolinguistique, Le PUR.

Boyer, H., 1997, Plurilinguisme : « contacts» ou « conflit de langue», Paris, L'Harmattan.

Bulot, Th., 2004, Les parlers jeunes. Pratiques urbaines et sociales, Presses universitaires de Rennes.

Bulot, Th., 2004, Les parlers jeunes et la mémoire sociolinguistique. Questionnements sur l'urbanité langagière, Cahiers de sociolinguistique (n° 9), Presse universitaire de Rennes, Rennes, 133 à 147.

Deroy, L., 1965, L'emprunt linguistique, Paris, Les belles lettres.

Gumperz, J., 1989, Sociolinguistique interactionnelle, une approche interprétative, Paris, L'Harmattan.

Mathey M., 1997, Les langues et leurs images, AELPL, Neuchâtel.

Laroussi F., 1996, Plurilinguisme et identités au Maghreb, de, Université de Rouen.

Laroussi F., 2002, La diglossie arabe revisitée. Quelques réflexions à propos de la situation, Insaniyat 17-18, 129-153.

Singy, P., 2006, Le parler jeune peut être un handicap, Migros Magazine 31.

Taleb Ibrahimi K., 1997, Les Algériens et leur(s) langue(s), Eléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne, Alger : El Hikma.

Mots-clés : parlers jeunes ; Représentations linguistiques ; La variation diatopique


BEN SALAH Laila - Le code switching arabe marocain français dans les parlers jeunes à Fès

Les jeunes créent une langue qui leur est propre caractérisée par sa cruauté et par sa productivité lexicale. Ainsi, l'observation des pratiques linguistiques des jeunes au Maroc montre, à travers nos enquêtes de terrain, que plusieurs langues sont utilisées par les groupes identitaires jeunes se manifestant, essentiellement, dans l'alternance codique arabe marocain-français et l'emprunt de l'anglais et surtout du français. À travers le recours au contact de langues, ces jeunes expriment des besoins non seulement communicatifs, mais surtout identitaires. L'observation directe du phénomène partout au Maroc et la rareté des études qui lui sont dédiées par rapport à d'autres pays, la France entre autres, nous poussent à chercher des éléments de réponse à la question suivante : comment les jeunes à Fès utilisent la langue française dans des énoncés bilingues pour s'identifier générationnellement dans les espaces de sociabilité ? Nous allons essayer de décrire les manifestations du contact de langues dans les pratiques langagières de jeunes fassis. Nous allons interroger le lien entre le contact de langue et le parler jeune dans la mesure où les frontières entre les langues sont absentes pour des raisons de mobilité, d'ouverture sur d'autres groupes et pour des fins identitaires liées aux représentations linguistiques des informateurs jeunes. Cette recherche est le résultat d'une enquête de terrain auprès de jeunes informateurs de la ville de Fès (étudiants, délinquants et personnes qui travaillent) dont l'âge varie entre seize et trente ans. Cette enquête a été effectuée au cours de l'année 2011 et 2014. Il s'agit de plus de trois heures d'enregistrement faite dans la maison de l'enquêtrice, dans des cafés et même dans la maison de l'un des informateurs.

Bibliographie :

Billiez J., Trimaille C., 2001, « Plurilinguisme, variations, insertion scolaire et sociale » dans Langage et société n° 98.

urbaine, Payot, Paris.

Caubet D., Billiez J., Bulot T. (eds), 2004, Parlers Jeunes, ici et là-bas. Pratiques et représentations, L'Harmattan, Paris.

Lamizet B., 2004, « Y-a-t-il un parler jeune ? » dans Bulot Th (dir.), Les parlers jeunes. Pratiques urbaines et sociales, Cahiers de sociolinguistique n° 9, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, pp.75-99.

Lepoutre D., 1997, Coeur de banlieue. Codes, rites et langages, Odile Jacob, Paris.

Trimaille C., 2004, « Etude de parlers de jeunes urbains en France. Eléments pour un état des lieux » dans Bulot T. (dir.), Les parlers jeunes. Pratiques urbaines et sociales, Cahiers de sociolinguistique n° 9, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, pp. 99-132.

Zaimari K., 2008, « Le code switching au Maroc : l'arabe marocain au contact du français », l'Harmattan, Paris.

Mots-clés : parlers jeunes ; code switching ; français ; arabe marocain


EL KHAYAOUI Mohammed - Le français du Maroc et l'insécurité linguistique : discours sur les représentations. Le cas des enseignants du secondaire

Nous avons essayé dans cette recherche d'examiner la notion d'insécurité linguistique vécue par les enseignants marocains de la langue française (le secondaire qualifiant et collégial). Certes, ces acteurs jouent un rôle important dans la vie des langues dans notre communauté surtout dans un contexte plurilingue où on assiste à un climat linguistique qui n'est pas du tout serein. Sur le plan social, les langues en contact sont dans un perpétuel conflit, parfois patent et souvent latent. Cette situation conflictuelle a sans aucun doute des répercussions sur les attitudes développées vis-à-vis des langues en présence, notamment la langue française. En fait, un tel contexte engendre de l'insécurité linguistique. L'hypothèse générale que nous avons avancée dans notre recherche s'inscrit dans l'affirmation suivante : « il existe une relation nette entre l'insécurité linguistique et le plurilinguisme ». Par ailleurs, ce concept d'insécurité linguistique a été exploré dans les années 60. Par la suite, les communautés francophones périphériques ont abordé cette question (Cas du français Québécois, français en communauté de Belgique). De fait, le Maroc est un pays francophone périphérique, il convient, alors, d'aborder le concept de l'insécurité linguistique dans le contexte marocain. Pour ce faire, nous avons pris le modèle de M. Francard afin de guider notre réflexion au cours de cette recherche. Ainsi, nous avons construit un corpus pour une étude quantitative et qualitative. La méthodologie retenue a été celle d'entretiens individuels semi-directifs (soumettre une série de stéréotypes largement répandus dans le contexte marocain) complétés par le questionnaire écrit pour vérifier la significativité de certaines variables dans l'étude de cette notion (sexe, niveau de formation, niveau d'étude). Le fait d'analyser la conscience linguistique des enseignants n'est pas facile à opérer. Leur discours épilinguistique est, parfois, ambigu voire contradictoire. Néanmoins, une telle démarche est révélatrice des principales attitudes et représentations linguistiques des enseignants à l'égard de la langue, notamment la conscience à la norme dans différents contextes pour vérifier la légitimité du français du Maroc. Ainsi, la mise en évidence des manifestations de l'insécurité linguistique est abordée en relation avec la perception stéréotypée d'un locuteur natif supposé idéal (norme exogène). Cette recherche nous a permis de dessiner quelques points de repères sur ce concept vécu ou représenté indirectement par les enseignants. Cependant, nous ne prétendons pas avoir été exhaustif dans cette recherche. Certes, nous estimons qu'elle pourrait livrer quelques points de repères à des recherches ultérieures.


GHAZI Zakaria - Le français au Maroc à l'ère plurilingue : est-il toujours une langue utile et pertinente ?

Bien des débats sur les langues et les savoirs scolaires butent de nos jours contre les questions de la diversité, du contexte et de l'utilité. À quel moment, par exemple, l'apprentissage d'une langue devient-il utile et pertinent ? Et quels rapports, symboliques, sociaux et linguistiques entretenons-nous avec telle ou telle langue ? Dans ce sens, l'importance des statuts des langues va crescendo dans l'objectif de définir la place de chacune dans notre paysage linguistique. Laquelle définition aurait, sans scrupule aucun, des retombées éducatives et disciplinaires quant à la transposition didactique des savoirs et à la planification pédagogique.

Point n'est besoin de rappeler que l'enseignement du français au Maroc repose sur un substrat historique, legs du passé colonial, et dépend des spécificités contextuelles, intrinsèques aux besoins des publics hétérogènes et des réalités politiques et sociolinguistiques environnantes. Le champ linguistique du Maroc indépendant était marqué par une polyphonie particulière, sous-tendue par deux catégories fondamentales : les « langues véhiculaires » telles que l'arabe classique et le français, et les « langues vernaculaires » que sont le berbère et les différents dialectes arabes. Mais deux pôles d'attraction se distinguèrent : d'un côté la langue arabe qui concrétise l'attachement aux valeurs de la nation, la tradition, l'authenticité et le passé glorieux, et de l'autre côté la langue française qui symbolise la « Modernité » et la caution pour le développement postcolonial souhaité, et (re)présente ipso facto un modèle de réussite sociale.

Cependant, la demande actuelle pour l'apprentissage du français est quelque peu moins importante aujourd'hui qu'hier, et les raisons sont multiples de par les réalités politiques et économiques qui s'imposent de nos jours.

Reprenons la question de départ qui fera l'objet de notre intervention : à quel moment donc l'enseignement/apprentissage d'une langue, du français en l'occurrence, devient-il utile et pertinent ? Pour des raisons d'ouvertures intellectuelles et humaines comme le stipule la Charte Nationale de l'Éducation et de la Formation ? C'est l'argument qui va de soi. Apprendre une langue, étrangère ou seconde, c'est adopter une posture nouvelle, c'est acquérir un langage différent, une culture différente et des usages syntaxiques et symboliques qui nous étaient étrangers. Ceci est source de richesse, puisque ces aspects augurent par essence une altérité au bon sens.

Références bibliographiques :

Bel Lakhdar, A., Tradition et modernité pédagogiques au Maroc, Vol. 1 : former et éduquer l'outre-sujet, GRAFE, Université Mohammed V, Rabat, 2017.

Boukous, A., Société, langues et cultures au Maroc. Enjeux symboliques, Rabat, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, 1995.

Chevallard, Y., & Johsua, M.-A., La transposition didactique du savoir savant au savoir enseigné, Paris, La pensée sauvage, 1991.

Chiss J.-L., David J., Reuter Y., Didactique du français, état d'une discipline, Paris, Nathan pédagogie, 2005.


HADOUR Taoues - What prompts French users to use English on Twitter?

The widespread use of Twitter to communicate has an impact on the way people express their ideas, and it is altering language usage world-wide. Even traditional figures of linguistic prestige, such as professors, writers, and politicians, are producing nonstandard forms of language on Twitter (Squires & Iorio, 2014). Because of its popularity, in recent years, there has been a rise in research focusing on the automatic analysis of code-switching (CS) on Twitter in the field of linguistics. My large-scale study provides new insights into contemporary French linguistic and social behavior online by looking at the pragmatic functions of the use of two dominant languages English-French in tweets geolocated in France. My analysis draws on both Gumperz's analysis (1982) of discourse functions of CS as well as the recent Begum et al.'s study (2016) of functions of CS on Twitter. In this study, I investigate how French users interact online and what motivates a user to switch to English in tweets. In order to collect a large number of code-switched tweets, the data was collected in R (R Core Team, 2018) using the rtweet package (Kearney, 2018) to access and retrieve tweets located in France through Twitter's REST and stream APIs (Application Program Interface) using the software RStudio. The final dataset was filtered manually and six discourse functions were identified: feelings, advertising, quotations, discourse markers, phatic expressions, and translations.The results of the study show that French users switch to English most often on Twitter when they are expressing or talking about emotions. English words such as OMG, best, bae or crush are commonly used in the data.This study enables a deeper understanding of users' linguistic behavior online. The implications are important and allow for a rise in awareness of intercultural and cross-language exchanges.

References

Begum, R., Bali, K., Choudhury, M., Rudra, K., & Ganguly, N. (2016). Functions of Code-Switching in Tweets: An Annotation Scheme and Some Initial Experiments. Politics, 329437(48854), 23421.

Gumperz, J. J. (1982). Discourse strategies (Vol. 1). Cambridge University Press.

Kearney, M. W. (2018). rtweet: Collecting Twitter Data. R package version 0.6.8 164 Retrieved from https://cran.r-project.org/package=rtweet.

R Core Team (2018). R: A language and environment for statistical computing. R Foundation for Statistical Computing, Vienna, Austria. URL https://www.R- project.org/.

Squires, L., & Iorio, J. (2014). Tweets in the news: Legitimizing medium, standardizing form. Mediatization and sociolinguistic change, 36, 331-360.

HINAI Kosuke - Valeur commerciale du français mise au service de la revalorisation des dialectes régionaux au Japon

Cette recherche qui s'inscrit dans l'étude des représentations sur la langue française à l'étranger, vise à mettre en évidence les spécificités d'une stratégie publicitaire de valorisation consistant à tirer parti de l'image positive attribuée à des unités lexicales, diacritiques et textuelles issues ou apparentées au français afin de redorer l'image de certains dialectes régionaux qui souffrent actuellement d'une opinion plutôt négative chez les Japonais.

Depuis le milieu du 19ème siècle, en raison de facteurs diplomatiques et politiques, le japonais connaît une introduction accélérée des emprunts aux langues européennes (Kay 1995) et plus particulièrement de termes français issus des domaines de l'armée, des beaux-arts, de la musique, de la philosophie, du cosmétique et de la gastronomie (Aoki 2010). C'est sur ces deux derniers domaines que nous souhaitons porter notre attention, car nous observons non seulement des emprunts au français, mais aussi des créations linguistiques similaires à la langue française, mais ne respectant pas pour autant le sens ou l'usage standard habituel : c'est ce qu'on appelle le « franponais ». Selon Aoki, c'est surtout dans un contexte commercial que ces usages ont pour objectif principal d' « évoquer chez les consommateurs les qualités sensorielles d'objets liés à des stéréotypes français » (Aoki 2010). Autrement dit, « les ressemblances au français » semblent jouer un rôle stratégique croissant dans la société de consommation japonaise.

Dans cette perspective, nous étudierons des exemples attestés d'usages à des fins publicitaires du franponais (enseignes de magasin, noms de produits) à partir desquels nous essaierons de dégager ce que les usages du franponais et ses ressemblances au français impliquent, autrement dit, ses indexicalités (Hill 1998). Nous analyserons ensuite la nouvelle stratégie promotionnelle mise en œuvre par des entreprises et des institutions cherchant à faire évoluer les représentations stéréotypées qu'ont les Japonais des dialectes régionaux. Enfin, nous verrons comment elles revalorisent ces dialectes en employant des associations avec les ressemblances à la langue française.

Aoki, S. (2010) Les échanges franco-japonais à la lumière des emprunts lexicaux, J.-R. Klein et F. Thyrion (eds.), Les études françaises au Japon Tradition et renouveau, UCL presses universitaires de Louvain, pp. 127-140.

Hill, J.-H. (1998) Language, race, and white public space, American Anthropologist, Vol.100, No.3, Wiley, pp. 680-689.

Kay, G. (1995) English loanwords in Japanese, World Englishes, Vol.14, No.1, Basil Black well Ltd, pp. 67-76.

Mots-clés : franponais ; revalorisation ; indexicalité ; dialecte régional


SEFROU Hafid - Les représentations des langues dans un contexte plurilingue : Une nouvelle hiérarchisation chez les lycéens d'AJDIR

Dans le cadre d'une approche sociolinguistique (Labov ,1976 ; Calvet ,1995 ; Moreau, 1997 ; Messaoudi, 2003), notre communication cherche à exposer les différentes représentations sociolinguistiques des langues en contact dans un contexte scolaire plurilingue, engendrant des fois des tensions et des situations conflictuelles (Calvet, 1999). Notre enquête a eu comme objet les élèves de 2e année du Baccalauréat (Option : lettres) du lycée secondaire qualifiant d'AJDIR (région berbérophone) situé à 52 km du nord de Taza (Maroc). Le questionnaire de cette enquête met en lumière des attitudes, des sentiments et des comportements linguistiques révélant les valeurs qu'accordent ces élèves à ces langues, et comment ils les hiérarchisent. L'enquête menée vers la fin du deuxième semestre de l'année scolaire 2019/2020, révèle la valorisation voire la survalorisation de la langue berbère et les langues étrangères, plus particulièrement le Français, au détriment de la langue arabe.

Mots-clés : Plurilinguisme ; contact des langues ; statut des langues ; représentations ; identité


4. Description linguistique

BALLÉ-DE CANTELOUBE Hélène - Variations et invariants de la négation : le cas de rien et personne en français

« De ‘pas' mis avec ‘rien' tu fais la récidive, et c'est, comme on t'a dit, trop d'une négative » reproche à la servante l'une des Femmes savantesde Molière. La réplique est célèbre, qui semble pourtant transcrire des usages encore présents : aussi peut-on entendre au Québec (1) je n'en ai pas parlé à personne pour ‘je n'en ai parlé à personne'. Si, dans le paradigme logique, la cooccurrence de rien ou personne avec pas dans un énoncé donne lieu à une lecture à double négation (‘j'en ai parlé à tout le monde'), la lecture à concordance négative n'est pas exclue, y compris chez des locuteurs francophones natifs de France.

Notre communication se propose de comparer, à partir d'un corpus d'énoncés oraux et écrits, le fonctionnement de la négation en français de France à celui de variétés de la zone américano-caribéenne. Ainsi, en créole, moun renvoie à la catégorie nominale, ponmoun (‘aucune personne') et pèsonn prennent le sens négatif, la particule ne étant absente. Pour autant, l'usage de l'un n'interdit pas celui de l'autre : on peut donc entendre (et écrire) (2) i pa vwè ponmoun (‘il n'a vu personne'), (3) i pa vwè pèsonn et (4) i pa vwè moun-la. En rendant compte de ces variations et variétés dans un ancrage synchronique, nous montrerons qu'il existe, malgré leur autonomie, des points de convergence dans le fonctionnement de la négation de ces langues qui peuvent permettre de comprendre les usages et interprétations de personne et rien. Ainsi, en reliant les langues à leur histoire commune, peuvent apparaitre ce qui, à travers les variations, constitue des invariants.

Chaudenson R. (2001), « Créoles français et variétés de français », L'Information Grammaticale, 89, 32-37. DOI : 10.3406/igram.2001.2715

Culioli A. (1988), « La négation : marqueurs et opérations », Pour une linguistique de l'énonciation. Opérations et représentations, Gap : Ophrys, 1990, 91-113.

Dagnac A. & Burnett H. (2016), « Concordance négative optionnelle : contrastes forts et faibles entre picard et québécois », Congrès Mondial de Linguistique Française, ILF, Juillet 2016, Tours, France.

DÉprez V. (2003), « Concordance négative, syntaxe des mots-N et variation dialectale », Cahiers de Linguistique française, 25, 97-118.

Muller C. (2010). « La concordance négative revisitée », in P. Blumenthal et S. Mejri (eds), Les configurations du sens, Stuttgart : Franz Steiner Verlag, 73-88.

Mots-clés : négation ; français ; variations ; variétés ; usages


BRYSBAERT Jorina / LAHOUSSE Karen - Sujets contrastifs modifiés par des adverbes contrastifs : variation diaphasique

Le but de cet exposé est de jeter une lumière nouvelle sur l'emploi de sujets contrastifs (SCs), en présentant une analyse des cas peu étudiés où un adverbe contrastif (AC) figure entre le sujet et le verbe (1) :

(1) En ce qui concerne les compétitions 2010-2011, si les dates sont d'ores et déjà fixées, les lieux, par contre, ne seront pas connus avant la mi-septembre. (Est Républicain)

Les études antérieures sur les ACs se concentrent surtout sur les types de relations discursives qu'ils expriment et se basent presque uniquement sur le français (écrit) formel (Danjou-Flaux 1980). Celles qui prennent en compte leur position syntaxique sont rares (Csűry 2001, Dupont 2015) et ne donnent que très peu d'attention à des cas comme (1). En outre, une analyse systématique de leur distribution dans différents registres manque encore. Nous présenterons les résultats d'une analyse de corpus de SCs modifiés par un AC en français écrit formel (https://www.ortolang.fr/market/corpora/est_republicain), écrit informel (https://fr.answers.yahoo.com/) et parlé informel (http://cfpp2000.univ-paris3.fr/). Nous montrerons d'abord que la fréquence des SCs modifiés par un AC varie selon le registre. Les ACs se trouvent plus souvent entre le sujet et le verbe en français formel qu'en français informel. Ceci pourrait être dû à une interaction différente entre des ACs et d'autres marqueurs contrastifs (p.ex. si adversatif (1)) dans différents registres. Nous montrerons ensuite que les SCs modifiés par un AC et les entités avec lesquelles ils sont contrastés forment souvent des sous-topiques d'un topique plus général (les dates et les lieux dans (1) concernent ‘les informations pratiques'). Ceci est soutenu par le fait que le SC modifié est le plus fréquemment un NP lexical. Nos données montrent également que les ACs ne sont que rarement combinés avec d'autres marqueurs contrastifs, ce qui confirme notre hypothèse dans III, et que le SC n'est presque jamais mis en évidence par une autre construction (p.ex. dislocation) en plus de l'AC.

Csűry, István. 2001. Le champ lexical de mais: Étude lexico-grammaticale des termes d'opposition du français contemporain dans un cadre textologique. Debrecen: Kossuth Egyetemi Kiadó.

Danjou-Flaux, Nelly. 1980. Au contraire, par contre, en revanche: Une évaluation de la synonymie. In Synonymies, 123-148. Lille: Presses Universitaires de Lille.

Dupont, Maïté. 2015. Word order in English and French: The position of English and French adverbial connectors of contrast. English Text Construction 8(1). 88-124.

Mots-clés : sujets contrastifs ; adverbes contrastifs ; analyse de corpus ; registre


HSU Hung-Hsin Romain - Les cas de doubles adverbes initiaux, comme aussi peut-être, en construction inversée du sujet-verbe

Le sujet sur l'inversion du sujet-verbe est vastement abordé au sein de la recherche linguistique (Le Bidois 1952, Jonare 1976, Korzen 1996, Riegel et al. 2008, Karssenberg & Lahousse 2014, etc.) En principe, l'inversion se peut déclencher par différentes sortes d'éléments, tels que le verbe, le complément circonstanciel et les adverbes phrastiques.

Néanmoins, on trouve des inversions à deux adverbes phrastiques en position initiale : peut-être aussi le cherchait-il. A notre connaissance, ce genre de sujet n'est pas encore suffisamment traité. Cette étude traitera de problèmes autours de cette variation structurelle.

Selon notre recensement, l'occurrence la plus évidente de deux adverbes phrastiques est celle d'avec peut-être et aussi, qui peuvent tous les deux apparaître en position initiale : Aussi peut-être n'y a-t-il pas de mauvais enfants sans mauvais mères. / Peut-être aussi ai-je trop de vanité. Pourtant, la répartition n'est pas égale : on dénombre 35 cas de Aussi initial et 88 cas de Peut-être initial. Au vu de cette distinction, nous étudierons la paire aussi peut-être et peut-être aussi.

Pour les analyses, nous examinons d'abord des détails de forme, notamment les types d'inversion, des classes de verbes, qui se peuvent jouer dans cette construction.

Puisque l'adverbe aussi est une polysémie, nous essayons de déterminer le sens de cet adverbe dans nos données. Enfin, en nous appuyant sur l'approche de Cinque (1999), nous traitons le problème d'interface syntaxique et sémantique.


PELLET Stéphanie - ‘Du coup', on peut ou pas ? Les limites du discours normatif face à une analyse pragmatique

Le marqueur de discours ‘du coup' a fait l'objet répété de réflexions critiques par deux instances qui se présentent comme détenteurs d'autorité sur les usages linguistiques : l'Académie Française, sur le forum ‘Dire, ne pas dire' (6 novembre 2014), puis par la suite, l'hebdomadaire Le Figaro, sur son forum dédié aux usages langagiers (9 septembre 2017). Les deux forums en ligne présentent la locution comme un emploi fautif et associent l'expression à ‘un tic de langage', ‘un simple adverbe de discours sans sens particulier'. Dans les deux cas, le commentaire est anonyme, soulignant un positionnement institutionnel plutôt qu'individuel et ainsi sa valeur absolue. Cette prise de position reflète le fait que ‘du coup' se retrouve avec une fréquence élevée dans le discours parlé (globalement associé à des paramètres d'informalité et de spontanéité), mais aussi dans le discours écrit, y compris le discours académique. L'expression se prête ainsi à une réflexion sur la tension entre discours normatif et usages. L'objectif de cette étude est de montrer que la position prescriptive soutenue par les forums de l'Académie française et du Figaro est en réalité sans fondement. Une analyse pragmatique des emplois discursifs de ‘du coup' situe cette expression parmi les locutions liées à l'expression de relations logiques (cf. ‘donc', ‘par conséquent') mais propose des critères distinctifs à partir d'un corpus diversifié (registre informel proche de la langue parlée d'un forum de discussion ; registre formel et écrit d'un article académique en linguistique). Les critères distinctifs s'appuient sur la représentation de l'information dans le discours, les usages dialogiques et monologiques, et les concomitances possibles avec ‘du coup' (cf. ‘et du coup', ‘alors du coup'). ‘Du coup' a une valeur réactive permettant au locuteur (ou à l'interlocuteur en situation dialogique) de proposer un argument dont la logique est à envisager dans le contexte d'une information nouvellement partagée. L'expression est distinctive d'autres marqueurs de conséquence par cet effet d'instantanéité. La jonction syntaxique est particulièrement manifeste dans la distinction dialogique-monologique, mettant en avant la possibilité de ‘du coup' de participer à la construction d'un registre élevé (cf. académique), en déplaçant notamment la locution en position postérieure (souvent post-verbale) par rapport à la position de défaut interpropositionnelle. L'analyse discursive conduit donc à soutenir que ‘du coup' participe en fait de manière spécifique à la construction de la cohérence énonciative.

Mots-clés : norme ; marqueur de discours ; pragmatique ; cohérence


SCHOONJANS Steven - IAW structures in French: the living dead?

The notion ‘IAW structure' goes back to Stefanowitsch's (2011) analysis of what he calls the WhIAW construction, i.e. the use of particular intensifying elements in wh-questions to signal “the speaker's incomprehension with regard to the sentence proposition” (Stefanowitsch 2011:190, my translation). These elements, including German in aller Welt ‘in all world' and zum Teufel ‘the devil' and English the fuck and the hell (as illustrated in (1-2)), are called IAW structures.

(1) Warum in aller Welt sollte man ein Rockkonzert besuchen?

‘Why in all world would you want to attend a rock concert?'

(2) What the hell is this?

While English and German have a considerable amount of IAW structures, their type and token frequencies in French are clearly lower, and reference works such as the Trésor de la Langue Française even claim typical examples such as diable ‘the devil' in (3) to be “désuet” (‘obsolete').

(3) Où diable peut-il avoir appris notre langue ?

‘Where the devil could he have learnt our language?'

Although it is true that French uses fewer IAW structures than German or English, saying that IAW structures are obsolete in French may be somewhat exaggerated. Quite the contrary, it seems that new IAW structures are coming up in French, including par la culotte de Merlin (‘by Merlin's underpants'):

(4) Pourquoi, par la culotte de Merlin, avait-elle mis sa baguette au fond de sa malle lorsqu'elle la remplissait ?

‘Why, by Merlin's underpants, did she put her sandwich at the bottom of her bag when she packed it?'

In this talk, I will first of all address the question why French has fewer IAW structures than its Germanic neighbors, discussing a few hypotheses including the proportion of wh-questions and general tendencies for expressing downtoning meanings (in the broad sense, i.e. including intensifying). In a second step, I will report on a study using different corpora (Frantext, Orpheo, Wikipedia) and internet data to show that while some IAW structures may indeed be obsolete, the category of French IAW structures as such is not. I will refer, among other things, to loans from English and to popular culture (Harry Potter, SpongeBob SquarePants) as explanations for the fact that the category still, to some extent, productive in present-day French.

Stefanowitsch, Anatol. 2011. “Keine Grammatik ohne Konstruktionen.” in: Engelberg, Stefan et al. (eds.), Sprachliches Wissen zwischen Lexikon und Grammatik. Berlin: De Gruyter. 181-210.

Mots-clés : IAW structures ; French ; contrastive linguistics ; variation ; creativity


SOULÉ Rémi - L'expression figée à la mode "faire la meuf" et son rôle sociolinguistique, entre inclusion et exclusion

Le figement est l'un des aspects du langage où se jouent les effets de mode les plus aigus. Fortement remarquables, les séquences figées se renouvellent en permanence, et il est intéressant de tenter de saisir ce qui préside à leurs usages. Des enquêtes de terrain menées auprès d'un public de collégiens dans une bibliothèque populaire du 19e arrondissement de Paris – d'abord par « observation brève et anonyme » (selon la méthode de Labov, 1976 : 126) sous couvert d'aide aux devoirs, puis par entretiens semi-dirigés menés de manière transparente –, ont permis d'établir un corpus d'expressions figées contemporaines, parmi lesquelles faire la meuf et quelques exemples formés sur le même modèle : faire la go, faire la tchoin, faire le mec. Ces enquêtes ont également recueilli des discours méta- ou épilinguistiques qui montrent des récurrences dans les comportements sociolinguistiques. Malgré un faible degré de figement, on constate avec faire la meuf une vocation à créer un effet sur un interlocuteur, en se mettant en scène soi-même. L'expression faire la meuf est utilisée pour porter un jugement, elle a donc le pouvoir de sélectionner les inclus des exclus. Son utilisation marque aussi une appartenance à une communauté plus ou moins fantasmée (on remarque l'importance d'influenceurs linguistiques), le rejet parallèle d'autres groupes sociaux ou encore la mise en place d'un éthos du locuteur. Des échelles de valeur sociolinguistique bien identifiables à l'intérieur de ce cercle des collégiens entrent en conflit avec une vision globale de ce qu'est le « bon français ». Faire la meuf et ses dérivés entraînent alors une auto-exclusion consciente des jeunes vis-à-vis de la société, et participe à des rapports inégalitaires. On se propose ici d'analyser le rôle que joue une unité phraséologique très fréquente et productive, qui incarne donc une variation contemporaine du français, qu'on pourrait appeler grossièrement « parler jeune », sur la base d'un corpus empirique.

Bibliographie sélective :

Bulot, Thierry, Les Parlers jeunes : pratiques urbaines et sociales, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2004.

Gadet, Françoise, Les Parlers jeunes dans l'Île-de-France multiculturelle, Paris : Orphys, 2017.

Gross, Gaston, Les Expressions figées en français, Paris : Orphys, 1996.

Labov, William, Sociolinguistique, Paris : Minuit, 1976.

Schapira, Charlotte, Les Stéréotypes en français : proverbes et autres formules, Paris : Orphys, 1999.


5. Apprentissage et enseignement

BELKESSA Lahlou - L’enseignement de la langue-culture française dans les collèges algériens privés et publics : un rapport à la langue différent et des pratiques didactiques divergentes

L'étude que nous avons menée, et que nous voulons présenter dans ce colloque, s'inscrit dans le domaine de la didactique du FLE. Elle trouve ancrage dans les travaux de Moore et al. (2001) et de Zarate (1993) autour des représentations des langues-cultures dans l'enseignement du français et dans les recherches de Abdallah-Pretceille (1992 ; 2013) de De Carlo (1998), Clanet (1990) et Louis (2009) sur l'approche interculturelle et la compétence interculturelle. Nous nous sommes intéressé, plus précisément, au rapport qu'entretient l'élève algérien avec la langue-culture française et au poids et au rôle de ce rapport dans l'enseignement du français dans une perspective comparative entre les collèges privés et les collèges publics. Pour pouvoir traiter de cette question, nous avons essayé de scruter les représentations des élèves inscrits dans les deux secteurs. Les résultats de l'enquête menée par questionnaire auprès de 150 élèves témoignent d'un rapport à la langue française différent d'un secteur à un autre. Les différences entre les deux secteurs sont encore accentuées par l'adoption de manuels scolaires présentant des éléments culturels différents. L'analyse de ces contenus culturels et de leur exploitation pédagogique nous a permis de mettre en exergue quelques contraintes pouvant entraver les tentatives de mise en place d'un enseignement interculturel dans les collèges algériens.

Notre intervention sera l'occasion pour nous de soumettre à la discussion le dispositif méthodologique que nous avons adopté et les différents résultats auxquels nous sommes parvenu.

Mots-clés : rapport à ; représentation ; interculturalité


HADJARAB Soraya - La langue française entre rejet et attraction en milieu estudiantin algérien

On admet, particulièrement, aujourd'hui que les représentations des sujets sur les langues, leurs normes, leurs caractéristiques et leurs statuts par rapport à d'autres langues influencent le désir de les apprendre (choix de la langue à apprendre) ou de les utiliser (pratiques langagières), donc également, la réussite ou l'échec de l'apprentissage. Ainsi, nous pensons qu'il est intéressant de voir à travers l'observation de l'activité épilinguistique des apprenants de FLE comment ils abordent cette langue et élaborent des représentations sur elle. Dans cette communication, nous présenterons les résultats d'une enquête réalisée auprès des étudiants de première année inscrits en licence de français à l'université de Batna. Pour recueillir le contenu de leurs représentations, nous avons opté pour la méthodologie suivante : nous avons proposé aux étudiants une activité associative reposant sur une expression verbale spontanée, non contrôlée et donc théoriquement plus authentique. Nous avons demandé aux étudiants de produire, dans un temps bref, une liste de cinq mots spontanément associés à la France et une seconde liste de cinq autres mots associés aux Français. Nous partons du principe que les jugements de valeur, positifs soient-ils ou négatifs, émis sur une langue sont tributaires, entre autres, des images que l'on se fait du pays d'origine de la langue et de ses habitants. Le traitement de ces données s'est principalement appuyé sur le répertoire des « champs représentationnels » élaboré par Henri Boyer (1998). Sachant que la représentation sociale d'un objet se définit par deux composantes : son contenu (opinions, attitudes) d'une part, et son organisation (structure interne) d'autre part, nous avons utilisé, en complément la méthode de hiérarchisation des items (obtenus du test d'association libre) par tris hiérarchisés successifs pour la mise en évidence du noyau central de la représentation. Cette recherche s'inscrit dans le domaine de la didactique des langues-cultures.

Bibliographie

Alén Garabato, M-C., Auger, N., Gardies, P., & Kotul, E. 2003. Les représentations interculturelles en didactique des langues et des cultures : Enquêtes et analyses. Paris : L'Harmattan.

Amossy, R. & Herschberg, P. 1997. Stéréotypes et clichés : langue discours société. Paris : Nathan.

Boyer, H. 2003. De l'autre côté du discours : Recherches sur les représentations communautaires. Paris : L'harmattan.

Boyer, H. 1998. « L'imaginaire ethnocosioculturel collectif et ses représentations partagées : un essai de modélisation ». Travaux de didactique du FLE. n°39.

Dabène, L. 1997. « L'image des langues et leur apprentissage ». In Matthey, M. (dir.). Les langues et leurs images. Neuchâtel, IRDP. Pp. 19-23.

Moore, D. 2001. Les représentations des langues et de leur apprentissage. Références, modèles, données et méthodes. Paris : Collection CREDIF-Essais, Didier.

Yaghello, M. 1988. Catalogue des idées reçues sur la langue. Paris : Seuil.

Zarate, G. 1993. Représentations de l'étranger et didactique des langues. Paris : Didier Collection

Mots-clés : représentation ; attitude ; stéréotype ; FLE ; apprentissage


SOUPRAYEN-CAVERY Logambal - Enseignement –apprentissage du français en milieu créolophone : le cas de La Réunion

La grande majorité des travaux (Prudent, Tupin & Wharton, 2005) portant sur l'enseignement-apprentissage du français à La Réunion insistent sur la nécessité de faire une place à la langue et à la culture créoles dans les démarches didactiques de l'école réunionnaise, pour que les élèves obtiennent de meilleurs résultats en langue française et développent des compétences langagières bilingues / plurilingues. La politique éducative de l'académie accorde une place de plus en plus importante à l'expérimentation de dispositifs qui tiennent compte de la langue première (le créole réunionnais) dans l'enseignement-apprentissage du français. En outre-mer et particulièrement à la Réunion, s'ajoute une autre dimension, celle du brassage des cultures de laquelle découle une problématique identitaire, que doit prendre en compte l'école dans une perspective d'« éducation au plurilinguisme comme processus de médiation interculturelle » (Tupin, 2008). Dans la mesure où le contexte sociolinguistique réunionnais exerce une influence déterminante et systématique sur l'usage des langues en présence et sur leur enseignement-apprentissage, on se demandera par conséquent si une prise en compte de la diversité linguistique et culturelle et du macrosystème sociolinguistique de la communication réunionnaise – incluant le français, le créole mais aussi des formes interlectales – peut apporter des éclairages nouveaux quant à un enseignement-apprentissage efficace de la langue française à La Réunion. A l'aide d'exemples concrets recueillis dans les écoles réunionnaises, nous proposerons « la didactique intégrée du français et du créole dans un contexte interlectal » qui prévoit l'acquisition conjointe du français et du créole par la mise en œuvre de processus d'enseignement-apprentissage de ces deux langues dans lesquels les formes interlectales produites par les élèves réunionnais sont prises en compte.

Références bibliographiques :

Prudent L.- F., Tupin F. & Wharton, S. (édit.), (2005), Du plurilinguisme à l'école. Vers une gestion coordonnée des langues en contextes éducatifs sensibles, Berne, Peter Lang.

Souprayen-Cavery, L.(2010), L'interlecte réunionnais : approche sociolinguistique des pratiques et des représentations, Paris, L'Harmattan.

Souprayen-Cavery, L., (2014), Pour une didactique intégrée du français et du créole dans un contexte interlectal, dans De Pietro, J.F. et Rispail, M., L'enseignement du français à l'heure du plurilinguisme, collection Recherches en didactiques du français,(pp. 99-113), Presses universitaires de Namur.

Tupin, F., (2008), L'éducation au plurilinguisme comme processus de médiation

interculturelle, Revue européenne d'ethnographie de l'éducation, n° 5, « Diversité culturelle et dialogue interculturel », (pp. 47-62) Madère : S.E.E.E (Société Européenne d'Ethnographie de l'Education).

Mots-clés : sociolinguistique scolaire ; didactique ; interlecte ; enseignement ; apprentissage du français ; pratiques langagières.


THIAM Khadimou - Normes fantasmée et problème d'appropriation du français au Sénégal : le français (toujours) une langue étrangère ?

A l'image de beaucoup de contextes africains francophones où le français est fortement ancré dans les fondements du pays, au Sénégal, on note souvent l'existence d'une norme haute et inflexible. Cette norme repose sur une forte exigence grammaticale pour garantir un standard élevé tant à l'écrit qu'à l'oral. Cette forte exigence normative a des bases historiques (la colonisation) politiques (langue officielle, langue de l'administration) et sociales (langue de l'institution scolaire, langue de nivellement socioprofessionnel). Mais elle ne correspond pas aux réalités sociolinguistiques du pays où le français n'est pas une langue première pour l'écrasante majorité des sénégalais ; il est plus une langue apprise à l'école qu'une langue acquise en société. Ce qui fait qu'il y a souvent un grand décalage entre les fortes exigences normatives et les capacités communicatives réelles des sénégalais en français. Dans la même lignée, les statistiques montrent que le nombre de locuteurs sénégalais en français n'atteint pas 30 pour cent (rapport de l'OLF 2018) quand, à l'inverse, plus de 90 pour cent des sénégalais utilisent essentiellement le wolof qui semble aujourd'hui cristalliser l'identité commune des sénégalais.

Sous ce rapport, l'objectif de notre communication est de poser une réflexion sur le lien entre ce fantasme normatif accompagné d'une forte stigmatisation linguistique avec le problème de l'appropriation du français au Sénégal. Notre hypothèse principale est que l'arrimage des sénégalais sur une norme haute et inflexible participent grandement à limiter l'usage du français en mettant les locuteurs sénégalais en insécurité linguistique (l'une des manifestations de l'insécurité linguistique est le silence) ; nous pensons que c'est une des raisons qui font que, malgré plusieurs siècles de présence au Sénégal, avec un statut privilégié de seule langue officielle du pays, le français n'est pas devenu une langue populaire au Sénégal ; il garde toujours, pour beaucoup de locuteurs Sénégalaisais, un statut de langue étrangère parlée par les élites.

Mots-clés : Norme fantasmée ; français ; Sénégal ; langue étrangère ; wolof


6. Prononciation

CHRISTIAN Guilbault / CANAC-MARQUIS Réjean - Phonologie et étiolement du français de Maillardville

Le français laurentien démontre une variation diatopique importante alors qu'il se répand sur plus de 5000 km d'est en ouest au Canada. À son extrémité ouest, en Colombie-Britannique, les quelques études effectuées dans le parler des descendants des pionnniers, maintenant en situation largement minoritaire, ont noté à la fois une utilisation originale de certaines variables et un certain étiolement du français langue maternelle, étiolement attribué à une influence grandissante de l'anglais. Cet étiolement a été constaté et évalué à plusieurs niveaux dont dans le lexique, la morphosyntaxe, et l'utilisation des connecteurs discursifs tels que alors, mais aucune étude n'a encore rapporté ni documenté les changements liés à la phonologie. Cette étude examinera ces variations phonologiques les plus saillantes dans un corpus trangénérationnel afin de déterminer leur distribution et leur fréquence sur trois générations. Ces données seront ensuite situées dans la problématique, plus générale, de l'étiolement de cette langue maternelle en situation minoritaire à l'extrémité ouest du continent américain.

Mots-clés : français ; laurentien ; variation ; étiolement


COURDÈS-MURPHY Léa / HEISZENBERGER Élisabeth / CHALIER Marc / PUSTKA Elissa - David et Goliath : la liaison chez les apprenants et les professionnels de la parole

La liaison est un phénomène complexe dépendant d'une multitude de facteurs linguistiques et extralinguistiques (Durand/Lyche, 2008). Alors que la liaison obligatoire pose peu de difficultés aux apprenants avancés du français, la liaison facultative constitue un réel challenge. De précédentes études montrent tantôt une surproduction (Thomas, 2004), tantôt une sous-production (Howard, 2005). L'objectif de cette communication est de tester ces deux hypothèses sur la base du corpus du projet de recherche Pro²F (https://pro2f.univie.ac.at/accueil/), soit 26 heures d'entretiens de 145 élèves autrichiens (niveau 0-B1). Ses données sont comparées à une partie du corpus Chalier (2019), soit 8 heures de parole spontanée de 20 présentateurs de télévision et de radio parisiens. Selon les représentations des locuteurs, ces locuteurs constituent un modèle pour la prononciation (Chalier, 2019). Nos résultats des contextes les plus fréquents du corpus montrent que les relevés absolus des apprenants sont beaucoup plus bas que ceux des locuteurs-modèles, dû à un vocabulaire et à des structures syntaxiques limités. Le tableau (voir tableau dans la version PDF) montre toutefois une forte progression de la 1ère à la 6ème année d'études, et ce principalement pour les liaisons les plus catégoriques chez les professionnels de la parole. Concernant les liaisons variables, en plus de la surproduction (c'est +), nous ne relevons qu'un cas de surproduction (pas +).

Références

Chalier, M. (2019). Les normes de prononciation du français : Une étude perceptive panfrancophone, thèse de doctorat, Université de Vienne.

Durand, J. & Lyche, C. (2008). French liaison in the light of corpus data. Journal of French Language studies, 18(1), 33-66.

Howard, M. (2005). Variation in Advanced French Interlanguage: A Comparison of Three (Socio)linguistic Variables. The Canadian Modern Language Review/La Revue canadienne des langues vivantes, 62 (3), 379- 400.

Thomas, A. (2004). Phonetic norm versus usage in advanced French as a second language. IRAL-International Review of Applied Linguistics in Language Teaching, 42(4), 365-382.

Mots-clés : Liaison ; Français Langue Étrangère ; professionnels de la parole


ISELY Romain - Le schwa en FLE : quel(s) enseignement(s) et quelle(s) réalité(s) ?

Le décalage qui existe entre le français enseigné dans les manuels de langue et celui parlé a déjà été soulevé à de nombreuses reprises dans la littérature (voir notamment Weber 2013). Ce décalage est particulièrement intéressant concernant le schwa, voyelle qui, en français, peut être réalisée ou non sans pour autant changer le sens d'un énoncé (ex. « petit » /pəti/ ou /pti/). En effet, son enseignement se limite généralement à une brève mention dans les manuels de FLE, alors que les apprenants y sont continuellement confrontés dû à sa haute fréquence à l'oral. En outre, sur le plan diaphasique, les manuels tendent à enseigner le maintien du schwa comme norme, alors que les corpus oraux montrent que l'usage tend à sa chute (Surcouf & Giroud 2016). Dans cette communication, nous nous intéressons à ce rapport entre la présentation du schwa dans les ressources pédagogiques et son usage réel chez des apprenants de FLE. Pour cela, nous avons analysé le taux de chute du schwa dans les productions spontanées d'apprenants avancés suisses de FLE – et de natifs à titre comparatif – par le biais d'un codage alphanumérique développé au sein du projet « IPFC » (Detey et al., 2016). Une analyse globale nous a permis de constater que, si son taux de chute progresse après un séjour, cette progression est la plus marquée dans les monosyllabes (ex. « je », « ce »), le taux de chute restant néanmoins très inférieur à celui chez les natifs. Nous analysons donc ici le schwa dans ce type de mots, très fréquents, produits par des apprenants avancés. Nos résultats mettent en lumière le décalage entre le discours des ressources pédagogiques et les pratiques effectives des apprenants, montrant qu'un renouvellement de ces ressources est indispensable afin de permettre aux apprenants de mieux s'approprier ce phénomène.

Références :

Detey et al. (2016). Variation among non-native speakers: The InterPhonology of Contemporary French. In S. Detey, J. Durand, B. Laks & C. Lyche (eds), Varieties of Spoken French. Cambridge: Oxford University Press, 491-502.

Surcouf, C. & Giroud, A. (2016). À quelle langue accède l'apprenant ? Examen critique du traitement de l'oral dans les premières leçons de manuels de français langue étrangère pour débutants. Linguistik Online 78, 4, 11-27.

Weber, C. (2013). Pour une didactique de l'oralité : enseigner le français tel qu'il est parlé. Paris : Didier.

Mots-clés : français L2 ; didactique ; schwa


KAMINSKAIA Svetlana - Est-ce que le style contribue à la variation du rythme prosodique en français laurentien?

Avec l'objectif d'ajouter à la description de la variation prosodique régionale en français canadien, nous examinons ici la variation rythmique stylistique en français ontarien et québécois (corpus PFC, Durand 2002, 2009). Nous avons examiné les mesures rythmiques nPVI-V, %V et VarcoV (Dellwo 2006, Low et al. 2000, White & Mattys 2007) et le débit d'articulation et mené des tests de régression pour nous faire l'idée sur la contribution du style aussi que de la variété, de l'âge et du sexe des locuteurs à la variation observée.

Dans l'ensemble des données, le style et l'âge ont affecté le rythme le plus régulièrement à travers les valeurs examinées, mais ce sont le style et la variété qui ont montré l'effet le plus fort en expliquant, respectivement, 56% et 70% de la variation observée. Pour les données québécoises prises à part, seulement le style s'est révélé important, alors que pour le sous-corpus ontarien, le style et l'âge expliquent entre 47% et 52% de la variation. Ces observations nous permettent de conclure que le style est un effet important contribuant à la variation du rythme prosodique dans chacune des variétés considérées, mais avec un impact plus faible en français ontarien où l'âge, corrélé avec le niveau de la maîtrise du français en situation du contact linguistique (Poiré 2009), entre également en jeu. Cela va de pair avec les résultats antérieurs sur le français ontarien discutés dans Auteur et al. (2016).

References :

Dellwo V. 2006. Rhythm and speech rate: A variation coefficient for deltaC. In Karnowski, P. & I. Szigeti (réd.). Language and language-Processing: Proceedings of the 38th Linguistic Colloquium. Frankfurt am Main: Peter Lang. 231-241.

Durand, J., B. Laks & C. Lyche. 2002. La phonologie du français contemporain: usages, variétés et structure. In Puch, C. & W. Raible (réd.) Romanistische Korpuslinguistik – Korpora und gesprochene Sprache/ Romance Corpus Linguistics – Corpora and Spoken Language. Tübingen: Gunter Narr Verlag. 93-106.

Durand, J., B. Laks & C. Lyche. 2009. Le projet PFC: une source de données primaires structurées. In Durand, J., B. Laks & C. Lyche (réd.). Phonologie, variation et accents du français. Paris: Hermès. 19-61.

Low, Ee Ling, E. Grabe & F. Nolan. 2000. Quantitative characterizations of speech rhythm: Syllable-timing in Singapore English. Language and Speech 43.4: 377-401.

Poiré F. 2009. Le français canadien en milieu minoritaire : le cas du Sud-ouest ontarien. In Durand, J., B. Laks & C. Lyche (réd), Phonologie, variation et accents du français. Paris : Hermès.153-173.

White, L. & S. L. Mattys 2007. Calibrating rhythm: First and second language studies. Journal of Phonetics 35: 501-522.

Mots-clés : variation prosodique ; variation stylistique ; français canadien


VASILESCU Ioana / JATTEAU Adèle / HUTIN Mathilde / WU Yaru /ADDA-DECKER Martine / LAMEL Lori - Variation synchronique et changements sonores en français : études de grands corpus utilisant le traitement automatique

Les études expérimentales sur la variation phonétique et sur la relation entre motifs de variation synchronique et changements sonores connaissent récemment un nouvel envol avec l'accès croissant à des corpus de dimensions toujours grandissantes, explorés automatiquement. Nous passerons en revue plusieurs démarches récentes s'inscrivant dans cette mouvance et prenant en compte le français contemporain. Nos investigations s'appuient sur de grands corpus et sur des systèmes de reconnaissance vocale en tant qu'outils d'exploration linguistique, et s'inscrivent dans un projet plus large portant sur la lénition et la fortition dans les langues romanes (Vasilescu et al., soumis). Nous utilisons des corpus consistant en plus de 100h en français, transcrits manuellement et segmentés automatiquement. La méthode consiste en l'alignement forcé de variantes de prononciation encodant les phénomènes retenus et en l'exploration statistique des tendances observées. Des études acoustiques conjointes portant sur la relation entre variantes alignées, taux de voisement et durée étayent certains de ces résultats. L'étude des alternances de voisement des obstruantes a mis en avant la présence du dévoisement final en français (Jatteau 2019a,b). A partir de ces résultats, des études complémentaires des phénomènes d'adjacence à la frontière des mots (voisement et assimilation régressive) ont mis en évidence le rôle de bouclier du schwa dont la présence est corrélée à beaucoup moins d'effets d'adjacence (Hutin, soumis). Enfin, la prise en compte de phénomènes similaires dans une autre langue romane, le roumain, permet de faire la part entre tendances plus générales vs spécifiques à la langue française (Hutin, en préparation).

Mots-clés : grands corpus ; traitement automatique ; lénition et fortition ; variation synchronique et changements sonores


7. La langue parlée et la langue écrite : perspectives sur l’emploi du français dans différents domaines


BENDID Hanane - Les représentations de la langue française dans les réseaux sociaux en contexte algérien

Les réseaux sociaux représentent aujourd'hui le premier moyen de communication à travers lequel les internautes entrent en contact instantanément et quotidiennement. Ces acteurs sociaux utilisent des discours différents et conçoivent inconsciemment des représentations à l'égard des différentes langues et variétés de langues présentes dans leur « marché linguistique » (Bourdieu). Constituant un enjeu théorique majeur en sociolinguistique, la notion de représentation occupe aujourd'hui un axe central quant à l'analyse dynamique des langues. Notre proposition repose principalement sur les théories des représentations sociolinguistiques et tente de souligner l'imaginaire linguistique que font ces internautes envers la langue française, à travers des interactions gérées par un discours épilinguistique, dans les réseaux sociaux en contexte algérien. Et afin de mener cette enquête, nous avons opté pour le terrain de recherche : « Facebook » ; l'un des réseaux sociaux le plus exploité par les Algériens. Notre problématique s'articule autour de deux questions principales : quelles sont les différentes représentations que font les internautes Algériens vis-à-vis de la langue française sur Facebook ? Et quels sont les principaux facteurs qui alimentent et influencent ces représentations dans une atmosphère plurilingue caractérisant le marché linguistique en Algérie? Pour répondre à ces interrogations, une enquête est lancée auprès des internautes algériens.


COMBAZ Catherine - Rapport à l'orthographe des enseignants de l'école primaire à la norme sociale orthographique

Plusieurs travaux sociologiques français ont identifié et analysé les profils socio-pédagogiques de professeurs du secondaire et montré que les directives officielles n'empêchent nullement une diversité de pratiques d'enseignement, expression de la marque pédagogique personnelle de l'enseignant liée à ses attributs sociaux et culturels. Haramein, Perrenoud et Hutmacher (1979, p.250) mentionnent que « Les déterminants d'ordre personnel en termes de représentations et de schèmes d'action que l'éducateur doit à sa personnalité, à ses expériences d'enfant, d'adolescent, d'adulte, à son milieu familial et professionnel, à sa scolarité antérieure, etc. constituent la matrice [...] produisant un système unique d'intervention ».

Nous nous intéressons à cet aspect en examinant le rapport des enseignants de l'école primaire à l'orthographe pensée comme une norme sociale en poursuivant la pensée de J.-M. Klinkenberg indiquant « qu'il faut remonter au niveau général des normes sociales, telles que l'explique la sociologie, la norme linguistique n'étant que l'une d'entre elles » et nous observons la façon dont ces maitres enseignent l'orthographe au quotidien.

Le concept de norme sociale est choisi pour délimiter notre questionnement et caractériser le rapport des enseignants à l'orthographe. Il met en avant 5 dimensions : la norme sociale est régulière ; elle est collective ; elle suppose des sanctions en cas de transgression ; elle est contraignante et elle révèle des valeurs (Demeulenaere, 2003).

Tout d'abord, nous montrons la variabilité du rapport de 30 enseignants français de cycle 3 à l'orthographe pensée comme une norme sociale grâce à analyse de contenu thématique de leurs propos (Bardin, 2001) et à une analyse en composantes principales, ce qui donne lieu à l'élaboration d'une typologie. 5 types de positionnements distincts apparaissent. Chaque groupe ainsi constitué est nommé en fonction des dimensions du concept qui le caractérisent le mieux : les indulgents, les régulo-exigeants, les valeur-exigeants, les valeuro-centrés et les régulo-centrés. Puis, nous montrons en quoi le style pédagogique personnel de chacun en est l'expression par l'analyse d'observations écologiques d'une séance d'enseignement-apprentissage de l'orthographe. In fine, cette recherche interroge le rapport à la norme sociale orthographique des enseignants mais aussi le curriculum caché.

Bibliographie

Demeulenaere, P. (2003). Les normes sociales. Entre accords et désaccords, Paris, PUF.

Haramein, A., Hutmacher W., Perrenoud P. (1979). Vers une action pédagogique égalitaire: pluralisme des contenus et différenciation des interventions, Revue des sciences de l'éducation, 5(2), 227-270.

Klinkenberg, J.-M. (2013). L'hydre de la réforme- Images sociales de l'orthographe et de la politique linguistique. Dans S. Baddeley, F. Jejcic et C. Martinez (dir.), L'orthographe en quatre temps (p. 73-103). Paris : Champion.

Mots-clés : orthographe ; norme sociale ; enseignats ; rapport à ; pratiques pédagogiques


LEEKANCHA Intareeya - Récit de voyage en ligne : quel discours touristique ? quels usages linguistiques ?

Aujourd'hui, Internet est un espace de libre expression où chacun peut trouver et partager des informations dans tous les domaines. Pour notre part, nous nous intéressons au discours touristique, plus particulièrement aux récits de voyage sur la Thaïlande dans le forum de discussion. Les expériences du voyage ainsi partagées sont mises en scène par des locuteurs-écrivains novices, non-professionnels, qu'on propose de considérer comme des « écrivains-amateurs ». L'écriture des récits de voyage en ligne manifeste une scène énonciative particulière et l'usage de la langue dans le monde numérique. Le récit de voyage en ligne, en outre, est une rencontre de deux genres de discours touristiques : il s'agit d'une part du récit de voyage littéraire et d'autre part du guide touristique imprimé. Le premier cas, selon Rajotte (1997), « raconte un voyage qui est donné pour réel au lecteur et qui a été effectué par l'auteur » (p. 20)[1]. Tandis que le second, précisé par Seoane (2013), désigne « un mélange complexe entre contrat didactique (informatique, initiatique et pratique) et contrat quasi littéraire d'invitation au voyage (avec ce que cela recouvre de découverte et de dépaysement, à des degrés de subjectivité très variable) » (p. 43).[2] L' « écrivain-amateur » du forum de discussion compose son récit à la fois pour présenter sa propre expérience - comme dans le récit de voyage littéraire - et pour partager des informations pratiques de voyage avec des interlocuteurs futurs voyageurs - comme dans un guide touristique. Cette négociation constante entre description et explication, sollicite les compétences linguistiques et discursives du locuteur. C'est la raison pour laquelle nous choisissons d'analyser tout spécifiquement les phénomènes linguistiques liés au processus de reformulation. Entre-deux du dit, du redit et du mieux-dit, nous montrerons, dans cette communication, comment l'écrivain-amateur exploite les divers procédés linguistiques de la reformulation et les enjeux discursifs et énonciatifs qu'ils entraient dans la mise en scène du voyage, du voyageur et de son écriture.

[1] Rajotte P. (1997), Le récit de voyage aux frontières du littéraire, Montréal, Triptyque.

[2] Seoane A. (2013), Les mécanismes énonciatifs dans les guides touristiques : entre genre et positionnements discursifs, Paris, L'Harmattan.

Mots-clés : analyse du discours ; récit de voyage ; reformulation


ROSIER Laurence - Point médian, point crispant, point saignant : quelques pistes d'analyses des représentations socio-langagières autour du débat sur l'écriture inclusive (2017-2020)

Depuis septembre 2017 et la mise en avant médiatique de l'écriture inclusive par un article du Figaro à propos de la publication d'un manuel scolaire usant de ses formes, des débats, polémiques, controverses, discussions récurrentes ont eu lieu entre partisan.es et détracteur.trices de ce qui a souvent été soit réduit au point médian (renommé de façon spontanée le point crispant) soit élargi aux phénomènes de féminisation et/ou de neutralisation en français mais aussi dans d'autres espaces linguistiques (Rabatel et Rosier 2019). La production discursive spontanée et experte s'est mêlée, notamment sur les réseaux sociaux. Cette communication s'attachera aux représentations de la langue (en ce compris dans leurs dimensions polysémiotiques permises par la toile) sur lesquelles s'appuient les débatteur.trices, internautes anonymes ou linguistes de métiers. La question plus large et qui permettra le débat est bien entendu celle de ce qu'on « demande » à la langue (dire, montrer, faire, représenter ?), pour reprendre les réflexions de Paul Siblot sur la dynamique de la nomination et ses rapports avec les combats d'émancipation : à défaut de nommer l'objet en « soi », le nom désigne [-t-il ] « pour nous » [?] (1997)

Bibliographie sélective

Dister A. et et Moreau, M-L (2009), Féminiser ? Vraiment pas sorcier! La féminisation des noms de métiers, fonctions, grades et titres.Louvain, De Boeck et Duculot

Alpheratz, 2018, Grammaire du français inclusif : littérature, philologie, linguistique, Châteauroux, Editions Vent solars.

Manesse, D. et Siouffi, (2019) (eds), G. Le féminin & le masculin dans la langue. L'écriture inclusive en questions, Paris, ESF.

Rabatel A. et Rosier (2019) (eds), « Les défis de l'écriture inclusive », Le Discours et la langue 11.

Cerquiglini, B. (2018), Le La ministre est enceinte ou la grande querelle de la féminisation des mots, Paris, Le Seuil.

Viennot, E. (2018), L'écriture inclusive : pourquoi ? Comment ? Donnemarie-Dontilly, éditons IX

Siblot, P. (1997), « Nomination et production de sens », Langages, pp 38-55

Mots-clés : féminisation ; écriture inclusive ; représentation ; langue française ; analyse du discours


SENSRI Meriem - Créativité lexicale et brassage linguistique dans les chansons des supporters de football algérien

En tant qu'acteur du spectacle sportif, les supporters de football constituent un élément prépondérant pour soutenir et faire vivre leurs clubs. Ce public qui s'attache à encourager leur équipe, cherche, également, à instaurer une meilleure ambiance pour extérioriser leurs émotions et partager leurs passions. De ce fait, il se montre actif et inventif en créant de nouvelles chansons pour animer leurs tribunes. Cette communication s'inscrit dans le domaine de la sociolinguistique urbaine, en se basant sur une démarche lexicologique. Elle vise, plus précisément d'étudier la créativité lexicale qui circule dans les chansons entonnées par les supporters algériens. Ces supporters, des jeunes de sexe masculin, cherchent à manifester leur identification à un sport particulier, non seulement à travers leur comportement social mais également linguistique. Dans cette perspective, nous supposons que les supporters mobilisent différentes langues et divers procédés afin de mettre en avant des qualités viriles telles que le courage, la dominance, la force et la bravoure.

Ayant pour objectif de mettre en lumière les spécificités du lexique créatif des supporters, nous décrivons et tentons d'expliquer le choix des différentes langues interpellées par les supporters pour créer leur propre code. Ainsi, nous identifions les différents procédés de formation de nouveaux mots tout en précisant le sens attribué à ces néologismes.

Le corpus sur lequel se base notre étude est constitué de 100 chansons de supporters de plusieurs clubs figurant parmi ceux les plus populaires et les plus titrés en Algérie. Afin d'avoir un corpus récent, nous avons jugé intéressant d'analyser des chansons publiées sur une période allant de l'année 2015 jusqu'en 2019.

Mots-clés : analyse du discours ; néologisme ; créativité lexicale ; représentation


8. Atelier sur le futur

ANDRE Virginie / ETIENNE Carole - Exprimer le futur en interaction : caractéristiques et enseignement en classe de FLE

Conçus à partir de corpus d’interactions, les dispositifs FLEURON (https://fleuron.atilf.fr/) et CLAPI-FLE (http://clapi.icar.cnrs.fr/FLE/) sont proposés aux enseignants de FLE, afin de faire le lien entre les recherches en interaction et les besoins de l’enseignement de l’oral (Pekarek Doehler 2006). Le français parlé est ainsi pris en compte en contexte dans ses réalisations authentiques (Aston 2001) et dans ses caractéristiques prosodiques, lexicales, syntaxiques, multimodales, pragmatiques et interculturelles (André 2019 ; Ravazzolo, Etienne 2019).

Dans cette approche, notre communication se focalisera sur les différentes ressources utilisées par les locuteurs pour parler au futur dans différentes situations professionnelles ou privées en articulant analyses quantitatives et qualitatives des verbes les plus fréquents et des expressions situant leurs propos dans le futur (demain, après, la prochaine fois…). Si le présent reste le temps privilégié à l’oral « non pas parce qu’il serait malléable, mais parce que son offre est si peu spécifique qu’elle concorde avec presque tout type de demande temporelle ou aspectuelle » (Barcelo, Bres 2006 : 136) – il représente en effet 70% des attestations dans Clapi – nous étudierons également les verbes les plus fréquemment employés au futur simple ou périphrastique (seulement 5% des réalisations).

Nous proposerons alors une approche méthodologique pour aider les apprenants à identifier et à comprendre les passages au futur dans les interactions en détectant les changements qui s’opèrent en contexte (Alberdi et al. 2020) au-delà d’un simple changement de temps du verbe.

Bibliographie

Alberdi, C., Etienne, C., Jouin-Chardon, E. (2020). Comprendre les spécificités du français oral par l'immersion virtuelle : un défi possible pour les apprenants. Analyser, écrire, traduire et enseigner les langues à l'ère du numérique. Comares, 19-38.

André, V. (2019). Des corpus oraux et multimodaux authentiques pour acquérir des compétences sociolangagières. In Gajo L., Luscher J.-M., Racine I., Zay F. (eds), Variation, plurilinguisme et évaluation en français langue étrangère. Peter Lang, 209-223.

Aston, G. (ed.) (2001). Learning with corpora. Athelstan.

Barcelo, G J. & Bres, J. (2006), Les temps de l’indicatif en français. Éditions Ophrys.

Pekarek Doehler, S. (2006). “CA for SLA” : Analyse conversationnelle et recherche sur l'acquisition des langues. Revue française de linguistique appliquée, vol. xi (2), 123-137. Ravazzolo, E., Etienne, C. (2019). Nouvelles ressources pour le FLE à partir des études en interaction. LINX, 79.


CELLE Agnès - Futurité et modalité dans les questions

Cette communication examine l'emploi d'aller + infinitif dans les questions en qu'est-ce que à partir de données du corpus French TenTen sous Sketch Engine. L'objectif est de montrer qu'il y a une corrélation entre le sens de l'auxiliaire aller et la fonction de la question, et de définir deux types de questions rhétoriques qui contrastent tant par le sens d'aller que par leur fonction discursive. Dans les questions rhétoriques où aller a un sens futur (Maintenant que le Traité de Lisbonne est ratifié, qu'est-ce que cela va changer ?), la réponse semble évidente et la question prend une fonction assertive. Comme l'a montré (Rohde 2006), le but de la question rhétorique est de synchroniser le discours. Toutefois, cette définition ne vaut pas en cas de conflit. La question rhétorique exprime alors la critique ou le reproche (Léon 1997). C'est là que l'on trouve l'emploi modal « extraordinaire » (Damourette & Pichon 1911) d'aller. La rhétoricité des questions contenant aller modal a été relevée par (Bres and Labeau 2013). Nous montrons qu'en contexte non constatif (Larreya 2005), aller marque une inadéquation entre un processus engagé et un élément de la situation représenté par un circonstant. La question vise alors à convaincre de l'absence de raison motivant la réalisation de ce processus pour éventuellement l'éviter. En contexte constatif, aller indique que le chemin choisi est contraire à l'attente du locuteur. La question formule un jugement modal négatif en faisant émerger l'absence de raison motivant l'activité constatée. Dans ces deux contextes, nous montrons qu'aller confère une valeur mirative à la question rhétorique.

Références:

Bres, J., and E. Labeau. 2013. ‘“Allez Donc Sortir Des Sentiers Battus!” La Production de l'effet de Sens “Extraordinaire” Par “Aller” et “Venir”'. Journal of French Language Studies 23 (2): 151–77.

Damourette, J., & É. Pichon. 1911. Des mots à la pensée: essai de grammaire de la langue française. Tome 5. 1911-1936: verbes (fin), auxiliaires, temps, modes, voix. D'Artrey. Paris.

Larreya, P. 2005. ‘Sur les emplois de la périphrase “aller” + infinitif'. In Lingvisticæ Investigationes Supplementa, edited by H. Bat-Zeev Shyldkrot and N. Le Querler, 25:337–60. Amsterdam: John Benjamins Publishing Company.

Léon, J. 1997. ‘Approche Séquentielle d'un Objet Sémantico-Pragmatique: Le Couple Q-R. Questions Alternatives et Questions Rhétoriques'. Revue de Sémantique et Pragmatique, no. 1: 23–50.

Rohde, H. 2006. ‘Rhetorical Questions as Redundant Interrogatives' San Diego Linguistic Papers (2): 134–68.

Mots-clés : futurité ; modalité ; questions rhétoriques ; mirativité


LABEAU Emmanuelle - Que nous prédit l'emploi des temps dans l'horoscope ?

Selon le Trésor de la langue française, l'horoscope désigne :

1. un « examen (effectué par les astrologues) du thème astral et des influences planétaires dominantes lors de la naissance d'un individu, de façon à prédire son avenir » ou

2. une « prédiction de l'avenir (d'une personne), fondée ou non sur l'astrologie ».

Les deux définitions mentionnent l'avenir, et on s'attendrait donc à trouver dans les horoscopes diffusés dans la presse, des formes verbales futures. Or, un article de Laurence Bardin (1977: 92) - basé il est vrai sur une page unique d'horoscopes du magazine féminin Elle- conteste cet apriori : le futur n'y marque que 15% des verbes

Cette affirmation – basée sur un corpus très restreint et datant de plus de quarante ans – est-elle toujours valable en français contemporain ? Pour la vérifier, nous allons considérer un corpus d'horoscopes hebdomadaires ou annuels publiés pendant la dernière quinzaine de 2019 comprenant 13 titres incluant des magazines féminins et de loisirs publiés en France et en Belgique, ainsi que des données francophones publiées sur internet

Nos questions de recherche seront les suivantes :

(1) Que nous révèle l'emploi des temps verbaux de l'horoscope sur la / les fonction(s) de ce genre ?

(2) Comment la référence au futur s'y exprime-t-elle ?

(3) Dans quelle mesure et dans quel domaine présente-t-elle de la variation ?

Mots-clés : Temporalité ; futur ; horoscopes ; variation


LEFEUVRE Florence - L'expression je vais te dire une chose

L'objet de cet article est d'étudier les énoncés en je vais te / vous dire (X) récurrents dans des corpus à l'oral spontané. Soit ces énoncés ne font pas figurer d'actant explicite dépendant de dire ou d'un autre verbe d'énonciation (expliquer) :

je vais vous dire je chante très faux ESLO2_ENT_1016

soit ils articulent dire à un COD de type général comme ça ou une chose qui se distinguent par une valeur résomptive, anticipant en cela que la chose en question sera dite par une ou plusieurs phrases :

je vais vous dire une chose euh quand je travaillais à l'ambassade des Etats-Unis bon je donnais des cours de Français Eslo 2

Nous placerons notre analyse dans le cadre de la phrase et des unités prédicatives telle qu'elles sont définies dans Le Goffic 2011, Lefeuvre 2016, à l'interface de la syntaxe et du discours. Dans cette optique, une phrase est une unité syntaxique pourvue d'une modalité d'énonciation qui s'organise autour d'un prédicat. En premier lieu, nous analyserons syntaxiquement et sémantiquement ces énoncés en dressant une typologie d'emploi selon leurs variations dans les corpus oraux considérés. Le trait récurrent semble être une perte d'autonomie syntaxique. Dans une deuxième partie, nous verrons comment le futur proche utilisé dans ces tournures, ancré sur l'énonciation, peut apparaître comme « un présent prospectif » (Vetters et Lière 2009) en ce qu'il exprime « la prospection à partir de la situation présente du locuteur », ce qui explique que ces segments sont orientés sur le texte de droite. La troisième partie sera consacrée aux valeurs discursives : ces constructions se caractérisent par une fonction démarcative ; elles permettent d'introduire un nouvel énoncé en le mettant en exergue. Elles prennent place dans une « période discursive », unité de discours structurée autour d'une unité prédicative introductrice suivie d'une unité prédicative standard (Lefeuvre 2016).

Bibliographie sommaire

Le Goffic P. (2011) : « Phrase et intégration textuelle », Unités syntaxiques et unités prosodiques, Lefeuvre et Moline eds, Langue française, 170, p. 11-28.

Lefeuvre F. (2016) : « Les segments averbaux résomptifs antéposés », Phénomènes d'attente et de projection, Béguelin, Corminboeuf eds, Langue Française, 192, p. 53-68.

Vetters C. et Lière A. (2009) : « Quand une périphrase devient temps verbal : le as d'aller + infinitif », Faits de Langues, Le futur, p. 27-36.

Corpus consultés : CFPP2000, Eslo 2, OFROM, CLAPI


ROSYCHUK, David - Un futur, deux temps (années 1970 et 2000) : FTR en français albertain

Le statut de la francophonie hors Québec est souvent remis en question. Pourtant, peu d'études existent sur le français de l'Ouest canadien. Trop peu est donc connu sur le parler des francophones de l’Ouest (et par extension, sur la variation/le changement linguistique dans l’Ouest); un gros travail de description linguistique reste à faire. Afin de combler cette lacune, j'étudie la référence temporelle au futur (FTR) à deux régions d’une province de l’Ouest: l’Alberta. Plus précisément, j’examine les régions albertaines ayant les plus grandes concentrations de francophones: Falher (contexte majoritaire; maj ) et Bonnyville (contexte minoritaire; min ) dans un cadre théorique de sociolinguistique variationniste. À l’aide d’entrevues des années 1970 (voir Béniak, Carey et Mougeon 1984) et 2000, je réponds à la question suivante: quels facteurs internes/externes gouvernent le choix de variante dans la FTR en français albertain (FA)? D’autres études variationnistes sur la FTR démontrent que les variantes principales sont le futur périphrastique (FP) et le futur synthéthique (FS). Le FP est plus employée en français laurentien; la polarité phrastique négative favorise toutefois le FS (p.ex Wagner et Sankoff 2011 ; Grimm et Nadasdi 2011). Quant au FA, mes résultats préliminaires soulèvent des taux élevés de FP (88,1 %, N=194 pour 1976 et 88,8 %, N=36 pour 2003), comme dans d’autres variétés laurentiennes. Quant aux facteurs linguistiques, le FS est utilisé catégoriquement dans les contextes de polarité négative, également similaire à d’autres variétés laurentiennes. Pour les contextes positifs, le taux de FS est de 16,67 % à Bonnyville et de 8,00 % à Falher (non-significative, p=0.52). Alors, contrairement à la région maj , les résident.e.s de Bonnyville utilisent le FS davantage, plus proche d’un français académique (aussi le cas en français ontarien min ; Grimm et Nadasdi 2011). Excluant les contextes négatifs, un test de χ 2 montre que l’année n’est pas significative (p=0.41), ce qui n’est pas le cas dans l’Est: il se peut que cette variable résiste à l’évolution en Alberta, malgré le changement ailleurs (Grimm 2010 ; Wagner et Sankoff 2011). Les données indiquent que la FTR en FA est soumise aux mêmes contraintes qu’en français ontarien et québécois. Cette étude contribue à la théorie linguistique sur la morphosyntaxe, surtout pour la FTR. Elle contribue également aux connaissances du changement diachronique du français en milieu minoritaire et de la sociolinguistique.

Bibliographie

Beniak, E., Carey, S. et Mougeon, R. (1984). « A sociolinguistic and ethnographic approach to Albertan French and its implications for French-as-a-first-language pedagogy ». The Canadian Modern Language Review/La Revue canadienne des langues vivantes, 41 (2), 308-314.

Grimm, R. (2010). A Real-time Study of Future Temporal Reference in Spoken Ontarian French. University of Pennsylvania Working Papers in Linguistics , 16 (2), Article 11. Repéré à: https://repository.upenn.edu/pwpl/vol16/iss2/11

Grimm, R. et Nadasdi, T. (2011). The Future of Ontario French. Journal of French Language Studies, 21 (2), 173-189. doi:10.1017/S0959269510000335

Wagner, S. et Sankoff, G. (2011). Age grading in the Montréal French inflected future.

Language Variation and Change, 23 (3), 275-313. doi:10.1017/S0954394511000111


VILLENEUVE Anne-José / ROSYCHUK David / BIGOT Davy - Variation stylistique et référence temporelle au futur en français québécois soutenu

Plusieurs études ont analysé le français québécois (FQ) familier (Sankoff, Sankoff, Laberge et Topham 1976; Thibault et Vincent 1990; Vincent, Laforest et Martel 1995; Poplack et St-Amand 2007), mais peu se sont intéressées au FQ soutenu. Les entrevues télévisées permettent de combler cette lacune (Bigot 2021; Reinke 2005).

Dans cette communication, nous étudions la variation sociostylistique en FQ dans un corpus d’entrevues avec 50 personnalités publiques, en examinant la référence temporelle au futur (RTF), c’est-à-dire les formes en (1). L’analyse de données tirées d’entrevues enregistrées dans le cadre de deux émissions télédiffusées à la chaîne nationale au Canada — l’un où ils abordent des récits personnels, l’autre où ils interviennent professionnellement face à un journaliste — permet d’étudier non seulement le rôle du thème de conversation et du degré de familiarité entre les interlocuteurs (tutoiement versus vouvoiement), mais aussi celui du contexte conversationnel pour huit locuteurs ayant participé aux deux émissions.

(1) a. après j’vais être tranquille (Le Point, Aline C.)

b. j’serai là pendant les deux prochaines années (Le Point, Bernard L.)

Les travaux sur la RTF en FQ montrent que le futur périphrastique (1a) est plus fréquent que le futur simple/synthétique (1b); le présent à valeur du futur (il part demain) est rare. De plus, la RTF y est soumise à des contraintes linguistiques et à une stratification sociale. Contrairement à d’autres variétés (français acadien et de la Picardie), la distance temporelle n’est pas significative en FQ. Cette variété est plutôt contrainte par la polarité phrastique.

Nos analyses préliminaires indiquent que, comme dans les études antérieures, le futur simple apparaît surtout dans les phrases négatives dans nos données. Malgré le prestige manifeste (‘overt’) associé à la forme synthétique (Comeau et Villeneuve 2016), la RTF en FQ soutenu semble résister à la variation stylistique : l’effet des contraintes linguistiques est relativement stable à travers les thèmes (plus ou moins formels).

De plus, notre analyse comparative des locuteurs ayant participé aux deux émissions montre que, contrairement à d’autres variables morphosyntaxiques (p.ex., marqueurs de conséquence), la RTF résiste à la variation intrapersonnelle (ou stylistique): la proportion des deux variantes principales entre les deux contextes d’entrevue n’est statistiquement significative chez aucun des locuteurs étudiés. Ce résultat préliminaire suggère donc qu’en FQ, cette variable a le statut d’indicateur plutôt que de marqueur sociolinguistique.

En analysant la variation sociostylistique en FQ soutenu, notre étude contribue à l’avancement des connaissances en linguistique française et en sociolinguistique.

Références

Bigot, D. (2021). Le bon usage québécois. Étude sociolinguistique sur la norme grammaticale du français parlé au Québec. Québec: Presses de l’Université Laval.

Comeau, P. et Villeneuve, A.-J. (2016). Future temporal reference in French: An introduction. Canadian Journal of Linguistics / Revue canadienne de linguistique, 61(3), 231-239. doi: https://doi.org/10.1017/cnj.2016.28

Poplack, S. et St-Amand, A. (2007). A real-time window on 19th-century vernacular French: The Récits du français québécois d’autrefois. Language in Society, 36, 707-734. doi: http://dx.doi.org/10.1017/S0047404507070662

Reinke, K. (2005). La langue à la télévision québécoise: aspects sociophonétiques. Gouvernement du Québec, Office québécois de la langue française.

Sankoff, D., Sankoff, G., Laberge, S. et Topham, M. (1976). Méthodes d'échantillonnage et utilisation de l'ordinateur dans l'étude de la variation grammaticale. Cahiers de Linguistique de l'Université du Québec, 6, 85-125.

Thibault, P. et Vincent, D. (1990). Un corpus de français parlé: Montréal 84, historique, méthodes et perspectives de recherche. Québec: Université Laval.

Vincent, D., Laforest, M. et Martel, G. (1995). Le corpus de Montréal 1995: Adaptation de la méthode d’enquête sociolinguistique pour l’analyse conversationnelle. Dialangue, 6, 29-46.