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BAPTÊME DU SEIGNEUR 2021 (Homélie du 10 janvier 2021)

Chères sœurs et chers frères, cher(e)s amis,

Heureusement qu'il y a l'Orient chrétien et ses traditions liturgiques pour nous aider à redonner toute sa place à cette fête du baptême du Seigneur qu'on a du mal à célébrer avec toute la ferveur voulue. Pourtant c'est par cette nouvelle Épiphanie, que nous concluons le temps de Noël ,cette autre manifestation de Jésus dans son mystère. Chez nos frères d'Orient on l'appelle la fête de la Théophanie, c'est à dire de la manifestation de Dieu. On l'a appelle aussi la fête des lumières ! « En remontant de l'eau, Jésus vit les cieux se déchirer et l'Esprit descendre sur Lui comme une colombe. Il y eut une voix venant des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en Toi, je trouve ma joie. » Nous venons de l'entendre dans l’Évangile de ce jour. Ce n'est pas là pour autant une sorte de divinisation de Jésus, qui est vrai Dieu et vrai Homme depuis sa conception, mais la manifestation du Père qui l'atteste comme Messie-Fils bien aimé à la face de la terre.

Le jour de son baptême est, pour Jésus, l'occasion de montrer sa pleine humanité car comme les disciples de Jean-Baptiste, il accepte d'entrer dans l'eau du Jourdain pour y recevoir un baptême, pour y faire son plongeon comme aimait à dire frère Timothy Radcliffe, ancien maître général des dominicains, s'appuyant sur la traduction littérale du verbe grec « baptizo » : plonger, faire un plongeon !Surprenant, non, quand c'est exprimé de cette façon-là. Et pourtant, en le comprenant ainsi nous percevons mieux le sens du baptême de Jésus. Il a accepté de plonger dans sa part d'humanité pour l'assumer complètement et ainsi pouvoir la sauver. Pour le peuple juif, le Jourdain est le fleuve nourricier et purificateur. En acceptant d'être plongé dedans Jésus le sanctifie et sanctifie en même temps toute la vie que le Jourdain apporte par son action fécondante, en irriguant, en purifiant, en assainissant. C'est toute la vie humaine et sa signification qui est alors prise en compte et qui est sanctifiée dans celle de Jésus qui reçoit l'Esprit du Père. Ce sont toutes nos vies humaines qui, à travers Jésus seront sanctifiées par L'Esprit. St Cyrille d'Alexandrie écrit à ce sujet : « que le Père nous accueille en Jésus comme des fils adoptifs, car toute l'humanité est contenue dans le Christ en tant qu'Il est homme...ce n'est donc pas pour lui-même que le Fils Unique a reçu le St Esprit...mais plutôt pour nous qui étions en Lui ».

Une homélie du 4ème siècle pour cette occasion dit de ce moment où Jésus est baptisé : « Cet homme est celui qu'on appelle le fils de Joseph, et il est « mon fils unique » selon l'essence divine: Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Il a faim, et il nourrit des milliers d'hommes ; Il peine, et Il donne le repos à ceux qui peinent ; Il n'a pas où reposer la tête, et Il porte tout dans sa main ; Il souffre et Il remédie aux souffrances; Il est souffleté, et Il donne la liberté au monde ; son côté est transpercé et Il restaure le côté d'Adam. » La faim, la peine, la fatigue, l'errance, la souffrance, la maltraitance, l'injustice, la violence....tout cela est bien notre lot de contingence, le côté difficile de notre humanité et toutes et tous , à différents degrés, nous en faisons l'expérience. Je crois qu'on peut dire que c'est tout cela que Jésus accepte librement de partager avec nous, pour prendre sur lui la part la plus lourde et ainsi nous en soulager. Son baptême est un baptême d'humanité pour que le nôtre soit celui de notre filiation divine. Dans le plongeon de Jésus dans l'eau du Jourdain, c'est notre plongeon à toutes et à tous dans les eaux du baptême où nous renaissons à une vie divine.

Notre monde est cartésien et souvent sceptique et les symboles ne lui parlent plus toujours. Et c'est dommage car toute l'inquiétude où nous vivons en ce moment, l'angoisse de temps incertains qui nous étreint, la peur de l'avenir, la douleur de nos échecs....et bien c'est justement tout cela qui est pris en compte dans ce baptême de Jésus. Il plonge dans tout ce qui nous opprime pour nous en libérer...Jésus plonge dans l'eau, acceptant de mourir et Il en ressort ,victorieux de la mort. C'est tout le sens de notre propre baptême, celui que souvent nous n'avons pas bien compris ou que nous réduisons à un geste purificateur ou protecteur, ne comprenant plus bien le Salut qu'il nous promet à travers le plongeon de Jésus. Mais nos frères et sœurs , chrétiennes et chrétiens d'Orient, catholiques ou orthodoxes, savent fêter et exprimer dignement le sens du baptême de Jésus. Avec le clergé, tout le monde se rend au bord de la rivière du village, dans laquelle est plongée un grande Croix pour sanctifier l'eau, et où plongent à la suite tous les courageux qui n'ont pas peur de se mouiller dans l'eau froide du mois de janvier. Et, ensuite, en procession, portant des cierges allumés, tout le monde va asperger et bénir les maisons d'habitation. Pour avoir vécu avec mon confrère orthodoxe , cette belle fête à la prison de Metz, je peux vous dire combien elle est porteuse de joie et de sainteté....vous imaginez ces cellules souvent sales et décrépites, tout d'un coup illuminées, aspergées et sanctifiées par la présence du Christ vivant . Jésus plonge partout même au cœur des cellules des prisonniers.

La puissance du Salut de Dieu a été grandement manifestée dans les lectures de ce jour. Depuis le magnifique texte d'Isaïe qui nous exprime la gratuité totale du Salut : « Venez à moi, écoutez et vous vivrez. Je m'engagerai avec vous par une alliance éternelle »....reprise ensuite dans le psaume : « Ivres de joie, vous puiserez les eaux aux sources du Salut ». St Jean, dans sa lettre, nous rappelle quant à lui, le contenu de notre foi : « Bien- aimés, celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de Lui...et Celui qui rend témoignage , c'est l'Esprit car l'Esprit est vérité.»

Au terme de ces fêtes de Noël, sommes-nous maintenant prêts à vivre de ce mystère que nous venons de célébrer pendant quelques semaines ? Pour nous aider à le faire dans la joie il faudrait ajouter une troisième Épiphanie de Jésus, celle où pour la joie des noces et des mariés, à Cana , Il change l'eau en vin, permettant ainsi à la fête de se poursuivre jusqu'au bout. C'est nous dit St Jean, le premier signe de Jésus...C'est peut-être de cette Épiphanie-là que nous aurons le plus besoin dans nos temps difficiles car elle nous dit de façon claire cette présence attentive de Dieu à travers Jésus dans le commun de nos vies où selon cette belle formule d'Athanase, « Le Christ ressuscité vient animer une éternelle fête ». A nous donc maintenant de faire notre plongeon !

Bonne reprise de nos semaines du temps ordinaire dans la confiance en ce Dieu qui vient réveiller le vin de nos noces

votre curé Gilles FUND