Extrait de "Ebène" de Kapuscinski
L’architecture de ces quartiers est invraisemblable. Le plus souvent, les autorités de la ville affectent aux pauvres les terrains les plus mauvais : des marécages, ou bien des terres nues et sablonneuses. C’est là qu’on installe la première cabane. A côté d’elle vient s’élever une deuxième. Puis une troisième. Spontanément surgit une rue. Quand cette rue en rencontre une autre, cela forme un croisement. Puis ces rues commencent à se séparer, tourner, se ramifier. C’est ainsi que naît un quartier. Mais comment se procurent-ils les matériaux ? C’est le grand mystère. En creusant le sol ? En décrochant les nuages ? En tout cas, il est sûr et certain que cette foule de miséreux n’achète rien. Sur la tête, sur les épaules, sous les bras, ils transportent des morceaux de tôle, de planches, de contreplaqué, de plastique, de carton, de carrosserie, de cageot, puis ils assemblent, montent, clouent, collent ces pièces en un ensemble qui tient de la cabane ou de la hutte et forme un collage multicolore improvisé. En guise de couche, ils tapissent la terre d’herbe à éléphant, de feuilles de bananiers, de raphia ou de pailles de riz, car souvent le sol est bourbeux ou pierreux. Faites de bric et de broc, ces architectures monstrueuses en papier mâché sont infiniment plus créatives, imaginatives, inventives et fantaisistes que les quartiers de Manhattan ou de La Défense à Paris. La ville entière tient sans une brique, sans une poutre métallique, sans un mètre carré de verre !
La Bible, Exode 36
Quant à la demeure, tu la feras avec dix bandes d'étoffe de lin fin retors, de pourpre violette et écarlate et de cramoisi : tu feras ces bandes artistement damassées de chérubins. La longueur d'une bande sera de vingt-huit coudées ; sa largeur de quatre coudées, et toutes les bandes auront mêmes dimensions. Cinq des bandes seront placées côte à côte, et de même les cinq autres. Tu fixeras des brides de laine violette à la lisière de la dernière bande de l'un des assemblages, et tu feras de même à la lisière de la bande qui termine le second assemblage. Tu fixeras cinquante brides à la première bande et, leur répondant une à une, cinquante brides à l'extrémité de la dernière bande du second assemblage. Tu feras aussi cinquante agrafes d'or avec quoi tu assembleras les bandes l'une à l'autre. Ainsi la Demeure sera d'un seul tenant.
Tu feras des bandes d'étoffe en poil de chèvre pour former une tente au-dessus de la Demeure. Tu en feras onze. La longueur d'une bande sera de trente coudées et sa largeur de quatre coudées. Les onze bandes auront mêmes dimensions. Tu assembleras cinq de ces bandes d'une part, et les six autres d'autre part ; tu rabattras la sixième sur le devant de la tente. Tu fixeras cinquante brides sur la lisière de la dernière bande de l'un des assemblages, et cinquante brides sur la lisière de la dernière bande du second assemblage. Tu feras cinquante agrafes de bronze et tu les introduiras dans les brides pour assembler la tente qui sera ainsi d'un seul tenant.
Comme les bandes de la tente auront un excédent, la moitié de la bande en surplus retombera sur l'arrière de la Demeure. La coudée en surplus, de part et d'autre, sur la longueur des bandes de la tente, retombera sur les côtés pour couvrir la Demeure.
Enfin tu feras, pour la tente, une couverture en peaux de béliers teintes en rouge, et une couverture en cuir fin que tu étendras par-dessus.
Extrait de "Souvenirs de la maison des morts" de Dostoïesvski
La caserne de la section militaire, dans laquelle on avait installé le théâtre, avait quinze pas de long. De la cour on montait un perron qui accédait à une antichambre, précédant la salle elle-même. Comme je l'ai déjà dit, cette longue caserne avait été aménagée autrement que les autres ; le bat-flanc longeait le mur et le milieu de la salle se trouvait libre. La moitié de la caserne du côté de l'entrée était réservée aux spectateurs et l'autre moitié, qui communiquait avec une seconde chambrée, servait de scène. La première chose qui me frappa fut le rideau, qui s'allongeait sur dix pas en travers de la salle. Ce rideau était d'une opulence inouïe : on l'avait peint à l'huile et on y avait représenté des arbres, des tonnelles, des étangs, des étoiles. Il se composait de toile neuve et usagée, au hasard des dons, vieilles bandelettes pour les pieds, vieilles chemises raboutées en un immense drap. Dans la partie où la toile manquait, on avait tout bonnement cousu du papier, mendié feuille par feuille dans les divers bureaux de la forteresse.
... cette idée selon laquelle c'est en rapprochant deux réalités hétérogènes que jaillit une vérité cachée…
André Breton
Ce quelque chose de délabré, de lacunaire et d'aventureux, qui est pour moi la marque de l'Orient.
Paul Claudel
Tu aimerais bien, hein, avoir les habits de l'épouvantail pour tes assemblages !
Mon petit fils
Hermès, le couturier, dit que le luxe est ce qui est réparable. En Afrique, au Japon, les réparations ajoutent une valeur précieuse à l'objet.