Comment sélectionner un reproducteur dans l'élevage de rats domestiques?

Un bon éleveur est un éleveur-sélectionneur. Avant tout, une sélection nécessite d'avoir des objectifs. Bien entendu, la santé et le caractère doivent être des objectifs obligatoires dans tout élevage, mais la plupart des éleveurs ont aussi des objectifs liés à un type (un marquage, une couleur, un poil...). Une fois ces objectifs mûrement réfléchis et choisis, il est bon de ne pas en changer. Tout d'abord parce qu'un travail de sélection est toujours très long avant de commencer à porter ses fruits. Il faut souvent réfléchir, changer de plans, trouver de nouveaux moyens pour y arriver, tout recommencer de zéro... Et puis une sélection continue, allant dans la même direction, améliore l'efficacité et la durabilité du processus.

Qu'est-ce qu'une sélection ?

La sélection suppose de diviser une population (obtenue à partir d'une population parent) en sous-populations. Une première sous-population sera constituée des meilleurs individus selon des critères donnés. L'autre sous-population sera constituée des individus jugés mauvais selon les mêmes critères. L'objectif est de ne faire reproduire que les individus issus de la "bonne" sous-population et à terme d'éliminer les mauvais. Lorsqu'une sélection a pour objectif de favoriser un gène homozygote, on parle de sélection directionnelle. Lorsqu'à l'inverse la sélection vise à favoriser un gène hétérozygote, on parle de surdominance. Si la sélection directionnelle permet de stabiliser la variation génétique du caractère visé (le caractère est "fixé" dans la population), il n'en est pas de même pour la surdominance pour laquelle la fixation n'est pas atteignable.

Une sélection peut être d'ordre conservatrice lorsque l'objectif vise à maintenir les qualités d'une famille ou d'une lignée, ou d'ordre progressive lorsqu'il est question d'améliorer la famille ou la lignée en privilégiant les qualités ou en amoindrissant les défauts.

La base de sélection

Il s'agit tout simplement des individus reproductibles de votre population de rats ! Pour faire partie de votre base de sélection, un reproducteur doit être identifié (dans le but d'assurer un suivi de sa généalogie et de ses caractéristiques fiables) et ses performances doivent être contrôlées.

Bien évidemment, plus la population de la base de sélection est grande et plus la sélection sera aisée, car le nombre de candidats sera élevé.

Les différentes voies de sélection possibles chez le rat

* La sélection sur performance ou "massale": Cette méthode de sélection se base uniquement sur les performances d'un individu donné. Autrement dit, il suffit de regarder le rat: est-il beau ? A-t-il les critères physiques que vous recherchez ? Oui ? Et bien il est sélectionnable !

Bien entendu, ce type de sélection est très limitée et ne fonctionne que sur des caractères mesurables à forte hérédité.

* La sélection sur apparentés: ce type de sélection comprend deux voies: la sélection sur les ascendants tout d'abord consiste à choisir un reproducteur selon la valeur de ses parents. Cependant, il n'est pas vraiment possible de prédire les qualités d'un animal à partir de ses géniteurs car même deux frères peuvent être totalement différents. Les "collatéraux" (oncles, tantes, fratrie...) peuvent être aussi examinés.

L'autre voie est la sélection sur les descendants. Elle consiste à sélectionner un rat selon la valeur de sa progéniture. Cela suppose que l'animal a déjà reproduit et possède une descendance suffisante pour être étudiée. C'est une méthode de sélection efficace mais qui a l'inconvénient d'être lente et potentiellement dangereuse: il faut en effet paradoxalement faire reproduire l'animal (idéalement plusieurs fois avec des partenaires différents) avant de le juger bon reproducteur !

* Nous ne détaillerons pas la sélection assistée par marqueurs ou la sélection génomique qui ne correspond pas à l'élevage de rats domestiques.

Idéalement, un éleveur doit se servir de toutes les voies de sélection à sa portée pour choisir un reproducteur.

Déterminer les critères de sélection d'un élevage de rats

L'élevage animal reconnaît des "objectifs" et des "critères" de sélection. A l'échelle d'un éleveur amateur, les objectifs de sélection ne sont pas forcément mesurables: il s'agit de l'index de sélection, soit la contribution de la génétique d'un individu sur sa descendance.

Les critères de sélection sont eux très importants dans le cadre d'un élevage d'agrément.

On entend par "critères de sélection" les traits que l'on souhaite privilégier par le biais de la sélection des reproducteurs. Elle suppose une forme de "classement" des candidats du meilleur (le reproducteur souhaité) au moins bon.

Pour être viable, un critère de sélection doit posséder certains attraits:

* en premier lieu, il doit pouvoir être traçable et "mesurable", sinon il ne sera pas possible de vérifier son impact sur la descendance.

* il n'a pas d'effets délétères sur l'animal (exemple: on ne sélectionne pas de rats à poils roses si les poils roses sont aussi responsables avérés des cancers de la peau).

* il est idéalement d'une héritabilité la plus élevée possible (la sélection n'en sera que plus précise).

Avant même de se mettre à la recherche d'un reproducteur, il faut commencer par dresser la liste des critères que l'on souhaite y trouver et les hiérarchiser. De manière simplifiée, les éleveurs de rats domestiques se basent particulièrement sur les 3 critères reconnus que sont: santé/caractère/type.

Cependant, d'autres critères de sélection sont envisageables.

Un exemple: si je possède une famille à la fertilité faible, dont les gestations donnent des portées en deçà de la moyenne. Je rechercherais donc à adopter une femelle dans un but de reproduction, me permettant idéalement de commencer à améliorer la fertilité dans ma famille. Comment puis-je la sélectionner selon cet objectif de performance de reproduction ?

Trois critères seront déterminants dans ce cas précis. Je vais observer sur les portées qui m'intéressent la mère (et secondairement ses sœurs, et sa propre mère) et analyser:

* la fertilité: donc le nombre de bébés par portées qui ne doit pas être anormalement bas.

* la facilité de gestation et de mise-bas: combien de saillies ont été nécessaires, la mise-bas s'est-elle déroulée sans difficultés ?

* l'aptitude à l'allaitement et au sevrage de la portée: la mère a t-elle eu un lait suffisant, a t-elle pu sevrer ses bébés ?

Cependant, déterminer correctement un critère de sélection ne s'arrête pas là: il faut aussi en connaître la composante génétique. Si nous revenons à notre exemple sur les performances de reproduction: des soucis de mise-bas récurrents peuvent refléter un facteur génétique, mais aussi un fort facteur environnemental ! Les conditions d'élevage ont un rôle déterminant dans les performances de reproduction: âge des animaux, alimentation, conduite de l'éleveur, stress...

Il est important de noter que plus le nombre de critères de sélection est élevé et plus le travail sera lent et difficile. Le progrès génétique est plus rapide lorsque le nombre de critères de sélection est limité: c'est la spécialisation. Ainsi, les vaches de type "culard" produisent beaucoup de viande mais ont de faibles performances de reproduction. Une race a donc été spécialisée dans la production de viande et une autre dans la recherche des performances maternelles: les vaches issues de ce croisement bénéficient de toutes les qualités à la fois !

En savoir plus ? Lisez l'article "Sélection: le test de personnalité sur ratons"

Sélection: génétique et non génétique

Comme nous l'avons vu au-dessus, tout caractère peut avoir une composante génétique... ou pas ! Le calcul de l'héritabilité d'un caractère se mesure sur une échelle allant de 0 à 1. A titre d'exemple, les caractères dits "de production" (les œufs de la poule ou la laine du mouton) ont une héritabilité allant de 0,2 à 0,4.

Au-dessus de 0,5, on considère que l'héritabilité est élevé.

Composante génétique importante signifie héritabilité importante et donc sélection simplifiée pour ce caractère.

Les performances d'un animal peuvent être liées à sa génétique, mais aussi à son milieu, son environnement. Idéalement, pour étudier un critère de sélection, il faudrait comparer les performances dans un même milieu possédant les mêmes conditions. Autrement dit, pour analyser parfaitement les performances de reproduction d'une fratrie de rattes, il faudrait que les rattes aient leurs portées au même endroit en bénéficiant des mêmes facteurs.

Enfin, n'oublions pas l'importance de la vicariance ! En effet, les bébés apprennent aussi en observant leurs parents et les adultes qu'ils côtoient ! Leur réponse face à certains stimuli peuvent ainsi évoluer en fonction de celle de l'individu modèle. Autrement dit, un jeune animal issu d'une mère peureuse peut devenir peureux lui aussi en observant le comportement maternel ! Le conditionnement opérant vicariant a été observé chez de nombreux mammifères, dont le rat. La portée peut ainsi apprendre par le biais d'un renforcement positif ou négatif en observant les autres individus de son espèce. Il est donc important de sélectionner avec soin les reproducteurs, mais aussi les animaux qui seront en contact avec la progéniture de ceux-ci !

Les pièges de la sélection en élevage

Une bonne sélection n'a rien de facile. Voyons ensembles les difficultés principales auxquelles un éleveur de rats doit faire face lorsqu'il recherche un nouveau reproducteur:

* validité des informations: que ce soit dans le cas d'une sélection sur l'ascendance ou la descendance, le même problème existe. On s'en remet toujours aux informations données par des tiers. Ces informations peuvent être mensongères, incomplète. Mais aussi, tout simplement, un tiers peut ne pas accorder la même importance ou le même intérêt à une information ! Ainsi, par exemple, certains ne pratiqueront pas d'autopsie sur un rat là où d'autres verraient cela nécessaire.

* la fraude à la filiation: dissimuler l'existence d'un rat X dans la famille en le remplaçant par un rat Y. Il faut toujours vérifier que les types présents dans la portée sont possibles au vu de l'ascendance.

* la valeur de la généalogie: devant un rat ayant 5 générations connues, où s'arrêter de regarder ? A quel moment les informations deviennent de moindre importance et peuvent être écartées ? C'est une question délicate. Evidemment, la famille la plus proche possède les informations les plus pertinentes pour votre rat. Il faut donc soigneusement examiner la fratrie d'un reproducteur potentiel, ses parents, ses oncles et tantes et ses neveux et nièces (et fils et filles s'il y a). Les collatéraux immédiats possèdent les données les plus importantes. Cependant, certaines maladies génétiques peuvent se transmettre génétiquement pendant une dizaine de générations (c'est le cas du mégacôlon par exemple). Il est tout de même bon de jeter un œil aux affixes de tous les rats de la généalogie connue pour repérer les origines à risque.

* le piège d'un standard: ce n'est pas encore le cas actuellement, mais cela arrivera certainement un jour. Un standard tel qu'il en existe chez les chiens ou les chats peut potentiellement être un piège en matière de sélection. Cependant, ce n'est pas le standard lui-même qui doit être mis en cause, mais la façon dont l'éleveur travaille selon lui. La conformité à un standard ne doit pas être le seul critère de sélection d'un reproducteur, car il s'appuie uniquement sur des critères physiques et esthétiques, c'est à l'éleveur de travailler selon le standard avec discernement.

* la diversité génétique: hormis dans le cas d'un travail en consanguinité (et même avec cela, il existe la retrempe), la variation génétique est nécessaire pour un éleveur. Cela rajoute dans tous les cas un nouveau critère de sélection important: la parenté ou la non-parenté des reproducteurs.

* la hiérarchisation des critères de sélection: certains critères sont moins importants que d'autres, en dresser une liste par ordre d'importance est donc nécessaire. Cependant ce n'est pas si facile. Certains critères sont parfois très opposés (comme travailler le type Harley avec de bonnes familles et une santé correcte à l'heure actuelle). D'autres critères sont liés et doivent donc être hiérarchisés et sélectionnés en conséquence. Prenons la poule comme exemple: plus elle ponds d’œufs et plus ces œufs seront d'un poids réduit. Une sélection uniquement basée sur la quantité sera néfaste au poids du produit. Un choix de sélection a parfois une incidence directe sur un autre, et il faut le prendre en compte.

Exemple de méthode de sélection: la "sélection en vue du croisement" chez le "Large White"

C'est une méthode de sélection spécialisée utilisée sur les porcs de race "Large White".

Une lignée "mâle" et une lignée "femelle" ont été construits selon une sélection complètement différente. En effet, la lignée "femelle" a été sélectionnée pour ses performances de reproduction et sa longévité tandis que la lignée "mâle" a été sélectionnée sur sa musculature et sa croissance.

Bien que cette voie de sélection soit relativement récente, de bons résultats sont déjà apparus notamment une bonne croissance ainsi qu'une bonne homogénéité et un bon sevrage des portées.

Exemple de méthode de sélection: "le pointage" chez le cheval Breton

Le pointage morphologique est une méthode de sélection utilisée par les éleveurs du cheval Breton qui permet d'obtenir un avis descriptif sur les reproducteurs et orienter la sélection en fonction des données obtenues.

Le pointage est uniquement axé sur la morphologie, les aplombs et les caractéristiques de la race. Ces trois critères généraux regroupent au total 16 caractères. Chacun de ces caractères est noté dans un tableau de 01 (le moins bon, insuffisant) à 09 (le meilleur, excellent).

Cette évaluation permet de situer l'animal et ainsi de faciliter la sélection des reproducteurs en fonction des points forts et des points faibles de chaque cheval.

Sources:

Inra: "Sélection animale: comment? Pourquoi? Par qui?"

"Génétique et sélection des animaux", par Louis Ollivier

"The genetic basis of contructing selection indexes", par Hazel L.N.

"Bases de génétique et de sélection animale", par Jean-Pierre Hallais

Thèse vétérinaire (1998), par S. Buff

"Etat des lieux de l’amélioration génétique des animaux domestiques" par P.Sellier

"Assimilation Variationnelle des conditions initiales par contrôle optimal et identification de paramètres par algorithmes génétiques dans le modèle ICARE", par Walid Bouarifi

France génétique Porc

Cheval Breton