Manger des yeux le bruit

Le bruit est parmi nous, il est en nous, il est partout. Il nous envahit constamment. Il est un tas, une masse sonore protéiforme qui s’oppose aux sonorités propres et distinctes. Il est indésirable. Le bruitiste, lui, crée des images sonores, des imitations, des simulations sonores à partir de choses. Ces objets utilisés sont tellement éloignés du sujet évoqué qu’ils étonnent. Beaucoup de mes installations reposent sur ce principe d’écart entre l’objet, sa fonction usuelle et son potentiel sonore. Une musicalité (dans un sens libre) et des évocations sonores d’un monde animalier étrange émergent par l’intermédiaire d’une panoplie d’objets hétéroclites mécanisés. Le bruit m’intéresse lorsque sa rencontre est fortuite, lorsque de celui-ci émerge tout à coup comme un son distinct, une particularité sonore. Tout à coup, toute musique, toute parole, tout chant devient bruit dérangeant ; pour un bref instant, la réalité s’inverse et ainsi commence un nouveau processus de création. Il est difficile de vivre très longtemps dans cette dimension parallèle, dans ce trou de vers. C’est pourquoi je cherche à créer de brefs instants d’exaltations où l’oreille s’active et n’est plus cette organe qui se fait bourrer telle une oie gavée : dans cet instant particulier où les oreilles deviennent bouche et œil en même temps, elles observent savamment, sournoisement et avalent goulûment ce son. Le défi toutefois est de sortir de l’expérience avec les deux oreilles indemnes. Mon souhait en installation sonore a toujours été de recréer cet instant particulier.

Texte : Jean-Pierre Gauthier

BIOGRAPHIE

Artiste québécois, présent sur la scène de l’art contemporain depuis le milieu des années 1990, Jean-Pierre Gauthier poursuit une démarche hybride intégrant arts visuels et exploration sonore. Virtuose du quotidien, patenteux de l’art contemporain, expert du son, Gauthier voit, et entend, tout le potentiel sonore et métaphorique de l’objet trouvé. Ses installations cinétiques associent humour et poésie au sein d’une démarche d’une grande rigueur. (Pierre Landry, MACM)

À travers des dispositifs visuels, sonores et cinétiques, Jean-Pierre Gauthier sonde notre relation à la machine et teste la prévisibilité attendue des divers systèmes qu’il construit. Bien que ses installations exposent leur mécanisme dans toute leur matérialité, leur fonctionnement ne se révèle que partiellement. Les opérations qu’elles effectuent sont libérées de tout rôle utilitaire, évoquant avec humour le monde animal et anthropomorphique. Le hasard, le contrôle, le désordre, le chaos, l’accident et l’organicité se côtoient de façon poétique tout en provoquant des situations cocasses et inusitées qui déjouent les attentes. Si les références à la culture populaire se traduisaient d’abord par des références iconographiques, elles se manifestent de plus en plus à travers la matière sonore, laquelle émane de structures où la qualité graphique demeure et s’épure.

Gagnant du prestigieux prix Sobey Art Award en 2004, il est également récipiendaire du prix Victor Martyn Lynch-Staunton en 2005 ainsi que du prix Louis-Comtois en 2012. Sa dernière exposition solo à New York fut considérée parmis l'une des meilleurs en 2011 par le Village Voice. Ses installations sonores et cinétiques furent présentées à travers le Canada, en Europe, en Asie et en Amérique, notamment lors de la Biennale de Montréal en 2000, Electrohype 2006, Lunds Konsthall, Transmediale.06 – Smile Machines, Akademie der Künste, Berlin (2006), Tonspur_expended, Vienna, Austria (2010), Manif, Québec, (2012), FIMAV (2012), File Festival, Sao Paulo, Brazil (2012) et Electrohype (2013) (Värnhemstrogets Elektroniska Skulpturpark), Malmö, Suède . Une exposition bilan de son travail fut présentée au Musée d’art contemporain de Montréal en 2007. Cette exposition mise en circulation par le MACM et intitulée Jean-Pierre Gauthier : Machines at Play, fut présentée par la suite au Akron Art Museum en Ohio et à la Mendel Art Galery de Saskatoon en 2009, puis à la Art Gallery of Nova Scotia, à Halifax, et à la Grande Prairie Art Gallery en Alberta, en 2010. Depuis 1998, il participe en tant que musicien autodidacte à divers événements musicauxsous différentes formations, incluant des musiciens chevronnés tels que Michel F. Coté, Diane Labrosse, Martin Tétreault, Christof Migone, Jean Derome et Mirko Sabatini.


Nouvelle parution sur CD

Mes voix d'intérieur

Édition limité de 60

Label : Oral Cdr 51

www.oral.qc.ca

L'agonie d'une machine

Édition limitée de 60

Label : Oral CDr 50

www.oral.qc.ca

Outside in / Inside out

Édition limitée de 60

Label : Oral CDr 49

www.oral.qc.ca

Thorax (le son d'une installation)

Édition limitée de 50

Label : Oral CDr 38

www.oral.qc.ca

Last Sound

Musique par le Duo Travagliando (JP Gauthier- Mirko Sabatini)

étiquette Le Arti Malandrine

site web du duo :

www.myspace.com/duotravagliando