TOPOS

Jonathan Siksou naît à Paris en 1981 au sein d’une famille d’artistes. Sensibilisé dès son plus jeune âge au « métier », initié au dessin, à la gravure, à la peinture et à la sculpture, c’est en autodidacte qu’il poursuit son exploration de la représentation. Et c’est à travers la richesse des techniques mixtes qu’il décide de suivre, à sa façon, l’aventure de l’art. Son travail illustre une même obsession, un même questionnement : le temps qui passe. Vues d’intérieurs vidés de leurs meubles et de leurs habitants (encres noires sur papier rehaussées de pastels noirs et blancs), géographies variables (cartes anciennes découpées et recollées pour composer des planisphères illisibles) et objets de curiosité (assemblant crânes, os, matériaux pauvres et précieux) constituent un univers tourné vers le rêve étrange et la contemplation mystérieuse.

EXPOSITIONS

Expositions personnelles à la Galerie Nabokov, Paris Ier

-novembre- décembre 2006

-novembre- décembre 2008

-novembre- décembre 2010

-novembre- décembre 2012

Expositions personnelles à la Galerie Grilivre, Paris IIe

- octobre-novembre 2006

- février- mars 2009

Exposition personnelle chez Deyrolle, Paris VIIe

- août- décembre 2015

Expositions collectives à la Galerie Nabokov, Paris Ier

- janvier-mars 2005

- janvier-mars 2006

- septembre-décembre 2007

- janvier-mars 2008

- septembre-décembre 2009

- janvier-mars 2010

Expositions collectives à la Galerie Pixi-Poliakoff, Paris VIe

- octobre- décembre 2013

- mai- juillet 2014

- septembre- décembre 2015

Exposition collective à la Galerie Da-End, Paris VIe

-mars-mai 2017 : « Le Cabinet Da-End »

Petits artifices d’éternité

Par Elisabeth Lemirre

Des os de hasard, des brindilles d’or, des éclats durs d’onyx ou de jade, des boucles de monde, des becs d’alouettes, des pampilles d’eau. Le temps d’un oiseau s’arrête, s’enchâsse, s’enroule, se perche sur un bilboquet. Quelle main oserait faire sauter la mort pour la rattraper à la pointe d’un fil ? La sienne, celle de Jonathan Siksou.

Jonathan Siksou est ciseleur de temps. Des débris de nos bijoux, et de tout ce qui vole, rampe et court, d’une poignée de plâtre, il monte un théâtre de merveilles sur socles de pierre. À celui qui les regarde, ces merveilles disent que l’homme passe comme l’herbe des champs et que le pouvoir est une minuscule boule d’ivoire aussi éphémère qu’une bulle de savon. Le vingt-et-unième jour d’août 1670 devant la cour, Bossuet à Saint-Denis rappelait à Louis XIV que « tout est vanité ».

Ce sont bien des vanités que cisèle Jonathan. Mais rien de funèbre dans ces éclats de vie. Rien d’une métaphore de la fin, du goût amer de la mort. C’est le chant des petits bouts des choses toujours recommencées. C’est un délire bizarre et joyeux qui mélange os et bijoux, mains et dentelles, œufs d’autruche et œufs de buis. Comme si un dieu malin, les yeux fermés, avait déversé sur l’échiquier de la chance le sac à malices du monde.

Avec Jonathan, l’os n’est plus ce témoin d’un corps qui a couru, volé, fait l’amour, et qui se résout au terme de sa carrière à la poussière et au vide. Choisi entre mille, lavé, frotté, poncé, poli, vernis ou peint, marqueté d’or et de pierres précieuses, il passe de ce qui n’a plus de nom dans aucune langue, à la relique délicieusement macabre.

Délicieuse relique, car elle incite à la jouissance. Nul besoin de prière, ni de dévotion, sauf celle de l’œil qui regarde et désire. Qui admire aussi ces os devenus colonnes neigeuses d’un temple où un sage à longue barbe s’imagine qu’il porte le monde qui n’est peut-être encore qu’un œuf. Ou qui s’étonne que ce même œuf plus noir que le plus noir orage soit devenu le calice d’ombre que les sorcières tendront à Macbeth.

Qui pourrait reconnaître dans cette corne d’abondance, qu’enlacent les pampres d’un improbable liseron d’or la corne de quelque vache sacrée. Des éclats de miroirs, des gouttes de corail laissent soupçonner l’Inde rutilante qui l’honorait.

Il fut un autre temps, où les hommes enfermaient leur goût de l’ailleurs dans de précieux cabinets d’écaille et d’ébène, entassant la disparate de mondes qu’ils ne connaîtraient jamais, Jonathan, lui aussi, dresse avec ses compositions d’une inquiétante étrangeté les cartes de pays qui n’ont pas de nom. Le reliquaire où repose l’os de quelque amoureuse qui a gardé son bracelet d’or et son améthyste, le ciel emperlé arrêté au filet d’un forgeron divin, le crâne de la Madeleine à la lueur d’une bougie noire, la main qui cherche dans le nautile la fraîcheur de la vague, autant de chemins imaginaires vers ces terres que nous hantons dans nos rêves avant de les perdre, navrés, à l’aube. Comme Bernard Palissy qui faisait ses émaux avec de l’étain, du plomb, du fer, de l’acier, de l’antimoine, du soufre, du salicort, de la cendre gravelée et de la pierre de Périgord, Jonathan cisèle des reliquaires, des ostensoirs à portrait, des bilboquets, des calices, le chandelier de la Reine de la nuit avec des matières pauvres, rescapées de la terre et de l’oubli, qui par l’art de l’assemblage deviennent aussi précieuses et étincelantes que les plats du grand émailleur.

Avec ce que la tradition désignait au XVIe siècle sous le nom de naturalia, Jonathan Siksou crée ces objets qui ne sont rien d’autre que des artifices d’éternité.

Réminiscence d’une île aux trésors

Par Élisa Point

Des mappemondes « érotisées »

Ou les tranches fines à la coupe d’un monde englouti

Prêt à refaire surface…

Sur des papiers du XVIIIe et XIXe siècle

Cette invitation au voyage immobile…

Hublots de civilisations fantomatiques et réinventées

Fausses jumelles pour voir l’infiniment lointain

Là dans sa main…

Jonathan Siksou séquestre à sa manière

Un rituel d’obsessions qui prennent formes et vies

Selon le coup de foudre collectionneur de chaque passant

Alentours et environs d’un jeu de pistes « Atlasisé »

Où les indices ont la précision enfantine et poétique de l’indicible

Le long des murs

Visites d’encres sur papiers comme réchappées d’un naufrage

Suites d’intérieurs à habiter d’un regard

Pastels japonisants l’architecture de lieux

Qui ont vu passer la dernière foule d’une pensée.

Dans cette « bibliothèque-galerie Nabokov »

L’absence de livres est remplacée par un paysage

D’objets fossilisés

Précieux butin d’un mystérieux cabinet marin

Cornes d’abondance… fracturées et offertes

Sur les étagères « gourmandises d’un au-delà »

Bocaux d’anchois enluminés

Virginale buée d’osselets

Talismans glacés à la feuille d’or

Sensuel ballon d’os pour se jouer de la mort

Du grand cimetière de l’art

Pour notre seul plaisir

Ainsi Jonathan Siksou nous laisse flâner

Dans ce temps arrêté

Derrière le miroir

D’un quelque part

A nous de regarder tous les secrets

Qu’il nous tend…