Aujourd'hui, c'est avec émotion que je me souviens de ce solide petit gars de 5 ans, parmi les enfants de la Maison des Petits. Nous allions encore nous retrouver souvent, tout au long de sept décennies, que ce soit au Parti socialiste, dans les manifestations politiques ou à Domaine Public, ou encore sur les plages de Majorque et les sentiers des Alpes. Dans tout ce qu'il faisait, qu'il s'agisse de travailler ou de militer, auprès de sa famille comme avec ses amis ou ses camarades, dans la sphère privée ou dans des fonctions publiques, Jean-Pierre était, partout et toujours, le même :
Modeste, il n'éprouvait aucun besoin de reconnaissance publique. Sans fuir pour autant les feux de la rampe, lorsque ses fonctions politiques le réclamaient, il y faisait face avec un langage simple et un discours sans dogmatisme.
Dans les discussions politiques, il écoutait les avis des uns et des autres, ne parlait que lorsqu'il était sûr d'apporter une contribution propre et bien fondée. Discrète, sa simple présence, si nécessaire, calmait le jeu et en appelait au respect mutuel.
Quelle que soit la tâche à accomplir, il l'empoignait sans attendre que quelqu'un d'autre s'en charge. Tâches modestes et fastidieuses – faire le tour des caissettes de Domaine public pour veiller à ce que le journal y soit – ou tâches plus prestigieuses et exposées, comme la présidence du Parti socialiste ou le travail de député au Grand Conseil.
Bien ancré dans le réel, ses priorités allaient à des logements sains et d'un prix abordable, à des bibliothèques et des écoles accueillantes, à des espaces publics sûrs et familiers ; l'architecture, la protection des monuments et l'urbanisme étaient, aux yeux de Jean-Pierre, des domaines clés pour réaliser plus d'égalité et une meilleure qualité de vie. Mais cet intérêt, vécu dans sa vie professionnelle et son engagement politique, cela n'avait rien d'exclusif.
La responsabilité envers ce qui se passe « ici et maintenant » le faisait agir dans sa communauté, dans sa ville, dans son Église, dans le cadre démocratique qui est le nôtre, dont il connaissait à la fois les lacunes et le caractère infiniment précieux. Cela n'empêchait en rien, cela nourrissait au contraire, sa solidarité avec celles et ceux en lutte contre les dictatures, les discriminations et les guerres, sa solidarité avec les victimes de ces violences.
Le socialisme de Jean-Pierre, un socialisme fortement ancré dans la foi, était à la fois une aspiration éthique et une action au ras du sol. Une haute conception de la politique, sans dogmatisme ni sectarisme, qui se traduisait par mille et une actions militantes, par mille et une préoccupations des habitants de ce canton auxquelles il fallait trouver réponse.
Partout et toujours le même... authentique en un mot. Fidèle et fiable. La phrase de Etty Hillesum qui figure sur le faire-part de son décès exprime bien à quoi il aspirait : « devenir aussi simple et muet que le blé qui pousse ou la pluie qui tombe ». J'ajouterais, connaissant son engagement au service des autres, « ...comme le blé qui nourrit, comme la pluie qui fertilise ».