Temoignage - 23 Mai 2011

Le Temoignage ci dessous fût rédigé par le Vielleux Richard GAIN , à l’attention de Marc MAURER - Président de Paris Danses en Seine :

Marc , Paris le 23 Mai 2011

Je tiens à t’informer des faits suivants qui retiendront probablement ton attention:

En l’absence d’autorisation donnée à l’association, que tu présides, quelques musiciens et danseurs habitués des lieux se sont présentés spontanément dans l’alvéole d’usage, quai Saint Bernard, que depuis des années nous fréquentons pour jouer et danser. C’était le jeudi 19 mai et nous nous amusions dans la tradition conviviale propre à ce type de réunion, à un endroit auquel nous sommes habitués depuis plus de 15 ans, en outre universellement connu, notamment par les touristes enthousiastes qui nous saluent des bateaux-mouches.

Or aux alentours de minuit, la police fluviale est intervenue, m’a choisi parmi le groupe de musiciens pour me signifier de faire arrêter cette «manifestation non autorisée sur la voie publique » ce qui a fait pâlir la lune - même qui était pleine et radieuse ce soir -là.

Sachant par expérience que l’humeur de la police varie, je me suis rendu à tout hasard sur les quais samedi 21 mai. Là encore, au bout d’un moment, d’autres musiciens et danseurs habitués aux usages sont venus et nous avons à nouveau joué et dansé. Les voitures de police passaient régulièrement et leurs occupants ne se préoccupaient pas d’interdire quoi que ce soit mais simplement de vérifier si tout était normal et paisible. Leur seule intervention a consisté à préciser que nous pouvions jouer mais devions nous abstenir d’utiliser des instruments à percussion, trop sonores pour les riverains, ce que nous savons depuis de nombreuses années. Pour la même raison nous n’utilisons pas d’amplificateurs, comme tu le sais.

Plus tard, la police est intervenue cette fois pour nous interdire de jouer. Là encore j’ai été désigné pour transmettre le message. Les policiers ont relevé mon identité, ont établi une main courante et m’ont précisé qu’en cas de récidive mon instrument pourrait m’être confisqué. Les arguments sont variés au fil des interventions; on nous dit par exemple qu’en cas de panique nous pourrions risquer notre vie, que nous n’étions pas couverts par une assurance (A quoi nos assurances individuelles peuvent-elles donc servir?). On nous dit également que nous jouons dans un square et que la musique y est interdite. Dans ce cas je me demande pourquoi elle a été autorisée pendant de longues années. J’en viens à me demander pourquoi les rassemblements de nombreux pique-niqueurs sur le lieu sont autorisés alors que ceux-ci sont en danger en cas d’incident . De nombreuses écoles font leurs réunions sur les quais; des anniversaires réunissent des dizaines de personnes sur quelque mètres carrés. Un policier m'a dit que ces mesures étaient destinées à nous protéger des malfaiteurs. Comme il y a des malfaiteurs partout.....

Quand je vois le métro bondé aux heures d’affluence, j’en viens à penser qu’il conviendrait peut-être de l’interdire en toute logique; mais il y a probablement un arsenal juridique couvrant ces rassemblements qui ne sont pas des associations mais des masses laborieuses.

Je précise que devant l’alvéole se tenait un bateau à l’amarre dans lequel des gens dansaient aux sons amplifiés d’une sono généreuse . Mais ils devaient probablement être autorisés et profitaient du privilège d’occuper un « no man’ land liquide», la Seine, ayant par rapport à nous des avantages d’une quasi exterritorialité. Et le bateau, il est vrai, n’était pas un lieu public.

Comment expliquer ces changements continuels dans l’attitude des policiers? Il semble d’ailleurs que plusieurs polices couvrent ce territoire «à haut risque» probablement (La fluviale, celle du 5ème arrondissement, la police de la Mairie de Paris) et que leurs violons, si j’ose m’exprimer ainsi, ne semblent pas accordés .

Sachant qu’en tant que Président d’Association tu as dû être confronté à de tels cas, je me suis permis de te faire part de cette information, inquiet que je suis quant à la liberté de s’amuser «_gentiment_» je le répète.

Dans un Paris qui se veut attrayant , lieu de toutes les fêtes estivales, un Paris qui «_fait son cinéma_» un Paris qui «_sait faire la fête_» comme l’annoncent continuellement les journaux distribués abondamment chaque jour aux habitant ainsi que les hauts parleurs des bateaux-mouches, il est tout de même étonnant de constater qu’une réunion de simples «_folqueux_» ne trouve pas sa place.

Je ne suis pas juriste et mes remarques ne sont inspirées que par le simple bon sens qui semble se perdre au pays de Descartes .

Je signale au passage un problème philosophique auquel la police ne semble guère sensible: à partir de combien de grains de sable peut on estimer que l’on a un tas de sable, autrement dit à partir de combien de personnes réunies paisiblement doit on considérer que l’on a à faire face à une «_manifestation non autorisée sur la voie publique_» ?

Peut-être que , fort de ton expérience qui doit être très longue en la matière, trouveras-tu l’interlocuteur qui peut nous sortir de cette situation absurde et sauras lui faire part de nos inquiétudes.

Bien cordialement;

Richard Gain