Compositrices baroques

Emission France musique: 3 mars 2014

"L'apparition de femmes compositeurs en Italie au XVIIème siècle reste, comme en témoigne la qualité des musiques qui nous sont parvenues, un phénomène unique. Les œuvres de ces immenses musiciennes, profondément engagées dans les débats esthétiques de leur époque, demeurent d'irremplaçables témoignages du raffinement de la culture italienne au début du Seicento."

http://www.francemusique.fr/emission/le-concert-de-l-apres-midi/2013-2014/concert-special-semaine-de-la-femme-compositrices-baroques-03-03-2014-14-00

Chiara Margarita COZZOLANI (1602 - 1677)

Née dans une riche famille milanaise, elle reçut probablement une éducation musicale pendant son enfance, et prononça ses voeux à l'abbaye bénédictine de Santa Radegonda (Milan) aux alentours de 1620. Sa soeur aînée et une de ses tantes avaient suivi la même voie, et plusieurs de ses nièces la rejoignirent. Elle se trouva donc entourée d'un grand nombre de membres féminins de sa famille. Elle fit probablement partie de l'ensemble musical du couvent pendant plusieurs dizaines d'années, avec une vingtaine d'autres religieuses. Plus tard dans sa vie, elle fut prieure et abbesse, à une époque où le couvent faisait l'objet de critiques de l'archevêque Alfonso Litta pour sa vie musicale et "ses irrégularités" disciplinaires. Sa musique se caractérise par des lignes vocales très fournies et souvent fleuries, des basses continues entraînantes et répétitives et l'utilisation structurelle de refrains et de passages récurrents. Ses motets de longueur diverses sont prévus pour être interprétés par des combinaisons sans cesse changeantes de solo, duo, quatuor et tutti. Loin de manifester une naïveté ou une simplicité à laquelle on pourrait s'attendre de la part d'une femme cloîtrée depuis des années, l'oeuvre de Cozzolani témoigne d'une connaissance aiguë des tendances musicales contemporaines et, à certains endroits, d'un traitement innovateur dans les structures et la rhétorique.

Mustapha Bouali - mars 2012

Elisabeth JACQUET DE LA GUERRE (1666 - 1720)

Née et disparue à Paris. Issue d'une famille de musiciens. Enfant prodige, vivement encouragée tout au long de sa carrière par Louis XIV, elle épousa Marin de La Guerre (1658-1704), organiste de Saint-Séverin et de la Sainte Chapelle, lui-même membre d'une célèbre famille de musiciens parisiens. Considérée par ses contemporains comme une remarquable musicienne, elle était admirée par les plus grands connaisseurs. Elle laisse une oeuvre importante: un livre de pièces de clavecin, des chansons, des airs à boire et quelques motets en l'honneur du Roy pour ses encouragements et sa protection.

Motet "Sanctum et Terribilis" à 3 voix.

Mustapha Bouali - décembre 2009

Isabella LEONARDA (1620 - 1704)

Cette compositrice italienne fut instruite dans les premiers rudiments musicaux et reçut une solide éducation humaniste dans la maison paternelle avant d'entrer, à peine âgée de 16 ans, dans la Congregazione delle Virgini di Sant'Orsola de Novare. Les données biographiques concernant cette importante figure de religieuse-musicienne sont malheureusement très maigres et d'un laconisme désolant. De manière certaine, on sait seulement qu'en 1658 Suor Leonarda remplit les fonctions de mater discreta et cancellaria et de magistra musicae alors qu'on présume qu'elle fut l'élève de Gaspare Casati, Maitre de chapelle de la cathédrale de Novare de 1635 à 1641. Des frontispices de ses oeuvres, nous apprenons en outre que, durant diverses périodes entre 1686 et 1695, elle recouvra la charge de "Superiora" et ensuite de "Madre vicaria" dans son couvent, tout en y demeurant du reste "Consigliera" jusqu'au 25 février 1704, l'année de sa mort, à l'âge vénérable de 84 ans. 

Le catalogue des oeuvres d'Isabella Leonarda est relativement vaste. Celui-ci comprend presque 250 titres entre compositions vocales et instrumentales, rassemblées en 16 volumes publiés entre 1640 et 1700. 

Nous avons choisi de présenter en 2012 trois madrigaux qui évoquent ce qu'on nomme à l'époque les "passions" et, première entre toutes, la passion amoureuse, avec son cortège d'espoirs déçus, de regrets amers, de douleurs vraies ou feintes ... Pleurs, soupirs, invocations à la mort ....

Madrigal "L'alma parlar non osa"

Madrigal "M'hai da Piangere"

Madrigal "Corona d'Amor"

Mustapha Bouali - mars 2012.

Carla Francesca RUSCA (1593 - 1676)

Appartenant probablement à l'illustre maison de Rusca de Locarno, Soeur Claudia Francesca Rusca a été entre 1604 et 1641 religieuse du cloître de Umiliate de Milan, dans le monastère Sainte-Catherine, à proximité de Brera.

Dans ses "Vespro della beata Vergine" Claudia Francesca Rusca nous fournit les principaux éléments d'un bon nombre de vêpres, qu'ils soient propres à la liturgie ou non. L'ordre des psaumes pour les deuxièmes vêpres de nombreuses fêtes de la Vierge était connu sous le titre de "cursus féminin": Dixit Dominus, Laudate Pueri, Nisi Dominus, Lauda Jerusalem. Claudia Francesca Rusca les a tous mis en musique depuis la formation "à deux voix et un instrument" jusqu'à l'ensemble "à cinq voix et cinq instruments". Elle nous laisse en outre l'hymne à la Vierge "Ave Maris Stella" à trois voix et un Magnificat avec instruments.

Dans les Vespro della beata Vergine, Claudia Francesca Rusca utilise toutes les techniques connues à l'époque pour créer une perception musicale active de l'auditeur. Les deux à cinq voix sont utilisées de diverses manières en blocs homophoniques et rythmiques, en stricte imitation, en style fugué, en dialogue, en alternance entre instrument et tutti, en explorant toutes les ressources poétiques du texte liturgique. Il faut noter l'extrême particularité du Magnificat qui se développe à travers un dialogue suggestif entre les voix de soprano et la voix d'alto.

"Vespro della beata Vergine"

Mustapha Bouali - janvier 2011.

Barbara STROZZI (1619 - 1664 ?)

Chanteuse et auteur de 8 volumes de musique vocale qui furent publiés à Venise entre 1644 et 1664. Née à Venise en 1619, Barbara Strozzi était la fille adoptive et peut-être naturelle de l'un des principaux intellectuels vénitiens, Giulio Strozzi. Lui-même auteur de nombreux livrets d'opéra, il encouragea activement la carrière de Barbara, à la fois comme chanteuse et compositrice. Dès 1634, il lui donna l'occasion de chanter chez lui, en petit comité. Pour rendre publiques ses représentations, il créa en 1637 l'accademia degli Unisoni dont les réunions virent Barbara se produire comme chanteuse. Et c'est probablement lui qui la fit étudier avec Francesco Cavalli, le plus important compositeur d'opéras de l'époque.  Les publications postérieures de Barbara, près d'une par an, dédiées à nombre d'importants mécènes laissent penser qu'elle comptait sur ses talents de compositrices pour gagner sa vie, bref qu'elle était compositrice professionnelle. Sa carrière semble pourtant s'être terminée dans l'ombre. Cinq années séparent ses deux dernières publications, et on ne sait plus rien d'elle après la parution de son opus 8 en 1664.

Madrigal "Voi per ultima aita occhi sol voglio"

Mustapha Bouali - mars 2012

Caterina ASSANDRA (vers 1590 — après 1618)

Caterina Assandra est née à Pavie. En 1609, elle prononce ses voeux et entre au monastère bénédictin de Santa'Agata in Lomello, en Lombardie.

 Soeur Angela Flaminia Confalonieri parle d'elle en ces termes à son évêque Federigo Borromeo: "Il y a une religieuse, et c'est elle qui m'a appris à chanter et à jouer … Cette religieuse est à même de composer, et ainsi elle a écrit une série de motets, et ses consoeurs souhaitent les éditer et les dédier à votre Seigneurie Illustrissime … Cette composition a été particulièrement couverte d'éloges, et je pense bien qu'elle sera appréciée dans les monastères …"

On lui doit entre autres des motets dans le nouveau style concertato à Milan en 1609, un Salve Regina à huit voix en 1611, et un motet, Audite verbum Dominum pour quatre voix en 1618. Les motets d'Assandra furent parmi les premiers dans un style romain à être publiés à Milan. Elle composa des œuvres très traditionnelles et des œuvres plus innovantes comme par exemple Duo seraphim. Son motet O Salutaris hodie, est une des premières pièces à utiliser un "violone".

"Duo Seraphim"

Mustapha Bouali - septembre 2015

Maria Xaveria PERUCHONA (1652-1709)

Née en 1652 dans une famille noble de Novara, près de Milan, elle reçoit une éducation musicale. Elle étudie avec Francesco Beria et Antonio Grosso. Elle entre au couvent Sant'Orsola de Galliate à l'âge de 16 ans.  Elle a été décrite comme "eccellente Maestra di Musica, che non stimabile cantatrice".

En 1675, Francesco Vigone publie à Milan son seul recueil de musique: Sacri concerti de amoretti a una, due, tre, e quattro voci, parte con violini, e parte senza. Il est dédicacé à Donna Anna Cattarina della Cerdi, l'épouse du gouverneur de Novara, généreuse bienfaitrice de Sant'Orsola.

Sa Missa Sancta Maria à trois voix et orchestre est un chef-d'oeuvre. Le motet " Ave Maria" est d'une intensité à couper le souffle.