HUMOUR

L’heure est aux climats. Comment faire tenir les quarante-huit climats de Volnay en quelques lignes d’un modeste récit. C’est un jeu : essayez de les reconnaître au passage…

Les grands champs de mon village étaient ce matin-là noyés dans les brouillards qui montaient de la plaine. Sur roches escarpées, notre bout du monde disparaissait. L’assolement mettait alors le blé en valeur. Au hasard des années, on trouvait dans ces champs : lin, trèfle ou treuffe. Nous avons de bons paquiers pour nos quelques moutons. Pourtant, mon estomac criait et les famines n’étant point dans nos habitudes, je me rendis à quelques kilomètres chez la bouchère de Volnay. J’avais de quoi lui causer. Le premier veau éprouvette français, né de l’élevage Manière en Auxois, ne s’appelait-il pas Volnay ?

Ah ! la bouchère… Je passai sous la barre de son beau regard déluré. Tout en cette femme à la figure rougeotte arrondissait les angles et même jusqu’aux pointes d’angles si on les chatouillait. Aux mitans du jour je savais le boucher envolé pour l’abattoir. Après avoir accroché un quartier de viande à un croc, Martin son commis s’en alla pendre ailleurs. En cette situation, qui froncerait le sourcil ? Vous connaissez mes penchants, pensez donc – où est le mal car elle, dessous son tablier, ne portait pas grand-chose. Je la trouvais tout juste à ma taille : pied de nez aux convenances. Ah ! mes amis, quelle douce caille... Rétive ? Nullement. Je vous épargnerai les peut-être, les aussi. Je la presse, elle se pâme. Lui prenant les blanches épaules, je les serre pendant qu’elle gigote. Je rêve d’un lit clos. Des chaînes de la passion je deviens prisonnier.

Malheur ! Un touriste allemand descendu d’une belle voiture, une Audi (niaque ! celui-là nous dérange !) entre dans la boucherie, demandant : « Che suis bien ici à Chevré-Chambertin ? »

Nous étions à Volnay, dans le village ! On le lui dit. Dépiture, je ne vois que ce mot pour traduire tout à fait le dépit qu’exprimait sa figure. Il nous regarde de travers : seuil de l’incompréhension soudaine entre les bords du Rhin. On l’apaise : « Une seule cave ici en vaut mille dans tout autre village, lui dis-je. Quel besoin de se rendre à Gevrey ? En présence d’un Volnay, ne dit-on pas Chapeau ! : bois donc nos Grands et nos Petits Poisots, nos sublimes Fremiets. Volnay t’éclabousse d’or. En l’or mot pour mot ! De leur éternel sommeil, les regards clos des ducs, l’enclos du château des ducs, le huis-clos de la cave des ducs revivent à chaque millésime l’épopée de Bourgogne et celle du Bourgogne. De tant de difficultés ces grands seigneurs se jouèrent ! Chacun durant des siècles s’est plu, chose aisée, à célébrer ce vin subtil et charmant. La modestie est notre fort et, crois-le bien cher ami, nos petits gamays ont tout des grands pinots. »

Notre visiteur rhénan-palatin acquiesçant : « Te nos vins et des fautres, saluons l’élégance ! Formons l’union sacrée - comme celle de fotre François et de notre Angéla ! »

Notre chère bouchère oublia vite cet écart. Elle, sous la chapelle ou au-dessus de cette chapelle, possédait soixante ouvrées de vignes et nous en fit goûter le vin. Comme elle, il ne manquait ni de chair ni d’esprit. Alors que je vous raconte tout cela, je dessine d’elle un croquis, disons comme les enfants un crobard, un crobard d’elle, ô ma bouchère bien aimée !

Jean-François Bazin

Elégance des Volnay

Samedi 30 juin 2012


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Hippocrate à tout bon buveur

promettait la centaine.

Qu'importe, après tout, par malheur,

si la jambe incertaine

ne peut plus poursuivre un tendron,

pourvu qu'à vider le flacon

la main soit toujours leste!

Si toujours, en vrais biberons

jusqu'à quatre-vingt ans nous trinquons!

Rions, buvons, et moquons-nous du reste.

Honoré de Balzac

Même si les sourires et la convivialité sont à consommer sans modération, le vin lui, est à consommer avec modération.