Restauration GRAMMONT RUBENS

Voici ma dernière acquisition : un Grammont Rubens 1251 du tout début des années soixante. C'est un modèle au look assez original. Mais quelle mouche a donc piqué les designers de Grammont pour sortir cette façade d’écran, façon «hublot de machine à laver» ? Je lui trouve une sacrée gueule, vraiment génial, un peu dans le style de certaines télévisions anglo-saxonnes.





Malgré son écran à coins ronds, le tube est bel et bien un 110° d’angle de déviation, ce qui en fait un appareil assez compact pour une image de 53 cm de diagonale (40 cm de profondeur, soit 20 cm de moins qu’un 90°). C’est un 819 L équipé d’un rotacteur VHF ne comportant que deux barrettes, une touche «bandes IV-V" du clavier laisse supposer que le tuner UHF est en option.

Il a été stocké dans de bonnes conditions. Le vernis n'est pas polyester et n'est que faiblement craquelé, aucune trace d'humidité, le châssis est parfaitement sain. J’ai contrôlé rapidement le tube avec mon petit testeur Radiocontrôle et il semble OK, même si le débit n’a pas l’air très élevé. Je vais donc pouvoir m’atteler à sa restauration.




À l'arrière, une seule prise antenne VHF, mais l'emplacement existe pour la future deuxième chaîne qui sera diffusée en UHF.

Le dos est en carton, totalement plat, donc sans l'excroissance habituelle de la cloche de protection du canon à électron avec ce tube 110° de déviation.


La dernière touche en bas du clavier est destinée à la commutation du tuner UHF optionnel prévu pour la future 2 ème chaîne. Je n’ai rien trouvé sur le net concernant ce téléviseur, pas la moindre photo. Cela me serait pourtant bien utile, car il semble manquer un jonc décoratif sur le pourtour de l’ébénisterie, probablement doré ou noir.

À l'intérieur, bonne surprise, il n'y a pas de corrosion, un bon nettoyage suffira. La diminution de la profondeur de l'ébénisterie a progressivement imposé ce type de châssis vertical basculant ou ouvrant comme une porte.


Concernant ces premiers tubes  à grand angle de déviation 110°, j'ai trouvé intéressant cet article tiré du magazine LE HAUT-PARLEUR. Leur production sera de courte durée et ce GRAMMONT RUBENS sera rapidement équipé du nouveau tube à "coins carrés" au look plus moderne.



Visible dans ce même magazine, cette publicité.

GRANDIN sera le premier fabricant français à utiliser ces nouveaux tubes cathodiques américains. 

La forme rectangulaire de l'écran est ici assez exagérée, c'est tout de même une réclame un peu trompeuse. 

La mise en route c'est d'abord bien passé, les condensateurs de filtrage HT semblent bon, le souffle VHF s’est rapidement fait entendre ainsi que le bourdonnement du transfo de sortie trame. Puis, tout à coup, un petit crachement côté THT s'est manifesté et un petit panache de fumée s'y est échappé.



Voici la THT d’origine déposée. Un court-circuit est présent entre le primaire et un des secondaires, relié au potentiel de masse. Il est destiné à prélever les impulsions de retour ligne pour le circuit de comparateur de phase. 






Je n'ai pas tenté un rebobinage, impossible de se débarrasser de l’épais enrobage en résine moulée sans dommage. De plus, le secondaire fautif est l’enroulement le plus proche du noyau, donc le rebobinage du transfo complet s’impose, un travail d’envergure.

Ne disposant pas d'un modèle similaire d'époque, mon choix de remplacement c’est donc porté sur cette bonne vieille Oréga 3044, après divers comparatifs «ohmiques» des enroulements. Je me suis dis que ces circuits à tubes pouvaient être assez indulgents envers cette adaptation hasardeuse. J’ai donc installé provisoirement cette nouvelle THT à la verticale.

L’essai est concluant, mais la THT était trop élevée (18KV) en 819 L et l’image un peu large. Je ne vais pas chercher à persévérer sur ce standard, je fais directement la mise au point en 625 L.




Installation définitive. Ouf ! tout tiens sous la cage métallique de blindage.

Cerclé en jaune, l’enroulement destiné aux impulsions de retour ligne du comparateur de phase, est réalisé d’une dizaine de spires en fil de câblage isolé bobiné autour du noyau.







La valeur de la THT atteint alors les 20KV et je dois adopter la solution radicale d’ajouter une résistance de 47K en série avec celle de polarisation de la G2 de l’ EL300 (une 3K3), puis d’ajouter un condensateur de 22NF en parallèle sur le 2.2NF déjà présent en découplage.

Cerclés en jaune, le 270 NF mis en parallèle sur le condensateur de S en série avec le déviateur ligne (diminution de la largeur et de l’effet de «pincement» sur les deux côtés de l’image) ainsi que le 100PF à la place du 200PF d’origine (condensateur d’accord) .




Après divers remplacement de condensateurs et résistances ajustables, je suis parvenu à obtenir ce très bon résultat. La géométrie est parfaite et l'image est lumineuse malgré une mesure de débit faible du tube image. Merci au passage aux amis du forum Radiofil pour m'avoir fournit divers renseignements ainsi que la documentation technique.




Finalement, je n’ai pas eu à remplacer énormément de composants, tous les chimiques de filtrage de l’alimentation HT sont encore bons et ont parfaitement tenu au redémarrage, malgré plusieurs dizaines d’années de sommeil.




Pour ce qui est de l’ébénisterie, les angles supérieurs du cadre supportant la vitre de protection du tube étaient endommagés et le plastique avait jaunit. J’en ai donc profité, après masticage, pour le repeindre entièrement. J’ai aussi trouvé un jonc doré à recoller sur le pourtour de la caisse comme à l’origine.


Voilà, c'est une nouvelle résurrection qui aura permis une fois encore la révélation de ce superbe échantillon de notre patrimoine audiovisuel.




Je viens également de me rappeler que j'avais un jolis porte clef Grammont à y accrocher.