2013 - Quoi Faire De Son Chien Mort ? (F. Bon, B. Allain)

Quoi faire de son Chien Mort?

François Bon, Bruno Allain

« Quoi faire de son chien mort? » regroupe quatre courtes pièces de deux auteurs différents François Bon et Bruno Allain.

Les textes abordent les difficultés de communication des individus plongés dans un univers urbain. Dans chacune des pièces, la ville confronte les personnages à des situations étranges, absurdes, douloureuses empreintes d’une certaine violence morale ou physique. Les personnages sont dans une envie convulsive d’exprimer ce qu’ils ressentent. Ils sont peu entendus, comme isolés par la ville.

De François Bon

Les deux textes sont tirés du recueil « Quoi faire de son chien morts? » édités aux Solitaires Intempestifs en 2000.

Quoi faire de son chien mort?

(2f, 2h, création radiophonique en 2001, m.e.v. Christine Bernard-Sugy)

En ville, dans un studio de radio, deux acteurs et une tragédienne enregistrent un étrange programme où ils tentent de répondre à la question : « Quoi faire de son chien mort? ». Ils improvisent autour de l’histoire d’une femme tenant dans ses bras son chien mort, dans la rue, cherchant une solution. La femme, personnage imaginaire apparaît dans le studio d’enregistrement. Elle devient petit à petit l’actrice de son propre personnage.

Paliers

(2f, 1h en prologue, création en 2001, m.e.s. François Clavier)

Prologue : un jeune garçon raconte ses peurs lorsqu’il a emménagé avec son père dans un appartement où fut commis un terrible infanticide. Une mère a tué son bébé peu de temps avant.

En ville, sur un palier d’immeuble, au milieu de la nuit, une jeune femme et une dame se croisent alors que chacune s’engageait dans l’escalier pour descendre comme pour fuir quelque chose. Gênées, elles restent sur le palier. Ressortent alors leurs peurs à chacune, le silence, le bruit, les soi-disant cris que la dame entend dans son appartement. D’abord sur la défensive, elles se découvrent petit à petit. Puis, elles évoquent l’infanticide qui eût lieu dans l’appartement de la dame avant qu’elle n’emménage. 

De Bruno Allain

Les deux textes sont tirés du recueil « Quand la viande parle » édité aux Impressions Nouvelles, 2005 (création m.e.s. Gilles Cohen, théâtre de la Tempête, 1999)

Kôchemar

(1h/1f)

En ville, dans l’appartement modeste d’un couple. Lui sort à peine du lit tandis qu’Elle se prépare, pressée, pour partir à son travail. Il raconte le cauchemar fait cette nuit où elle lui « bouffait le sexe ». Devant le désintérêt qu’elle montre, il lui lance des reproches. Elle le rabroue calmement, simplement et systématiquement.

Pizza moBylette (B. Allain)

(2h/1f)

En ville, sur un palier d’immeuble, un livreur de pizza subit les plaintes vives de son client, la pizza n’étant pas celle commandée et froide. Soudainement, le livreur écrase la pizza sur la tête du client et le roue de coups le laissant étalé.

L’ordre des textes est : Kôchemar — Paliers — Quoi Faire — Pizza moBylette. Toutefois, il peut être modifié en fonction de la configuration du lieu de représentation (scène, coulisses, équipement...)

Les auteurs

François Bon

François Bon, né en 1953, en Vendée. Père mécanicien-garagiste, mère institutrice. Après des études d'ingénieur à dominante mécanique (Arts et Métiers), travaille dans le soudage par faisceau d'électrons pour l'industrie aérospatiale et nucléaire, en France et à l'étranger (notamment Inde et URSS). Publie en 1982 aux éditions de Minuit Sortie d'Usine. Lauréat en 1984-1985 de l'Académie de France à Rome (Villa Médicis). Commence en 1991 une recherche continue dans le domaine des ateliers d'écriture (Tous les mots sont adultes, Fayard, 2002, réed 2005), et actuellement à Sciences Po Paris. Au théâtre, Quatre avec le mort à la Comédie Française en octobre 2002 et Daewoo au festival d'Avignon en 2004 (Molière). Se consacre plusieurs années à une trilogie sur rock'n roll et histoire des années 60/70 (Rolling Stones, Bob Dylan, Led Zeppelin). Traductions disponibles en allemand, danois, suédois, chinois, néerlandais, anglais, coréen et japonais. En 2009-2010, professeur invité (création littéraire) à l'université Laval/Québec) et l'université de Montréal (UdeM/Montréal). Artiste invité à l'université de Louvain-la-Neuve en 2011-2012. Derniers livres publiés: Après le livre et Autobiographie des objets, Seuil, sept 2011 et sept 2012. Présent sur Internet depuis 1997 via le site tierslivre.net qui devient son principal lieu d'expression et fonde en 2008 la plateforme d'édition numérique publie.net.

Source : http://www.tierslivre.net/bio.html

Extrait de « Quoi faire de son chien mort? »

La Tragédienne. — Bon, là j'attaque le texte, OK ? On dit quoi, que je suis là, au carrefour, à côté d'elle ?

Acteur 2. — Vous jouez ça sur une scène de théâtre… Le côté Pirandello, tu vois. Tu es dans le rôle, tu as pris le chien dans les bras, mais tu restes l'actrice, tu piges ? Et voilà qu'elle, le personnage, elle est là aussi sur la scène, elle t'apostrophe…

La Tragédienne. — Mais le texte, là ?

Acteur 2. — Je sais pas, moi, c'est l'amorce, la bande-son, prends ça comme tu veux… Deuxième degré, tu vois ?

La Tragédienne. — Non… Ça tourne, j'y vais ?

Acteur 2. — Quand tu veux.

La Tragédienne. — La poésie est ce qui vous prend comme dans votre poing serré

Dressée sans masque mais le visage fixe et sur ses talons hauts hissée

On a tant cherché et

La parole qu'on porte briserait si on veut un mur

Acteur 1. — Didascalie : la tragédienne se saisit du chien mort. Elle est la femme qui porte le chien mort et attend au coin de la rue, son chien mort dans les bras.

La Femme. — Non, non, rien ainsi. Moi j'attendais simplement au carrefour.

La Tragédienne. — J'attendais au carrefour…

La Femme. — Moquez-vous. On apprend de si longtemps d'être moquée. Jamais on ne s'y fait. Ce chien était mon chien. Il était vieux. Il a agonisé deux jours et trois nuits, et moi j'étais près de lui assise. Il me regardait. Si mes yeux allaient ailleurs, vers la fenêtre ou la porte, et qu'ils revenaient à lui, qui n'avait pas cessé de me fixer, ses yeux s'animaient, sa queue remuait, oh, si peu. Une fois il a tenté de se lever, d'aller vers la porte, qu'une dernière fois je le sorte. C'était trop, il n'a pas pu. Et puis j'étais près de lui, il a tendu ainsi la patte. Je la tenais dans la main. Il est mort.

La Tragédienne. — Le petit chien est mort.

Bruno Allain

Après avoir obtenu le diplôme d'ingénieur de l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures de Paris, Bruno Allain opte pour le métier d'acteur. Il joue de grands rôles du répertoire : Lorenzaccio, Hamlet, Perdican ou Rodrigue. Il écrit une quinzaine de pièces parmi lesquelles Assassinez-moi ! (Editions de l'Avant-Scène) ou L'anniversaire représentée en 2005 au Théâtre de l'Etoile du Nord, de nombreux textes courts et un roman Monsieur Néplion publié aux Editions de l'Amandier. Il devient en 1998 et en 2003 lauréat du Centre National du Livre. Il est également responsable des relations avec l’Éducation Nationale pour les Écrivains Associées du Théâtre (EAT) et le théâtre du Rond-Point. Il suit parallèlement une carrière de peintre.

Source : quatrième de couverture de « Quand la Viande Parle »

Extrait de « Kôchemar »

Le matin. Un couple finit de s'habiller ou de se laver les dents.

Lui : — J'ai fait un rêve incroyable. Un truc dément. J'ai rêvé que tu étais Eve. Tu vois. On était Adam et Eve. À poil, l'Eden, le soleil, le jardin, les délices, le pied quoi. Mais au lieu de la pomme, c'est mon sexe que tu bouffais. Tu imagines ? Mon sexe. La verge, les couilles, tout. Tu me bouffais le sexe.

Un temps.

Elle : — Ben dis donc.

Lui : — Ouais.

Elle : — Et alors ?

Lui : — Alors euh rien.

Un temps.

Elle : — C'est con, cette idée.

Lui : — Ma chérie, tu m'emmerdes. Tu ne peux pas savoir comme tu m'emmerdes. Je t'aime et tu m'emmerdes. Comment c'est possible, un truc pareil ? Tu prends tout l'espace. Tu entends ça ? Tu te répands. Et tu absorbes. Et plus tu absorbes, plus tu te répands. Je me demande parfois si j'ai encore une vie. Tu es charmante et, avec ce charme-là, tu passes ton temps à donner des ordres. N'oublie pas ceci. Pense bien à cela. Non, avec ce torchon-là, on n'essuie pas les verres, je te l'ai déjà dit... etc... Et tu ne t'arrêtes jamais. Même absente, tu balises le terrain et tu te débrouilles pour être là à faire chier. Je respire quand ? Je n'en peux plus.

Elle : — C'est tout ?

Artistes

Dominique Virolle

David Barbera

Mise en scène

Compositeur et illustrateur sonore.