Extraits
P. 38. Les premières chevauchées en Périgord (vers 1352-1353) :
... Bertrucat s’aperçut rapidement que tenir le château de Moncuq lui ouvrait des perspectives intéressantes dans cette région disputée où les possessions et les intérêts des partisans des rois de France et d’Angleterre s’enchevêtraient à loisirs. La fougue et le dynamisme de sa jeunesse eurent tôt fait de répondre à cette question : pourquoi vivre des seuls revenus de la seigneurie alors que les richesses du pays tendaient les bras à celui qui saurait aller les prendre ? Il était de toute façon de bonne guerre d’aller piller les terres des ennemis d’Édouard III aussi, se mettant à la tête de la compagnie qu’il forma avec quelques hommes de sa garnison, il commença à écumer la région, goûtant à l’ivresse des chevauchées, de la force et de l’aventure ; rapidement, surprendre les marchands sur les chemins, voler le bétail aux pâtures ou incendier les maisons des vilains qui n’étaient pas assez prompts à lui remettre un tonnelet de vin devinrent ses activités habituelles. Toutefois, peut-être grisé d’être le fils d’un puissant allié du roi et maître d’une forteresse importante, il laissa aller son impétuosité et, non content de ravager les terres des partisans du roi de France, s’en prit aussi à des biens situés sur des territoires d’obédience anglaise à l’exemple des alentours de Bergerac où il procéda à quelques rapines. Ces coups d’essai étaient ainsi un peu brouillons mais, pour un œil averti, peut-être se dessinait-il déjà, derrière le tout jeune homme fougueux et brutal, un grand « capitaine de gens d’armes et de route »...
P. 91. Une des 38 cartes du livre : la chevauchée en Auvergne avec Robert Knoles (été 1359).
P. 146. Un raid dans les Cévennes (fin 1364) :
... De son côté, Bertrucat n’avait pas l’intention de rester à rayonner autour de Blot ou dans la Limagne déjà pillée et, bien au contraire, voulait mener un raid sur une grande distance. Comme il n’était pas question pour lui de se porter vers la vallée du Rhône où Séguin de Badefols et ses capitaines opéraient déjà, il fit le choix de foncer plus au sud ; sans doute avait-il pris cette décision de concert avec Louis Robaut, car celui-ci le devança de quelques jours sur la route du Languedoc. Quittant Blot, le bâtard partit ainsi en suivant le cours de l’Allier vers l’amont avant de traverser les Cévennes enneigées puis, descendant finalement des hautes terres, parvint durant la dernière dizaine de décembre en vue de Durfort, entre Alès et Sauve.
Quel était le quotidien de ces opérations menées dans le froid et le brouillard des montagnes auvergnates ? Les textes sont muets sur les détails, mais on peut imaginer ces journées entières passées au pas des chevaux sur des chemins caillouteux, rythmées par les reconnaissances envoyées pour ouvrir la route ou chercher du ravitaillement ; les haltes où les hommes transis laissaient reposer, boire et brouter leurs montures épuisées en croquant un bout de pain, de viande ou de fromage ; les nuits glaciales passées sous le ciel étoilé et cristallin ou dans la tiède pénombre enfumée d’une pauvre masure paysanne ; les réveils à l’aube et la neige gelée qui craquait sous les pieds lorsque l’on harnachait les chevaux pour une nouvelle journée de marche.
Bertrucat passa le 25 décembre 1364 à préparer la prise de Durfort, dont les habitants étaient sans doute occupés à fêter la Nativité. Il lança son coup de main le lendemain. Ne rencontrant probablement qu’une résistance médiocre, ses hommes réussirent à s’emparer coup sur coup du village et du château. Fatigués de la dure chevauchée qu’ils venaient d’effectuer depuis Blot,ils trouvèrent dans la localité tout ce qui était nécessaire au repos du guerrier et même davantage, car ils la pillèrent de fonds en comble....
P. 258. Prisonnier pour la 4e fois (fin 1373) :
... Dès les premiers jours qui suivirent sa capture, Bertrucat s’inquiéta de récolter les fonds nécessaires au paiement de sa rançon. Il paya d’abord, en avril 1374, 13 000 francs – le prix d’une centaine de chevaux de guerre – en abandonnant au duc une dette du même montant que lui devaient encore les États du Rouergue pour la libération de Figeac. Il donna ensuite une procuration à l’un de ses clerc nommé Arnaut de Pellegrue, probablement apparenté à la famille des seigneurs d’Eymet, non loin de Bergerac, pour qu’il collecte des rentes et produits divers qui lui appartenaient ; ce document nous montre qu’il avait sut faire fructifier les gains de ses activités guerrières car, provenant de dons des Plantagenêts ou issues d’investissements, il disposait en effet de sources de revenus tout le long de la vallée de la Dordogne, à Bergerac, le Fleix, Sainte-Foy-la-Grande, Montravel, Castillon, Saint-Émilion, Puynormand et Libourne...
P. 286. Capitaine de Bergerac (août 1377) :
...Malgré le coup dur d’Eymet, la résolution de Bertrucat n’avait pas faibli mais il n’en était pas de même pour les consuls de Bergerac ; ils étaient en effet découragés par la présence de la Truie, qui allait bientôt entrer en action, ainsi que par le fait que la défaite de Thomas Felton leur avait enlevé tout espoir d’être secourus depuis l’extérieur. Souhaitant sans doute se rendre, ils vinrent voir Bertrucat pour lui exposer leurs inquiétudes, mais celui-ci ne répondit pas à leurs attentes : selon lui, les forces chargées de la défense de la ville étaient largement suffisantes pour tenir encore, tout comme les vivres et les munitions. D’autre part, sa confiance était peut-être renforcée par le fait qu’il attendait que des renforts viennent prendre l’armée française à revers, ce qui expliquerait pourquoi Perrot de Galard était descendu de ses montagnes auvergnates pour rejoindre Bernat Doat à Montvalent et y rassembler, le 3 septembre, une troupe comptant 500 cavaliers...
P. 304. La défense de Tudela (campagne de Navarre, 1378-1379) :
... Bertrucat n’eut pas longtemps à attendre avant de voir l’armée ennemie qui attaquait par le sud se présenter devant la ville. Les Castillans, ne voulant pas ralentir leur progression, n’avaient aucunement l’intention de l’assiéger et comptaient au contraire la prendre rapidement, aussi donnèrent-ils l’assaut d’emblée. Les dispositions prises par Bertrucat se révélèrent efficaces car ils furent violemment repoussés, en particulier grâce au tir des canons. Ils parvinrent malgré tout à brûler les faubourgs mais ce maigre succès leur coûta de nombreuses pertes et notamment celle d’un de leurs chefs les plus importants, l’adelantado mayor de Guipúzcoa, Ruy Dias de Rojas. La partie s’annonçant trop difficile alors que la prise de la ville était accessoire dans leur plan, ils n’insistèrent pas et se retirèrent du champ de bataille pour reprendre leur marche en continuant à s’avancer plus profondément dans le pays. Ils allèrent ensuite de succès en succès : les places de Tiebas, Aoiz, Villatuerta, Funes, Falces, Beriáin, Lárraga et de nombreuses autres tombèrent entre leurs mains à partir du mois d’octobre, leur permettant ainsi d’encercler progressivement Pampelune...
P. 384. A la cour du roi d'Angleterre (septembre 1381) :
...Le guerrier quadragénaire couturé de cicatrices s’était agenouillé devant le monarque au visage juvénile pendant que celui-ci prononçait les paroles rituelles ; lorsqu’il eut terminé, il lui répondit : « Sire, je prends et reçois cet héritage pour moi et pour mon hoir à la condition que je vous serve, et mon hoir après moi, contre n’importe quel homme excepté contre ceux de la maison de Labret ; en effet, contre l’hôtel dont je suis issu, je ne ferai jamais la guerre tant qu’il laissera mon héritage en paix ». La réserve qu’il établissait ainsi n’avait rien de surprenante en soi, car non seulement les liens qui l’unissaient à ses cousins se battant dans le camp opposé restaient forts, mais de plus il était sans doute toujours redevable d’importantes sommes d’argent à Arnaut-Amaniu. Ce genre de disposition avait cependant surtout cours lorsqu’un vassal, prêtant un hommage lige à un nouveau suzerain, promettait de le servir envers et contre tous à l’exception de certains seigneurs à qui il avait déjà fait hommage : on voit ainsi que, pour le bâtard, la fidélité qu’il devait à sa famille avait valeur d’hommage lige...
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