4. Transmission synaptique

Les synapses

Les synapses représentent une zone de jonction spécialisée, située à l'endroit où la terminaison d'un axone entre en contact avec un autre neurone ou un autre type de cellule (1). Les synapses comportent deux éléments distincts, l'élément présynaptique et l'élément postsynaptique dénommés ainsi sur la base du sens de transmission de l'information nerveuse. L'élément présynaptique est généralement composé d'un bouton terminal, alors que l'élément postsynaptique peut être une dendrite, la terminaison présynaptique (bouton), le soma d'un autre neurone ou une cellule non neuronale. L'espace entre la membrane présynaptique et la membrane postsynaptique représente la fente ou l'espace synaptique. Les synapses sont de deux grands types: les synapses électriques et les synapses chimiques.

Synapses électriques

Les synapses électriques sont minoritaires en nombre mais présentes dans tout le système nerveux. Elles sont également trouvées entre de nombreuses cellules non neuronales, comme les cellules gliales, les cellules musculaires lisses, les cellules myocardiques... (1).

Les synapses électriques permettent le passage direct, passif, de courants ioniques d'un neurone à l'autre, par l'intermédiaire de canaux membranaires spécialisés. Les synapses électriques sont situées en des régions particulières des cellules, dites jonctions communicantes (gap junctions) où l'espace entre les membranes pré- et postsynaptiques n'est que de 3 nm, contre 20 à 50 nm pour les synapses chimiques (1). Les jonctions étroites comportent, dans la membrane de chaque neurone, des canaux appariés se faisant face avec précision de telle sorte que chaque paire de canaux forme un canal par mise en continuité des canaux de chaque cellule. Chaque canal, appelé connexon, est constitué par la combinaison de deux ensembles de six petites protéines, les connexines. 

Ces canaux permettent le passage des ions, mais leur diamètre, de 1 à 2 nm, est suffisamment important pour laisser passer également de petites molécules organiques (ATP, métabolites cellulaires...), directement du cytoplasme d'une cellule au cytoplasme de l'autre (1,2). Le passage des courants ioniques se fait de façon passive par ces canaux, ceux-ci créant une continuité électrique entre les deux cellules. La source de courant est habituellement le courant de diffusion passive généré localement par le potentiel d'action (PA), comme dans le cadre de la conduction le long de l'axone d'un neurone. Ces jonctions permettent une très haute vitesse de transmission d'une cellule à l'autre (le délai synaptique est de l'ordre du 1/10e de ms). La transmission est ainsi très rapide et une dépolarisation du neurone présynaptique produit, quasi instantanément, une dépolarisation dans le neurone postsynaptique.

Dans la majorité des cas, la communication est bidirectionnelle, les échanges ioniques ayant lieu dans les deux sens. Lorsque deux neurones sont ainsi couplés électriquement par des synapses électriques, un PA dans le premier neurone provoque un petit courant ionique qui traverse la synapse électrique et atteint le second neurone (1). Ce courant est à l'origine d'un potentiel postsynaptique (PPS) dans le second neurone. Parce que la plupart des synapses électriques sont bidirectionnelles, lorsque le second neurone émet un PA, il va, en retour, affecter l'excitabilité du premier neurone et créer à son tour un PPS. Les PPS générés par les synapses électriques dans le cerveau des mammifères sont en général de faible amplitude (< 1mV) et insuffisants pour déclencher un PA dans le neurone postsynaptique. Dans la plupart des cas cependant, un neurone établit des synapses électriques avec de nombreux autres neurones: plusieurs PPS simultanés peuvent en fait exciter correctement un neurone donné. Ceci représente une forme d'intégration synaptique (1). L'intérêt de ces synapses est de permettre la synchronisation de l'activité neuronale en agissant par excitation réciproque d'une part et de transmettre une information à un niveau très faible, en dessous du seuil de déclenchement des PA d'autre part (1).

Le rôle précis des synapses électriques varie d'une région du cerveau à une autre. Ces synapses sont souvent trouvées lorsque la fonction de la structure considérée nécessite que l'activité entre neurones voisins soit hautement synchronisée (1). Ainsi, les gap junctions entre neurones sont-elles particulièrement fréquentes pendant les premiers stades du développement. Chez l’adulte, elles sont situées de préférence entre les neurones qui libèrent le neurotransmetteur GABA, dans le cortex, l'hippocampe, le striatum, le bulbe olfactif et le noyau thalamique réticulé, les pieds des photorécepteurs de la rétine, ou encore entre les fibres musculaires lisses de l’utérus lors de l’accouchement. Les gap junctions permettraient alors à des cellules voisines d'échanger des signaux à la fois électrique et chimique, susceptibles de contribuer à leur croissance et à leur maturation (1). Initialement, du fait des études faites exclusivement chez le poisson et les invertébrés, les synapses électriques étaient considérées comme « une forme de communication primitive ». En fait, la différenciation des synapses électriques dans le SNC des mammifères est plus récente que celle de la transmission chimique (1).

Synapses chimiques

Dans le système nerveux de l'homme adulte, en règle générale, la transmission synaptique est d'origine chimique. Les synapses chimiques utilisent des neurotransmetteurs, substances chimiques libérées par les neurones présynaptiques, comme support de la communication. Les synapses chimiques sont nettement plus nombreuses que les synapses électriques; leur taille et leur forme varient considérablement dans le système nerveux central. L'information est conduite sous la forme d’un signal électrique ou potentiel d’action qui se propage jusqu'à l'extrémité de l'axone et déclenche la libération du neurotransmetteur dans la fente synaptique (ou espace synaptique). Celle-ci a une largeur de 20 à 50 nm, soit 10 fois la largeur de l'espace qui sépare les gap junctions (1). Au niveau de la membrane post-synaptique, le neurotransmetteur peut se fixer soit sur des récepteurs ionotropes et provoquer l’apparition d’un potentiel post-synaptique, soit sur des récepteurs métabotropes, et déclencher une cascade métabolique dans la structure post-synaptique. Le signal chimique est lui-même représenté par un neurotransmetteur, stocké et libéré par les vésicules synaptiques dans la partie présynaptique (1).

Au niveau du système nerveux central, les synapses peuvent être classées (1), selon leur portion pré et postsynaptique, en synapses

Au niveau du système périphérique, on trouve des synapses (1) entre

Principes de la transmission synaptique chimique

Chaque terminaison synaptique d'une synapse chimique contient des organismes sécrétoires, les vésicules synaptiques ainsi que des zones spécialisées de la membrane qui permettent la fusion vésiculaire avec la membrane plasmique. La libération de neurotransmetteurs par les vésicules synaptiques, appelée exocytose, modifie les propriétés électriques de la cellule cible et induit chez celle-ci un nouveau signal : les cellules cibles possèdent en effet à leur surface des récepteurs « canaux » sur lesquels se lient les neurotransmetteurs libérés dans la fente synaptique, induisant une modification de leur conformation. Cette dernière entraine l’entrée ou la sortie d’ions dans l’élément postsynaptique, directement ou non, modifiant ainsi son potentiel de membrane. Elles possèdent également des récepteurs métabotropes dont l’activation par le neurotransmetteur est responsable du déclenchement d’une cascade métabolique.

Les différentes étapes de la transmission synaptique chimique comportent ainsi:


1. Étapes présynaptiques de la transmission synaptique chimique

La libération des neurotransmetteurs à petite molécule est induite par l'arrivée du PA au niveau de la terminaison présynaptique: la dépolarisation des membranes des terminaisons nerveuses ouvre des canaux calciques voltage-dépendants situés sur la membrane présynaptique, au niveau des zones actives. L'entrée de Ca2+ dans les terminaisons présynaptiques est liée à la forte différence de concentration entre les milieux extracellulaire (à plus forte concentration de Ca2+) et intracellulaire (à très faible concentration de Ca2+), source d'une importante force électromotrice (1).

L'augmentation brutale de la concentration intracellulaire présynaptique de Ca2+ entraîne la fusion des membranes des vésicules présynaptiques avec la membrane plasmique de la terminaison axonale, au niveau des zones actives. Les vésicules présynaptiques déversent leur contenu dans la fente synaptique. Ce processus de libération des neurotransmetteurs est nommé exocytose. Il s'agit d'un processus extrêmement rapide, survenant dans les 0.2 ms suivant l'influx d'ions Ca2+ dans la terminaison (1). Il est probable que les vésicules concernées sont celles qui sont déjà "arrimées" aux zones actives de la synapse (docking), via des protéines de membrane des synapses et des zones actives (1). Une forte concentration de Ca2+ lève l’effet inhibiteur de la synaptotagmine et permet la fusion des membranes, responsable de l’ouverture de la vésicule dans la fente et de la libération du contenu vésiculaire. Les processus de fusion des membranes dépendent des protéines membranaires de la superfamille SNARE (synaptobrévine, SNAP25, syntaxine) situées d'une part sur la membrane vésiculaire et d'autre part sur la membrane présynaptique. Ces protéines sont complémentaires les unes des autres, ce qui permet aux vésicules de s'associer aux membranes présynaptiques. Leur changement de conformation sous l'effet du Ca2+ entraine la fusion des membranes (1).

Les granules de sécrétion déversent les neuropeptides dans la fente synaptique également par exocytose déclenchée par l'augmentation de la concentration intracellulaire de calcium mais ceci a lieu à distance des zones actives (1). Etant donné que ces sites d'exocytose sont plus éloignés des zones d'entrée du Ca2+, il est nécessaire que la concentration en Ca2+ s'élève suffisamment pour que les neuropeptides soient libérés. Il n'y a donc pas de libération de neuropeptides à chaque PA; celle-ci nécessite des trains de PA à haute fréquence (1). La libération de neuropeptides est par ailleurs un processus plus lent, qui demande 50 ms ou plus (1).

Après fusion avec la membrane présynaptique, les constituants de la membrane sont recyclés dans la terminaison présynaptique afin de reconstituer de nouvelles vésicules. Les vésicules sont en effet initialement synthétisées dans le corps cellulaire du neurone mais la distance entre le soma et la terminaison synaptique ne permet pas d'assurer un transport de vésicules suffisant en cas d'activité soutenue: le recyclage local des vésicules permet de fournir une quantité suffisante de neurotransmetteurs (2). La restitution de la vésicule dans le cytoplasme est un processus dénommé endocytose (1). Dans les périodes d'intense stimulation, d'autres vésicules prises dans une "réserve" liée au squelette de la terminaison axonale peuvent intervenir (1). L'élévation intracellulaire de Ca2+ mobilise ces vésicules et permet leur arrimage (docking) aux zones actives de la membrane (1).

Après fusion avec la membrane présynaptique, les constituants de la membrane sont recyclés dans la terminaison présynaptique afin de reconstituer de nouvelles vésicules. Les vésicules sont en effet initialement synthétisées dans le corps cellulaire du neurone mais la distance entre le soma et la terminaison synaptique ne permet pas d'assurer un transport de vésicules suffisant en cas d'activité soutenue: le recyclage local des vésicules permet de fournir une quantité suffisante de neurotransmetteurs (2). La restitution de la vésicule dans le cytoplasme est un processus dénommé endocytose (1). Dans les périodes d'intense stimulation, d'autres vésicules prises dans une "réserve" liée au squelette de la terminaison axonale peuvent intervenir (1). L'élévation intracellulaire de Ca2+ mobilise ces vésicules et permet leur arrimage (docking) aux zones actives de la membrane (1).

2. Étapes postsynaptiques de la transmission synaptique chimique

Les neurotransmetteurs diffusent dans la fente synaptique et se lient à des milliers de récepteurs spécifiques enchâssés dans la densité postsynaptique, appelés récepteurs des neurotransmetteurs ou récepteurs activés par un ligand. Il existe plus de 100 types de récepteurs différents, regroupés cependant en deux grandes catégories, les récepteurs-canaux et les récepteurs métabotropes dont ceux couplés aux protéines G.

La liaison neurotransmetteur-récepteur entraîne un changement de conformation de la protéine et l'ouverture (parfois la fermeture) de canaux de la membrane postsynaptique (2). Les échanges ioniques ainsi générés modifient l'excitabilité de la membrane de la cellule cible: ils modifient le potentiel de membrane postsynaptique dans le sens d'un accroissement de l'excitabilité en dépolarisant la membrane (potentiels postsynaptiques excitateurs) ou d'une diminution de l'excitabilité en hyperpolarisant la membrane (potentiels postsynaptiques inhibiteurs) du neurone postsynaptique. Un même neurotransmetteur peut provoquer soit une excitation soit une inhibition au niveau postsynaptique selon la nature du canal ionique affecté à la liaison du neurotransmetteur (3).

3. Fin de la transmission synaptique 

La liaison neurotransmetteur-récepteur doit être rapidement interrompue afin de permettre la transmission d'un nouveau signal chimique en rapport avec l'arrivée de nouveaux potentiels d'action. Le neurotransmetteur peut simplement diffuser hors de la fente synaptique, être dégradé dans la fente synaptique ou être recapté soit par la cellule présynaptique soit par les cellules gliales environnantes.

Une destruction enzymatique des neurotransmetteurs dans l'espace synaptique peut également permettre leur élimination. C'est le cas de l'inactivation de l'acétylcholine (ACh) au niveau de la jonction neuromusculaire (1). L'enzyme acétylcholinestérase (AChE) détruit la molécule d'ACh, la rendant inactive au niveau des récepteurs à l'ACh (1).

La réintégration intracellulaire est un processus actif, s'effectuant à l'aide de transporteurs protéiques spécifiques des neurotransmetteurs, situés dans la membrane présynaptique (1). Les neurotransmetteurs sont ensuite détruits par des enzymes spécifiques du cytosol ou réincorporés dans les vésicules synaptiques. Les cellules gliales situées autour de la synapse jouent ici un rôle très important en éliminant les neurotransmetteurs de l'espace synaptique (1). C'est notamment le cas des acides aminés excitateurs comme le glutamate, éliminés de l'espace synaptique par les astrocytes périsynaptiques et/ou des transporteurs situés dans la partie postsynaptique de la synapse (1).

L'élimination des neurotransmetteurs de la fente synaptique, via un des trois modes - diffusion, dégradation ou recapture - est capitale. Au niveau des jonctions neuromusculaires par exemple, l'exposition persistante à de fortes concentrations d'ACh conduit en quelques secondes à un processus de désensibilisation au cours duquel, malgré la présence d'ACh, les canaux sensibles aux neurotransmetteurs se ferment (1). Cet état de désensibilisation peut persister plusieurs secondes après le retrait du neurotransmetteur. La destruction rapide de l'ACh par l'AChE empêche normalement cette désensibilisation mais, si l'AChE est inhibée, par ex. par des gaz toxiques agissant sur le système nerveux, les récepteurs à l'ACh seront inactivés par désensibilisation et la transmission neuromusculaire ne pourra plus s'effectuer normalement.

Références