5. Récepteurs des neurotransmetteurs

Les récepteurs des neurotransmetteurs sont des protéines enchâssées dans la membrane plasmique postsynaptique, au niveau de la densité postsynaptique. Ces protéines comportent un domaine extracellulaire qui s'étend dans la fente synaptique et sur lequel se fixe le neurotransmetteur spécifique et un domaine transmembranaire. La fixation du neurotransmetteur entraîne un changement de conformation de la protéine qui induit soit l'ouverture ou la fermeture de canaux ioniques de la membrane postsynaptique, directement ou non, soit une cascade métabolique par l’intervention de récepteurs métabotropes.

Il existe en effet deux principales catégories de récepteurs: ceux constitués d'une seule structure, comportant à la fois la molécule réceptrice et le canal ionique - les récepteurs-canaux - et ceux qui comportent des molécules distinctes pour le récepteur et le canal ionique - les récepteurs métabotropes, incluant les récepteurs couplés aux protéines G.

Les récepteurs des neurotransmetteurs se situent tout d'abord au niveau de la densité synaptique de l'élément postsynaptique. Ils se situent aussi au niveau présynaptique, dans la membrane de la terminaison axonale (1). Ces derniers sont dénommés autorécepteurs (1). Ce sont essentiellement des récepteurs couplés aux protéines G. L'effet de leur activation est variable mais l'effet le plus fréquent est l'inhibition de la libération, et dans certains cas de la synthèse, des neurotransmetteurs. Ces autorécepteurs joueraient le rôle de systèmes de sécurité, de rétro-contrôle négatif, en freinant la libération du neurotransmetteur quand sa concentration devient trop élevée dans l'espace synaptique (1).

Récepteurs ionotropes

Les premiers sont appelés récepteurs ionotropes (ou ionotropiques) ou récepteurs-canaux. Le récepteur est constitué le plus souvent de 4 ou 5 sous-unités protéiques distinctes qui traversent la membrane plasmique et forment un canal ionique. En l'absence de neurotransmetteur, le canal est fermé. La fixation du neurotransmetteur aux sites spécifiques du domaine extracellulaire du canal entraîne un changement de conformation des sous-unités (une légère torsion) qui, en quelques microsecondes, provoque l'ouverture du canal (1). Ces récepteurs sont à l'origine d'une réponse rapide (1 à 2 ms) et brève (quelques dizaines de ms) et les médiateurs de la transmission synaptique chimique rapide sont des acides aminés et des amines tels que l'ACh de la jonction neuromusculaire, le GABA, le glutamate...

La nature des ions qui passent à travers le canal influence sa fonction (1). Les canaux ioniques dépendants des neurotransmetteurs n'ont pas le même degré de sélectivité ionique que les canaux sensibles au potentiel. Par exemple, les canaux ioniques sensibles à l'ACh, au niveau des jonctions neuromusculaires, sont perméables aux ions Na+ et à un moindre degré aux ions K+. Ainsi la fixation de l’ACh à son récepteur canal (nicotinique) provoque une entrée importante d’ions Na+ et une sortie modeste d’ions K+, dont la résultante est une entrée de charges positives dans la cellule. Le milieu intracellulaire devient moins « négatif » et la cellule se dépolarise. A titre d’exemple, au niveau de la jonction neuromusculaire, cet effet, qui tend à amener le potentiel membranaire au « seuil » c’est-à-dire jusqu’à une valeur de potentiel qui passe de -70mV à environ -50mV, est dit excitateur, car il permet, propagé au sarcolemme voisin, l’ouverture des canaux Na+ et K+ voltage-dépendants, et la genèse d’un potentiel d'action musculaire.

La dépolarisation transitoire de la membrane postsynaptique causée par la libération de neurotransmetteurs est désignée sous le nom de potentiel postsynaptique excitateur (PPSE).

Si les canaux ioniques ouverts par les neurotransmetteurs sont perméables aux ions Cl-, l'effet sera l'hyperpolarisation de la cellule postsynaptique depuis le potentiel de repos de la membrane. Cet effet, qui tend à éloigner le potentiel membranaire du seuil de déclenchement des potentiels d'action, est dit inhibiteur. L'hyperpolarisation de la membrane postsynaptique causée par la libération présynaptique de neurotransmetteurs est désignée sous le nom de potentiel postsynaptique inhibiteur (PPSI). Ex. l'activation des récepteurs-canaux de la glycine et du GABAa.

Récepteurs métabotropes

Les seconds récepteurs sont appelés récepteurs métabotropes (3) ou métabotropiques (1). Ils comportent principalement les récepteurs couplés aux protéines G, mais aussi notamment des récepteurs tyrosine kinase. Ils sont ainsi nommés car leur activation provoque une cascade métabolique modifiant le métabolisme cellulaire, mais pouvant aussi dans certains cas être secondairement responsable de l’ouverture de canaux ioniques post-synaptiques. Ils ne comportent pas de canaux ioniques dans leur propre structure. Les récepteurs métabotropes agissent indirectement sur des canaux ioniques postsynaptiques, en activant des molécules intermédiaires, des protéines transductrices appelées protéines G. Les trois types de neurotransmetteurs - acides aminés, amines et neuropeptides - peuvent activer ces récepteurs et produire ainsi des réactions postsynaptiques plus lentes, plus durables et plus variées que celles induites par l'activation des récepteurs-canaux.

Ce type de transmission comporte trois phases (1):

Les récepteurs métabotropes consistent en une protéine transmembranaire comportant un site de liaison extracellulaire pour le neurotransmetteur (dans la fente synaptique) et un site de liaison intracellulaire pour la protéine G (3). La protéine G se déplace librement sur la face intracellulaire de la membrane postsynaptique (1) et se présente sous deux conformations fonctionnelles, liée au GTP ou liée au GDP (les nucléotides dérivés de la guanine). La protéine G comporte en effet 3 sous-unités protéiques (α, β, γ) et la sous-unité α est capable de se lier au GTP ou au GDP (3). La liaison du GDP à la sous-unité α entraîne la liaison de la sous-unité α aux sous-unités β et γ et par voie de fait l'inactivation du complexe. A l'inverse, la liaison du GTP à la sous-unité α entraîne la dissociation de la sous-unité α du trimère.

La liaison du neurotransmetteur sur le récepteur entraîne l'activation de la protéine G, c'est-à-dire la liaison du GTP à la sous-unité α au niveau du domaine intracellulaire des récepteurs métabotropes (3). La protéine G activée se dissocie alors du récepteur: la sous unité α-GTP ou le complexe β-γ vont pouvoir agir sur les "effecteurs". Ceux-ci sont soit des canaux ioniques enchâssés dans la membrane et directement sensibles aux protéines G soit d'autres protéines effectrices qui vont à leur tour modifier directement ou indirectement la conductance des canaux ioniques. Ces protéines effectrices sont souvent des enzymes comme l'adénylcyclase, les phospolipases… à l'origine d'étapes métaboliques intermédiaires responsables de toute une variété de réponses postsynaptiques. Les molécules synthétisées par ces enzymes sont appelées seconds messagers (le premier messager est de fait le neurotransmetteur libéré dans l'espace synaptique). Les seconds messagers diffusent plus loin dans le cytosol où elles peuvent activer d'autres enzymes, capables elles-mêmes de réguler le fonctionnement des canaux ioniques et modifier le métabolisme cellulaire (1). Les protéines G peuvent ainsi modifier les propriétés des canaux ioniques directement ou indirectement par activation de diverses voies intracellulaires (3). Celles-ci utilisent les seconds messagers qui exercent la modulation finale sur les canaux.

Il existe un très grand nombre de variantes de chaque sous-unité protéique constituant la protéine G, ce qui permet, par combinaison différente, la constitution d'un très grand nombre de types de protéine G (3). La nature des différentes étapes enzymatiques qui suivent l'activation de ces récepteurs dépend de la combinaison des sous-unités des protéines G.

Les effets postsynaptiques liés aux récepteurs couplés aux protéines G sont donc plus lents, plus durables et plus variés que les effets liés aux récepteurs ionotropes. Le délai et la durée de la réponse peut aller de quelques centaines de ms si l'activation des canaux par la protéine G est directe à plusieurs minutes ou heures si l'activation est indirecte (3). C'est principalement la mise en jeu de ces cascades de réaction qui explique la prolongation du délai et de la durée d'action liées à ces récepteurs. Certaines de ces réactions conduisent à l'activation de protéines régulatrices de la transcription génique; dans ce cas, la durée d'action peut s'étendre sur plusieurs mois ou davantage encore. Les neurotransmetteurs participent ainsi au codage à long terme des informations nerveuses. Quel que soit leur type, le mécanisme d'action des protéines G reste cependant similaire.

Principaux récepteurs

Un même neurotransmetteur peut activer les deux types de récepteurs et provoquer au sein d'une même synapse des effets rapides et prolongés (3). Tous les neurotransmetteurs de type neuropeptide utilisent par contre des récepteurs de type métabotropes. Les deux types de récepteurs peuvent subir une désensibilisation: il s'agit de la diminution de l'amplitude de la réponse postsynaptique si le neurotransmetteur est présent en permanence (par exemple lors d'une salve de PA).

Chaque neurotransmetteur exerce son action au niveau postsynaptique en se fixant à des récepteurs spécifiques. En général, deux neurotransmetteurs ne se lient pas au même récepteur; cependant le même neurotransmetteur peut se fixer à plusieurs types de récepteurs (1). Chacun des récepteurs auxquels s'associe un neurotransmetteur constitue un sous-type de récepteurs. Par exemple, l'ACh agit sur deux sous-types de récepteurs cholinergiques: l'un situé au niveau du muscle cardiaque et l'autre au niveau du muscle squelettique. Ces deux sous-types de récepteurs sont cependant présents dans de nombreux autres organes, dans le système nerveux végétatif et au niveau du SNC.

Références