Nous attendons vos histoires ou anecdotes pour les publier dans cette rubrique.
Voici la première histoire écrite par Odile TALDIR suivie d'une anecdote du même auteur.
Isidore
Isidore est un prénom tombé en désuétude de nos jours. Il fleure bon la fin du XIXème siècle ou le début du XXème. Rassurez-vous, je ne vais pas vous parler de Saint Isidore, Evêque de Séville, ni faire quelque recherche que ce soit sur ce prénom. Je vais vous parler de la relation qui existe entre moi, celui qu’on appelle Isidore, et le Collège Les Saints Anges.
Je me présente : je suis un objet un peu particulier certes mais je suis un objet ! J’ai franchi le cap des 100 ans ! Et bien sûr mon propriétaire ou mes utilisateurs de l’époque, je ne m’en souviens plus, ont voulu me donner un nom. C’est ridicule, je vous l’accorde, mais la nature humaine agit parfois curieusement, elle a besoin de donner une identité non seulement aux personnes mais aussi aux choses, aux lieux, etc. J’ai donc été prénommé ainsi. Allez savoir pourquoi on a choisi pour moi Isidore et non Aristide, Blaise, Ernest, Hubert, Théodore ou tout autre prénom quand j’ai été acheté. Etait-ce parce qu’Isidore était à la mode quand je suis apparu sur le marché ? Je pense que oui. Les modes passent comme chacun sait …Dans les années 60-70 mon prénom a paru désuet, un tantinet ringard et on m’a cherché une appellation plus classe, plus smart, plus exotique, plus anglo-américaine, plus tout ce que vous voulez et j’ai été rebaptisé : Oscar… comme le grand écrivain anglais Oscar Wilde ou tout simplement comme le célèbre trophée de cinéma.
Il est temps de vous faire une confidence : je n’ai pas besoin de prénom, ni de nom d’ailleurs. Alors vous direz-vous : Qui êtes-vous si vous n’avez pas besoin d’identité ?
Je me présente puisque vous êtes curieux : je suis un squelette. Pas un vrai de vrai bien sûr mais un spécimen en plâtre ou peut-être en résine. Pour que je sois plus vrai que nature mon concepteur a donné de la patine à mes os, m’a enduit de couches de vernis, a consolidé mon ossature. Si vous regardez le schéma ci-dessus vous constatez que ce squelette a belle allure, qu’il a un aspect jovial, on dirait même qu’il rit… Moi aussi j’étais comme cela à mes débuts. Pour cette raison je n’effrayais pas les personnes qui me voyaient pour la première fois. Il est certain que l’observation d’un squelette peut troubler, pas vrai ?
Comme je suis un incorrigible bavard je vais vous raconter mon histoire depuis ma naissance jusqu’à aujourd’hui.
Mon apparition au Collège je la dois à un Frère Enseignant, soucieux d’apprendre à ses élèves la morphologie de l’Homo Sapiens Sapiens par le biais d’une représentation visuelle, afin qu’ils mémorisent mieux les termes précis de l’anatomie de l’être humain. Pourquoi est-ce utile ? Je crois que c’est pour éviter que certains de nos chers élèves, devant le nombre important d’os que contient votre corps, fassent un mélange confus de tout cela, qu’ils vous mettent l’humérus au niveau de la cheville sans que cela ne les gênent!!! (Entre nous soit dit une telle ignorance ferait par contre le désespoir de tout professeur ! N’êtes-vous pas d’accord avec moi ?)
J’ai une existence originale à plus d’un titre : d’abord je suis toujours debout, je suis maintenu en station verticale à l’aide d’une tige dans la colonne vertébrale et de vis. Curieux pour un squelette, non ? Ensuite je suis installé depuis de longues années dans votre Collège, dans des salles qui sentent le formol, les produits chimiques de toute nature. Les professeurs me placent généralement à l’endroit le plus approprié du laboratoire de Laboratoire de Sciences Naturelles (aujourd’hui appelé SVT) : la plupart du temps je me trouve dans un angle, près d’une fenêtre, pour qu’on me voie bien. Je ne suis pas là pour amuser les jeunes, non, je suis utile ; avec moi le squelette n’est plus une entité abstraite. Les élèves visualisent, découvrent le nom de tous les os, des plus grands aux plus petits. Les professeurs n’hésitent pas à me toucher avec leur règle pour signaler telle ou telle partie de mon anatomie mais rassurez-vous : ils ne me maltraitent pas et si par malheur ils me bousculent et que je m’affaisse ils font de leur mieux, pour me redresser afin que je représente toujours l’ossature et la stature de l’Homo Erectus.
On a cru à un moment que j’avais disparu du Collège, que je m’étais évaporé, qu’on m’avait volé, qu’on s’était débarrassé de moi parce que j’étais devenu inutile quand l’informatique avait investi les labos … Bref dans la mémoire collective de beaucoup d’entre vous je n’étais plus qu’une rémanence rétinienne. Les personnes parties à ma recherche avaient échafaudé de leur côté mille fins possibles pour ma petite personne. Elles avaient voulu avoir le cœur net, et avaient interrogé d’anciens professeurs, d’anciens élèves, en vain. Personne n’en savait rien…, cela commençait à devenir un sujet récurrent de discussion jusqu’au jour où …au hasard d’une conversation, un professeur de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre), interrogé sur ma disparition répondit : « Mais il est au labo et il nous sert encore ! ».
Puis-je vous poser une question : pourquoi suis-je pour vous un sujet d’inquiétude ? Avez-vous un pincement au cœur parce que je vous rappelle vos jeunes et tendres années ? Ou …Me considérez-vous comme… une antiquité ? Comme un survivant d’un enseignement disparu ? Que nenni !!! Soyez rassurés, je sers encore, je vais relativement bien pour un objet de mon âge, j’ai tous mes os, toutes mes dents et … Je suis très content : avec la classe ULIS ouverte cette année figurez-vous que je ne rêve que d’une chose : voyager, prendre le large, sortir du labo, rencontrer un public nouveau. Un rêve pour celui qui n’a pas beaucoup bougé pendant des décennies !
Je suis devenu l’un des objets les plus âgés du Collège…Je connais toute l’histoire du Collège, je ne vais pas m’étendre sur cela parce que ce serait trop long. Pendant ces vingt lustres j’ai vu passer des générations et des générations d’enseignants et d’élèves. Au fil du temps j’ai noté des changements dans le comportement, l’attention et aussi dans l’allure de mon public. Ne serait-ce que pour ce dernier point les changements ont été notables : aux premiers Frères en soutane et élèves en uniformes ont succédé des laïcs en tenue de ville et des adolescents à l’allure décontractée, surprenante ou très tendance.
Moi aussi j’ai changé. Avec le temps je me suis un peu défraîchi, notamment au niveau du thorax, mon vernis est parti, j’ai par endroit et par endroit seulement, j’insiste bien, une couleur pas nette qui oscille entre l’ocre et le … marron « crade » car la pellicule qui me protégeait s’est écaillée. Mais ce problème de couleur n’est rien, ce qui me chagrine le plus c’est que ma tête est régulièrement détachée de mon squelette et personne ne songe à me la remettre en place, après l’avoir utilisée. Alors me direz-vous : Pourquoi les professeurs prennent-ils à tour de rôle votre tête ? Ne trouvez-vous pas cela curieux ? Je vous explique : certains professeurs n’utilisent que la « partie supérieure de mon anatomie » quand ils étudient la boîte crânienne avec leurs élèves car on sait bien que certains jeunes, facilement distraits, pourraient ne pas porter toute l’attention qu’il faut à l’objet de l’étude du jour. Mais : pourquoi ne me la remettent-ils pas en place, une fois le cours terminé ?
J’ai du chagrin : sniff, sniff, sniff … parce que JE NE SUIS PAS BEAU QUAND JE N’AI PLUS MA TETE! Lorsque je n’ai pas le moral je me dis que j’ai subi le même sort que Louis XVI, j’ai été décapité. Au cours de ma longue vie, j'ai été d-é-c-a-p-i-t-é un nombre incalculable de fois. Quelle horreur ! Et ce n’est pas fini, les enseignants actuels continuent cette pratique ! Je sais bien qu’ils sont toujours pressés et qu’ils choisissent la solution la plus rapide : la dépose de ma tête sur une étagère mais c’est triste avouons-le, cela ne me plaît pas du tout !!! Sans tête je n’inspire plus que de la pitié. Cela me désole car dans ma jeunesse je me trouvais très présentable ! J’étais svelte, et agréable à regarder, je dominais de ma haute taille les élèves qui s’approchaient de moi. Bref le bonheur quoi ! Ah et pour couronner le tout dans ce domaine : non seulement je me retrouve parfois sans tête mais je ne vis plus dans une salle de classe : je passe le plus gros de mon temps dans l’une des réserves des laboratoires de SVT, parmi une masse de cartes, de cartons, de papiers, de bocaux, de balances, et d’objets de toutes sortes. C’est à désespérer ! Au secours ! Mesdames et Messieurs les professeurs : respectez-moi, remettez-moi ma tête, même quand vous me laissez dans la réserve, j’y tiens ! Je termine en vous faisant cette requête : sortez-moi de ce lieu qui ne correspond pas à ma condition d’objet pédagogique. Faites-moi regagner les laboratoires. Redonnez-moi mon lustre d’antan ! Dans quelle langue dois-je vous le demander ? Ayez pitié de moi, s’il vous plaît !
Ma vie dans les labos n’a pas été de tout repos, vous l’imaginez bien …Le centenaire que je suis a vécu des situations parfois cocasses, originales à l’occasion, et quelquefois pas toujours très drôles…Malheureusement, comme je vous l’ai dit et redit je suis âgé et ma mémoire me joue des tours… Aidez-moi à me rappeler ma vie d’autrefois en racontant sur notre site Internet les anecdotes qui ont émaillé ma vie et dont vous avez été acteur ou témoin. Je vais vous mettre à l’aise : même si vous avez exagéré, ne craignez rien : je ne vous tiendrai pas rigueur, d’abord il y a sûrement prescription et puis je ne suis pas rancunier pour deux sous. Alors : n’hésitez pas, faites profiter tous les membres de l’Association des Anciens Elèves et Amis du Collège Les Saints Anges de votre « rencontre » avec moi.
Isidore, le squelette des Laboratoires de Sciences Naturelles
Préambule à votre rédaction:
J’aurais pu espérer tout au long de ma longue présence Rue de Kérentrée devenue par la suite Rue Jean Marie de La Mennais avoir une vie paisible, sans péripéties, sans anicroches, c’était sans tenir compte des élèves… Certaines de ces chères « têtes blondes » m’auront fait voir de toutes les couleurs tout au long de mon siècle d’existence. Bien j’ai assez parlé : c’est à votre tour maintenant, racontez votre histoire.
Souvenirs, souvenirs…
Sorties Pédagogiques et Voyages Linguistiques
Dans un passé récent ou plus lointain vous avez été élève au Collège Les Saints Anges… Au cours de ces quatre années passées Rue Jean Marie de La Mennais :
- Vous avez participé à des sorties pédagogiques d’une ou de deux journées.
- Vous avez séjourné dans une autre région de France dans le cadre de voyages d’études ou bien à l’étranger à l’occasion de séjours linguistiques ou de séjours Comenius.
Il est bien connu que ces moments passés « hors les murs » de l’Etablissement changent de l’emploi du temps ordinaire, de la routine quotidienne parce que pendant ces « temps spéciaux » les rythmes sont moins astreignants, les activités différentes, les relations enseignants élèves changent.
Il arrive que nous nous rappelions ces sorties ou ces voyages car au cours de ces moments particuliers nous avons vécu des situations originales, sérieuses, stressantes à l’occasion ou plus légèrement amusantes voire cocasses.
Et si vous nous faisiez part de ce qui vous est arrivé, de ce que vous avez vécu « d’extraordinaire » hors du Collège, lors de ces sorties ou de ces voyages ?
Anecdote
Il faut bien que quelqu’un commence cette rubrique « souvenirs, souvenirs … »… Alors voici une anecdote qui se rapporte à mon ancienne profession : celle de professeur d’espagnol. Je vais vous raconter ce qui m’est arrivé un jour à Madrid.
Nous sommes au début des années 80. A cette époque les professeurs d’espagnol organisent un séjour linguistique à Madrid et dans ses environs à la fin du mois d’avril. Cette année-là le printemps est pluvieux en Espagne, des pluies très soutenues nous accompagnent pendant tout le séjour aussi les temps libres accordés aux élèves se transforment-ils en problème pour nous les accompagnateurs… Que faire de nos adolescents ? Il n’est pas raisonnable de les laisser sous une pluie battante ! D’un commun accord nous décidons de nous répartir les jeunes dont nous avons la responsabilité : pour certains d’entre nous ce sera trouver une Place avec des Arcades comme il en existe tant en Espagne ou un parking couvert pour abriter les élèves de ce déluge, pour d’autres ce sera les accompagner dans les magasins en attendant l’heure de la prochaine visite guidée.
Et c’est ainsi que je me retrouve avec un bon groupe de filles au Corte Inglés, une chaîne de grands magasins qui propose absolument de tout : de l’alimentation au prêt-à-porter en passant par l’électroménager etc. Le Corte Inglés du centre de la capitale est immense, il s’élève sur six ou sept étages et possède plusieurs sous-sols. Des escaliers, des escalators et des ascenseurs amènent le client au niveau de son choix. Pour passer le temps, je me rends dans les différents étages, et là : je flâne, je regarde les nouveautés, les promotions, les prix, je renseigne les filles que je croise quand elles me sollicitent. La visite des lieux terminée je me décide à regagner le rez-de-chaussée par les escaliers roulants.
Avec le passage des clients ruisselant de pluie le sol est humide et glissant, il en est de même pour les escalators. J’ai aux pieds ce jour-là des ballerines d’été, à fond lisse ; elles sont bien trempées, c’est normal car je le rappelle « il pleut des hallebardes » comme dit l’adage. En posant le pied sur la première marche je glisse et … je me retrouve allongée le long de l’escalator qui est en marche et qui descend les clients, j’essaie de me relever mais je n’ai pas de quoi m’accrocher, tout est en mouvement en dessous de moi et mes efforts s’avèrent inutiles. Je crie mais pas aussi fort que les trois ou quatre filles du groupe qui descendent en même temps que moi. Elles hurlent pour attirer l’attention et faire arrêter l’escalier roulant. L’arrêt n’est pas immédiat, je vous jure que dans ces moments-là les secondes se transforment en éternité.… ! Les marches de l’escalator me rabotent le dos. Comme massage, je vous jure qu’il y a mieux, qu’il y a plus doux ! J’ai l’impression que cette friction en continu va finir par me broyer le dos, me triturer la chair, me hacher menu les omoplates. Ma tête cogne à chaque marche qui me passe sous le corps… Je pense tout de suite à ma chevelure : j’ai à l’époque les cheveux très longs qui arrivent jusqu’au bas du dos, ils sont retenus en queue de cheval et j’ai peur que mes cheveux se prennent dans les marches, je tremble, je me vois m’en sortir avec une coupe de cheveux digne d’un épouvantail à moineaux et j’imagine aussi le pire : je vais finir par être scalpée si on n’intervient pas rapidement… !
ENFIN, au bout de quelques secondes qui me paraissent une éternité, un responsable du magasin arrête le mécanisme et vient à mon secours. Une fois la position verticale retrouvée, j’ai du mal à me tenir debout. Je suis « sonnée », je tremble comme une feuille, je claque des dents, je suis incapable de dire un mot…Les adolescentes continuent de pleurer : elles imaginent sans doute le pire car je ne réponds pas à mon interlocuteur qui me presse de questions. Je finis par reprendre mes esprits, par me tourner vers les filles et leur balbutier : « çà va aller, vous pouvez partir rejoindre le groupe au point de rendez-vous ».
Une personne de la direction me prend en charge. Un médecin est appelé. Celui-ci m’ausculte, me fait faire des exercices et me fait marcher. « Rien de grave » finit-il par dire au responsable et, se tournant vers moi : « Je vous dis tout de suite que vous aurez mal pendant quelques jours, que vous vous sentirez courbaturée et que vous allez avoir des hématomes sur tout le dos ». Je suis raccompagnée à l’hôtel qui héberge les accompagnateurs pendant le séjour. Une fois seule je me sens tout d’un coup très fatiguée. Je décide de me reposer pour retrouver la forme avant de rejoindre le groupe du Collège qui, doit sans doute s’inquiéter. (Il faut rappeler qu’à l’époque les téléphones portables n’existaient pas et dès qu’on se séparait on n’avait plus aucune nouvelle des autres personnes du groupe !).
Remarque et conclusion :
- Il est vrai que mon dos aura été marqué par l’incident, violet quelques heures après la chute, il changera de couleur au fil des jours et ne retrouvera son aspect normal que plusieurs semaines plus tard. De plus les douleurs m’accompagneront pendant un bon moment, bien après le retour en France.
- L’anecdote de l’escalator au Corte Inglés restera incontestablement pour moi un souvenir douloureux qui aura tendance à effacer tous les autres bons moments vécus pendant ce voyage-là.
- Depuis ce temps je ne mets plus jamais de chaussures à fond lisse quand je pars en voyage !