La nuit des longs couteaux

Neuf provinces se rallient; Lévesque se retrouve seul

Titre de journal, Le Devoir, 6 novembre 1981

Source  (BAnQ 0005226335 )

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Utilisation éducative et non commerciale.

ASPECTS

Social

Politique

Durant tout le mois d’octobre 1981, les provinces négocient pour une formule de rapatriement de la constitution qui conviendrait à toutes. Depuis 1960, elles ne parviennent à venir à un consensus. Elles acceptent finalement de se rencontrer le 2 novembre. Huit provinces semblent solidaires contre le fédéral: le Québec, l'Alberta, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et Terre-Neuve).

Toute la semaine, les ministres et premiers ministres se rencontrent pour discuter de compromis et d’alliances. René Lévesque se rend peu à peu compte que le groupe des huit est en train de s’effriter et que certaines résolutions qui soudaient les provinces sont abandonnées. 

Le 4 novembre, Lévesque et Trudeau s’entendent pour étendre les discussions constitutionnelles sur une période de 2 ans, pour la soumission des décisions à la population par voie de référendum. Alors que Lévesque croit enfin avoir trouvé une entente commune avec le premier ministre fédéral, il quitte l'hôtel où se déroulent les rencontres. 

Le lendemain, Trudeau avise les autres provinces que le Québec a pris entente avec le gouvernement fédéral. Lévesque n'ayant pas encore reçu l’entente écrite, confirme aux autres provinces qu'il est arrivé à un accord. Cependant, lorsque le premier ministre lui présente l'entente, Lévesque est surpris de voir que l'entente prise et le texte final sont nettement différents. Lévesque doit maintenant faire face aux autres provinces. En ayant accepté une entente avec le gouvernement fédéral sans se référer auparavant aux autres provinces, le Québec trahit la bande des huit. Maintenant blessées par l’attitude du Québec, les provinces ne voient pas pourquoi les revendications québécoises devraient être privilégiées. Au soir du 5 novembre 1981, en l’absence du Québec, les 9 autres provinces canadiennes s’entendent sur le rapatriement de la constitution. Seul le Québec ne signera pas cette entente. 

Économique

Culturel

La nuit des longs couteaux démontre l'isolement de la province de Québec. Ayant un parti souverainiste au pouvoir, il est difficile de concevoir que cette province puisse appuyer le projet fédéraliste du gouvernement de Pierre Eliott Trudeau. Le rassemblement des premiers ministres pour négocier le rapatriement de la constitution est une action fédéraliste entreprise par le gouvernement qui démontre le désir de ce dernier d'obtenir un contrôle politique complet pour le dominion.

Territorial

Scientifique & Technique

Extraits des points de vue

René Lévesque, gouvernement:

«[...] C'est un événement historique parce que le Québec a été honteusement trahi, c'est simple, et parce que les Québécois auront maintenant compris qu'aucun compromis qu'ils ont pu faire, comme citoyens ou par l'entremise de leur gouvernement, n'aura été suffisant pour que le Canada anglais reconnaisse notre caractère particulier, tout ce qui fait que nous ne sommes pas et que nous ne serons jamais une province comme les autres. 

Comme dans toute crise, il y a eu la minute de vérité. Et ce qu'elle révèle des autres, c'est leur véritable attitude fondamentale à l'égard du Québec. [...] Ce qu'ils viennent d'essayer de faire ensemble, c'est un Canada sans le Québec, un Canada dont le Québec serait exclu tout en demeurant ligoté, et même, mieux ligoté que jamais. C'est l'illustration concrète, flagrante comme jamais, de l'existence de deux nations distinctes. La façon dont on a procédé nous a montré le peu de prix qu'elle attache à nos droits et à notre existence même.

Il est donc clair que nous ne pouvions absolument pas accepter cette nouvelle constitution fabriquée en une nuit de fourberies. 

D'abord, parce qu'elle nous aurait forcés à accepter une limitation importante des pouvoirs exclusifs de l'Assemblée nationale en ce qui concerne la langue d'enseignement dans nos écoles. [...]

Ensuite, cette formule limite sérieusement les pouvoirs déjà terriblement insuffisants que nous possédons pour assurer que le développement économique du Québec se fasse d'abord au profit des Québécois.[...] Il n'est pas question pour nous d'accepter une politique de mobilité pancanadienne qui charcuterait et qui rendrait inopérants nos programmes de promotion des entreprises québécoises en même temps que notre pouvoir de légiférer dans ce domaine. Il n'en est pas question.

Enfin, la troisième raison: La formule d'amendement sur laquelle on s'est entendu en coulisse [...], non seulement enlève-t-elle au Québec son droit de veto traditionnel, mais elle permet que le Québec soit pénalisé s'il choisit, à l'encontre des autres, de conserver les pouvoirs qu'il possède déjà. Autrement dit, on ne pourra pas, en droit, arracher au Québec ses pouvoirs actuels, mais on pourra en rendre l'exercice de plus en plus pénible, en fait, puisqu'on nous privera des ressources nécessaires pour les exercer. [...]  Avant toute chose Ottawa doit renoncer à tout ce qui, dans cet accord des dix, vient écorcher nos droits. Car, pour nous, la démarche d'Ottawa, malgré l'accord des neuf provinces, obtenu de la façon que nous savons, conserve son caractère unilatéral et inconstitutionnel. À notre avis, l'histoire et les précédents démontrent clairement que le consentement du Québec est absolument nécessaire au consensus requis pour qu'une demande à Londres respecte les conventions constitutionnelles établies. Le Québec est le foyer et le point d'appui d'une des deux composantes de la dualité canadienne et, sans lui, cette dualité canadienne n'aurait jamais existé. » (9 novembre 1981, Source).

Claude Ryan, Opposition:

«Au plan constitutionnel, nous avons eu la semaine dernière la preuve éclatante de l'isolement dans lequel le Parti québécois a plongé le Québec et de son impuissance à défendre les intérêts du Québec à l'intérieur du fédéralisme canadien.  [...] À défaut de leadership créateur, le gouvernement a cherché par tous les moyens à conclure des alliances circonstancielles [...] . Il a même réussi, pendant quelques mois, à faire partie d'une alliance de huit provinces qui semblait, d'après ce qu'on nous disait, solide comme le roc. Mais l'alliance a fondu dans l'espace de quelques jours à peine. Le premier ministre voudrait nous faire croire que ses alliés d'hier, [...] seraient tous devenus, en l'espace d'une nuit, des traîtres, des renégats d'autant plus exécrables qu'ils sont des anglophones.  [...] Le premier ministre devrait tout simplement admettre que, en longue période, l'alliance qu'il avait forgée avec sept autres provinces était logiquement condamnée à l'éclatement, vu la fragilité et le caractère équivoque des fondements sur lesquels elle reposait. Dans ce sens et par-delà les intrigues qui ont pu avoir lieu, on peut dire que c'est le Parti québécois, par son attitude, qui s'est isolé du reste du Canada et qui s'en est isolé de plus en plus à mesure qu'on touchait au coeur des problèmes. » (10 novembre 1981, Source).

Critique externe -3QPOC

Critique interne -3QPOC

Qui?

René Lévesque, premier ministre du Québec.

Pierre Eliott Trudeau, premier ministre du Canada.

Pourquoi?

Depuis 1931, le Canada est indépendant de l'Angleterre. Cependant, il n'a pas le contrôle de sa constitution, il ne peut donc créer de nouvelles lois ou en modifier sans l'accord du Parlement de Londres. Depuis les années 1960 et 1970, le gouvernement fédéral tente de trouver une entente avec les provinces pour rapatrier la constitution, cependant, elles ont toutes des demandes particulières qui ne font pas l'unanimité.

En novembre 1981, les provinces se réunissent à Ottawa, afin d'en venir à un consensus. Huit provinces ont des revendications communes et espèrent demeurer solidaires face au gouvernement fédéral. Cependant, elles seront déçues que le Québec prenne une entente avec le gouvernement fédéral sans leur accord. Cela explique qu'elles aient signé le rapatriement de la Constitution.

Quoi?

René Lévesque prend entente avec Pierre Eliott Trudeau sur une formule de rapatriement de la constitution. Cependant, Trudeau ne respecte pas cette entente. Les autres provinces canadiennes, déçues de voir le Québec agir seul, décident de signer le rapatriement de la constitution. 

Où?

À Ottawa.

Quand?

5 novembre 1981.

Comment?

Espérant obtenir un accord avec le gouvernement fédéral, et assurer la reconnaissance des revendications québécoises, le premier ministre Lévesque s'entend avec le premier ministre fédéral Trudeau.

Le non-respect de cette entente par le gouvernement fédéral et la signature du rapatriement par les autres provinces, démontrent l'isolement dans lequel le Québec se trouve face au reste du Canada. 

Documents à télécharger

SAÉ : Travailler les opérations intellectuelles

SEA : Travailler la méthode historique

Pour aller plus loin...

https://enclasse.telequebec.tv/emission/La-nuit-des-longs-couteaux/recnxxai8I82HswQ9

Raoul Hunter, 10 novembre 1981, Utilisation éducative et non commerciale. 

Source (BAnQ P716,S1,P81-11-10 ).