La conscription de 1942

Question référendaire sur la sécurité nationale

William Lyon Mackenzie King, question référendaire, 27 avril 1942

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ASPECTS

Social

Politique

En septembre 1939, lorsque le Canada entre en guerre contre l'Allemagne, le premier ministre William Lyon Mackenzie King promet à la population qu'il n'imposera pas le service militaire obligatoire (conscription). À ce moment, il craint une crise telle que le Canada l'a vécue en 1917 et 1918, crise de la conscription qui divisa fortement la population canadienne.

Le Canada entre officiellement en guerre le 10 septembre 1939. En 17 août 1940, lorsque la France tombe sous l’armée allemande, le président américain Roosevelt propose un traité au Canada pour la formation d’une commission mixte chargée d’étudier la défense du continent, il s’agit de l’accord d’Ogdensburg. Cette même année, le gouvernement canadien adopte la loi sur la mobilisation nationale (juin 1940), afin d'enrôler des Canadiens pour la défense interne.

Puis, en avril 1941, les États-Unis et le Canada signent les accords de Hyde Park. Les États-Unis acceptèrent par ce traité de soutenir financièrement le Canada, qui vivait une situation économique de plus en plus difficile, devant soutenir le crédit de la Grande-Bretagne.

En 1942, les défaites des alliés se multiplient en Europe. La France est tombée. L’Angleterre se fait bombardée. Deux bataillons canadiens sont décimés lors de la chute de Hong Kong. L’Allemagne commence même à se rapprocher du Canada en menaçant le fleuve. Ayant promis aux Canadiens de ne pas imposer la conscription, le gouvernement fédéral de King soumet la population canadienne en 1942 à un plébiscite afin de se fait libérer de sa promesse.


« Consentez-vous à libérer le gouvernement de toute obligation résultant d'engagements antérieurs restreignant les méthodes de mobilisation pour le service militaire? »


Le 27 avril 1942, 71.2% des Québécois (dont 85% sont francophones) votent contre la proposition conscriptionniste du gouvernement fédéral. De son côté, le reste du Canada donne son appui au gouvernement d’Ottawa à 80%. Plus rien n’empêche donc le gouvernement fédéral d’appliquer la conscription. Au Canada, la situation semble se répéter.

Le plébiscite de 1942 est une réaction directe à la demande du conservateur Arthur Meighen et des conservateurs d’imposer l’effort de guerre totale, c’est-à-dire la conscription totale de la main-d’œuvre pour les forces armées. Il s'agit du même Arthur Meighen qui avait mis sur pied la loi de la conscription en 1917. Bien conscient des répercussions qu’une conscription peut avoir sur l’avenir politique de son gouvernement, King parvient tout de même à obtenir l’approbation de la majorité du Canada. Cela renforce de nouveau l’écart idéologique existant entre le Québec et le reste du Canada.

Le gouvernement adopte la Loi 80, permettant la mise en place de la conscription en cas de besoin. La conscription ne sera réellement mise en place qu’en 1944 et les premiers conscrits ne seront envoyés au front qu’au début de l’année 1945. Au total, 12 900 Canadiens seront envoyés au front, rejoignant ainsi le rang des zombies, ces hommes qui ne voulaient pas faire la guerre (terme injurieux comparant les soldats aux personnages sans vie et monstrueux qui commencent à apparaître dans les films d'horreur de l'époque) (Paquette, 2016).

Économique

Culturel


Les Canadiens français sont mécontents de l’imposition de la conscription: l’armée n’est toujours pas accueillante pour les Canadiens français. Il existe tout de même le Royal 22e Régiment fondé en 1914, accompagné des régiments de la Chaudière, de Maisonneuve, des Fusiliers Mont-Royal et du 425e Escadron canadien-français. En dehors de ces régiments, les recrues sont disséminées dans des unités unilingues anglaises où les postes de commandements leur sont fermés.

Les Canadiens anglais sont satisfaits. Depuis 1939, ils demandent au gouvernement canadien de renforcer la participation du Canada. Plusieurs ministres proconscriptionnistes, au sein du cabinet libéral, exigent que le Premier ministre prenne des actions plus concrètes en ce sens. Certains ministres menacent même de démissionner (Granatstein & Jones, 2006).

Territorial

Scientifique & Technique

Extraits

William Lyon Mackenzie King: discours précédent la tenue du référendum.

« Nous ne devons pas perdre de vue l'importance de l'unité nationale. Pour moi, l'unité nationale est plus indispensable au succès de l'effort de guerre de tout pays que presque tous les autres facteurs combinés. ''Si un royaume se divise contre lui-même, il ne subsistera pas, et si une maison se divise contre elle-même, elle tombera.'' [...] Je crois fermement que [l']abolition [de cette restriction] nous aidera à maîtriser l'irritation et la désunion qui planent au-dessus de notre pays. Je crois qu'elle nous aidera aussi à éliminer une source de malentendus dans les pays alliés du Canada dans notre effort commun pour préserver la liberté dans le monde. »

« Cette restriction représente la limite restrictive à un effort de guerre total de la part du Canada. [...] Le fait que le gouvernement ne soit pas libre d'en considérer l'application donne l'impression qu'il y a une limite à l'effort de guerre du Canada. [...] Notre armée actuelle est juste aussi nombreuse qu'elle l'aurait été si nous avions eu recours à la conscription pour le service d'outremer. [...] Le fait de ne pas pouvoir appliquer la conscription met notre effort de guerre sous un jour trompeur devant nos citoyens et, ce qui est pire, devant nos alliés. En d'autres termes, la conscription est devenue le symbole d'un effort total... »

« Ce que le gouvernement recherche, pour lui-même et pour le Parlement, c'est la liberté de considérer, de débattre et de décider de cette question [...].»

« Les citoyens du Canada n'hésiteront pas à prendre toute décision qu'ils croient nécessaire au maintien de leur liberté. Ils n'hésiteront certainement pas à adopter toute mesure nécessaire destinée à préserver leur existence en tant que nation [...]. Notre existence en tant que nation est tout autant menacée que notre liberté nationale. [...] Si la présente vague de conquête ne s'achève pas en une défaite écrasante de l'ennemi, aucun pays - et sûrement pas le Canada - ne pourra se considérer en sécurité. [...] Y a-t-il quelqu'un d'assez aveugle pour croire qu'ils ne convoient pas déjà le vaste territoire et les ressources de notre Dominion. »

Discours sur le plébiscite sur la sécurité nationale, Premier ministre King, 7 avril 1942. Source.


William Lyon Mackenzie King dans Le Devoir:


« […] Devant l'insistance de tout un groupe qui réclamait la conscription, j'ai cru et je crois encore que le plébiscite était le meilleur moyen de remettre les choses dans l'état où elles devaient être. […] Je me suis dit que si nous allions devant le peuple avec un plébiscite, nous obtiendrions l'avis de la masse des électeurs, la libération de nos promesses de 1939 et qu'ensuite il serait assez facile de démontrer au peuple qu'il n'y avait pas besoin de conscription, pendant plusieurs mois en tout cas, peut-être pas du tout. »

Fonds Georges Pelletier, Fondation Lionel Groulx, Entrevue Georges Pelletier-King (26 mai 1942), 9-11.


André Laurendeau, La Ligue pour la Défense du Canada:

« La Ligue pour la Défense du Canada demande que la réponse soit: Non!
[...]

-Parce que de l'avis de nos chefs politiques et militaires, le Canada est de plus en plus menacé par l'ennemi et que notre premier et suprême devoir est de défendre d'abord notre pays;

-Parce que, selon les statistiques [...], le volontariat fournit encore, en février 1942, deux fois plus d'hommes que peuvent absorber nos diverses armes;

-Parce qu'un petit pays, de onze millions d'habitants, dont l'on prétend faire le grenier et l'arsenal des démocraties ou des nations alliées, ne peut être, en même temps, un réservoir inépuisable de combattants;

-Pace que le Canada a déjà atteint et même dépassé la limite de son effort militaire, et que, victorieux, nous ne voulons pas être dans une situation pire que les peuples défaits;

-Parce que, comparativement à sa population et à ses ressources financières, le Canada a déjà donné à la cause des alliés, autant, et à tout le moins, qu'aucune des grandes nations belligérantes;

-Parce qu'aucun de ces grands peuples n'a encore pris - que nous sachions - la détermination de détruire sa structure interne et qu'en rien responsable de la présente guerre, le Canada n'a pas le droit ni encore moins l'obligation de se saborder. » Action nationale, janvier 1942. Source.


L'Action nationale:

La raison « pour laquelle les Canadiens français n'accepteront jamais la conscription (...) c'est notre situation au Canada. (...) Les libertés que nous avons, c'est (...) de continuer la lutte commencé depuis 182 ans pour notre survivance et pour conserver ce que nous avons gagné et qu'on ne peut actuellement nous enlever. (...) Plus que jamais, en effet, notre survivance est menacée de tous les côtés, à l'intérieur du Canada. » 1942, Source, p. 97-99.

Jules Sioui, Wendat :

«Vous avez jugé bon de faire croire au public, que les Indiens sont des sujets britanniques, et qu'ils sont tenus de faire du service militaire obligatoire. (...) J'ai les connaissances nécessaires, (...) les Indiens n'ont jamais été sujets britanniques. Je dois qualifier le geste du gouvernement (...) comme étant l'acte de terreur le plus audacieux et le plus néfaste qui n'a pas encore été commis jusqu'ici depuis l'invasion et l'agression de notre pays, ce qi vous a valu l'extermination de notre race (...). Vous avez encore l'audace (...) de vouloir nous faire consentir de se battre à vos côtés, pour vous aider de continuer votre règne d'extermination. » Janvier 1943 (Rapporté par Jocelyn Sioui, Mononk Jules, 2020, p. 107).

Critique externe -3QPOC

Critique interne -3QPOC

Qui?

Le premier ministre William Lyon Mackenzie King organise un référendum et demande à la population de le libérer de sa promesse de ne pas imposer la conscription.

Pourquoi?

En 1939, lorsque le Canada entre en guerre, le Premier ministre a promis à la population qu'il n'imposerait pas la conscription. Cependant, en 1942, les Alliés sont confrontés à de nombreuses pertes en Europe, où la participation du Canada est de plus en plus sollicitée, après la victoire du débarquement de Normandie. Face aux proconscriptionnistes, dans la population et dans son cabinet, le Premier ministre prend la décision de tenir un référendum pour se faire libérer de sa promesse.

Le premier ministre King juge que la promesse tenue en 1939 limite les pouvoirs du Parlement canadien. Dans ses discours (voir extraits), il assure que cette promesse engendre désunion et malentendus entre les francophones et les anglophones du Canada. Il assure à la population que ce référendum n'assurera pas la mise en place immédiate de la conscription, mais permettra au Parlement d'en discuter librement. Le Premier ministre cherche surtout à conserver une bonne réputation face à la population. Il est poussé par les proconscriptionnistes de son parti et par la population canadienne-anglaise qui espèrent augmenter l'effort de guerre du Canada.

Quoi?

Le document est la question référendaire sur la sécurité nationale.

Où?

Au Canada.

Quand?

27 avril 1942

Comment?

Afin de se libérer de sa promesse, le gouvernement juge qu'un référendum lui garantira une meilleure réception vis-à-vis de la population. En 1939, il avait promis de ne pas imposer la conscription afin de rassurer les Canadiens français et de s'assurer leur collaboration dans l'effort de guerre. Cette prévention était le résultat d'une crainte face à la désunion nationale, renforcée par l'imposition de la conscription en 1917.

Dans ses discours, il affirme que le Parlement canadien pourrait très bien se passer de ce référendum et imposer la conscription tout de même, puisque le Parlement a les pleins pouvoirs sur les décisions politiques. Cependant, un référendum permet de conserver l'honneur du gouvernement et, en cas de nouvelles élections, évite un conflit.

Les arguments du premier ministre (voir extraits) misent sur la conservation de l'unité nationale, la protection de la liberté nationale et mondiale, la sauvegarde de l'honneur du Canada (à travers l'effort de guerre), ainsi que le respect du plein pouvoir du Parlement.

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