La liberté de presse au Bas-Canada

Pierre-Stanislas Bédard, figure de la démocratie

Extrait de bande dessinée, Vincent Girard, 2017

Source

ASPECT-T

Social

Les Canadiens, de langue française, sont représentés par des députés issus de la bourgeoisie professionnelle réunis au sein du Parti canadien. Ils défendent les intérêts des Canadiens, s'est à dire de la classe agricole et seigneuriale. Les colons anglais, de langue anglaise, sont représentés par des députés britanniques, principalement des marchands, au sein du Parti anglais (parti bureaucrate ou Clique du château). Ils défendent les intérêts britannique et de la classe marchande.

Politique

Au nouveau parlement, on trouve une opposition entre le Parti Canadien d’un côté et, de l’autre, le Parti Anglais, surnommé la clique du Château (appellation issue du château Saint-Louis, siège du gouverneur Craig) et subordonné aux vues du gouverneur (Blais, Giguère & Paquin, 2017, p. 50).

Les Canadiens de 1806 réclament la pleine possession des droits inscrits dans la Constitution. Ils sont en opposition avec les députés britanniques. Cette opposition est accentuée en 1807 par l'arrivée du nouveau gouverneur, James Henry Craig, qui considèrent les réclamations de l'Assemblée comme des menaces pour la colonie.

À plusieurs reprises, le gouverneur Craig dissout la Chambre d'assemblée et déclenche des élections, pour empêcher les Canadiens de faire voter des lois. En 1808, Bédard perd son siège à la Chambre d'assemblée, puisque le gouverneur considère que les Canadiens prennent trop de place en politique. Cela encouragera les députés à réclamer un meilleur contrôle politique du gouvernement (voir Le gouvernement responsable). En 1810, Bédard et les rédacteurs du Canadien sont emprisonnés pour trahison.

Économique

En 1810, Bédard introduit à la Chambre d'Assemblée les divers enjeux qui constitueront les piliers du programme politique du Parti Canadien : la nomination des juges, le vote de la liste civile et des subsides et le financement des prisons. Il espère empêcher les juges de siéger à l’Assemblée, cherchant à séparer le pouvoir judiciaire du pouvoir législatif (Bédard, 1810.).

La liste civile est la liste des fonctionnaires payés par le gouvernement, alors que les subsides sont les dépenses du gouvernement. C’est en effet un enjeu aux élections de 1810 et les députés canadiens croient que les députés du Parti anglais tentent d'obtenir le contrôle des dépenses et leur augmentation, au détriment du peuple. L’une des dépenses du gouvernement est la liste civile, c'est-à-dire les salaires accordés par le gouverneur aux fonctionnaires publiques, presque tous anglophones. Sur la question du financement des prisons, la querelle entre marchands anglais et les Canadiens se poursuit. Pour prélever une taxe visant le financement de la construction des installations, les députés canadiens demandent de prélever une taxe sur le commerce lorsque les députés anglophones demandent plutôt une taxe sur les terres agricoles.

Culturel

Dès les premières élections, les débats s'articulent autour du choix du président et du choix de la langue parlée à l'Assemblée législative. Cela démontre le caractère très dualiste de la politique canadienne.

Les intérêts sont défendus dans la presse par les journaux partisans. Le premier journal unilingue français paru au Québec, Le Canadien, est un journal partisan du parti politique canadien. Ce journal veut surtout défendre les intérêts des colons canadiens vis-à-vis du parti anglais à l’a Chambre d'assemblée. Dans une lettre d’opinion publiée en novembre 1806, les Canadiens français réclament la reconnaissance de leur langue, dans leur engagement de loyauté envers l’Angleterre.

Le journal écrit en 1806 que les Canadiens sont victimes d’insinuations (rumeurs et sous-entendus) de la part des partis britanniques et que « la liberté de presse, à laquelle ils ont droit aussi, leur offre le moyen de venger la loyauté de leur caractère, de défier l’envie du parti qui leur est opposé, de venir au grand jour avec les preuves de ses avancés » ( Bédard & Roy, 1806).

Pour défendre leurs revendications, les Canadiens font valoir leur liberté de presse. C'est la façon la plus logique de profiter et de réclamer leurs droits à la démocratie. Elle favorise une prise de conscience des enjeux politiques (Gallichan, 2009, p. 115). C’est pourquoi le député et journaliste Pierre-Stanislas Bédard écrit : « La liberté de presse en faisant connaître le peuple à celui qui le gouverne, fait connaître au peuple l’excellence de son gouvernement, et le rend continuellement témoin du bien qu’il lui fait » (13 novembre 1806).

Pour répondre aux articles publiés dans Le Canadien, le gouverneur James Henry Craig fait saisir les presses du journal et fait arrêter et emprisonner ses rédacteurs et propriétaires en mars 1810.

Territorial

Technique

Extraits

<< Il y a longtemps que des personnes qui aiment leur pays et leur Gouvernement, regrettent en secret, que le trésor rare que nous possédons dans notre constitution, demeure si longtemps caché, faute de l’usage de la liberté de presse, dont l’office est de répandre la lumière sur toutes les parties. Ce droit [...] d’exprimer librement ses sentiments sur tous les actes publics de son Gouvernement, est ce qui en fait le principal ressort.

L’exercice de ce pouvoir [...] est ce qui assure le bon exercice de toutes les parties de la constitution, et surtout l’exécution des lois [...]. Ce pouvoir est si essentiel à la liberté, que l’État [...] où il serait introduit, deviendrait par là même un État libre [...]. C’est cette liberté de la presse qui rend la constitution d’Angleterre propre à faire le bonheur des peuples qui sont sous sa protection. >>

Pierre-Stanislas Bédard, Charles Roy (imp.). « Prospectus d’un papier périodique », Le Canadien, jeudi 13 novembre 1806.

Critique interne -3QPOC

Qui?

Pierre-Stanislas Bédard est né à Joliette en 1762. Il est élu dans le premier Parlement en 1792 et est nommé chef du Parti canadien. Il est le fondateur du journal Le Canadien, en 1806. Il est emprisonné en 1810 en raison de ses articles jugés déloyaux.

Pourquoi?

La liberté de presse est un moyen efficace de démocratiser la politique, de la rendre accessible au plus grand nombre. Mais lorsqu’on limite cette liberté de presse, c’est le devoir des représentants du peuple de se battre pour ce droit.

C’est ce qui arrive en 1810, lorsque les députés, propriétaires ou rédacteurs du Canadien sont emprisonnés. Ils sont arrêtés en raison des critiques publiées dans le journal envers le gouverneur anglais et les députés anglophones. Ils sont accusés de déloyauté. Leur arrestation confirme l’importance que représente la liberté de presse comme enjeu politique et la menace qu’elle constitue aux yeux de l'élite anglophone. La caricature démontre l'obstination du député de vouloir être jugé légalement afin de mettre en évidence l'inconstitutionnalité du gouverneur.

Quoi?

Le document est une caricature présentant le passage de Bédard en prison. Le député clame son droit d'être jugé légalement.

Où?

Au Bas-Canada.

Quand?

Pierre Stanislas Bédard est arrêté en 1810.

Comment?

La caricature est organisée de façon à mettre en évidence le discours du député. Les couleurs sont criantes et la composition est simple. L'accent est mis sur les personnages, plutôt que sur le lieu ou l'époque. L'artiste présente le député comme étant malade, ce qui laisse sous-entendre les mauvaises conditions de détention de l'époque.

Documents à télécharger

Pour aller plus loin...

Création de l'institut canadien

Doc.9-40/96