LE CRUCIFIX BRISE

Date de publication : Jul 07, 2012 8:18:2 PM

Jean Jaurès (1859-1914), homme politique français, figure marquante du socialisme, avait une fille, Germaine, à qui il avait donné comme institutrice une ancienne normalienne anticléricale, pour être sûr de détruire ainsi, dans l’âme de son enfant, les dernières traces de foi.

Au soir d’un de ses plus beaux succès oratoires, le député socialiste rentrait dans son bureau de travail tout joyeux de son triomphe. Se parlant à lui-même : « Quelle journée ! Disait-il. Quand j’ai parlé de déchristianiser la France, il me semblait que les pierres allaient se dresser contre moi… Et pourtant, c’est fait ! Ma fille Germaine a 20 ans, et c’est une femme accomplie. Ah ! Messieurs les catholiques, je vous défie de donner un modèle d’éducation comparable à celui que je vous présente. »

A ce moment, un coup léger se fait entendre, Germaine rentre. Elle prend un siège et va s’asseoir près de son père. - « Je suis heureuse, dit-elle, de vous trouver seul. - Pourquoi ? - Je viens vous faire savoir que j’ai fixé le choix de celui qui sera le compagnon de ma vie. - Je serais curieux de connaître le nom du préféré auquel tu as sacrifié tous les autres… » La tête inclinée, elle dit : « Je veux me consacrer à Dieu dans la vie religieuse. »

Coup de foudre pour le député socialiste. Germaine releva la tête. Son père était si pâle qu’elle eut peur et qu’elle voulut appeler au secours. D’un geste, Jaurès l’arrêta. Et d’une voix tremblante, il lui dit : « - Depuis quand penses-tu à ce projet ? - Depuis trois ans. - Qui t’en a donné l’idée ? - Personne ! - Alors ?

- Vois, père… Il y a quatre ans, je me promenais avec mon institutrice à la campagne. Sur la route, nous avons trouvé un calvaire brisé. Le Christ en morceaux gisait dans l’herbe. Je m’amusais à en recueillir les morceaux et à reconstituer le Christ. Mais pendant que je contemplais mon travail, mon institutrice lança un vigoureux coup de pied et dispersa tous les morceaux dans toutes les directions. J’en eus de la peine et, depuis ce jour-là, j’ai senti grandir en mon âme toute une semence d’idées que vous n’y avez pas jetés. Et maintenant, je veux être au Christ pour toujours. » Et elle se tut et baisa la main de son père qui lui fit signe de se retirer.

Dans le silence de son cœur, le Christ avait parlé à Germaine, et Germaine L’avait écouté. Germaine L’avait compris. Germaine L’avait aimé.