Statuts et fonctionnement de la Société

STATUTS

DE LA SOCIETE DES ANTIQUAIRES DE PICARDIE

du 9 mars 1837

Article 1er

La Société des Antiquaires de Picardie a son siège à Amiens ; elle embrasse dans ses travaux toutes les parties de la France du Nord où l’idiome picard était anciennement usité.

Article 2

La Société recherche, par des soins assidus, tous les monuments de l’art et de l’histoire que l’Antiquité et le Moyen-âge ont laissés dans la Picardie.

Elle signale, comme devant attirer particulièrement son attention :

1° Les bibliothèques et les dépôts publics, les archives des villes, communes, châteaux, abbayes, prieurés,, hôpitaux et fabriques ; les vieux livres, les chartes, diplômes et anciens manuscrits sur parchemin et sur papier, les actes d’une écriture gothique munis de sceaux en cire ou en plomb ;

2° Les églises, tous les genres de décorations, soit intérieures, soit extérieures, qui les rendent remarquables, les sculptures, boiseries, vitres peintes, anciens tableaux, etc. ;

Tous les monuments en pierre, simplement levées ou super­posées, connus sous les noms de pierres aux fées, pierres levées, pierres fichées, cercles druidiques, Mullus, Dolmen, Mein-hir, Peulvan, etc. et auxquels on attribue les dénominations de monuments celtiques ;

4° Toutes les éminences en pierres ou terres rapportées, formant des buttes circulaires aplaties, de 30 à 50 pieds de diamètre environ, et connues sous le nom de mottes, tumuli ou tombelles ; toutes les bornes milliaires antiques, les colonnes, fondations, pierres sépulcrales, sur lesquelles se trouvent des inscriptions ou des sculptures, tous les emplacements où l'on a trouvé des antiquités quelconques ;

5° Tous les anciens camps romains et constructions anciennes, les enceintes ou lignes militaires ; les voies romaines ou chemins perrés, les villages ou mêmes les édifices, ponts ou autres constructions qui se trouvent sur ces routes ou qui n'existent plus ;

6° Les cryptes et les souterrains qui existent en assez grand nombre dans plusieurs parties de la province, ainsi que les objets qui y auront été trouvés, ou les observations qui ont été faites ;

7° Les châteaux gothiques encore debout ou en ruines, les anciennes tours, les fragments de murailles qui peuvent offrir quelque singularité par leur construction ou par leur masse ;

8° Enfin les tombeaux, les marbres, les métaux sculptés ou chargés de quelque inscription, les fragments de poterie rouge ou noire, les figurines en bronze ou en ivoire, les statuettes, les anneaux, les archétypes, les armures, les urnes, les vases, les lampes, les ustensiles, les outils, les médailles gauloises ou romaines, les anciennes pièces de monnaie françaises, les ossements humains, les débris d'animaux ou de végétaux exhumés des tourbières, pourvu toutefois que la découverte des objets compris dans le présent paragraphe soit due à des fouilles faites dans les limites de l’ancienne province de Picardie, et qu’ils portent avec eux le certificat de leur origine.

Article 3

La Société a pour objet l’étude et la description de tous les monuments dont il est parlé dans l’article 2, tant sous le rapport de l’art que de leur application à l’histoire du pays.

1° Elle fera connaître, autant que possible, à quel âge appartiennent les monuments et les tombeaux gaulois, et recherchera l’origine et les causes de l’espèce de culte superstitieux rendu aux pierres ; elle dénombrera les ustensiles religieux et domestiques reconnus pour appartenir à la période romaine, ainsi que les pièces d’architecture ou de sculpture découvertes dans le pays ; elle recherchera quels monuments religieux ont été fondés dans le pays, sous la première race, quel en était le style et le caractère, quels sont les édifices qui, consacrés d’abord aux cultes des idoles, auraient été depuis convertis en églises ou en oratoires chrétiens ; elle recherchera quelle a été la destination primitive des cryptes et des souterrains ; elle démontrera ce qu’étaient les villes de Picardie au moyen-âge, quel était le mode de constructions des bâtiments publics et particuliers, des châteaux et des habitations rurales.

2° Elle décrira toutes les trouvailles numismatiques appartenant aux époques gauloise, romaine et du moyen-âge.

3° Elle fera la description des inscriptions et épitaphes en langue latine et française qui lui paraîtront dignes d’être recueillies.

4° Elle traduira et commentera les chartes, diplômes, bulles pontificales, anciens titres, cartes, plans, et tous les autres genres de documents conservés dans les dépôts publics ; décrira les sceaux qui y sont attachés ou superposés, ainsi que la matière, la couleur, la forme, les légendes, les symboles et les ornements qui en distingueront les empreintes.

5° Elle donnera la description topographique de l’ancienne province de Picardie ; indiquera, autant que possible, la direction des anciennes voies romaines, les changements qu’elles ont subis, fera remarquer leur plus ou moins de proximité avec les mansions militaires et les camps dits de César ; déterminera le nombre et la situation des établissements religieux mentionnés dans les chartes et diplômes qui concernent le pays, dans les chroniques et vies des saints, ainsi que celle des lieux qui ont été le théâtre des grandes batailles ; enfin elle encouragera de tous ses efforts toute entreprise qui aura pour objet le dressé d’une carte monumentale de la province, qui offre tout à la fois la topographie des époques romaine, du moyen-âge et des temps modernes.

6° Elle s’occupera de tous les faits historiques, anecdotiques, biographiques et chronologiques qui concernent l’histoire religieuse, civile, militaire, politique et héraldique de la Picardie, depuis les temps les plus reculés jusqu’à la révolution de 1789.

7° Elle discutera les éléments de l’ancien idiome picard, recherchera quels sont les caractères propres à ce patois, son affinité avec les autres langues ; elle citera les plus anciens monuments de ce vieux langage, et joindra à ces citations des glossaires raisonnés. Elle puisera, dans les étymologies topographiques et des noms propres, des inductions pour déterminer la situation des lieux, leur plus ou moins d’ancienneté, leur origine celtique, romaine ou française.

8° Elle recherchera tout ce qui est relatif à la législation, à la jurisprudence, aux coutumes, aux usages, aux superstitions, aux croyances populaires et aux mœurs de la Picardie ; et elle fera connaître s’il existe, dans certaines fêtes patronales, des usages locaux remarquables ou singuliers, et que l’on fasse remonter à des temps plus reculés.

9° Elle fera des recherches sur l’histoire littéraire et bibliographique du pays, en s’attachant surtout aux anciens monuments de la langue nationale, tels que sirventes, romances, légendes rimées, mystères, représentations théâtrales, sermons latins et français, ouvrages ascétiques, ouvrages de jurisprudence, de médecine et d’histoire naturelle, qui mériteront d’être mentionnés.

Article 4

La Société veillera à la conservation des édifices antiques qui ne sont point tombés dans le domaine privé ; et, à cet effet, elle s’entendra avec les architectes des départements, pour que leur réparation ne devienne pas une mutilation.

De concert avec l’autorité, elle prendra des mesures pour le classement et la conservation des bibliothèques et dépôts publics d’archives.

Un musée d’antiquités nationales sera établi à Amiens, siège de la Société ; on y réunira tous les objets d’art et d’histoire, de la nature de ceux énumérés dans l’article 2, qui seront achetés par la Société ou qui lui seront offerts à titre de don.

Elle y réunira pareillement les dessins, cartes et plans qu’elle fera faire ou possédera au même titre que ci-dessus.

Article 5

La Société s’interdit toute discussion politique relative aux affaires du temps. Elle correspondra avec les autres sociétés savantes qui sont instituées dans les mêmes vues, tant en France qu’à l’étranger.

Article 6

La Société se réserve le droit de distribuer ses membres en plusieurs classes ou sections, si l’expérience lui en fait reconnaître la nécessité.

Jusque là ses membres s’occuperont, en séance générale ou en comité temporaire, des divers objets de son institution.

Article 7

La Société sera composée de membres titulaires résidants et non résidants, de membres honoraires et correspondants. Le nombre des titulaires résidants sera de vingt, dans la première formation ; il ne pourra, dans aucun cas, excéder le nombre de trente. Le nombre des membres titulaires non résidants, des membres honoraires et des correspondants est illimité.

Article 8

Les membres titulaires résidants doivent avoir leur résidence ordinaire à Amiens ou dans les environs, à une distance qui leur permette d’assister habituellement aux séances. Ils ont seuls voix délibérative, en ce qui touche les nominations, l’administration et les autres branches du régime intérieur.

Les membres non résidants, quand ils assisteront aux séances mensuelles, jouiront des mêmes droits que les résidants.

Les membres honoraires et correspondants auront vois délibérative dans toutes les discussions scientifiques.

Article 9

Pour faciliter les études dont il est parlé dans l’article 3 ci-dessus, les membres non résidants, domiciliés dans un même canton ou dans un même arrondissement, pourront être autorisés à former un comité, et à présenter, au choix de la Société, un directeur chargé plus spécialement de recevoir et de transmettre les instructions.

Article 10

Les officiers de la Société sont : un président honoraire, un président, un vice-président, un secrétaire perpétuel, un secrétaire annuel et un trésorier. Le président et le vice-président sont élus pour l’année et peuvent être réélus, ainsi que le secrétaire annuel. Le secrétaire perpétuel est chargé de la rédaction des procès-verbaux, de la publication des mémoires et de l’administration intérieure, ainsi que de la correspondance générale ; il est secondé par le secrétaire annuel. Le trésorier exerce les fonctions de receveur et de payeur pour la recette et l’emploi des fonds de la Société.

Article 11

Les séances de la Société sont ordinaires ou extraordinaires. Les séances ordinaires se tiendront une fois par mois, aux jour, lieu et heure qui seront ultérieurement indiqués, sans convocation préalable.

Les séances extraordinaires auront lieu toutes les fois que le bureau le jugera nécessaire, les lettres de convocation énonceront sommairement l’objet de la réunion.

Article 12

Indépendamment des séances ordinaires et extraordinaires, la Société tiendra, chaque année, dans les dix premiers jours de juillet, une session générale à laquelle tous les membres résidants, non résidants, honoraires et correspondants seront appelés à prendre part. On y rendra compte des travaux de l’année, et on discutera les questions les plus importantes dont le programme, arrêté en séance ordinaire, aura été imprimé et distribué au moins un mois avant l’ouverture de la session.

Cette session ne pourra durer plus de cinq jours.

Article 13

L’élection des membres titulaires résidants, non résidants, honoraires et correspondants, se fait par les seuls membres titulaires résidants, aux séances mensuelles seulement, sur la proposition de trois membres, et toujours au scrutin secret, quand il s’agit de l’élection des membres résidants.

Article 14

Les fonds de la Société seront composés :

1° Des contributions souscrites par les membres titulaires résidants et non résidants ;

2° Des sommes qui seront votées, à titre d’allocation, par les Conseils généraux des départements et par les Conseils municipaux ;

3° De tous les legs faits à la Société, lorsqu’elle aura été légalement autorisée à les recevoir ;

4° Des encouragements et secours qui seraient obtenus de M. le Ministre de l’Instruction publique.

Article 15

Dans le cas où des sommes auraient été allouées par les Conseils généraux des départements ou par les Conseils municipaux, ces sommes ne pourront être employées que dans l’étendue du département ou de la commune qui les aura votées, et sous la surveillance des directeurs des comités.

Article 16

La Société déterminera la somme qu’il est indispensable d’appliquer aux dépenses administratives de l’association.

Le reste des fonds sera consacré par la Société :

1° Aux recherches, études, publications et acquisitions qui sont l’objet principal de son institution ;

2° A donner des prix ou médailles aux auteurs étrangers à la Société, des meilleurs ouvrages sur les antiquités de la Picardie.

Article 17

La Société forme sa collection particulière.

La conservation de ses manuscrits et de sa bibliothèque est confiée à son secrétaire perpétuel.

Fait et délibéré, en séance, le neuf mars mil huit cent trente-sept.

Ont signé au registre : RIGOLLOT, président ;

GUERARD, secrétaire annuel.

Pour extrait conforme, adressé à Monsieur le Préfet de la Somme pour être soumis à l’approbation de l’autorité supérieure.

Le secrétaire perpétuel de la Société d’archéologie du département de la Somme,

Signé : BOUTHORS.