Le meilleur pour la fin

Prise de conscience

Ces deux dernières semaines passées en France pendant les fêtes de fin d'année m'auront mis un sacré coup. Autant il était assez facile de partir en Novembre 2012 (fin de mes études à Bayonne, retour au domicile parental, ne pas se sentir à sa place, un peu pommé ...), cette fois repartir dans un avion de l'autre côté du monde me laisse un goût amer dans la bouche. Je réalise que je n'ai pas vu mon frère et ma soeur grandir devenus d'un coup adultes, que mes parents sont vraiment exceptionnels, que ma famille au sens plus large est fier de ce que je suis devenu et du chemin parcouru. Nous profitons de ces retrouvailles pour fêter nos 50 et 25 ans avec ma mère, renforcées par un sacré discour à mon égard.

Les 7 ans de voyage que je m'étais fixé ne me font plus rêver à cet instant et c'est avec difficulté que je prendrai mon covoiturage à Clermont-Ferrand entouré d'un petit groupe d'ami que je laisse de nouveau sur le carreau. On se sert dans les bras, tout le monde prend une grande respiration, le temps des adieux est passé. Comme le dit Gandalf:" la maison est derrière, le monde est devant". Me voici assis dans mon covoiturage en direction de Biarritz chez Aurore, puis à Madrid après avoir passé la nuit chez mon deuxième covoitureur. 

C'est le jour J: je reprends contacte avec ce stress qui s'insinue dans nos trippes lorsque nos repères spatio-temporels se réduisent. Petit à petit l'âme qui habite mon corps change: l'émotionnel s'amenuise face à l'instinct qui s'éveille et qui reprend les reines. Peu à peu je redeviens cet homme parcourant l'inconnu depuis ces 26 derniers mois.

J'attéri à Lima à 22h heure locale. J'ai réservé ma première nuitée dans une auberge de jeunesse à 20min de là. Mon deuxième réflexe: manger directement la cuisine de rue. Cela me fait sourire lorsqu'on me tend ma gamelle de riz et cochon d'Inde juste après les repas de fêtes de fin d'années à la française.
Je connais peu de chose sur la vie au Pérou mais une chose et sûr: j'ai hâte d'aller m'y perdre un temps indéterminé pour partager des conversations hors du temps avec les locaux qui voudront bien de moi.

Un peu de shopping

Avant de retourner à Vichy, je passe deux jours à Paris chez Antoine. Cela me donne l'occasion de retrouver un ami perdu de vue depuis 5 ans, tout en faisant quelques achats obligatoires: une carte Sim pour les 2 semaines à venir et refaire le point sur mon équipement. Le Pérou s'étend de la côte Pacifique jusqu'au Huascarán à 6768m tout en étant en région tropicale. Bien que je ne vise pas atteindre une telle altitude, il me faut des vêtements pour un large éventail de conditions climatiques allant de température négatives à la canicule, d'un air sec à la moiteur de l'Amazonie. J'aurai également bien plus d'équipement avec moi (merci à Expérience Outdoor) car cette fois je pars en autonomie totale: Réchaud, duvet, matelas, tente... J'ai bien l'intention de découvrir le coeur de l'Altiplano.

Je parviens à tout faire tenir dans mon sac Bach Shield 38L. Allez, suffisamment parlé des préparatifs, place à l'aventure!

C'est parti !

Parcourez la carte pour découvrir comment je me suis occupé pendant ces deux mois. Vous trouverez tous les détails en cliquant sur le volet en haut à gauche de la carte. Depuis la fermeture de Google+, il m'aura fallut près de 7 ans pour trouver la motivation de tout remettre au propre, le temps de mener à bien les  quatre projets dans lesquels je m'étais lancé:

Maintenant que j'y suis parvenue, je vais pouvoir retourner à ce que j'aime faire: découvrir, apprendre et partager.

Et si je commençait par  rencontrer un shaman?

Dès mon arrivée à Lima, je rencontre Christelle de nationalité suisse-Italienne. Elle souhaite se rendre à Pucallpa, dans une tribu Shipibo pour prendre de l'Ayahusca avec un Shaman réputé. Je n'ai pas de plans plus que ça et je suis curieux de l'expérience qu'elle en tirera car grâce à Graham Hancock et le temps passé avec Sam au Laos, je sais ce qu'est l'Ayahuasca: un brevage mélangeant une racine et les feuilles d'une espèce de liane sécrétant de la DMT permettant de fluidifier les connections neuronales

Au début je me suis montré réticent à l'idée d'en prendre car cette expérience psychédélique nous met face aux démons intérieurs que nous avons peur d'affronter: mieux vaut être à jeun au risque d'avoir beaucoup à évacuer. Néanmoins je suis tellement en accord avec moi-même dans ce que je suis et dans ce que je fais (et je n'ai pas eu d'expériences négatives qui m'ait atteint profondément) que je décide de tenter l'aventure à deux reprises. Trop désireux de ressentir la première fois, rien ne se passe.
Lors de ma deuxième séance je me relache et accepte tout ce qui peut se passer. Je sens alors une chaleur d'une intensité et largeur bien définit remonter le long de ma colonne vertébrale. J'accepte de m'abandonner totalement à cette sensation pour l'accueillir sans jugement ou appriori.
Ce fut une expérience extraordinaire qui dura près de 4h. Elle est toutefois très difficile à expliquer: j'étais toujours moi, je pouvais parler et entendre le chant du shaman mais j'étais devenu immatérielle. Mon corps n'existait plus et mez yeux, bien que grands ouverts, ne voyaient pas le toit en chaume au-dessus de moi mais autre chose qui n'existe pas dans nos trois dimensions. Je pouvais sentir et toucher ce qui m'entourait à des dizaines de mètres mais aussi dans des dimensions non physiques. Des larmes coulaient de mes yeux en continue et j'étais dans un état de béatitude et de reconnaissance total. C'est la seul fois que j'ai pris de l'ayahuasca et je suis content de l'avoir fait à un moment où je ne pouvais pas être plus en résonnance avec moi-même.

Une Famille de coeur

Après avoir passé une bonne semaine dans la tribu Shipibo, je quitte Christelle et commence mon propre voyage. À Huanuco un spectacle prend place. Je m'arrête une bonne heure avant de partir lorsque deux jeunes danseurs s'approchent de moi. "Où vas-tu comme ça?" me dis l'un d'entre eux. Lorsque je leur explique ce que je fais au Pérou, il me rétorque "cette nuit tu ne dormiras pas dans ta tente mon ami, tu es notre invité".

C'est ainsi que je rencontrerai la famille d'Estenio. Nous seulement il m'hébergera, mais en plus il communiquera auprès des radios locales un message bienveillant visant à m'aider à trouver des gens chez qui rester le long de mon périple sur l'altiplano. Malgré de nombreuses sauvegardes j'ai tout de même réussi à perdre ce message qui en dit long sur la bienveillance de ce peuple.

Mon premier Trek au Pérou: la Cordillère Huayhuash

Je ne le saurai qu'après mais la Cordillèra Huayhuash (moins connu et plus difficile d'accès que la cordillèra Bianca) fut le lieu d'une tragédie pour deux alpinistes lors de la redescente du Siula Grande.  Heureusement l'histoire se terminera bien et je vous invite à lire ou regarder
"La mort suspendue".

Cela fait 2 semaines que j'évolue au-dessus de 3000m d'altitude. Les gestes sont à présent plus difficiles à réaliser. Lors de nos échanges avec Estenio celui-ci m'a évoqué les montagnes au-delà de Queropalca. En jetant un oeil sur Orux Maps, je découvre des courbes de niveaux qui s'enchaînent jusqu'à 6635m. Ce serait dommage de passer à côté d'un tel gigantisme!

Je vois qu'il existe un itinéraire pour s'approcher de ces géants tout en prenant graduellement de l'altitude pendant 6 jours. Découvrez le récit de cette expérience.

En me reconnectant à la nature un autre phénomène se passe: mes trippes me disent de tirer profit de mon expérience acquise et de monter ma propre entreprise. Déja ressentie en Nouvelle-Zélande, cette sensation me secoue litéralement à présent au point de dire à voix haute "Ok ok, je vais le faire, je vais le faire".

Deux sites archéologiques reliés par un ancien sentier Inca

Se laisser porter par les rencontres permet tellement plus de choses que si j'avais préparé mon séjour! Décidé à parcourir cet ancien itinéraire faisant la liaison entre le site du Choquequirao et le Machu Picchu,  je fais la renconre d'Eddu dans le collectivo. Il part retrouvé son ami Jonas à Cachora afin de l'amener sur le premier site qu'il connait déjà. Mon projet lui semble ambitieux mais j'ai de la chance lorsque je parle au premier gardien de mon projet: un couple d'Australiens avec un guide local se trouve à une journée d'avance. C'est décidé, je vais les rattraper et me joindre à eux.

l'inconnu comme moteur 

Depuis mes périples VTT en Nouvelle-Zélande et en Tasmanie, je n'ai plus ressenti l'éventail d'émotions que procure la vulnérabilité. C'est peut-être la plus grande découverte que j'ai faite pendant mes différents voyages. Au lieu d'être dans le standard occidental enseigné depuis l'enfance (tout ce qui se trouve dans la colonne "Reassuring" du tableau à gauche), mes choix furent motivés par tout les mots se trouvant dans la colonne de droite.


En se dénudant de tout ce qui nous protège on découvre tout le bien que l'humanité peu choisir de faire. On se rend vite compte qu'en collaborant, les limites s'effacent et le résultat devient nettement supérieur à ce que nous aurions accompli seul.
Plus nous restons dans la colonne de gauche, plus nous nous enfermons sur nous-même et moins nous élevons notre conscience vers ce qui compte vraiment.

Cuzco et les fortifications Incas

Cuzco et ses villages environnants sont le dernier lieu de bataille entre les Incas et les Conquistadors. Lorsqu'on réalise l'agressivité de nos ancêtres depuis des milliers d'années pour tout un tas de motifs "nobles", je ne comprends toujours pas que nos "élites mondiales" actuelles continuent à déposséder et à détruire plutôt que de mettre en commun nos savoir et nos ressources...est ce qu'un jour nous parviendrons à n'être qu'un à l'image de notre planète plutôt qu'une multitude de pays divisés cherchant toujours à tirer profit de l'autre ou d'une situation?

Arequipa, El Misti et le Canyon de Colca

Arequipa sera mon dernier arrêt au Pérou avant de me rendre en Bolivie. La ville est incroyable de part son architecture avec ses pierres blanches, mais aussi de part sa géomorphie avec 3 volcans à proximité: Chachani, El Misti et le Pichu Pichu.

Un mal aiguë des montagnes au niveau du cratère du Misti me poussera à remettre en cause les raisons pour lesquelles je voyage: je crois que je n'y trouve plus de sens et l'absence de partenaire d'aventure digne de ce nom m'atteint plus profondément. Fort heureusement Roy (le fils de la personne qui m'héberge) organise les trajets aériens pour les agences de voyages. Dans le doute je prends un billet A/R open valable 1 an si je souhaite revenir car pour 500€, pourquoi se priver?

Mon avion est prévu depuis Lima dans deux semaines: cela me laisse le temps de découvrir le canyon de Colca et d'obtenir mon billet d'avion dont certains aspects me semblent étranges. Un présentiment me poussera quand même à rencontrer les hôtesses avant le départ et je fais bien: je n'apparais nul part sur la liste des passagers car mon billet est encore en catégorie "open". Une petite bidouille dans le système informatique et tout rentre merveilleusement dans l'ordre. Après une escale de 12h à Toronto où je rédige mes récits de voyages entrecoupé de film, je rentre sur Paris. J'ai une idée en tête pour la suite des évènements: il faut que je concrétise un ressenti puissant...

Revenir à la réalité après 27 mois de voyage?

Je ne le cache pas, il est très difficile de revenir vivre dans un cadre possédant autant de règles et lenteurs administratives que la France.

Le côté raleur du français n'est hélas pas un mythe et je redécouvre que quelque soit le cadre, il y a toujours quelque chose à dénigrer...
Mon amour de la montagne prend définitivement le dessus sur le pays Basque et c'est sans aucun regret que je le quitte. En lieu et place du Sud-Ouest le hasard m'envoie du côté opposé, proche des frontières Suisses et Italiennes: Chamonix Mont-Blanc.

Le terrain de jeu est immense de 600 à 4805m d'altitude. D'ailleurs je ne suis jamais allé au-delà de l'altitude de l'Aiguille du Midi (3872m).
Je n'ai aucune honte à ne pas ressentir d'appel pour la haute-montagne. Ce n'est pas mon monde. Je ne sais pas pourquoi tant de touristes me demandent si je l'ai fait, il y a tellement de choses à faire! Depuis 2016 je ne suis toujours pas allé explorer le Nord des Aravis, ou encore les Bauges et le massif des Bornes entre La Clusaz et Annecy.

Les deux freins pour vivre dans le 74 (notamment en station) sont  le choix du métier et le prix de l'immobilier. Ceux ne sont pas de petits freins et beaucoup de personnes quittent les lieux à contre-coeur tant il est difficile de gagner sa vie pour se loger. Le prix du mètre carré avoisine celui de certains arrondissements de Paris (13000€/M2 à Chamonix) et les seuls emplois locaux sont majoritairement les métiers du tourisme et l'industrie du décoletage... à moins de faire des heures de voitures pour travailler à Genève et multiplier son salaire par trois.

Dans mon cas j'ai composé autrement. J'ai tout d'abord trouvé en décembre 2015 une collocation peu cher (800€ /mois) dans laquelle j'ai transformé le salon et canapé en chambre. A trois, le prix devient imbattable! Dans le même temps j'ai abandonné l'idée de devenir responsable développement produit Trekking ou VTT pour m'orienter vers l'encadrement en moyenne montagne et en VTT, tout en ayant deux activités salariées saisonnières (Remontées Mécaniques et Mécanicien cycles).
Après 4 ans d'économie et 3 ans en CDD avec les mêmes employeurs, je parviens à acheter un bel appartement dans le village voisin de Saint-Gervais les Bains... juste avant le COVID. Un sacré coup de chance car aujourd'hui j'aurai des difficulté à acheter le bien dans lequel je vis tant la destination montagne a gagné en intérêt avec l'arrivée de la fibre et du télétravail... mais peu importe.

Aujourd'hui je suis bien établi et j'ai trouvé le compromis dont jai toujours rêvé:

Me voici à présent de l'autre côté du voyage: je ne pars plus à la rencontre des gens mais je m'intéresse aux gens venu découvrir mon foyer. Et vue le cadre, c'est plutôt une sacrée veine!